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Contes d'ici et d'ailleurs

Démarré par bunni, 18 Septembre 2012 à 00:22:36

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bunni


Le petit lutin aux légumes magiques


Il était une fois, un petit lutin farfelu qui cultivait des légumes. C'était un lutin très proche de la nature, qui adorait les plantes et prenait un malin plaisir à les regarder pousser. Ses légumes n'étaient pas des légumes comme les autres, c'étaient des légumes magiques.

Chaque légume avait des propriétés magiques différentes: le chou fleur magique aidait à se détendre, l'artichaut magique vous donnait du tonus, la pomme de terre magique vous mettait de bonne humeur...
La spécialité de notre petit lutin, était de concocter une bonne grosse soupe avec tout ses légumes. Dans son chaudron, la soupe magique mitonnait doucement...
Tous les lutins de la forêt étaient invités à partager ce breuvage avec lui, le soir au coin du feu. C'était une soupe merveilleuse, qui les transportait de joie. Ainsi, les lutins vivaient heureux et paisibles.

Un jour, la sorcière de la forêt voisine en eût marre de toute cette joie et cette sérénité qui régnait chez les lutins. Elle trouvait ça répugnant! Elle déclara qu'elle répandrait tristesse et désolation dans la communauté des lutins. Elle se mit donc à cultiver des légumes de tristesse. Elle prit grand soin de leur  faire la grimace tout les jours, pour qu'ils soient les plus laids possible. Ensuite, elle fabriqua une soupe identique à celle du lutin farfelu et entreprit d'échanger la soupe des lutins par sa préparation machiavélique. Elle se déguisa en lutine et cacha sa soupe dans un coin de la forêt, près du festin des lutins. Elle profita d'un moment d'inattention  pour subtiliser le précieux breuvage et déposa sa soupe de tristesse.

Comme à leur habitude, les lutins festoyèrent et burent de grands bols de soupe... Bientôt ils devinrent tristes, ils se plaignaient, gémissaient, n'étaient vraiment pas contents. ils déprimaient et commencèrent à se chamailler pour un rien. Le chaos était en train de s'installer. La petite sorcière se frotta les mains et rentra chez elle sans prendre soin de se cacher. Elle se frottait les mains de la réussite de son larcin et de toute cette pagaille qu'elle avait provoquée chez les lutins.

C'était sans compter sur la malice du petit lutin farfelu qui l'avait aperçue lors de son départ. il n'avait pas eu le temps d'absorber la soupe maléfique et décida de suivre la sorcière et de lui jouer, à son tour, un mauvais tour. Il cuisina sa meilleure soupe de joie et attendit que la sorcière se mette au lit. Là, il introduit sa soupe dans le garde manger de la sorcière, se cacha dans un coin et attendit.

Le lendemain matin, la sorcière se réveilla de méchante humeur, comme chaque matin. Elle décida, comme à son habitude, de boire un peu de soupe de désolation pour entretenir sa mauvaise humeur quotidienne. Elle réchauffa un bol et le dégusta tranquillement accompagné de sa boisson préférée, le jus de bave d'escargot. Sans le savoir, la soupe qu'elle venait d'avaler était la soupe de joie du lutin farfelu et la potion ne perdit pas de temps à faire effet.

La sorcière se mit à sourire.
-Horreur, se dit elle, moi sourire? quelle abomination! Jamais une sorcière telle que moi ne sourit! Je ne suis que désolation, orgueil et mépris...
Soudain, elle se mit à éclater de rire, puis un fou rire interminable lui vint. Elle ressentait toute cette joie que la soupe du lutin procure et en était affligée, horrifiée, c'était pour elle insupportable. Le petit lutin, tapi dans un coin de la chaumière de la sorcière, se réjouissait de l'effet obtenu. Il sortit de sa cachette et parla à la sorcière, désormais inoffensive
-Tel est pris qui croyait prendre, madame la sorcière, cette soupe a des effets permanents dans notre forêt, j'espère que vous en apprécierez les bénéfices...
La sorcière, dégoûtée de toute cette joie, prit ses jambes à son cou et s'enfuit à tout jamais de la forêt. Plus jamais elle n'y remettrait les pieds, c'était trop horrible pour elle de se sentir si gaie.

Le lutin retourna auprès des siens et leur mitonna une soupe si bonne et si magique qu'elle dissipa illico les effets de la pauvre soupe de la sorcière. La communauté lutin retrouve son équilibre et décida d'organiser une grande fête chaque année en l'honneur du départ de la sorcière.

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Pourquoi les perroquets parlent-ils

Il fut un temps ou les perroquets ne parlaient pas. Vous avez bien entendu, ils ne parlaient pas, ni l'ara ni le cacatoès, ni la perruche. Tous désirèrent ardemment pouvoir communiquer.L'ara pensait que cela pourrait l'aider à négocier avec ses prédateurs. Le cacatoès pensait qu'il pourrait attirer les insectes avec ses chansons pour les manger et la perruche qu'elle serait la plus privilégiée des oiseaux et pourrait s'approcher de l'homme. La tristesse règnait sur le royaume des perroquets et le chagrin les ennuyait.
Un jour, les perroquets se réunirent. Un ara fit une proposition avec des gestes:
-Nous devons parler, car cela nous sera bien utile pour ne pas poser de problèmes aux générations des perroquets. Je propose qu'on aille travailler chez le roi Paon. J'ai entendu qu'il était en train de fabriquer une potion magique de la parole. Nous avons le plus beau plumage de la Terre, ce qui nous manque c'est la parole, nous serons les meilleurs et les plus distingués.
Les perroquets approuvèrent l'idée de l'ara qui proposa avec des gestes:
-Allons au palais du Paon.
Le roi Paon accepta la demande des perroquets. Durant la période ou ils travaillèrent comme esclaves, il les écrasa de sa supériorité et les tortura à la moindre faute. Les perroquets continuèrent à travailler discrètrement sous la férule du Paon, qu'ils haïssaient de plus en plus. Les jours passèrent, les perroquets réussirent à se faufiler parmi les gardiens et volèrent la potion préparée par le Paon. Ils se réunirent en secret.
-C'est une faveur céleste qui nous a réuni aujourd'hui, alors buvons la potion. Il distribua la potion à chacun et plusieurs goûtèrent . L'ara eut la potion qui donnait une voix aigüe. Le cacatoès, la rauque. L'amazone, la subtile. La perruche la voix très bizarre et drôle. Les perroquets n'aimaient guère leur voix . Ils commencèrent à se chipoter et à se disputer.
-Moi, je veux la plus subtile, cria l'ara.
-Moi, la rauque hurla l'amazone en essayant d'imiter une voix rauque.
-Moi, la plus drôle, répliqua le cacatoès
-Moi, la plus aigüe, ajouta la perruche.
Finalement, ils se mirent d'accord et chacun eut ce qu'il voulut, l'ara eut une voix très douce. L'amazone reçut la voix rauque. La perruche celle très aigüe et le cacatoès la plus drôle. Et ils commencèrent de parler sans arrêt avec leur bec crochu. Ensuite, ils s'organisèrent et s'enfuirent. Le Paon découvrit le mal fait par les perroquets.Fou de rage, il envoya ses services secrets à leur poursuite.
C'est ainsi que depuis ce jour  les perroquets parlent mais un peu trop. Ils émigrent de Pays en pays pour fuir le dangereux Paon.

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Le secret de la petite chenille

Il était une fois une petite chenille qui vivait dans une prairie remplie de fleurs multicolores. Elle était bien jolie cette petite chenille, toute vêtue de vert avec des tas de petites pattes. Elle aimait se promener parmi les fleurs au creux de leur pollen bien au chaud.

Comme elle était très gentille, elle avait des tas d'amis : d'abord les abeilles qui butinaient sans cesse, puis les escargots qu'elle croisait souvent en chemin avec quelques limaces de passage et même son cousin le mille pattes. Avec tant d'amis, elle aurait pu passer la plupart de son temps à s'amuser, mais la petite chenille préférait, à tant d'agitation, s'isoler un peu à l'abri et grimper sur la tige de la plus jolie des fleurs et rêvasser.

Elle songeait aux jolis papillons qui virevoltaient autour des fleurs, les caressant de leurs ailes de soie couleur azur, arc-en-ciel ou or. Elle restait, quant à elle, collée sur sa tige regardant avec envie les jolis papillons qui parfois se posaient délicatement près d'elle.

Un beau jour, elle eut assez de courage pour adresser la parole à l'un d'eux :
-Oh ! Monsieur Papillon, comme vous êtes beau. Vos ailes sont magnifiques !
-Merci, petite chenille. Moi aussi, je les trouve magnifiques.
Puis enflé d'orgueil, le papillon s'envola.

Eblouie d'avoir parlé à ce merveilleux papillon, la petite chenille continua à se lamenter doucement.
-Pourquoi ne suis-je pas un merveilleux papillon ? Pourquoi devrais-je toute ma vie ramper au sol, les yeux vers le ciel. Jamais je n'aurai des ailes de soie, jamais je ne pourrai voler, légère comme une feuille !, dit-elle en sanglotant.

Son cousin le mille-pattes qui passait par là, lui demanda alors :
-Petite chenille, pourquoi pleures-tu si fort en faisant frémir cette jolie fleur ?
-Ce n'est rien, c'est mon secret, rétorqua la petite chenille dans un sanglot.
Et le mille-pattes s'en alla raconter à toute la prairie que sa cousine la petite chenille avait un secret.

Jour après jour, tous les habitants de la prairie se rendirent chez la petite chenille. Ils voulaient essayer de découvrir quel secret elle gardait si précieusement au point qu'elle ne voulait même pas le confier à son cousin. Ca devait être quelque chose de très important et de très grave. La petite chenille reçut tout le monde cordialement mais ne dévoila pas un mot de son secret à ses amis les insectes qui commencèrent à s'interroger.
-Son secret ? Je le connais !, s'exclama fièrement l'abeille. Elle a ramassé tellement de pollen qu'elle doit le cacher dans un trou sous la terre. C'est son trésor, personne ne doit le savoir.
-Mais non, répliqua l'escargot, "ce sont des feuilles de salade qu'elle a cachées dans son trou !
-Pas du tout, répondit le mille-pattes son cousin. Son secret, c'est qu'elle est amoureuse du ver de terre et qu'ils vont se marier au printemps prochain, clôtura-t-il avec autorité.
Comme il était de la famille, personne n'osa le contredire et tout le monde tomba d'accord sur le fait que le secret si bien gardé était le mariage de la petite chenille qui se profilait à l'horizon.

Quelques temps plus tard, la petite chenille tomba très gravement malade.
-La gloutonne, s'exclama la limace. Elle a mangé trop de feuilles.
-Mais non, elle est malade d'amour, répliqua l'abeille romantique qui passait par là. Elle se laisse mourir de faim, de soif et de chagrin.
-Alors, s'écrièrent les autres insectes, il n'y aura ni mariage ni fête ?
-Et non, malheureusement ! Déclara le mille-pattes. Ecoutez mes amis, j'ai une idée. Peut-être que si nous allions la voir, elle daignerait sortir de son cocon ? Proposa-t-il.
-D'accord, allons-y ! S'écrièrent les insectes en se mettant en route.
En arrivant près de l'arbre où la petite chenille s'était cachée, suspendue dans un cocon, ils s'écrièrent en chœur.
-Chenille, Chenillette, c'est nous tes amis. Sors de ton cocon et viens voir la vie !

Mais la petite chenille dans son cocon ne les entendit même pas. Au bout de plusieurs jours, son cousin le mille-pattes fit une découverte macabre... Il découvrit la peau de la petite chenille.
-Au secours, hurla-t-il, en pressant contre lui la sinistre dépouille. Mes amis, mes amis, venez vite, elle est morte ! Voilà ce qu'il en reste.

A ces cris, tous les insectes accoururent.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi cries-tu ainsi ?, demandèrent les insectes en chœur.
-Ma cousine est morte, déclara le mille-pattes, en montrant la peau de la petite chenille.
Il y eut un frisson d'horreur parmi les insectes qui restèrent pétrifiés, comme frappés par la foudre.

C'est alors qu'un papillon magnifique aux ailes de soie multicolores se posa doucement sur le sol tout près du
mille-pattes.
-Eh, gentil cousin, me reconnais-tu ?, lança le papillon.

Le mille-pattes frotta ses yeux plein de larmes :
-Est-ce toi Chenillette ?
-Bien sûr que c'est moi. Après ma terrible maladie qui dura plusieurs jours, j'ai quitté ma vieille peau en la faisant glisser en bas de cet arbre afin de déployer et sécher mes ailes. Je suis alors devenu un véritable papillon.
-Alors tu ne seras plus jamais chenille ?
-Je suis un papillon pour toujours. J'en ai toujours rêvé, là était mon secret... J'avais peur que vous le trouviez ridicule.
-Avec tes longues jambes effilées, tu ressembles à une danseuse ou à une araignée, s'écria la limace avec gaieté.
-Oh mais je serai toujours la même, je serai toujours votre amie.
-Alors maintenant, nous pourrons faire la course et butiner ensemble, déclara l'abeille ravie.
Et le nouveau papillon s' élança vers le ciel suivi de son amie l'abeille.

-Et moi ?, s'écria le ver de terre tristement. Avec qui me marierai-je à présent ?
-Avec elle, si par hasard, il te pousse des ailes, répondirent tous les insectes en éclatant de rire !
Et ce fut le tour du ver de terre de regarder vers le ciel.
Là-haut virevoltait joyeusement un cœur de chenille dans un corps de papillon.

bunni


L'ami pommier

Au sortir de la ville, dans une vieille maison timidement cachée au fond d'un beau jardin, vivait jadis un homme qui avait de bons yeux rieurs derrière ses petites lunettes rondes, et un air doux comme un mouton sous sa toison de boucles brunes.

Il s'appelait François. Chaque matin, en se levant, François contemplait son arbre : un magnifique pommier qui poussait sous ses fenêtres. Rien qu'à le voir, si grand, si beau, il était heureux. Et chaque soir, en rentrant du travail, il passait des heures à regarder les oiseaux qui nichaient dans son feuillage.

Car on ne s'ennuie pas à regarder les arbres : certains sont même de véritables magiciens. Au printemps, ils disparaissent sous un grand manteau de fleurs où butinent les abeilles. Au plus chaud de l'été, ils offrent leur ombre fraîche à tous ceux qui, le visage en feu, fuient le soleil brûlant.

Puis, quand vient l'automne, ils lancent à la volée des gerbes de feuilles jaunes, rouges ou rousses qu'un vent fougueux éparpille au loin sur les trottoirs et les pavés... jusqu' à ce que l'hiver habille les champs d'un manteau de neige.

François aimait son arbre depuis toujours. Quand il était petit, il grimpait souvent dans ses branches et y restait caché lorsque sa maman l'appelait pour le dîner. Et maintenait qu'il avait grandi, le seul fait de l'admirer lui procurait toujours autant de joie. Il ne lui fallait rien de plus pour être heureux. Parfois, quelqu'un s'arrêtait derrière la clôture — le plus souvent un homme, ou une femme avec un enfant — et il les entendait dire : « Regarde, le bel arbre ! » Mais la plupart des gens, trop pressés, passaient sans le voir.

Les années passèrent.

François avait vieilli. De profonds sillons creusaient à présent son visage, et ses cheveux d'abord grisonnants, puis blancs, avaient fini par se clairsemer, emportés par le temps comme les feuilles par le vent. Seule sa barbe avait poussé, telle une longue écharpe de laine blanche. François était cependant toujours aussi heureux et ne se lassait pas d'observer son arbre et les oiseaux.

S'il lui arrivait de surprendre des enfants en train de lui chiper des pommes, il riait de bon cœur en disant :

« Les fruits volés sont toujours les meilleurs, pas vrai ? »

Sur quoi les coupables, gênés, s'enfuyaient à toutes jambes.

Mais un jour, un terrible malheur arriva. L'automne était de retour et un vent furieux faisait claquer les volets et voltiger les feuilles. Au-dessus des collines voisines, les nuages noirs semblaient si menaçants que chacun s'était empressé de rentrer chez soi. François ferma lui aussi sa fenêtre au premier éclair, mais il resta dans la pénombre à observer l'orage.

Bientôt, d'énormes gouttes vinrent s'écraser contre la vitre, et l'averse s'abattit avec une telle force sur la petite ville qu'on eût dit qu'une main furieuse déversait sur elle un gigantesque tonneau. Déchiré d'éclairs, le ciel d'encre résonnait de coups de tonnerre, de plus en plus proches, de plus en plus violents.

Et soudain, le cœur de François cessa de battre : dans un vacarme assourdissant, la foudre venait de tomber sur son pommier ! Sous ses yeux, le tronc se fendit dans un long craquement.

Puis la pluie vint laver sa blessure.

Quand l'orage s'éloigna, il laissa derrière lui un bien triste spectacle. Le pommier, jadis si beau, était là, tout pantelant, plus biscornu encore que la vieille maison. Du haut des branches jusqu'aux racines, une longue cicatrice entaillait le tronc.

« Ça fait mal, je sais », murmura François pour le consoler, tout en caressant l'écorce calcinée. L'arbre gémissait à voix basse. Et si les hommes savaient que les arbres pleurent, eux aussi, François aurait sans doute remarqué les perles d'eau qui scintillaient le long du tronc.

Le printemps suivant fut chaud et ensoleillé. Les oiseaux chantaient à tue-tête. Seule sur le ciel bleu, se détachait la triste silhouette sombre et noueuse du pommier. Des feuilles minuscules avaient bien repoussé sur ses branches, çà et là, ainsi que quelques fleurs dans lesquelles butinaient les abeilles comme autrefois.

Mais l'arbre avait beau faire, il n'avait plus la force de retrouver sa beauté d'antan. Sa plaie béante le faisait souffrir dès qu'un rayon de soleil l'effleurait ou que le temps changeait.

Mais ce n'était pas le pire...

Ces derniers temps, les gens qui passaient s'arrêtaient souvent pour le regarder et, l'air dédaigneux, le traitaient d'horreur ou bien d'affreux épouvantail.

« C'est une honte, il faut l'abattre ! » lança un jour une femme. Et quelqu'un renchérit, disant qu'il serait temps de le remplacer par un parking ou un joli gazon.

Plus triste de jour en jour, l'arbre arrosait tant de ses larmes les quelques fleurs qui lui restaient qu'elles fanèrent plus vite encore. François était furieux d'entendre les gens parler ainsi.

Il aimait son arbre tel qu'il était et, chaque soir, allait caresser son écorce tout en guettant le chant des oiseaux dans ses branches mortes.

« Allez-vous-en ! » criait-il parfois, hors de lui, en chassant les mauvaises langues à grands coups de balai. Mais en vain. Le lendemain, d'autres passants s'arrêtaient et le critiquaient de plus belle.

Alors un jour, François se décida.

De bon matin, il partit sur son vieux vélo rouillé, souriant si gaiement en pédalant que ses voisins s'en étonnèrent. Quelques heures plus tard, il revint chargé d'un gros paquet qu'il déposa au jardin. Puis il alla chercher sa pelle et se mit à creuser avec ardeur au pied du pommier, ne s'arrêtant pour se reposer que lorsque le trou fut bien profond. Et dans ce trou, François planta un tout jeune pommier qui arrivait à peine à la hauteur de sa barbe blanche.

Il s'est enfin décidé à arracher ce vieil arbre ! se dirent les gens.

Mais François se contenta de sourire. Il recouvrit les racines du petit arbre, l'arrosa avec soin, et alla ranger sa pelle.

Beaucoup d'années se sont écoulées : des printemps, des étés, des automnes et des hivers, les uns après les autres. François était devenu un vieux voûté et passait le plus clair de son temps assis à la fenêtre, le sourire aux lèvres.

Au jardin, le petit pommier était devenu un arbre splendide qui portait tant de fruits que François ne pouvait plus les manger tout seul.

Et le vieil arbre était toujours là, lui aussi, tout contre lui.

Soutenu par les branches vigoureuses de son jeune voisin, il vivait là des jours heureux, paisible et tranquille.

Chaque année, il voyait avec joie renaître quelques feuilles et des fleures sur ses branches. Et il riait en secret quand un enfant, de temps à autre, volait aussi l'une de ses rares pommes qu'il lui restait.

La plupart des gens, toujours pressés, passaient sans les voir. Mais parfois, quelqu'un s'arrêtait et les contemplait longuement, tous les deux.

Un soir d'automne, le vieil arbre sentit soudain une main amie sur son écorce rugueuse. Le vieux François était venu le voir sans bruit. Tout bas, il lui parla.

Alors, en silence, l'arbre inclina ses branches. Lui aussi l'avait senti : l'hiver approchait. Il était temps de se reposer.

Tandis que les premiers flocons voltigeaient aux fenêtres et que François s'allongeait bien au chaud dans son lit, le vieil arbre s'assoupit au jardin.

Et les deux amis s'endormirent en rêvant du printemps.

bunni



Conte du Vieux Nénuphar 

Une histoire qui vient du pays des coccinelles


Quand un arbre prend de la hauteur, les mouches volent moins haut et les coccinelles se prennent pour des oiseaux. L'une d'entre elles, une arc-en-ciel à pois bleus, celle que les grenouilles surnomment "Ailes de Saphir", aimait un cerisier. C'était un arbre, tout droit venu d'un amour de jeunesse, d'un temps où il était en graine et où elle était chrysalide. En quelque sorte tous deux étaient encore dans leur cocon quand le vent les poussa l'un vers l'autre. Le fil d'amour que tissent les coccinelles, bien que ténu et invisible, est terriblement solide. Ce fil invisible, et rond, et brillant, et bleu, est si solide que le soleil, quand il joue, s'y pose à califourchon. C'est drôle à voir un soleil posé à califourchon sur un fil d'amour près d'un rossignol qui compose des musiques légères que les petites fleurs apprennent par cœur.
À l'heure d'Adieu Mozart, quand le jour se démaquille pour laisser venir la nuit, le fil reste là bien tendu entre l'arbre et la coccinelle pour que la lune à son tour s'y repose.
Cela continuera tant que la coccinelle aimera l'arbre et tant que l'arbre aimera la coccinelle. Cette coccinelle est reine de son royaume et l'arbre vient du pays des arbres de vie. Cela pourrait durer encore très longtemps si les hommes laissent l'arbre grandir car l'amour a une mémoire d'éléphant. C'est le Vieux Nénuphar qui me conta l'histoire de "Ailes de Saphir" un soir où le vent riait.

bunni


L'arbre à rêves

  Je viens du lointain pays d'un arbre. L'arbre immense abritait des millions de printemps et de feuilles. Chacune était la maison d'une joie, d'un rêve, d'un hibou, d'une famille. Chaque fleur abritait des jours de fête, des rêves de futur, des projets de bonheur. Chaque branche se couvrait de bourgeons aux couleurs vives de l'espoir. Ses branches s'enfonçaient dans le ciel comme l'amour des mères dans les jardins de l'enfance. L'arbre portait des fruits de couleurs et de goûts différents. Immense comme la vie, l'arbre à feuilles émeraude se nourrissait du gazouillis des moineaux, du roucoulement des colombes, des rires d'enfants, et de l'attente des matins nouveaux. Son feuillage bruissait comme le chant des consciences quand les hommes sont en paix. Partout sa sève coulait comme une eau pure irrigant les grands horizons et les prairies du ciel.

         L'arbre grand habitait si près de nous qu'il en était devenu aussi invisible que l'enfance avant que le temps ne l'efface. Trop occupés à nos jeux, à bâtir nos royaumes, nous l'avons négligé, ignoré. Nous l'avons oublié, égaré, perdu dans la grisaille des vieilles mémoires et dans les lointains du temps. Seuls quelques vieux nostalgiques en parlaient encore. Certains d'entre nous l'appelaient l'Arbre de Vie, et d'autres encore l'appelaient l'Arbre à Rêves. En ce pays de l'Arbre, comme à travers les millénaires, les enfants et les fées avaient toujours su que sans rêves et sans espoirs, la vie n'est pas la Vie. Et les poètes savaient que l'on ne peut aller à demain sans ouvrir ses rêves

         Pourtant, le monde avait oublié l'arbre, nul ne l'avait soigné. Le vent de l'habitude s'était installé comme l'indifférence sur un amour oublié. Si bien qu'un jour, comme un enfant abandonné au crépuscule des consciences, un jour, l'arbre renonça à faire printemps. Ses feuilles ne firent plus de rêves, de rires, de joies. Celles à hiboux, à familles comme les fleurs à projets, à bonheur, les bourgeons à futur et les branches à germes d'espoir, tout s'était mis à jaunir. Depuis que les hommes avaient oublié l'arbre à feuilles émeraude, à rêves, à vie, à bonheur pour courir après le temps, depuis qu'ils avaient cessé de le regarder, depuis qu'ils ne prenaient plus le temps d'aimer, depuis qu'ils mangeaient ses fruits sans le soigner, sans le remercier, sans même lui parler, depuis qu'ils se perdaient à compter, depuis qu'ils avaient oublié que ses branches étaient la maison du monde, l'arbre grand était devenu un arbre triste qui appelait l'automne, le tonnerre, les nuages. Son feuillage n'abritait plus de rêves, plus de futur.

         Les hiboux, les familles, les fleurs à projets, celles à bonheur, les maisons du rire, maintenant se cachaient au plus lointain des cœurs, se terraient, apeurés, sous le manteau des guerres. Des épines, une à une, remplaçaient ses feuilles mourantes. La sécheresse partout engloutissait les couleurs de l'espoir. L'arbre à rêves n'était plus. Un arbre à larmes prenait sa place.

         Les fées du rire, des lucioles, des tendresses, les phoques et ours polaires, depuis longtemps, s'alarmaient. Ils savaient que l'indifférence est une petite mort qui, chaque jour un peu plus, blessait l'arbre. Une culture barbare avait conduit les hommes à accumuler à leur seul profit tout ce que l'arbre avait jusque-là prodigué, aux hiboux, aux familles, aux oiseaux, aux fleurs, aux jours de fête, aux rêves de futur, à la diversité, et aux millions de printemps. Les hommes avaient accumulé égoïstement tant et tant de feuilles vert émeraude qu'ils avaient dévasté l'arbre et celui-ci n'en finissait pas de dépérir. La violence, l'apparence, la possession, avaient remplacé l'amour. Les hommes croyaient pouvoir stocker le rêve. Les beaux jours de l'arbre de Vie étaient loin. Les hommes ne savaient plus que le plaisir de partager et de donner était essentiel. L'arbre à rêves allait en mourir. Les fous de justice, plus lucides que les démons de l'intelligence, savaient que le désastre arriverait et jamais ils n'avaient cessé d'affirmer que le rêve est l'oxygène de l'homme. Ils n'avaient jamais cessé de prédire que lorsque les feuilles de l'arbre seraient mortes, l'hiver de l'homme engloutirait la vie, toutes les vies. Et qu'alors viendrait l'heure du désert.

         Mais les hommes ne voulaient rien changer, ils voulaient de plus en plus de petites feuilles vertes. Comme des oiseaux à tête de crocodile, ils mangeaient l'espoir et le futur, se gavaient de chiffres, remplissaient sans cesse les besaces de l'avidité et se paraient d'apparences. Comme de grands rapaces, ils se pavanaient sur les restes de l'Arbre. Ils pillaient, brûlaient les graines du dernier espoir. À coup de haches ils élaguaient le futur.

         Il y a longtemps, je voulais des enfants, du ciel et des chansons sous l'Arbre à Rêves. Il y a longtemps, j'ai habité au pays d'un arbre vert. L'Arbre savait que les enfants sont les graines de l'espoir, l'Arbre savait que les enfants sans rêves n'ont pas de futur. Il y a longtemps j'ai pris mon silence et mes mots pour implorer les fées et les démons, les dieux parjures et les présidents. D'un bouquet de mots simples, je voulais affirmer que chacun de nous peut aimer plus grand que lui. Je voulais clamer que ce qui blesse la terre, le rêve, l'utopie, blesse l'enfance et tue l'Arbre de Vie.

         Encore aujourd'hui, je veux dire : amis, en chacun de nous sommeille une petite graine d'amour à faire germer pour que l'Arbre à Rêves refleurisse.

Jean-Michel Sananès

bunni

#576

La vague et le vent

C'était une belle journée
très loin sur l'océan :
sur un joli nuage
se reposait le vent  .

Il vit une petite vague ,
une vague toute blanche
avec de grands yeux bleus ,
comme les fleurs de pervenche .

Il la trouva si belle
que son cœur se troubla ,
ne pensant plus qu'à elle ,
éperdu il plongea .

Il se mit à souffler ...
tout en venant vers elle
son cœur battait très fort
d'une ardeur nouvelle .

La vague grossit un peu
et roula sur elle - même ,
poursuivant son chemin ,
insouciante et cruelle .

Le vent souffla plus fort ,
alors la vague grossit ,
roula et culbuta ,
et , joyeuse , elle rit .

La voyant s'amuser
le vent souffla très fort ,
quelque peu énervé ...
la vague grossit encore .

Sans regarder le vent
elle ne cessa de rire ,
jeta de l'eau partout
dans un joyeux délire .

Là  le vent se fâcha ,
de toutes ses forces souffla .
La vague devint montagne ,
et , toute heureuse dansa .

Jeté hors de lui - même
s'exaspéra le vent ,
et furieux à l'extrême
il devint ouragan .

La vague comme une folle ,
croyant avoir des ailes ,
déploya sa corolle
et bondit vers le ciel .

Le vent lui dit alors :
pourquoi ne vois - tu pas
que c'est pour que tu m'aimes
que moi je fais tout ça ?

La vague lui répondit :
il faut que je te dise  ,
il aurait bien suffit
d'une petite bise .

bunni


Le lion et le hérisson

Cette année-là, au pays des animaux, il ne tomba pas une seule goutte de pluie. Et pour ne rien arranger, les criquets étaient venus dévorer le peu de végétation qui avait poussé. Le lion, leur roi, les convoqua dans son palais et leur tint ce discours :
« Chers sujets, comme vous le savez tous, il n'est pas tombé une seule goutte de pluie dans notre pays. Il n'y a pas de nourriture. Aussi, moi, votre roi, le roi de tous les animaux, je décrète :
Article 1 : Que personne ne vienne me demander à manger. Car je n'ai rien.
Article 2 : Que chacun se débrouille comme il peut.
Article 3 : Dispersez-vous ! »

Les animaux se dispersèrent, chacun allant de son côté. Mais avant, le cheval dit :
« Moi, je vais rejoindre les hommes au village. Ces petits êtres à deux pattes sont intelligents et ingénieux. En échange de mes services, ils me donneront à boire et à manger ».

Il gagna le village en galopant. Il devint ainsi un animal domestique. L'âne, le mouton, le dromadaire, bref, tous les animaux aujourd'hui domestiques dirent la même chose et rejoignirent les hommes au village.

Mais l'hyène, après mure réflexion, trouva que c'était vrai que ces petits êtres bizarres qui marchaient à deux pattes étaient intelligents et inventifs, mais qu'ils possédaient un bâton, long, très long, qui crachait du feu ! Elle, l'hyène, par prudence, allait attendre un peu et se débrouiller dans la brousse ! Le lion lui donna raison. La girafe et l'éléphant lui donnèrent raison. Même le petit hérisson trouva que l'hyène avait totalement raison. Parce que prudence est mère de sûreté ! Tous les animaux aujourd'hui encore sauvages donnèrent raison à l'hyène et préférèrent mourir de faim que de rôtir au fond d'une casserole ! Ils s'enfoncèrent davantage dans la forêt.

Le petit hérisson, qui errait seul dans la brousse vit un arbre à samba, couvert de fruit murs et délicieux. Il monta sur l'arbre et commença à manger. Vint le lion qui le vit sur l'arbre. Le lion lui demanda de lui envoyer quelques fruits. C'était vrai que lui, le roi de tous les animaux, il avait imposé à chacun de se débrouiller tout seul. Mais cela faisait trois jours qu'il n'avait rien mis sous la dent. Le hérisson lui envoya un premier fruit. Il le mangea. Hum ! C'était délicieux. Il envoya un deuxième fruit. Le lion le mangea. Mais le troisième fruit vint frapper le lion sur son museau royal ! « A moi ça ? A moi, petit hérisson, rugit le lion. Malheur à toi ! Grand grand malheur à toi si tu descends ! »

Le petit hérisson resta dans l'arbre. Il pleurait. Il se lamentait. Quelques temps après, arriva l'hyène. Elle vit le petit hérisson en train de pleurer abondamment. Elle eut pitié et dit :
« Petit hérisson, que t'est-il arrivé ? Ton arbre est plein de fruits. Il faut manger au lieu de pleurer ! »
En réponse le petit hérisson chanta :
« Tout à l'heure, le lion a dit que chacun devait se débrouiller comme il pouvait. Mais voici ce même lion qui vient me demander des fruits. Le fruit est tombé sur le museau, et il m'a dit : Malheur à toi. Grand grand malheur à toi petit hérisson ! »

L'hyène n'avait pas vu le lion. Quand elle le vit et que le lion la menaça de son regard furibond, elle s'enfuit en disant : « Eh bien, malheur à toi ! Grand grand malheur à toi petit hérisson ! »

La grande girafe au long cou, la girafe elle aussi passait par là. Quand elle vit le petit hérisson en train de pleurer dans les branches de l'arbre à samba, elle eut pitié et lui en demanda la raison. Mais quand la raison lui fut expliquée et qu'elle eut vu le lion au pied de l'arbre, elle s'enfuit en criant « Eh bien, malheur à toi ! Grand grand malheur à toi petit hérisson ! »

Le buffle arriva et dit la même chose. Même le grand éléphant dit la même chose. Tout le monde dit la même chose. Tout le monde ? Non.
Le petit lièvre arriva sur son cheval, en fait, un grand coq qui galopait en chantant :
« La vérité, rien que la vérité et toujours la vérité ! »

Le petit lièvre vit le petit hérisson au sommet de l'arbre, qui pleurait, pleurait sans s'arrêter. Il lui demanda :
« Que t'arrive-t-il, petit hérisson ? »
Le petit hérisson lui chanta sa petite chanson :
« Tout à l'heure, le lion a dit que chacun devait se débrouiller comme il pouvait. Mais voici ce même lion qui vient me demander des fruits. Le fruit lui est tombé sur le museau, et il m'a dit : Malheur à toi ! Grand grand malheur à toi petit hérisson ! »

Le petit lièvre n'avait pas vu le lion au pied de l'arbre. Quand il le vit et que le lion le menaça de son regard, il lui cria :
« Va-t-en d'ici ! C'est toi même qui a dit que chacun devait se débrouiller comme il pouvait. Tu n'as pas le droit de venir menacer le petit hérisson ».

Le lion bondit pour attraper le petit lièvre. Mais celui-ci se sauva sur son cheval de coq vers le village. Le lion le poursuivit. Mais à l'entrée du village, il y avait, debout derrière un arbre, un homme qui tenait un long bâton. Quand le lion vit cet homme, il retourna dans la brousse. Le petit lièvre entra dans le village et devint le lapin.

bunni

#578

«La petite marguerite qui a vraiment eu du pot !»

C'était une petite marguerite
qui s'appelait Marguerite .

Elle était très timide .
Elle était aussi très jonquille ,
mais , étant très timide ,
elle perdait vite les pétales .

En plus , elle était malade .
Elle se rendit chez le Docteur Bouquet ,
Corolle Bouquet .

-Bonsoir Docteur !
-Bonsoir petite Marguerite !
-Alors que se pistil ?
-Tu as mauvaise étamine !

-J'ai fait des bêtises Docteur ,
et ça me cause des soucis !
-Vase ?
Je te demande chardon ...
Quel genre de bêtises ?
Je me suis myo -sottises !

-Ce n'est pas grave ,Marguerite , c'est de ton âge !
Toutes les petites fleurs font des sottises !

-Ce n'est pas tout Docteur ...!
-Ah bon ... ? ??
-Non , je suis tombée amoureuse de Fan Fan la tulipe
et ça me donne des végétations
puis , quand je mange ,
j'ai du mal à azalée ...
et j'ai les oreilles qui bourgeonnent .

-Ah ça , c'est plus grave dit le Docteur Bouquet ,
je vais devoir t'opérer .
Quelle heure est -il ?

Petite Marguerite répondit :
-Sécateur Docteur .
-Déjà ?
Opérons vite !

Hélas , l'opération rata .
Marguerite fut paralysée dans la fleur de l'âge
et resta planté là ,
comme un légume .

Elle alla porter plainte au commissariat , chez les flicus .
Mais personne ne voulait l'écouter .
On lui répondait sans cesse :
Mademoiselle , il faut accepter les conséquences :
cette opération a été réalisée à vos fleuristes et périls .

Marguerite était très malheureuse .
Elle tentat de mettre fin à ses jours en avalant du désherbant.

Il lui resta pourtant une dernière chance :
la greffe .
Ce fut le Docteur Trémière , Rose Trémière , qui réalisa l'opération .

Et cette dernière réussit parfaitement !
Marguerite était guérie
elle redevint pollen de vie .
Elle pu recommencer à jouer à cache -cache pot
et se maria .

Elle se maria avec Chris , Chris Anthème
qui était terreau .

Et comme Chris Anthème était Angrais
Elle devint Reine d'Angleterre :
« Reine Marguerite d'Angleterre »

Marguerite fut très heureuse
pour des siècles des siècles
et des cycles
amens .


bunni


Camille la chenille et Blaise la punaise

Il était une fois, une chenille prénommée Camille qui était née avec des poils roses. Aucune autre chenille, au pays des insectes ne lui ressemblait. Elles étaient toutes vertes, marron ou parfois jaune. Mais rose! Personne n'avait jamais vu ça...

Le problème pour Camille, c'était qu'elle ne passait jamais inaperçue. Partout où elle allait, tout le monde la remarquait. C'était très difficile pour elle, elle aurait bien aimé ressembler aux autres chenilles et pouvoir être un peu tranquille.

Les autres insectes se moquaient souvent d'elle et ne voulaient pas l'approcher.
-Tu es vilaine, lui disaient-ils, on ne veut pas de toi avec nous.
Camille était toute triste et restait seule dans son coin.


Un jour, elle rencontra Blaise la punaise. Comme Camille, il avait été mis de côté par les autres insectes dès son plus jeune âge.
-Tu sens trop mauvais, lui disaient les autres, on ne veut pas de toi avec nous.
-Je suis une punaise et je suis né comme ça, se défendait Blaise, je n'y peux rien, c'est ma nature qui est ainsi.
Cela ne dérangeait pas Blaise d'être une punaise, il acceptait sa nature et assumait son odeur de punaise. Agacé d'être toujours traité par les autres insectes comme un être répugnant et d'être mis de côté, Blaise était devenu une punaise rebelle. Il avait donc décidé de se faire friser les cheveux pour accentuer encore plus sa différence, et, croyez moi, des punaises aux cheveux frisés, ça ne cours pas les rues au pays des insectes.

Lorsque Blaise rencontra Camille, il fut émerveillé:
-Comme tu es belle! s'exclama-t-il. Enfin je rencontre une insecte pas comme les autres! Comme je suis heureux...
Camille fut surprise par cette punaise étrange. Non seulement il venait lui parler, mais en plus il lui disait qu'elle était belle. Jamais personne, à part sa maman, ne lui avait jamais dit ça. D'habitude les autres insectes la trouvaient hideuse et c'était hors de question de venir lui parler. Blaise la regardait différemment et elle eut envie de découvrir qui il était. En plus, elle aimait bien sa coupe de cheveux. Peut être pourrait-elle se faire friser les poils, elle aussi?

Camille et Blaise apprirent à se connaître, ils avaient beaucoup de points communs et devinrent de très bons amis. Chacun était différent à sa manière, ensemble ils devinrent plus forts et apprirent à affronter le regard des autres sur leurs particularités.

Dans la société insecte, c'était très important d'être comme les autres. Il fallait s'habiller à la dernière mode insecte, posséder le dernier gadget insecte à la mode, regarder les émissions  insectes les plus populaires. Beaucoup de petits insectes faisaient des tas d'efforts, le regard qu'on portait sur eux était essentiel pour se sentir aimé et important.

Camille et Blaise n'avaient pas besoin de se donner toute ce mal, puisque quoi qu'ils fassent, ils étaient différents. Ils avaient inventé leur propre mode et leurs propres activités. Certains insectes les enviaient de cette liberté, mais ils n'osaient pas les approcher, ils avaient bien trop peur de leur différence.

Un jour, ils firent la connaissance de Roger, le scarabée jaune. C'était la coqueluche des autres insectes. Tout le monde l'admirait, avec sa couleur dorée et on se disputait sa compagnie. Il en avait assez, il voulait qu'on le laisse tranquille et avoir d'autres amis.

Il fut accueilli à bras ouverts par Camille et Blaise, heureux de faire sa connaissance. Il s'entendit très vite avec eux. Au moins, eux ne s'intéressaient pas à lui car il était le plus beau, mais juste parce qu'il était Roger. Pour lui c'était vraiment rare.

Emerveillé par ses nouveaux amis, Roger alla trouver les autres insectes.
-Camille et Blaise sont des insectes extraordinaires. Vous devriez les connaître, ce sont de merveilleux amis, leur dit-il.
Certains insectes suivirent Roger, pour lui faire plaisir, mais beaucoup restèrent de côté.
-Beurk! Se disaient ils, comment Roger peut être amis avec des insectes aussi moches et dégoûtants?

Les insectes qui avaient suivi Roger étaient un peu intimidés. Ils avaient peur de Camille et Blaise car ils n'étaient pas comme eux.
-Peut être qu'ils peuvent être méchants avec moi, se disaient certains.
Mais comme Roger avait tellement insisté qu'ils firent un effort et prirent la peine de discuter avec eux. A leur grande surprise, Camille et Blaise étaient de très agréables compagnons. Camille avait une douceur et une gentillesse hors du commun et Blaise un vrai sens de l'humour. Tous les deux étaient d'une générosité et d'une ouverture incroyable. Ils ne jugeaient pas les autres insectes, même s'ils les avaient mis de côté depuis des années. Ils étaient ravis de faire leur connaissance et les acceptaient tels qu'ils étaient.
 
Beaucoup des insectes devinrent leurs amis. Ils furent même soulagés, car, avec eux, ils n'avaient plus besoin de faire tant d'efforts pour être comme les autres et se faire accepter. Certains se firent même friser les cheveux, comme Blaise, car cela leur plaisait bien. D'autres essayèrent de se teindre les poils, pour être un peu comme Camille.

Finalement, même les insectes les plus distants firent la connaissance de Camille et Blaise. Certains se disaient même:
-Comme ils sont gentils tous les deux! Quel dommage de ne pas les avoir connus avant! C'était injuste de les avoir mis de côté sans les connaître.

Tous ensemble, ils avaient appris à ouvrir leur cœur et abandonner leurs peurs pour aller à la rencontre des autres. Ils avaient pu voir qu'il est important de découvrir et accepter la différence, même si ce n'est pas facile. Car derrière chaque insecte, même le plus bizarre, se cachait quelqu'un de chouette qui pouvait être un merveilleux ami.

bunni


La fourmi révolutionnaire

Il était une fois, une petite fourmi comme les autres petites fourmis, qui vivait dans une fourmilière semblable à plein d'autres fourmilières. Elle était ouvrière et chaque jour, œuvrait sans relâche pour rapporter à manger à la colonie de fourmis qu'elle occupait. C'était une fourmi courageuse, car, malgré le froid, le vent, la pluie, elle effectuait son travail sans se plaindre.

Pourtant, elle était souvent fatiguée, elle avait des courbatures de devoir porter ces lourdes charges, qu'elle ramenait à la fourmilière pour nourrir tous ses convives. Elle se serait bien reposée un peu. Alors, elle alla trouver la reine des fourmis pour lui demander une semaine de vacances.

-Comment? S'exclama la reine des fourmis. Des vacances? Vous n'y pensez pas! Comment pourrait-on nourrir toute la fourmilière si des fourmis se mettent à demander des vacances? Enfin, petite ouvrière, vous n'êtes pas raisonnable!
A ses côtés, se trouvait le premier ministre de la reine. C'était la fourmi la plus détestable et désagréable que la fourmilière ait jamais connu. La reine l'avait pris pour conseiller car c'était un beau parleur. Il la flattait toujours sur sa manière de gouverner le royaume des fourmis et la reine en raffolait...
-Vous avez raison votre sainteté, rétorqua le premier ministre. Il est temps de revoir notre politique. Travailler plus pour manger plus, voilà la meilleure attitude pour notre colonie. Nous l'appliquerons dès demain.

La petite fourmi, déçue de cette entrevue, rentra chez elle et raconta cette histoire à ses amies les fourmis.
- Chouette! On va pouvoir manger plus! s'écrièrent les fourmis.
Toute la fourmilière se mit à travailler sans relâche pour appliquer cette nouvelle mesure. Chacune d'entre  elle était ravie, elle pouvait manger à n'en plus finir. Nombreuses se  retrouvaient chaque soir pour festoyer et profiter de ces victuailles tant méritées.

Bientôt, la fatigue se fit sentir, mais l'appât de la nourriture fut le plus fort et elles continuèrent à œuvrer et œuvrer encore... La petite fourmi qui voulait tellement des vacances, avait de plus en plus de courbatures et était de plus en plus fatiguée. Alors, elle décida que c'en était trop! Elle fit sa valise et décida de partir hors de la fourmilière. Il en était assez de la vie de groupe et du labeur sans relâche, elle serait bien mieux ailleurs.

Hors de la fourmilière, elle sentit un vent de liberté lui donner des ailes et elle explora le monde, à la recherche d'un lieu où s'installer.

Elle finit par trouver un groupe d'insectes hippie qui s'était installé aux abords d'une poubelle.
-Bienvenue, lui dit un moustique pourvu de magnifiques rastas. Ici, il y a tout ce qu'il faut: à boire et à manger, il n'y a qu'à se servir dans la poubelle.
C'était royal pour la petite fourmi. Il y avait de la nourriture sur place et elle n'avait plus besoin de passer ses journées à la transporter jusqu'à la fourmilière. Quelle chance!

Elle passa son temps à faire du tourisme en compagnie de ses nouveaux amis. Elle se sentait vraiment heureuse. Il était si agréable de se reposer et de ne rien faire. Puis, elle se lassa un peu. Elle s'ennuyait sans ses copines de la fourmilière et elles lui manquaient. Alors, elle décida d'envoyer son ami le moustique aux rastas prendre de leurs nouvelles.

Il s'envola très vite et ne tarda pas à être de retour.
-C'est terrible!!! lui dit-il. Les fourmis de ta fourmilière sont en danger...
Il lui expliqua qu'à force de travailler plus pour manger plus, les fourmis avaient vraiment trop mangé. Du coup, elles étaient toutes devenues énormes et ne pouvaient plus sortir de la fourmilière. Certaines étaient coincées chez elles et ne pouvaient plus en sortir, d'autres n'avaient plus la force de soulever leur corps avec leurs pattes, car elles étaient devenues obèses. Si personne ne venait les aider, les fourmis allaient mourir de faim, car plus personne n'était là pour leur apporter à manger.

La fourmi était bien embêtée. Comment allait-elle nourrir toute une fourmilière à elle toute seule? Elle qui voulait des vacances, la voilà servie!

Elle demanda de l'aide à ses amis hippies, qui se tordirent de rire en entendant l'histoire de la fourmilière. Des fourmis obèses? Personne n'avait jamais vu ça!!! Ils firent appel à des amis vers de terre, qui seraient chargés d'aider les fourmis à agrandir leurs galeries pour être moins à l'étroit. Puis, ils contactèrent leur amie sauterelle, qui était prof de gym, pour les aider à se remettre en forme. Les mouches du groupe des hippies se mirent en quête de trouver de la nourriture. La mante religieuse,  militaire à la retraite, surveilla tout ça de près: régime et exercice pour tout le monde!!!

Les fourmis firent de nombreux efforts, faisaient leurs exercices tout les jours et mangeaient le repas frugal que la mante religieuse leur avait conseillé. Elles étaient courageuses et voulaient redevenir les fourmis sveltes et actives qu'elles étaient auparavant.

Après quelques temps de dur labeur, la fourmilière fut de nouveaux sur pied et le travail reprit. La petite fourmi réintégra la fourmilière, bien contente de retrouver ses amies. Le premier ministre décida alors, de changer de politique. Il leur proposa un nouveau slogan: travailler plus pour habiter plus. Ainsi, les fourmis vivraient dans un palace en guise de fourmilière.

C'en était trop pour la fourmi! Elle ne voulait plus travailler sans relâche comme elle l'avait fait auparavant. Avec ses copines fourmis, elle organisa une grève générale. Plus aucune fourmi ne travailla durant plusieurs jours. La reine dût l'accueillir en urgence pour écouter ses revendications.

Nul ne sait de quoi elles discutèrent, mais la reine décida de congédier le premier ministre et d'engager la fourmi révolutionnaire comme conseillère. Celle-ci organisa un planning de vacances sans faille pour toutes les fourmis. Elles partaient à tour de rôle et l'organisation n'en fut pas altérée.

Le groupe d'insectes hippies près de la poubelle monta la première agence de voyage pour fourmis et organisa des visites à travers le monde entier. Beaucoup d'autres fourmilières entendirent parler de ce système de vacances et suivirent la tendance. C'est ainsi que le monde fut peuplé de fourmis touristes, avides de farniente. Surveillez vos placards les amis. Peut-être apercevrez des fourmis touristes, avec leurs appareils photo?

bunni


Un conte pour la Chandeleur

Depuis la fin de l'automne, les enfants-racine sont retournés dormir bien au chaud sous la terre. Le vent commençait à devenir trop froid, les bourrasques arrachaient leurs jolis vêtements colorés...

Mais dans leur grande chambre, entre les racines des arbres, Grand-Mère Terre les garde bien au chaud.

Durant tout l'hiver, elle a veillé sur eux, les regardant dormir paisiblement sous les feuilles chaudes tombées des arbres, pour reprendre des forces.

Mais aujourd'hui, c'est la Chandeleur ! Les enfants de la Terre se sont rassemblés, et ont allumé de belles et grandes bougies de cire d'abeille qu'ils ont confectionnées avec application. Et ces bougies rayonnent, et ces bougies réchauffent la terre !

Dans leur petit lit douillet sous la terre, les enfants-racine commencent à sentir une douche chaleur... Quelques-uns s'étirent, les autres se mettent à bailler... Puis ils ouvrent un oeil avant de le refermer quelques instants : qu'est-ce qu'ils étaient bien pendant ce long sommeil d'hiver ! Mais Grand-Mère Terre est là tout près d'eux, elle commence à leur chanter la jolie chanson du printemps. Alors les petits enfants-racine ouvrent tout grands leurs yeux, et se lèvent tout joyeux : le printemps est bientôt là ! Il faut qu'ils se préparent !

Grand-Mère Terre leur a préparé une bonne tisane bien chaude, et tous se regardent en souriant. Là-haut, les enfants de la Terre regardent leurs chandelles briller, et la terre se réchauffe peu à peu. Alors les enfants-racine se mettent au travail : c'est qu'il faut préparer leurs jolies robes pour la venue du printemps !

Grand-Mère Terre donne à chacun tout ce qu'il faut : des aiguilles, de toutes petites paires de ciseaux, du fil d'araignée bien solide, et de magnifiques tissus de couleur. Rouge pour Coquelicot, bleu pour Myosotis, jaune pour Bouton d'Or, rose pour Azalée et Camélia...

Tout se petit monde se met au travail avec ardeur ! Sous le regard bienveillant de Grand-Mère Terre, les enfants-racine vont coudre en riant et en chantant pendant de longs jours encore, jusqu'au début du printemps... Alors ils sortiront de leur demeure sous la terre, vêtus de leurs couleurs éclatantes, pour parer la nature de mille fleurs ! Et les enfants de la Terre seront là pour les accueillir et les admirer...

bunni

#582

Le souffle du vent

C'était il y a bien longtemps, à la nuit des temps, dans un monde encore paisible et serein, un monde où tout n'était qu'amour et enchantement.

Les saisons avaient été crées, le printemps débordant de mille fleurs, l'été lumineux avec son soleil brûlant, l'automne flamboyant de magiques couleurs...

Mais l'hiver traînait sa solitude et sa désolation, les fleurs disparaissaient, le soleil pâlissait et les couleurs magiques s'étaient évanouies à la dernière respiration de l'automne.

L'oeuvre de la nature demeurait inachevée...

Pourtant l'hiver ne désespérait pas de rencontrer lui aussi son double, son complément, qui lui donnerait toute son envergure et la grandeur dont - il avait tant besoin pour rivaliser de beauté auprès des autres saisons...

Un jour de très grand froid, devant la nature figée, l'hiver se demanda ce qu'il avait bien pu faire pour mériter une telle punition, le spectacle qu'il offrait n'était que chagrin et tourment !

Alors il se mit à pleurer, il pleura si fort, si désespérément, si sincèrement que son ami le vent en fût touché et souffla sur l'hiver une brise de tendresse.

De cette douceur, au contact des larmes de l'hiver, naquirent de minuscules flocons qui se mirent à rouler délicieusement sur ses joues.

Ces délicates perles de cristal tournoyaient, virevoltaient... caressant sur leur passage la nature d'un voile immaculé, puis se déposaient sur le sol pour former un somptueux parterre de beauté !

C'est alors que l'hiver si seul, si triste, compris qu'il avait enfin trouvé sa raison d'être... la neige serait à ses côtés pour l'éternité !

Le hasard est parfois bien curieux et imprévisible, sans son ami le vent, que serait-il advenu de l'hiver ?

Nul ne le saura jamais !

C'est ainsi que les saisons passent et changent au gré du temps, mais une chose ne changera jamais, c'est l'union de l'hiver et de la neige.

Sans l'hiver il n'y aurait pas de neige certes, mais sans la neige l'hiver n'existerait pas !

Cette magique alchimie qu'ils nous offrent est la combinaison d'une entente parfaite, née d'un souffle discret... le souffle du vent !

bunni


Stop l'escargot à ressort:

Stop était un escargot particulier. Sa coquille était enroulée sur son dos, comme celle de ses congénères, sauf que la sienne n'était pas collée. Le colimaçon pouvait se détendre à la façon d'un ressort et faire s'envoler l'animal au-dessus des herbes.
Stop était né comme ça. Au début, il n'avait rien remarqué de spécial, car sa coquille restait sagement enroulée, sans bouger.
Mais un jour, sans qu'il ne sache pourquoi, un mécanisme se déclencha et le pauvre escargot se retrouva propulsé dans les airs, sans comprendre ce qui lui arrivait. Le ressort venait de se détendre, et de mettre sur orbite, l'animal tout déboussolé.
Stop avait bien essayé de voler en agitant ses deux antennes frénétiquement. Mais, sans succès... Le pauvre chuta et s'étala lourdement à l'atterrissage. Ouille ! Ca faisait mal ! Ceci fut la première chute de sa vie, qui malheureusement, ne resta pas isolée.
Stop connut de nombreux gadins, tous plus burlesques les uns que les autres. Comme celui où il finit ratatiné, plongeant la tête la première vers le sol, trop vite là. Ou encore, celle où il s'était rigidifié à tort, et où le bâtonnet qu'il était devenu, exécuta plusieurs roues.
Au fil du temps, il trouva une technique d'atterrissage, qui le ménagea un peu. Une fois en l'air, il se mettait en boule et tournoyait sur lui-même. Quand la terre ferme arrivait, il continuait à rouler quelque temps jusqu'à ce que sa vitesse ralentisse.
Là, enfin, sans trop de coups ni de bosses, il se dépliait et reprenait le cours de sa marche baveuse. Patiemment, il remettait en boule sa coquille ressort, en attendant de nouvelles aventures.
Un jour, le mécanisme se déclencha alors qu'il était en pleine conversation avec Maguie la sauterelle. Celle-ci lui disait :
-«Nous avons repéré un champ de maïs là-bas, plein Nord. Il paraît que celui-ci est croquant, bien jaune et très sucré, un vrai régal ! Juste à côté sont plantées des rangées de salades étonnamment vertes et feuillues. Veux-tu venir ? »
Juste à ce moment-là, il y eut un gros CHDOING ! Le ressort venait de se déployer et Stop eut juste le temps de dire un « Ouiiiiiiiii... ! » en partance vers le Sud.
Maguie, qui savait bien sauter, le suivit. Dans les airs, elle lui dit :
-«Mais où vas-tu comme ça ? Tu n'es pas dans la bonne direction ! »
-«Je sais, mais c'est ma coquille... Elle est très indisciplinée. Elle bondit tout à coup sans que je ne puisse rien faire... Faut maintenant que je me prépare pour l'atterrissage ! Vite, ma boule ! »
L'escargot se roula, la sauterelle toujours à sa suite. Revenus au sol sans encombre, ils poursuivirent :
-«Tu disais, des rangées de salades bien vertes... »
-«Oui, d'un vert qui brille la nuit... Et des feuilles d'une taille ! Du jamais vu ! Au moins trois fois plus grosses que celles d'une belle laitue ! Alors, tu viens ? »
Stop eut à peine le temps de rembobiner sa coquille que celle-ci se redéploya à nouveau. Mais que lui arrivait-il ? Deux fois coup sur coup, ça ne lui était jamais arrivé... Le mécanisme se serait-il déréglé ? Hop ! Reparti dans les airs ! Et voilà qu'à l'atterrissage, il rebondit et continua à voler. Chboing, chboing, ...chboing ! Stop exécuta une série de bonds, comme jamais il n'avait réalisé.
Tant et si bien qu'il finit même par semer la pauvre Maguie, pourtant spécialiste du saut, mais qui là, n'arrivait pas à le suivre. Tant pis pour lui, il ne connaîtrait jamais les champs de beau maïs et de salades extraordinaires.
Il arriva dans un lieu, où enfin son ressort le laissa tranquille. Ouf ! Il allait pouvoir se poser. Ces bonds ininterrompus lui avaient donné le tournis.
-«Où suis-je donc ? » demanda-t-il à qui voulait bien l'entendre.
-«Au pays du bio et du naturel... » lui répondit une voix cristalline.
-«Hein ? C'est-à-dire ? » questionna l'escargot.
-«C'est-à-dire qu'ici, tout ce qu'on mange est sain et pur. Pas comme ces produits transgéniques ou sulfatés qui se font au Nord. Ah, l'aspect est beau au premier regard, mais quand on les mange, les effets sont terribles... » continua la voix qui se fit plus caverneuse.
-«Ah bon ? Comment ça ? » interrogea Stop.
-«Hé bien, des choses se détraquent dans l'organisme : un lapin à trois oreilles, un oiseau à poils, un renard bleu... Autant de phénomènes curieux et non maîtrisés... » continua la voix.
-«Heu... Et un escargot avec une coquille en ressort, ça pourrait être à cause de ça... ? » questionna Stop
-«Oh oui, certainement ! Si ce n'est pas malheureux quand même... C'est pour cela qu'ici, nous tenons à la qualité naturelle de nos produits. Et regarde comme nous nous portons bien ! »
Stop découvrit alors les animaux qui l'entouraient : un magnifique lapin au poil luisant, des oiseaux au plumage étincelant... Et un escargot qui était en train de lui parler. La voix cristalline, c'était lui, ou plutôt elle, car c'était une fille. Comme elle était belle... Et sa coquille, d'un seul tenant, si gracieuse, si finement ciselée... Rien à voir avec son espèce de ressort.
-«Ne t'inquiète pas, on va t'arranger ça ! » dit celle-ci, « une coquille, ça se change, nous allons t'en donner une, saine de toute contamination. Elle est un peu rugueuse au toucher, mais devrait bien t'aller... »
Et voici comment Stop l'escargot découvrit tout à la fois l'origine de sa particularité, le plaisir d'être enfin tranquille au sol... Et l'amour, en la présence de la tendre Doucenature, la demoiselle escargot qui l'avait accueillie dans ce beau pays du bio.

bunni

#584

La belle endormie


Le hameau se situait au creux d'un vallon et comptait seulement quelques foyers. Il y avait le sabotier qui vendait le fruit de son travail lors de la grande foire annuelle à une journée de marche de là. Il y avait aussi le vigneron qui élevait des abeilles et faisait l'instituteur à l'occasion.

Les enfants étaient peu nombreux et la préoccupation principale de leurs parents était la main-d'œuvre qu'ils représentaient.

Et puis il y avait Pascalou le berger, le pâtre, mais aussi le conteur. Aussitôt l'hiver passé il partait vers les hauteurs suivit de son troupeau et secondé par ses deux fidèles chiennes, Bergamote et Ficelle.

Là haut son refuge l'attendait c'est là qu'il passait plusieurs mois de l'année. Pendant les longs hivers, alors que ses moutons étaient bien au chaud pour la nuit, il passait de foyer en foyer et là il faisait le conteur. Sa réserve d'histoires mystérieuses, effrayantes ou cocasses semblait inépuisable. Certains soirs, il se bornait à parler des étoiles, des constellations, des planètes et aussi des plantes et des animaux  de la montagne.

Cette année là Pascalou était monté un peu plus tôt que d'habitude. Il avait retrouvé ses occupations quotidiennes. Le soir il aimait par dessus tout assister à la descente du soleil derrière la crête des montagnes. La nuit ne tardait pas à survenir après le spectacle.

Un de ces soirs, alors que le soleil amorçait sa descente il entendit un grondement qui annonçait l'imminence d'un orage. En montagne les orages surviennent très vite et ils peuvent être d'une rare violence. Le ciel prit une couleur étrange et envoûtante, les moutons se serraient les uns contre les autres, les chiens étaient inquiets.

Soudain, le berger aperçut là-bas une femme qui courait vers lui à perdre haleine, elle paraissait terrifiée. Pascalou se porta à sa rencontre et elle tomba dans ses bras. Un coup de tonnerre ébranla la montagne et un éclair déchira le ciel. Lorsqu'ils furent à l'abri, il la fit asseoir et fut subjugué par sa beauté. Comme dans les contes de fées, la jeune femme portait de très longs cheveux et ses yeux étaient les plus beaux qu'il eu jamais vu.

Lorsqu'elle lui parut apaisée il lui demanda qui elle était et la raison de sa terreur.

-Mon nom est Arialle et je suis l'esprit de ces montagnes.
-Pourquoi donc as-tu si peur ?

-L'esprit de l'orage veut m'anéantir parce que je lui refuse ma main. C'est un être violent et je ne l'aime pas.

La nuit passa et à l'aube Arialle s'en alla.

Le berger pensa à elle toute la journée ; il craignait de ne plus la revoir. Comme chaque soir, il s'installa pour contempler le coucher du soleil et à l'instant où le disque d'or s'apprêtait à glisser derrière la cime des montagnes, la belle apparut, encore plus jolie que la veille. Il se leva et lorsqu'elle se jeta dans ses bras ce ne fut pas par crainte d'un orage. Ils passèrent la nuit ensemble, puis la nuit suivante et toutes les nuits après.

La saison passa trop rapidement et le moment de redescendre dans la vallée fut bien vite arrivé. Le dernier jour, bien que la température soit devenue plus fraîche, le soleil brillait de tous ses rayons. Pascalou et ses deux chiennes réunirent le troupeau.  Arialle l'avait quitté douloureusement avant que le jour se lève.

Il prit son long bâton en main et donna le signal du départ lorsqu'il entendit sa bien aimée l'appeler. Il se retourna vivement et l'aperçut qui courait vers lui sa belle chevelure au vent. Posant son bâton pour la rejoindre, il entendit un terrible grondement et vit le ciel si clair s'obscurcir. D'un nuage gris acier jaillit un homme vêtu de noir dont les yeux lançaient des flammes. Avant que les deux amants aient eu le temps de se rejoindre, l'individu s'approcha d'Arialle et de sa poitrine sortit un éclair qui transperça la jeune femme et la terrassa. L'homme disparut aussi soudainement qu'il était apparu. Pascalou hurla sa douleur et se précipita sur le corps de sa bien aimée.

Dans le hameau les gens scrutaient le chemin par lequel tous les automnes le berger et son troupeau rejoignaient la bergerie. Les premiers flocons commencèrent à tomber mais Pascalou ne réapparaissait pas. Il était trop tard pour aller à sa rencontre, les chemins étant devenus impraticables. Personne ne comprenait ce qui avait pu se passer d'autant plus que quelques jours avant que le moment de rentrer ne soit arrivé, Bastien un enfant du village, était venu lui rendre visite et tout semblait bien aller.

Bastien était un orphelin qui vivotait en se louant chez l'un ou chez l'autre. Il était très attaché à Pascalou qui l'avait pris en affection et lui avait enseigné bien plus de choses que n'avait pu le faire l'instituteur du hameau.

Les beaux jours revenus, Bastien n'y tenant plus, partit un matin son baluchon sur le dos pour retrouver son ami. Lorsqu'il arriva, l'endroit était désert. Point de Pascalou. Mettant ses mains en porte-voix, il cria le nom des deux chiennes, mais n'obtint pas de réponse. Il porta ses pas jusqu'au bord du précipice si dangereux et ne vit rien au fond de celui-ci. La journée était proche de sa fin et il décida de passer la nuit sur place.

Le soleil commençait à disparaître derrière la cime des montagnes là-bas lorsque Bastien se frotta les yeux devant ce qu'il vit. La cime des montagnes avait pris la forme d'une silhouette de femme allongée et endormie. Bastien s'était figé, il n'osait pas détourner son regard de peur de voir disparaître cette apparition. Dans le ciel dégagé survint un groupe de plusieurs nuages nimbés de couleurs lumineuses. Quelques-uns de ces nuages se rapprochèrent les uns des autres pour finir par former un corps d'homme dont le visage très net était  familier à l'enfant. L'homme nuages vint doucement s'allonger près de la femme montagne et ils s'enlacèrent. Bastien partit se coucher quand la nuit fut totalement tombée sur la montagne. Au petit matin, il fut réveillé en sursaut par des jappements. Quelqu'un grattait à la porte. Il se leva précipitamment pour ouvrir et fut assailli par deux chiens débordant de joie et de bonne humeur.

-Bergamote ! Ficelle !

Les deux chiennes de Pascalou venaient de rejoindre Bastien. Si les chiennes sont là, se dit Bastien c'est que leur maître et le troupeau ne sont pas loin. De fait, les chiennes l'entraînèrent derrière la cabane où le troupeau paissait paisiblement. Pourtant, de Pascalou, point ! Pendant toute la saison, l'enfant s'occupa avec toute la science nécessaire du troupeau du berger aidé en cela par Bergamote et Ficelle. Chaque soir au coucher du soleil le même fascinant spectacle se reproduisait. L'homme nuages rejoignait la belle endormie.

Le dernier jour, avant de redescendre avec le troupeau, alors que Bastien regardait les nuages se rassembler pour devenir un homme, il vit celui-ci se diriger vers lui en lui tendant la main. Quand il fut tout prés, Bastien ne pu retenir des larmes d'émotion. Pascalou s'assit près de lui et lui raconta toute son histoire. C'est ainsi qu'il apprit, surpris et émerveillé que le berger qui l'avait accompagné pendant toute son enfance était en réalité l'Esprit des nuages. Sa bien aimée qu'il rejoignait chaque soir était l'Esprit des montagnes. L'Esprit de l'orage croyait l'avoir tuée mais il se trompait car chaque fois que la nuit avait étendu son long manteau sur la montagne elle se réveillait et partait avec son amant dans une contrée bien cachée.

-Bastien, je te donne mon troupeau et mes deux amies, Bergamote et Ficelle. Je sais que tu en prendras toujours soin. Je ne serai jamais loin de toi. Dorénavant c'est toi qui seras le berger et le conteur du hameau. Tu connais mes histoires car je t'en ai raconté bien plus à toi qu'aux autres. Tu pourras raconter ma véritable histoire, je te la donne.

Cet hiver-là, Bastien dû raconter des fois et des fois encore l'histoire véridique de la belle endormie. Lorsque que la neige tomba sur ses cheveux, le vieux Bastien racontait toujours la même histoire mais les gens ne savaient plus s'il s'agissait d'une histoire vraie ou d'une légende.