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Contes d'ici et d'ailleurs

Démarré par bunni, 18 Septembre 2012 à 00:22:36

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bunni


CONTE D'AUTOMNE

Il était une fois, dans un royaume pas si lointain que cela, et dans un temps pas si révolu que cela, un petit garçon qui vivait dans une haute, haute maison.

Il habitait, à dire vrai, au sommet d'un arbre un peu étrange, fait de zinc et de toc, lourdes pierres et ferraille grise. De vrais arbres, il n'en avait pas vu souvent, du moins, des arbres en liberté : ceux qu'il connaissait étaient petits, souvent parsemés de lourdes cicatrices, rappel silencieux de branches qui auraient dû être, et, la plupart du temps, enclos par un grillage encore plus gris et ferraillant que les murs de sa maison. Le sol qui les entourait était noir et dur, sale des pas trop pressés qui le foulaient quotidiennement et glissant quand venait la pluie froide des jours d'automne, si bien que le petit garçon se demandait souvent comment les arbres pouvaient encore y prendre racine et étendre au-dessus leur feuillage – frêle feuillage lui-même bien grisonnant.

Un jour que le petit garçon marchait, bien promptement, comme les grands, pour vite regagner ses pénates, son soulier heurta quelque chose au sol. Etonné, il se pencha et ramassa le petit galet sur lequel son pied avait buté. C'était un caillou comme il n'en avait jamais vu, brun, lisse et, une fois débarrassé de la poussière qui le recouvrait, bien brillant.

Le petit garçon s'empressa de le mettre dans sa poche et rentra à la maison pour étudier de plus près sa découverte. Mais c'était sans compter ses parents qui avaient un tout autre programme pour la soirée : devoirs, bains, dîner, brossage de dents et, hop, au dodo !

Une fois ses doigts gris redevenus roses, son ventre bien rempli et ses pieds frileux emmitouflés au fond de son lit, le petit garçon ne tarda pas à sentir le sommeil le gagner et il s'endormit, oubliant tout à fait le galet qu'il avait ramassé avant de rentrer.

Pourtant, à peine s'était-il assoupi que quelque chose le tira de son sommeil. Un petit bruit sortait de la poche de son pantalon roulé en tas derrière la porte, un crissement discret mais persistant, à la manière d'un insecte bruissant impatiemment. Le petit garçon se releva et, les yeux embués d'obscurité encore, il regarda ce qui était à l'origine de ce bruit. Quelle ne fut pas sa surprise !

Sur le galet brillant était apparue une petite croix qui, comme la bouche avide d'un jeune oisillon, semblait s'entrouvrir et lui dire 'Regarde !'

Alors, mû par une vive curiosité, le petit garçon entreprit de regarder par la mince fente du galet, comme il glissait souvent l'oeil au travers de la serrure de sa porte quand ses parents recevaient des invités et qu'il devait rester dans sa chambre à jouer.

Soudainement, il ressentit comme une vague de chaleur le saisir et il se rendit compte qu'il était irrémédiablement aspiré vers l'orifice du caillou... il ne pouvait lutter, tout son corps tendait vers la petite bouche gourmande et quelques secondes plus tard, sa chambre d'enfant avait disparu et le galet avec.

Il se réveilla au beau milieu d'une haute, haute forêt.

Mais cette forêt n'avait rien à voir avec celle dans laquelle il habitait ! Les troncs des arbres n'étaient plus gris et froids, mais bruns et accueillants. Le sol n'était plus dur et noir, mais on s'y enfonçait, comme sur une mince couche de plumes. Et surtout, surtout, les feuilles des arbres étaient impressionnantes : un vrai feu de couleurs ! Tantôt rouge sombre, tantôt jaune d'or, saupoudrées de taches orangées et d'éclairs argent, les feuilles se dessinaient, au sol comme dans les airs, en une véritable farandole multicolore et, l'espace d'un instant, le petit garçon oublia qu'un jour, chez lui, les arbres eussent pu être gris.

Il n'eut cependant pas le temps de les observer davantage qu'il entrevit, non loin sur le chemin, le petit galet qu'il avait ramassé.

Le petit garçon entreprit alors de remettre le caillou dans sa poche, avant de s'aventurer au-delà dans cette grande, grande forêt, mais il fut surpris de sentir quelques gouttes au creux de sa main. Le galet pleurait !

Ou du moins, de fines gouttelettes s'échappaient de sa coque, comme de menues larmes des yeux d'un enfant. Le petit garçon porta l'une d'entre elles à sa bouche et il fut surpris par le goût doux et sucré de celle-ci. Ce n'était pas des larmes, mais bien du lait !

Après avoir étanché sa soif naissante – après tout, il était tard dans la nuit et le petit garçon n'avait pas bu le verre d'eau que sa maman avait, comme chaque soir, déposé au pied de son lit – il décida d'explorer le bois. Afin de pouvoir revenir facilement sur ses pas, il laissa le galet goutter tout au long du chemin : ainsi retrouverait-il facilement l'endroit d'où il venait.

Au fur et à mesure qu'il marchait, il se rendit compte que la route sur laquelle il s'avançait était jonchée de petits galets, semblables au sien.

Alors il décida de les ramasser et d'en remplir ses poches, mais comme les poches de son pyjama n'étaient pas bien profondes, il souleva le haut de celui-ci, de sorte à former une très grande poche, afin d'en récolter le plus possible.

Il marcha ainsi et ainsi pendant fort, fort longtemps, sans toutefois voir le temps passer, trop absorbé qu'il était à sa collecte de galets.

Vint un moment, cependant, où ses poches furent si remplies qu'il n'y avait plus la moindre place pour y glisser quoique ce soit. Comme tiré de sa rêverie, le petit garçon décida alors de rebrousser chemin et de retrouver la voie qui lui permettrait de rentrer chez lui.

Pourtant, à son grand désespoir, il dut se faire à l'évidence : les gouttelettes qu'il avait égrenées avaient toutes disparu ! Il se rappela alors avoir entendu sur son chemin le pépiement d'oiseaux et s'en voulut de ne pas avoir pensé plus tôt que ceux-ci, tout autant gourmands que lui, se délecteraient assurément des larmes douces et sucrées de son galet.

Le petit garçon, perdu dans cette magnifique forêt, le pyjama plein de cailloux brillants, s'assit et se mit à pleurer. A quoi bon tous ces galets et ces feuilles d'or s'il ne pouvait plus rentrer chez lui et être câliné par sa maman ?

Un bruit toutefois le tira de ses sanglots.

Effrayé, il leva la tête et vit, se tenant debout en face de lui, la grande et sombre silhouette d'un homme dont la tête était cachée, recouverte d'un épais capuchon de toile.

'Pourquoi pleures-tu, petit garçon ?', fit l'homme, d'une voix grave mais douce.

'Parce que j'ai aimé la forêt de feu et j'ai voulu ramasser les petits galets qui s'y trouvaient, et maintenant, je suis fatigué et je veux rentrer chez moi, mais je ne peux retrouver mon chemin et jamais je ne reverrai mes parents !', dit le petit garçon, les joues encore mouillées de larmes.

'Si tu souhaites rentrer chez toi, c'est possible, petit garçon, mais tu dois jurer une chose auparavant : si tu reviens dans ton bois gris et froid, où les gens courent sans se voir et toussent leur coeur de poussière, alors tu devras toujours te souvenir de cette forêt de flammes et toujours essayer de colorer les tristes branches de ton monde des mêmes couleurs que celui-ci. Si tu transportes un éclat de ce bois dans le tien, alors tu pourras rentrer chez toi. Es-tu d'accord ?'

'Oui, bien sûr !', s'empressa de répondre le petit garçon, évidemment qu'il le ferait ! Qui ne voudrait retrouver l'éclat de ce feuillage partout là où il va ?

'Alors, dit la haute silhouette en tendant les mains, choisis l'une de ces pierres : une seule te guidera à nouveau chez toi'

Le petit garçon, hésitant, tendit les doigts et choisit l'un des galets sur lequel il crut deviner une mince ouverture en croix.

'Et bien alors, tu ne veux plus te lever ?' demanda la maman du petit garçon d'une voix claire, 'Il fait déjà grand jour, tu sais ! Et c'est dimanche, aujourd'hui, nous allons au bois !'

Le petit garçon ouvrit les yeux, étonné, et regarda autour de lui. Il était allongé dans son lit et sa maman tirait doucement les volets. Le ciel semblait clair dehors et il mit les mains à ses poches, vides.

Vides ? Et si seulement... Ses doigts fébriles s'aventurèrent plus loin sous la couette et, avec surprise, sentirent une petite masse douce glisser sur le drap.

'J'arrive maman !' cria le petit garçon, le sourire aux lèvres, en bondissant hors du lit.

Il attendit que celle-ci fut sortie pour desserrer sa paume et y découvrir le galet qu'il avait ramassé la veille au soir. Alors un grand éclat de rire le saisit et, en même temps qu'il enfila son pantalon et ses bottes pour sortir dehors, il glissa la petite châtaigne dans sa poche et il ne s'étonna pas de voir voleter devant sa fenêtre une feuille d'arbre, jaune d'or dans le ciel bleu. Et la cime des arbres lui parut moins grise sous le soleil d'automne.


bunni


Pourquoi les arbres changent de couleurs en automne ?

Il était une fois une époque où les feuilles des arbres ne changeaient pas de couleurs en automne : elles tombaient sur le sol et restaient vertes.
Tout comme le ciel, les gens devenaient maussades avec l'arrivée du froid.
Il y avait une petite fille qui n'échappait pas à la règle....
En se promenant dans son petit bois préféré, elle se demandait pourquoi elle était si triste.
Les arbres de ce bois s'inquiétaient beaucoup en voyant un tel chagrin dans les yeux de la fillette. Ils avaient eu le temps d'aimer son rire, les étincelles dans ses yeux, ses promenades pensives.
Alors, un jour, une fois que la petite fille fût repartie vers sa maison, ils commencèrent a examiner la situation : « Qu'arrive-t-il à notre jolie petite amie ? Que pouvons-nous faire pour l'aider ? ». Les bouleaux, les trembles, les tilleuls bruissaient fort, chacun émettant ses hypothèses et exposant son raisonnement :
-Si elle est triste, c'est peut-être à cause du froid ? se demandaient les bouleaux.
-Non, non, elle a mis un manteau chaud et son bonnet, répondaient en choeur les sorbiers .
Le tremble demandait d'un air pensif : « C'est peut-être parce que nous perdons nos feuilles ? ».
Mais elle aime beaucoup marcher sur le tapis vert et doux que nous déroulons pour elle, objectaient d'autres arbres.
Et ainsi, ils examinèrent la question sous toutes les coutures, mais ils n'arrivèrent pas à trouver de réponse.
Finalement, fatigués par tout leurs bruissement, ils décidèrent de s'adresser à l'arbre le plus sage de la forêt, le vieux chêne.
Le chêne sourit et dit :
-J'ai écouté très attentivement toute votre conversation et je suis ravi de voir que vivent autour de moi des arbres aussi bons et généreux, qui se soucient des gens - de notre petite amie en l'occurrence. Et.... il m'est venu une idée : pourquoi ne pas peindre nos feuilles de couleurs différentes - rouge, jaune, orange, marron, quand vient l'automne ? Lorsque le ciel devient triste et maussade, le soleil se fait rare. Mais nous pouvons nous peindre nous-même et recouvrir le sol des couleurs du soleil - jaune vif et rouge chaleureux. Qu'en pensez-vous ?

Les arbres, étonnés par tant de sagesse, agitèrent joyeusement leurs branches et leurs feuilles, pour saluer la simple et bonne idée du grand-père Chêne. Ils décidèrent de changer leurs couleurs sans perdre de temps.
Le lendemain, quand notre fillette sortit dans la rue, elle vit que tous les arbres et la terre étaient inondés de soleil. Eclatant d'un rire joyeux, elle se précipita vers le petit bois, puis en riant, elle courut entre les arbres, soulevant de ses pieds les rayons du soleil de la terre, comme des milliers de gerbes d'or.
Les arbres se regardèrent en souriant.

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L'histoire du hibou

Il était une fois, un hibou. Comme chacun sait, ou ne le sait pas, le hibou est un grand timide. Il croit qu'il est laid - si laid que personne ne peut le regarder s'il lui arrive de croiser quelqu'un. Si laid, qu'il cause des accidents de la route. Si laid, que les bébés se mettent à hurler s'ils aperçoivent son visage. Pour toutes ces raisons, le hibou ne sort jamais pendant le jour. Il attend la nuit noire, lorsque personne ne peut le voir.

Un soir, alors qu'il est dehors, le hibou rencontre une jeune fille. Ils se mettent à parler et elle l'invite dans sa maison. Il accepte et les voilà assis sous le porche pendant plusieurs heures à discuter. Le hibou dès le premier instant tombe amoureux de la fille et, ce qui tombe bien, elle aussi. Elle l'invite à revenir la nuit suivante et il revient. Ils s'asseyent sous le porche et parlent pendant des heures, presque jusqu'à l'aube. Par moment, ils se tiennent même la main. Nuit après nuit, le hibou revient rendre visite à sa belle et nuit après nuit il s'en va avant l'aube, si bien que la jeune femme ne peut vraiment pas savoir à quoi il ressemble.

La jeune femme a des amis qui ont entendu parler de ce prétendant de la nuit et veulent savoir à quoi il ressemble car ils aiment beaucoup leur amie et sont heureux qu'elle ait enfin rencontré quelqu'un dont elle est tombée amoureuse.
-Pourquoi le Hibou ne te rend-t-il jamais visite pendant le jour, lui demandent-ils ?
-Parce qu'il travaille, répond la fille et lorsqu'il rentre chez lui, il doit faire son ménage, préparer son dîner et il ne peut venir qu'à la nuit tombée.
-Nous voulons le rencontrer, ont dit ses amis.
-Bien sûr, il ne travaille pas le dimanche. Pourquoi n'organisez-vous pas une grande fête en son honneur ? Vous pourriez ainsi tous le rencontrer.

La jeune fille est certaine que c'est la meilleure des idées et lorsque son amoureux vient le soir, elle l'invite pour le dimanche suivant. Une fête sera donnée en son honneur par ses amis. Le Hibou est pourtant vraiment très timide mais il accepte. Vous savez que quand on aime, on est capable de vaincre toutes ses peurs.

Le jours passent. Le dimanche arrive. Le hibou est très nerveux. Il demande à son cousin le coq de l'accompagner car plus le temps passe, plus il a peur.

En chemin, le hibou commence à regarder le coq et à se comparer à lui.
Le coq est grand et bien habillé » pense-t-il en regardant le cheveux roux du coq, ses vêtements colorés et ses bottines jaunes. A côté de lui, je suis morne et terne, se dit-il encore en regardant ses vêtements bruns et en plus de tout, je suis laid. Plus ils se rapprochent de la maison, plus il a peur.

Mon cousin le coq, dit soudain le Hibou, j'ai oublié quelque chose chez moi. Entrez donc sans moi et vous direz que j'ai dû rentrer à la maison mais que je serai de retour d'ici un moment. Le coq entre et fait le message du hibou.

Un peu plus tard, dès qu'il fait très sombre, le hibou arrive à la fête. Il craint un peu que la fille et sa famille ne soient fâchés de son retard mais il se fait violence et avance d'un pas.

Le coq qui l'attend sous le porche, le voit et semble tout à fait effrayé.

-Hibou, demanda-t-il qu'est ce  donc cela sur votre tête ?
-C'est un chapeau, répond le hibou. Beaucoup de gens portent des chapeaux.
-C'est vrai, dit le coq, mais ils les portent sur la tête, et pas comme vous, tout autour de la tête.
-Je me suis blessé aux yeux, dit le hibou, Ils ne supportent pas la lumière. Mon chapeau les protège.
-Oui , réplique le coq et il protège aussi le reste de votre tête.
-Ne vous moquez pas de mon chapeau mais dites-moi plutôt ce qu'on a dit de mon retard. Sont-ils en colère ?
-Ils le seront bien plus si vous n'entrez pas, dit le coq.
-J'entre, j'entre, dit le hibou, mais promettez-moi d'abord une chose.
-Quoi donc ?
-Je dois être de retour à la maison avant le lever du soleil. Essayer donc de me prévenir à temps, plutôt que de chanter au lever du soleil, comme vous faites d'habitude ?
Il ne faut surtout pas que la jeune femme voit son visage à la lumière du jour.
-Bien sûr, hibou, bien sûr dit le coq et il le fait entrer à l'intérieur.

A cet instant précis, la fête bat son plein. Les batteurs jouent et les chanteurs chantent et leur musique donne quelque chose dans le genre de « Dong-aada-dong-aada-dong-aada-dong, Dong-aada-dong-aada-aaii-ee-oooo! Dong-aada-dong-aada-dong-aada-dong, Dong-aada-dong-aada-aaii-ee-oooo! » «

C'est justement la chanson préférée du hibou et quand il l'entend, il veut danser. Il va près de sa jeune amie, lui fait des excuses pour son retard et ils partent sur la piste de danse. Vous savez que le hibou est timide mais ce que vous en savez pas c'est qu'il est un excellent danseur. Plus il danse, moins il sait où il est et moins il sait où il est et plus il danse. « Dong-aada- dong-aada-dong-aada-dong, Dong-aada-dong-aada-dong-aaii-ee-ooo! Dong-aada-dong-aada-dong-aada-dong. Dong-aada-dong-aada-aaii-eee-oooo! » ça dure ainsi toute la nuit.

Le hibou s'amuse tellement qu'il oublie le temps et soudain, il entend son cousin le coq, qui complètement ivre, chante. Il a manqué l'aube et la lumière du jour entre dans la pièce. Le hibou affolé cherche une fenêtre. Il est certain que la fille en voyant son visage, comprendra combien il est laid. Il vole en tous sens. Son chapeau tombe sur le sol. Il vole de plus en plus vite et découvre une fenêtre ouverte par laquelle il s'enfuit. La jeune fille hurle « Hibou! revient!" Elle se précipite par la porte mais en vain. « Hibou! revient!" Le hibou ne l'a pas entendue.

La jeune fille rentre chez elle. Elle aide à tout remettre en ordre. Personne ne sait que penser du comportement étrange du hibou. Le soir, elle s'assied sous le porche et attend. Elle espère qu'il reviendra, mais il ne revient pas. Chaque soir, elle attend et chaque soir, elle espère. Elle repense sans cesse à cette soirée, combien tout a été si agréable. Elle repense au hibou qui danse si bien et comment il l'a regardée. Elle revoit son visage presque rond, ses grands yeux et son petit nez. Elle se dit qu'il a un visage fort, un visage attirant. Elle a aimé ses yeux tout de suite mais elle ne sait pas que le hibou se croit laid.

Elle l'attend des nuits, des jours, des semaines, des mois mais il ne revient pas. Pendant une année entière elle l'attend et puis un jour, elle rencontre quelqu'un d'autre et l'épouse. Mais chaque matin, lorsque le chant du coq la réveille aux premiers rayons du soleil, elle ne peut s'empêcher de penser au Hibou et se demande encore aujourd'hui pourquoi il s'est enfuit en courant et où il est parti.

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La Légende du Mobile

La Lune a toujours été la petite qu'on se plaisait à moquer car sa mère Saturne, aristocrate parée de bijoux, n'avait de cœur que pour ses deux autres enfants. Mercure d'abord, un curieux personnage, silencieux et effacé, attentif au moindre son, au plus petit détail. Jupiter  ensuite, une horrible peste égoïste qui ne rêvait que de royales réceptions. Oui, depuis la nuit des temps, la Lune était la risée du Mobile.  

Le Mobile, nom donné par les premiers peuples des étoiles à l'ensemble des planètes du système solaire.  

En son centre, le Soleil, aveugle, veille placidement à ce que tout soit dans l'ordre. Sous son regard flamboyant, rien ne pouvait faire changer l'ordre des choses. Rien, car le Mobile est éternel.

Mais il y eut l'incident Vénus et le sommeil de la Lune, et les choses empirèrent.  

C'est une vieille histoire. Mars, père affectueux de Mercure  et de Jupiter, époux silencieux de Saturne, était alors un politicien de haut rang, qui se déplaçait de nébuleuse en nébuleuse pour tisser les liens diplomatiques devant unir le cosmos en un tout gracieux. Ses absences répétées l'éloignaient, peut-être malgré lui, de ce qui pouvait arriver à sa benjamine, la petite Lune, écrasée par son frère et sa soeur. Mercure et Jupiter, parsemés de couleurs scintillantes et de merveilleuses constellations, paradaient dans les carnavals étoilés, maïs la Lune se drapait dans le gris déchu d'une robe minérale.  

Pourtant, pendant tous ces millénaires passés à subir le joug de sa famille, la Lune avait nourri un amour secret et impossible pour Pluton, l'orphelin du cosmos devenu prince, son demi-frère, adopté par Saturne. Elle l'admirait pour son indépendance et sa surface grise, presque invisible. Mais, en amour, la Lune n'avait pas plus de chance : depuis son arrivée dans le Mobile, Pluton était promis à Jupiter, qui multipliait les ruses pour le charmer et offrir à sa mère un fastueux mariage.  

Tout ceci, le peuple des étoiles ne le savait pas. Le peuple des étoiles, ces petites choses qui s'agitent à la surface des astres en applaudissant, et reconnaissent leur planète comme unique divinité protectrice. Des ponts de cristaux jetés entre les planètes, des tours majestueuses dressées vers les cieux, de longs habits aux motifs multicolores et de magnifiques animaux aux fourrures ondulantes... Un monde agité, que le système solaire avait laissé naître et s'épanouir des millénaires durant, en une immense civilisation sans égale dans la galaxie.  

Ainsi les Sélénites, qui arpentaient douloureusement le sol poussiéreux de la Lune, vivaient-ils dans la crainte et l'oppression, utilisés par les Mercuriaux et les Jupitériens comme serviteurs dociles, ou esclaves dans les mines de fromage.  

Si Pluton s'était décidé à épouser la Lune, peut-être que tout aurait pu être différent. Mais, incapable d'attirer l'attention de celui qu'elle aimait, la Lune devenait chaque jour plus triste. Elle aurait fait n'importe quoi pour se faire remarquer, s'affirmer au sein d'une famille ingrate.  

Or, par un beau matin étoilé, Halley, une comète magicienne qui passait régulièrement dans le système solaire pour amuser le peuple des étoiles, décida, par pure provocation, de monter sa foire sur la Lune. Les Sélénites, d'ordinaire bafoués et raillés, purent s'y rendre pour la première fois et découvrir les sublimes spectacles d'une fantasmagorie cosmique défiant l'imagination.  

Alors que la fête battait son plein et que les soucis s'envolaient, la Lune fit parvenir un message à Halley, l'invitant à venir la retrouver le soir dans une de ses cavernes, où elle avait l'habitude de s'incarner. À travers la pierre des parois, la Lune parla de son amour pour Pluton, de son désespoir. Et la comète, qui aimait profiter des situations les plus inhabituelles, eut une idée : elle connaissait un charme qui, disait-elle, pourrait rendre la Lune plus belle et plus grosse que les autres. Mais Halley ignorait les effets secondaires de l'enchantement. Qui savait ce qui pouvait se passer ? Prête à tout, la Lune n'hésita pas. La comète invoqua donc le nom profond du Cosmos et consacra la surface lunaire avec une poudre de météorite laiteux. Puis, son office achevé, Halley décolla pour un nouveau périple dans l'univers, emportant avec elle les rires et les mains tendues des Sélénites.  

Grâce au charme de la comète, la petite Lune, aux roches fracturées et aux déserts poussiéreux, se métamorphosa en  somptueuse planète verte, pleine de vie, de beauté.  

Elle s'élança vers Pluton pour lui déclarer son amour.

Malheur ! Impatiente, la Lune acheva sa transformation, se brisa et se dédoubla : d'un côté, un astre sublime, qui rayonnait de sagesse et de gentillesse ; de l'autre, la pauvre petite Lune, emmitouflée dans son éternelle défroque aride. Croyant que la Lune était venue lui présenter une nouvelle orpheline du système solaire, Pluton ignora sa grise demi-soeur et se tourna vers la belle étrangère verdoyante. Ils tombèrent amoureux et ne se quittèrent plus.    

Après de longues discussions, Mars décida que la nouvelle planète s'appellerait Vénus et qu'elle partagerait l'existence de Pluton. Ils se marièrent dans un extraordinaire festival de cotillons. La Lune était accablée et Jupiter, furieuse de la dérobade de Pluton, la tint pour responsable de son malheur.  Frappée et humiliée, la Lune tomba dans un profond coma dont elle ne sortit jamais plus.  

Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

Elle continue, car Mars décida que le coma de la Lune était une tragédie pour les Sélénites. Dans un grand élan de générosité, Mars libéra tous les esclaves. Mais sans la conscience de la Lune, sans sa présence divine, les Sélénites se retrouvaient désormais victimes des lois de la physique, des changements du temps. A force de travail et de sacrifices, les Sélénites firent de la Lune un astre paisible, où les souvenirs douloureux devinrent les clés d'une douceur de vivre contemplative. Mais ça ne devait pas durer.  

Pendant son coma, la Lune commença à rêver, ce qui était bien surprenant car, pour le Mobile, les rêves n'existaient pas, faute de sommeil. Aucune planète n'ayant jamais rêvé, ces songes lunaires complexes et décalés furent si forts qu'ils devinrent réalité. À la surface de la Lune, les Sélénites firent face à un fléau qu'ils n'avaient jamais connu : de fantastiques créatures sortaient des entrailles de la planète, des châteaux se construisaient en une nuit, des géants ravageaient les routes, des histoires absurdes gangrenaient les esprits. La vie devint bientôt impossible et les Sélénites, isolés sur une planète endormie, coupés du reste du Mobile, ne purent appeler à l'aide. Les rêves ravageaient tout sur leur passage et déséquilibraient le fragile équilibre que les Sélénites avaient eu tant de mal à construire. C'est alors que le Grand Savant fit son apparition, un Sélénite sage et bon vers lequel, souvent, le peuple se tournait. Le Grand Savant organisa une grande réunion et confia à ses, frères qu'il avait trouvé l'idée pour éliminer la menace : il allait inventer une machine capable de lire dans les pensées de la Lune, une machine qui décoderait ses rêves et les renverrait en utilisant les rayons solaires, loin dans l'espace. Son projet fut acclamé et la machine fut mise en chantier pour, un beau jour, être inaugurée. L'un après l'autre, les rêves lunaires se volatilisèrent et s'enfuirent en poussière argentée sur les rayons solaires. La population était triomphante, le peuple était sauvé. La voûte céleste pétilla. La machine fut mise en programmation perpétuelle, laissée dans un grand sanctuaire et oubliée comme une tradition. Mais les rêves ne furent pas envoyés dans le néant.  
Ils furent stoppés dans leur chute par un petit astre innocent, que personne ne connaissait vraiment : la Terre. Considérée comme une attardée mentale née d'une ceinture d'astéroïdes, la Terre avait été mise au ban de la société stellaire et éloignée des intrigues du pouvoir. Quand les rêves lunaires débarquèrent sur Terre, l'humanité était dans son âge homérique.

Les créatures orphiques envahirent les côtes de la Grèce antique, les harpies déchirèrent la chair des hoplites. Des géants magnifiques s'installèrent au sommet du mont Olympe et dictèrent leurs commandements. Des monstres gigantesques sortirent des flots : sans entraves pour freiner leur prolifération. Les rêves lunaires prirent possession de ce nouveau territoire et le plièrent à leur volonté.    

Le destin de l'homme était désormais intimement lié à celui de la Lune. Car tous ces monstres n 'existent plus de nos jours. Que sont-ils devenus ? Pourquoi auraient-ils disparu de la Terre sans rien dire ? La réponse est bien simple. Les habitants de la Terre savent rêver et ils ont, au cours de leur histoire, progressivement absorbé les rayons lunaires. Les humains, les plantes, les montagnes, la mer, les animaux... tous. La Lune est en eux. Elle s'est collée à leurs gènes, à leurs cycles naturels. Elle est dans leurs rêves. Et qui a dit que les montagnes ne rêvaient pas ? Elles n'ont pas de cordes vocales, comment pourraient-elles l'exprimer ?  

Les habitants de la Terre sont donc condamnés si la Lune meurt un jour.  

Si la Lune ne leur avait pas envoyé ses rayons, ils seraient des êtres sans rêves, sans espoir, sans merveilleux. Sans les rayons lunaires, ils ne peuvent rêver.  

C'est ainsi.  
   

bunni


Le conte de Faika

Il y a très longtemps, aux confins du désert, vivait un roi nommé Nour. Dans le langage des hommes du désert, Nour veut dire lumière.

Il avait une fille aux yeux de vif argent et au sourire à la chaleur sereine. Au sortir du ventre de sa mère, sa tante fut émerveillée par son regard clair et franc.

«Elle avait les yeux grands ouverts, dit la tante à Nour, comme si elle voulait tout comprendre d'un seul trait, tout savoir, comme si elle voulait lire en moi. »

-Eh bien nous l'appellerons Faika ! avait dit Nour à la tante. Faika, l'éveillée.

Elle était belle, mais avait soif d'apprendre, de déchiffrer le monde et les êtres qui le peuplaient.

Auprès des lettrés et des savants que recevait son père, elle apprenait plus qu'on ne doit apprendre à cet âge. Elle cultiva bien des livres féconds et goûta à ce savoir qui parfois enivre, en une fulgurante révélation, et parfois fait pleurer d'espoir démesuré. Elle savait distinguer le mot de la parole, le temps de la durée, l'énigme du mystère et les beautés cachées des apparences vaines.

Elle chantait aux oiseaux dans son jardin profond. Et, lorsqu'elle chantait, les oiseaux se taisaient pour l'écouter. Elle peignait avec des couleurs au secret bien gardé ; et personne ne savait si, ce qu'elle peignait, appartenait à ce monde ou, à l'au delà du monde. Lors de longues promenades, elle savait se perdre sur les chemins de sa muse buissonnière pour mieux se retrouver, au bord de l'abîme d'elle même, le souffle coupé. Et là, elle écoutait attentive, le chuintement de son souffle et la marche rythmée de son cœur battant à l'unisson de pulsions millénaires, les bruissements de son corps furtif et le lent déploiement de son âme, aux multiples questions.

Alors elle murmurait :

Il est plus juste que je m'absente

Que j'habite l'inexplicable

Pour énoncer la question

Et trouver les réponses

Vinrent ses dix huit ans.

Un jour, Faika était à sa fenêtre. Elle contemplait la cité aux remparts de safran, ourlé de l'ocre ondoiement des dunes, annonciateur de lentes caravanes. Elle se souvint des paroles lancées, un jour au Roi Nour, par un vieux mendiant sans regard, les yeux éteints comme si la lumière avait fui le monde pour se loger en lui :

Tu es le sultan de ta vie

Que l'aurore soit ton palais

Et l'amour ton royaume,

Tes palmeraies, ton désert, ton océan !

Son père passait par là avec ses conseillers. Il vint à elle et lui dit :

-Ma fille, voici venir le temps de sortir de l'enfance et d'épouser un pays et son prince héritier. J'ai choisi  ton époux. Il est beau, sage et puissant. Qu'il te donne vingt fils et que Dieu t'aide à vivre.

Elle répondit :

-Hélas mon père, l'homme que j'aime est loin d'ici, si loin que je ne sais où. Pourtant, je sais qu'un jour il me viendra par delà l'horizon. Mais ni lui, ni moi ne savons quand. Mais nous savons que notre temps viendra. Voici passé le temps de l'enfance, vous l'avez bien dit Seigneur. Veuillez me laisser aller à la rencontre de l'homme que j'aime et qui m'aime depuis la nuit de temps. Je construirai la maison où je l'attendrai. Sans lui, je sais que ma vie ne sera que sable sur les flancs de la dune que le vent nu balaie.

Elle salua le Roi, ses conseillers aussi. Elle tourna les talons et quitta le palais. Elle traversa la ville et s'en fut au désert. Elle marcha une journée, vent debout, les yeux fixés sur l'horizon, immuable et changeant à la fois. Le crépuscule vint et le vent s'apaisa. Elle s'arrêta alors et fixa la ligne qui au loin disparaissait dans la nuit qui tombait. Elle se vit seule et droite, vigie vibrante au cœur du monde.

Et là, au milieu de l'infini, elle bâtit une maison basse. Elle monta les murs, posa le toit et fit la porte en bois de temps perdu. Elle franchit le seuil, ferma la porte et se mit à chanter :

Dites moi aux vents qui m'écoutaient

Dites moi où est mon bien aimé !

Dans la cité, la rumeur se propagea comme une traînée de sable, envahit les maisons, les échoppes, les souks et les cafés :

-Savez-vous bonnes gens ? La princesse Faika s'est exilée au désert. Elle espère l'amour ; elle attend qu'il lui vienne.

Qui ne connaissait Faika la fille du Roi Nour. Tous la savaient plus belle et plus désirable que les mille palais du paradis des purs. Tous accoururent alors des coins les plus reculés du royaume : princes ou marchands, lettrés et savants, voleurs ou mendiants, philosophes ou conteurs, timides et fanfarons, bancals et bien portants, tous brûlés d'amour et de folle passion.

Au premier qui frappa à sa porte fermée :

-Qui vient là ? demanda Faika

Le cœur serré l'homme lui répondit :

-C'est moi !

Alors il entendit Faika lui répondre, à l'abri de sa porte close :

-Dans cette maison, toi et moi, ne pouvons vivre ensemble. Dis moi ton nom, homme  et va-t-en !

Il obéit et s'éloigna.

Tandis qu'il s'éloignait, Faika broda son nom sur son manteau de laine blanche.

Le lendemain, un autre vint. Lui aussi frappa à la porte fermée.

-Qui vient là ? lui demanda Faika

Comme son frère de la veille il lança fièrement :

-C'est moi !

Comme son frère de la veille, il entendit les mêmes mots :

-Dans cette maison, toi et moi, ne pouvons vivre ensemble. Dis moi ton nom, homme  et va-t-en !

Le nom fut dit, et le nom brodé sur le manteau de laine blanche.

Ils vinrent cent, ils vinrent mille, ils vinrent durant une, dix et vingt années. Chacun à la question posée, répondait à la porte close :

-C'est moi, Hacène le riche marchand, c'est Ali, le prince fils de roi, c'est moi Hocine, le familier du Roi ; c'est moi, c'est moi....tel coureur de dunes et de vent.

Vingt, dix et cent noms furent brodés sur le manteau de laine blanche.

Les jours et les nuits passèrent, et les printemps et les hivers aussi, jusqu'au jour où fit halte, au seuil de la maison, un errant aux pieds nus

Ce jour là Faika, comme à l'accoutumée,  était en train de chanter son unique  chant d'amour.

Dites moi aux vents qui m'écoutaient

Dites moi où est mon bien aimé !

Il s'appelait Mokhtar.

En langue d'Occident son nom était l'élu. Il n'avait dans ses mains que ses lignes de vie. Tous ses trésors brillaient dans les étoiles de ses yeux et le clair sourire de ses lèvres subtiles.

On raconte qu'à douze ans, le Roi de sa contrée avait organisé des joutes poétiques, ouvertes aux poètes reconnus. Mokhtar, que personne ne connaissait, se présenta pour y participer. Les gardes du Roi le rejetèrent une première fois ; mais il tint bon et revint à la charge. Le Roi averti par le bruit de la dispute, voulut en savoir plus. On le lui dit. Il donna ordre de laisser l'adolescent tenter sa chance.

Et lorsque Mokhtar se mit à parler, un grand silence se fit progressivement. Tous se turent et les plus avertis, reconnurent en lui la voix tant attendue. Le Roi offrit un prix ; mais Mokhtar préféra le vent du sable et de la liberté, en disant au Roi :

Celui qui bâtit le monde

Est celui qui hâte son errance

Parce que l'horizon est l'écho

De ce qui vient et de son cœur

Le vent ne vieillit jamais.

Il ne frappa qu'un seul coup à la porte fermée

-Qui vient là, dit Faika.

Mokhtar, droit sur le seuil, resta bouche close. On entendit, une deuxième fois, le vent grenu caresser les flancs ouverts de la dune.

Une deuxième fois, Faika dit :

-Qui vient là ?

Mokhtar pencha sa haute taille et ne répondit pas. Alors Faika l'aimée de Dieu, s'approcha dans la pénombre de sa masure, posa la tête sur la porte et dans un souffle, par une fente du bois brut dit encore

-Qui vient là ?

Mokhtar, contre la même fente de bois brut, répondit à voix basse :

-C'est toi !

Faika :

Un écho proche ou lointain, en réponse à mon chant, vient de me dire que le secret qui parle de toi et de moi n'a pas d'âge !

Mokhtar :

Quand je plonge mes yeux dans les tiens

Je vois l'aube profonde

Je vois l'hiver ancien

Je vois ce que j'ignore

Et je sens que passe l'univers

Entre tes yeux et moi.

Et la porte s'ouvrit lentement.

Mokhtar entra. Il s'avança ; et que vit-il dans ce clair obscur frémissant ?

Une vieille ridée, les épaules lasses, courbée dans son manteau de laine blanche foisonnant de mille broderies, traces de tous les passants qui trouvèrent porte close.

Mokhtar vit-il ses cheveux fanés et ses yeux fatigués ?

Sur le manteau de laine blanche, il vit un fil qui dépassait. Il le tira, défit le nom et, par la porte ensoleillée, il lança le fil au vent. Le fil, à peine dehors, saisi par la brise, se fit oiseau et s'envola. Il en tira un autre, puis un autre ; à chaque fois, le fil prit son envol, et en oiseau se transforma.

Et miracle, à chaque fil délivré, à chaque nom dénoué, une ride du visage de Faika disparaissait, son teint retrouvait son éclat et ses yeux leur bonheur vivant.

Quand plus un nom brodé ne fut, quand le soleil eut disparu derrière la nuée d'oiseaux qui avaient envahi le ciel, Faika était de nouveau jeune, plus ardente et radieuse qu'au plus beau jour du printemps de sa vie.

Alors les deux qui ne font qu'un s'en allèrent droit dans le désert.

Mokhtar se retourna et dit à l'ombre « Vis lumineux, crée un poème et va accroître l'espace de la terre »

Alors les deux qui ne font qu'un, épousèrent la dune et s'en furent droit dans le désert, pour revivre leur vie.

Depuis, nul ici bas ne les revit, mais pendant des siècles on raconta leur histoire, à l'heure où la cité safran s'endort derrière l'ocre de ses remparts, ourlé du blanc ondoiement des dunes, annonciateur de lentes caravanes et de brûlants secrets.

bunni


Le chemin des mots

Il était une fois une petite fille qui ne trouvait jamais les mots pour dire ce qu'elle ressentait.  Chaque fois qu'elle tentait de s'exprimer, de traduire ce qui se passait à l'intérieur d'elle, elle éprouvait une sorte de vide.  Les mots semblaient courir plus vite que sa pensée.  Ils avaient l'air de se bousculer dans sa bouche mais n'arrivaient pas à se mettre ensemble pour faire une phrase.  Dans ces moments-là, elle devenait agressive, violente, presque méchante.  Et des phrases toutes faites, coupantes, cinglantes sortaient de sa bouche.  Elles lui servaient uniquement à couper la relation qui aurait pu commencer.  De toute façon tu peux pas comprendre.  Ca sert à rien de dire.  C'est des bêtises de croire qu'il faut tout dire!

D'autres fois, elle préférait s'enfermer dans le silence, avec ce sentiment douloureux.  Que de toute façon personne ne pouvait savoir ce qu'elle ressentait, qu'elle n'y arriverait jamais.  Que les mots ne sont que des mots.  Mais tout au fond d'elle-même, elle était malheureuse, désespérée, vivant une véritable torture à chaque tentative de partage.  Un jour, elle entendit un poète qui disait à la radio que "Il y a chez tout être humain un chemin des mots qu'il appartient à chacun de trouver."  Et, dès le lendemain, la petite fille décida de partir sur le chemin des mots qui était à l'intérieur d'elle.

La première fois où elle s'aventura sur le chemin des mots, elle ne vit rien.  Seulement des cailloux, des ronces, des branchages, des orties, et quelques fleurs piquantes.  Les mots du chemin des mots semblaient se cacher, paraissaient la fuir.  La seconde fois où elle chemina sur le chemin des mots, le premier mot qu'elle vit sur la pente d'un talus fut le mot OSER.  Quand elle s'approcha, ce mot osa lui parler.  Il dit d'une voix exténuée: "Veux-tu me pousser un peu plus haut sur le talus?"  Elle lui répondit: "Je crois que je vais te prendre avec moi et que je vais t'emmener très loin dans ma vie."

Une autre fois, elle découvrit que les mots étaient comme des signes sur le bord de ce chemin et que chacun avaient une forme différente et un sens particulier.  Le deuxième mot qu'elle rencontra fut le mot VIE.  Elle le ramassa, le mit contre son oreille.  Tout d'abord, elle entendit rien.  Mais en retenant sa respiration, elle perçut comme un petit chuchotement: "Je suis en toi, je suis en toi" et plus bas encore: "Prend soin de moi."  Mais là, elle ne fut pas très sure d'avoir bien entendu.

Un peu plus loin sur le chemin des mots, elle trouva un petit mot tout seul, recroquevillé sur lui-même, tout frileux comme s'il avait froid.  Il avait vraiment l'air malheureux ce mot-là.  Elle le ramassa, le réchauffa un peu, l'approcha de son coeur et entendit un grand silence.  Elle le caressa et lui dit: "Comment tu t'appelles-toi?"  Et le petit mot qu'elle avait ramassé lui dit d'une voix nouée: "Moi, je suis le mot SEUL.  Je suis vraiment tout seul.  Je suis perdu, personne ne s'intéresse à moi, ni ne s'occupe de moi."  Elle serra le petit mot contre elle, l'embrassa doucement et poursuivit sa route.

Près d'un fossé sur le chemin des mots, elle vit un mot à genoux, les bras tendus.
Elle s'arrêta, le regarda et c'est le mot qui s'adressa à elle: "Je m'appelle TOI", lui dit-il.  "Je suis un mot très ancien mais difficile à rencontrer car il faut me différencier sans arrêt des autres."  La petite fille le prit en disant: "J'ai envie de t'adopter, toi, tu seras un bon compagnon pour moi."

Sur le chemin des mots elle rencontra d'autres mots qu'elle laissa à leur place.  Elle chercha un mot tout joyeux, tout vivant.  Un mot qui puisse scintiller dans la nuit de ses errances et de ses silences.  Elle le trouva au creux d'une petite clairière.  Il était allongé de tout son long, paraissait détendu les yeux grands ouverts.  Il avait l'air d'un mot tout à fait heureux d'être la.  Elle s'approcha de lui, lui sourit et dit: "C'est vraiment toi que je cherchait, je suis ravie de t'avoir trouvé. Veux-tu venir avec moi ?"  Il répondit: "Bien sûr, moi aussi je t'attendais..."  Ce mot qu'elle avait trouvé était le mot VIVRA.

Quand elle rassembla tous les mots qu'elle avait recueillis sur le chemin des mots, elle découvrit avec stupéfaction qu'ils pouvaient faire la phrase suivante: Ose ta vie, toi seule la vivras, elle répéta plus lentement: "Ose ta vie, toi seule la vivras."

Depuis ce jour, la petite fille prit l'habitude d'aller se promener sur le chemin des mots.  Elle fit ainsi des découvertes étonnantes, et ceux qui la connaissent furent très surpris d'entendre tout ce que cette petite fille avait à l'intérieur d'elle.  Ils furent étonnés de toute la richesse qu'il y avait dans une petite fille très silencieuse.

Ainsi ce termine le conte de la petite fille qui ne trouvait jamais les mots pour se dire.
 


bunni


Grenouillette et son violon

Il était une fois, une petite grenouille toute verte et rondelette appelée Grenouillette. Elle habitait un joli petit marais orné de magnifiques nénuphars de toutes les couleurs. Grenouillette avait les plus beaux nénuphars de toute la région ! Elle passait tout son temps à s'en occuper, car Grenouillette était une petite grenouille solitaire et sans amie.

Les autres petites grenouilles des marais alentour n'étaient pas comme elle. Elles étaient toutes minces et avaient toutes un amoureux. Leur finesse leur permettait de faire des bons extraordinaires !

Comme Grenouillette était un peu rondelette, les autres grenouilles ne voulaient pas jouer avec elle. Souvent, les petites grenouilles, plus jeunes, venaient la voir pour se moquer d'elle en la pointant du doigt. Grenouillette était triste et allait se cacher dans sa petite grotte de vase, bien à l'abri des regards, à l'abri du soleil et des moqueries.

      Sa petite grotte était toute fraîche et bien rangée. Elle y avait mis tout ce qu'elle aimait. Grenouillette était une petite grenouille qui mettait beaucoup de coeur dans ce qu'elle faisait. C'était son petit coin secret dans lequel elle se sentait bien .

Quand la nuit venait, Grenouillette repensait aux autres grenouilles. Elle aurait tellement aimé être comme elles. Triste, elle regardait par la petite fenêtre en forme de feuille qu'elle avait fabriquée et admirait la magnifique lune qui se trouvait dans le ciel. Pour se réconforter et enlever son chagrin, la petite Grenouillette prenait son instrument de musique et jouait un magnifique air de violon.

     La mélodie résonnait dans tout le village des grenouilles mais personne ne savait d'où provenait cette magnifique musique . Elle faisait couler des larmes d'émotion de toutes les petites grenouilles qui l'écoutaient, tellement c'était joli et émouvant.

Un beau jour, alors que Grenouillette jouait du violon dans sa petite grotte, un petit crapaud curieux s'en alla à la recherche de cette douce musique. Il suivit le son très attentivement à travers les feuillages, sautant sur de nombreuses pierres dans la nuit, jusqu'à arriver sur un magnifique nénuphar rose et blanc. Il regarda aux alentours et vit par une toute petite fenêtre de la lumière et l'ombre d'un violon. En s'approchant, il vit une grenouille toute rondelette jouer de tout son coeur en pleurant. Il s'approcha de plus en plus et reconnut la petite Grenouillette. Ému, il repartit sans un mot, sans un bruit, vers son marais.

     Le lendemain, alors que Grenouillette faisait son jardin, elle vit plein de petites grenouilles l'observer à tour de rôle. Elles se chuchotaient à l'oreille des choses en la regardant. Grenouillette ne pouvait pas les entendre. Elle pensa que c'était encore pour se moquer d'elle et de cette fameuse fois où elle était tombée dans l'eau en essayant d'attraper un moustique sur une feuille instable.

     Puis la nuit vint. La lune pleine illuminait les cieux et Grenouillette, comme toutes les nuits, prit son violon et joua l'air le plus beau et le plus magnifique qu'elle eut jamais joué. Elle ne savait pas que, cette nuit-là, des centaines de petites grenouilles l'écoutaient jouer dans son marais, regardant avec leurs petits yeux mouillés la fenêtre en forme de feuille et l'ombre de son violon. Le crapaud curieux l'avait répété à tout le monde.

      Depuis ce jour, beaucoup de petites grenouilles vinrent la saluer et parler de ses beaux nénuphars. Chacune d'entre elles gardait précieusement le secret et venait l'écouter jouer toutes les nuits. Grenouillette se fit beaucoup d'amies et, de temps en temps, le crapaud curieux venait boire une tasse d'eau chaude aux algues en sa compagnie.

     Un beau jour, ils se marièrent et eurent beaucoup de petites grenouilles toutes rondelettes.



bunni


Lucile

Il était une fois une petite princesse si jolie qu'on ne pouvait pas l'oublier quand on l'avait vue une fois.

Elle avait un sourire doux comme le miel, les yeux bleus et transparents comme la mer au bord de la plage, elle aimait tout le monde et tout le monde l'aimait.

Le roi et la reine lui avaient donné comme marraine la fée la plus gentille du royaume, et cette mignonne princesse était aussi la petite fille la plus heureuse du monde.

«Elle sera la petite fille la plus heureuse du monde tant qu'elle n'ira pas dans la sombre forêt du milieu du royaume. » avait dit la fée en la berçant au creux de son bras.

Et tous les habitants du royaume veillaient sur elle, pour qu'elle n'aille jamais dans cette forêt.

Un jour où elle courait dans un pré, elle vit un petit lapin blanc qui bondissait dans l'herbe.

«Je vais sauter comme toi et je vais te rattraper » lui cria-t-elle.

Mais il allait si vite que bientôt, sans s'en être rendu compte, elle se trouva au milieu d'une grande forêt.

Elle n'y était jamais entrée, et elle eut peur.

«C'est la sombre forêt du milieu du royaume », lui disait son cœur.
Le lapin s'était assis devant elle.

Elle voulut lui demander de l'aider, de la ramener dans le pré.

Tout à coup il se dressa sur ses pattes arrière, et se mit à grandir et grandir jusqu'à devenir encore plus grand que le père de la petite princesse.

Ensuite, il perdit sa tête de lapin.

Ses oreilles devinrent petites et pointues, il lui poussa un gros nez crochu, une grosse bouche avec des dents toutes noires et toutes de travers.

Il lui poussa aussi des cheveux gris et blancs, tout raides, et la petite princesse se dit qu'il était devenu vraiment très vieux.

Et voilà que les yeux ronds du lapin devinrent des yeux tout petits et très méchants, et qu'ils la regardaient. Oui, c'était bien elle qu'ils regardaient, il n'y avait personne d'autre dans cette forêt sombre.

La fourrure tiède et blanche du lapin géant se transforma en une vieille robe grise toute usée, pleine de trous et toute sale.

Comme une énorme chauve souris, un grand manteau noir arriva en volant entre les arbres et se posa sur ses épaules.

Pour le retenir, les pattes douces du lapin se transformèrent en mains aux longs doigts tout tordus, tout crochus, avec de grands ongles vraiment très pointus, prêts à griffer.

La petite princesse se sentait vraiment toute petite devant cet énorme monstre qui continuait à la regarder.

Elle n'osait pas bouger du tout.
Le monstre leva un bras, cassa une branche de l'arbre à côté de lui.

La branche n'était pas grande, et quand il s'appuya dessus comme sur une canne, il devint tout tordu, presque plié en deux.

«Je suis sûre que maintenant, il ressemble à la plus vieille femme du royaume, celle qui habite très loin de tout dans un trou creusé dans la terre et qui mange des araignées à son petit déjeuner. Je ne l'ai jamais vue, puisque les enfants n'ont pas le droit de s'approcher d'elle,  mais oui, je suis sûre qu'elle est comme ça », se dit la petite princesse en secret au fond de sa tête.

«Tu as raison, je suis bien la terrible sorcière que les enfants ne doivent pas voir » répondit la vieille femme avec un rire affreux.

«Mais vous n'auriez pas dû m'entendre, j'ai juste parlé dans ma tête, sans faire de bruit », murmura la petite princesse.

La sorcière n'arrêtait pas de rire, on aurait dit une porte en fer qui grince et grince sans fin, battue par le vent.

La petite princesse avait si peur qu'elle se mit à pleurer.

Elle ne savait pas comment sortir de cette horrible forêt du milieu du royaume.

Elle ne savait pas comment faire partir cette horrible sorcière.

Elle ne savait plus quoi faire dans cette horrible histoire.

«Ah ah, tu ne sais pas quoi faire », ricana encore la sorcière.

«Oui, j'entends tout, même ce que tu penses juste dans ta tête. Et ici, il n'y a personne pour t'aider, surtout pas ta gentille marraine la fée !»
«Oh, vous connaissez ma marraine ? » demanda la petite princesse avec espoir. Peut être réussirait-elle à la faire venir ici, auprès d'elle, et elle n'aurait plus peur ...

«Oui, je connais ta marraine. Je la connais beaucoup trop bien, même, et je le regrette beaucoup. Elle a toujours été gentille et jolie.

Moi je suis laide et méchante, et je ne l'aime pas du tout, mais vraiment pas du tout, ta marraine. Les sorcières, tu vois, ça ne peut aimer personne, et surtout pas les fées très gentilles.»

Comme sa marraine la fée, la petite princesse était très gentille. En entendant cela, elle se dit que quand même cette vilaine sorcière devait se sentir très seule.

«Vous vivez vraiment toujours dans cette sombre forêt du milieu du royaume ? Il n'y a jamais de soleil, ici, on ne voit pas le bleu du ciel, et il n'y a personne à qui parler. Ca doit être affreux » dit-elle.

«Tu as un peu raison. Même mon chat s'est sauvé, il avait trop envie de faire ses siestes à la chaleur du soleil ... Alors, tu vois, une sorcière qui n'a plus son chat, oui, elle se sent quand même un peu seule » répondit la sorcière.

«Et vous n'avez même pas une vraie maison ! » La petite princesse se mit à réfléchir à voix haute :

«Ecoutez, si vous voulez, je peux vous emmener dans notre château, il vous plaira, j'en suis sûre ».

La sorcière regardait la petite princesse avec des yeux tout ronds, tout étonnés et ne dit rien.

«Vous voulez que nous attendions ce soir ? Comme cela, la lumière ne vous fera pas mal aux yeux », dit encore la petite princesse.

La sorcière se taisait toujours.

Elles restèrent toutes les deux l'une près de l'autre pendant que l'après-midi se passait et que le soir arrivait.

Quand le soleil fut couché, la petite princesse prit la main crochue de la vieille sorcière dans sa petite main à elle et, toujours sans rien dire, elles se mirent en marche.

Et voilà que la sombre forêt du milieu du royaume était devenue si petite qu'au bout de sept pas elles étaient déjà dans le pré.

Sept pas de plus et elles arrivaient déjà au château.

La sorcière s'arrêta devant la grande porte, toute peinte en doré.

«Je crois bien que je la reconnais », dit-elle simplement, les yeux flous comme si elle rêvait.
Quand elles furent entrées, le roi et la reine arrivèrent en courant.

«Où étais-tu ? Nous t'avons cherchée toute la journée et nous avons eu si peur que tu sois perdue », dirent-ils en embrassant leur fille et en la serrant très fort dans leurs bras.

Ils virent alors que la petite princesse donnait la main à une vieille femme très très très bizarre.

Mais la reine dit simplement :

«Nous vous remercions du fond du cœur de nous avoir ramené notre petite fille chérie, Madame ».

Et le roi ajouta :

«Madame, Madame, tout ce que vous voulez, je vous le donnerai ».

Personne n'avait jamais dit merci à la sorcière.

Personne ne lui avait jamais dit « Madame ».

Personne ne lui avait jamais fait de cadeau et elle ne savait pas quoi demander.

Comme le roi, la reine et la petite princesse restaient là tranquillement à attendre sa réponse, elle eut une idée.

«C'est la première fois pour moi, et je ne sais pas quoi vous dire. Et pourtant ... si, quand même. Je vais vous demander une chose : dites moi comment s'appelle cette gentille petite princesse. »

Oh, mais qu'est-ce qu'elle avait dit là ?

Voilà que le roi, la reine et la petite princesse se regardaient, et que personne ne lui répondait.
La reine se passait la main sur le front, le roi se frottait le menton.

«C'est extraordinaire, nous n'y avons jamais pensé, notre fille n'a pas de nom ! »

Alors la petite princesse se mit à pleurer.

«Donnez moi un nom, maintenant que je le sais il m'en faut un. S'il vous plaît ... », dit-elle à ses parents et à la sorcière.

Et ce fut la sorcière qui lui répondit :

«Tu es grande, ce serait difficile pour nous de te choisir un nom. Mais si tu veux bien revenir avec moi dans ma forêt, je suis sûre que tu trouveras le nom qui te convient. »

La petite princesse accepta tout de suite et embrassa ses parents.

«Je resterai le temps qu'il faudra dans la forêt et je reviendrai. Ne vous inquiétez pas».

Et voilà, tout était simple, et cette fois personne ne l'empêcha de s'approcher de la sombre forêt du milieu du royaume, ni de descendre dans le trou où habitait la sorcière pour y vivre avec elle.

Elles avaient beaucoup de choses à se raconter, beaucoup de choses à s'apprendre.

La sorcière lui faisait découvrir la vie comme elle la vivait seule dans sa forêt, et la petite princesse lui racontait comment on vivait dans son château.

Mais il faisait toujours bien noir dans la forêt, et ça, vraiment, c'était difficile pour la princesse.

Un soir d'été, elle alla jusqu'au bord du pré, attrapa une douzaine de lucioles et les ramena à la sorcière.

Quel plaisir elles partagèrent en regardant ces petites lumières qui brillaient et se déplaçaient dans la nuit ! 

Et voilà que les lucioles le sentirent, et se mirent à aimer les arbres et l'humidité qui les entouraient. Au bout d'une semaine, de nouvelles petites lucioles étaient nées.

Bientôt, elles furent si nombreuses que les soirées dans la forêt étaient aussi claires que les jours dans le reste du royaume, et le chat de la sorcière vint les retrouver en miaulant de plaisir.

Un soir, la sorcière soupira qu'elle aimerait bien retourner un peu au château, maintenant qu'elle savait comment on pouvait y vivre.

La princesse avait envie de revoir ses parents, et elle fut d'accord pour une visite.

«Nous n'y resterons pas trop longtemps, je n'ai pas encore rencontré mon nom. Mais d'abord, il faut nous faire belles, nous allons nous préparer des robes magnifiques.» dit-elle.

Elles passèrent de longues et belles soirées à coudre, à la lumière des lucioles.
Le dernier soir, elles brossèrent le chat, lui mirent un collier qu'elles lui avaient tressé.

Puis elles prirent un long bain, enfilèrent leurs belles robes et se coiffèrent soigneusement.

Enfin, quand elles se sentirent prêtes, elles partirent vers le château, avec le chat qui trottait en tête. Et les lucioles les accompagnèrent en un nuage serré au dessus de leurs têtes.

Il se trouva que ce soir là, le roi et la reine avaient organisé un grand bal.

Tous les habitants du royaume y étaient invités, et tous y vinrent, car il était bon de penser que la vie était toujours belle, même quand on attendait depuis si longtemps le retour d'une jolie petite princesse...

Il faisait si doux qu'ils étaient accueillis sur les grandes terrasses du château, où des tables chargées de nourriture délicieuse et de boissons fraîches les attendaient.   

De grandes corbeilles de roses, de lys blancs, de chèvrefeuille, de pétunias, embaumaient l'air déjà rempli de rires et de chants.

Les musiciens accordaient tranquillement leurs instruments, déjà installés dans la grande salle où ils feraient danser tout le monde dès que sonnerait minuit.

Et le soleil finit par disparaître complètement à l'horizon.

De l'autre côté, un autre soleil se levait déjà.

Etrangement, il apparaissait du côté de la sombre forêt du milieu du royaume.
Et il s'approchait très vite du château, sans vraiment s'élever dans le ciel.

Un grand silence se fit, puis on entendit juste un miaulement, tout près.

Un gros chat noir vint se frotter contre la robe de la reine et le pantalon du roi, en ronronnant de plaisir.

Et sous le nuage de lumière qu'on aurait presque pu toucher en levant le bras, apparurent deux femmes magnifiques.

L'une était très jeune, légère, vêtue d'une robe de soie rose ornée de rubans qui dansaient à chacun de ses pas.

L'autre était plus âgée, majestueuse, vêtue d'une robe de soie bleue ornée de rubans qui suivaient lentement chacun de ses gestes.

Le roi et la reine les regardaient s'approcher, émerveillés, n'osant les reconnaître.

La plus jeune se mit à courir vers eux, et se jeta dans leurs bras.

«Te voilà revenue », lui disaient-ils en l'embrassant.

«Comment t'appelles-tu ? » demanda doucement la reine.

«Lucile, je m'appelle Lucile », répondit-elle sans hésiter.

Voilà qu'elle savait comment elle s'appelait, voilà qu'elle avait trouvé son nom, voilà qu'elle avait choisi qui elle était.

Rayonnante de bonheur, Lucile se tourna vers son amie de la sombre forêt et elle vit que maintenant, celle qui la regardait avec tendresse, ce n'était plus une sorcière.

C'était une fée, sa marraine la fée, qui se mit à lui parler.
«Quand tu es née, j'ai oublié de m'occuper de te choisir un nom.

J'ai été punie, condamnée à devenir une horrible sorcière solitaire vivant dans un trou, au fond de la sombre forêt du milieu du royaume.

Le sort ne pouvait disparaître que si j'arrivais à réparer mon erreur.

Pendant longtemps, j'ai cru que ce serait impossible, et je crois bien qu'alors j'étais vraiment devenue méchante.

Mais un jour je me suis reprise, et j'ai décidé d'essayer de te rencontrer.

Ce jour là, tu as croisé un petit lapin qui sautait dans un pré ...

Et tu es devenue ma lumière, Lucile».

Le bal qui suivit, tout le monde s'en souvient encore, tellement il fut joyeux, plein de musique, de danses et de lumière.

Les lucioles s'étaient posées les unes à côté des autres sur les feuilles des arbres, sur les rebords des fenêtres du château, comme des guirlandes de Noël dans une belle nuit d'été.

Et si on peut en parler aujourd'hui, c'est parce que Lucile y rencontra son prince charmant, qu'elle l'épousa, et qu'elle raconta son histoire à tous les enfants qu'ils eurent ensemble, puis aux enfants de leurs enfants ...  et qui sait qui vous la raconte maintenant ...




bunni


Que deviennent les vieux bateaux de pêche... Légende des mers

Au fond des rias, des rades ou des abers, on trouve, couchées sur la grève, des carcasses de bateaux, le plus souvent en bois,  échoués là pour poursuivre une vie fantomatique et mystérieuse.  Ces vestiges  témoignent de façon émouvante des rudes efforts des marins qui ont servis à leur bord.

Les vieux marins se souviennent aussi que dans ces cimetières de bateaux, la mer vient reprendre à chaque marée haute les restes dégradés de ces bateaux chargés de leur histoire.

Un jour, l'un d'eux m'a conté une histoire qu'il tenait de son oncle, marin thonier à  Groix.   

En montant  faire la marée,  les marins ont embarqué, en pleine nuit, à bord de l'Avel Mor, pour rejoindre les bancs de pêche. L'Avel Mor, qui signifie « le vent de mer » en français, naviguait bon train au clair de lune sur une mer apaisée.   

Les pêcheurs  appréciaient cet éclairage qui rend leur route plus facile. Ils  étaient tous redevables à cet astre qui prenait soin d'eux dans l'obscurité alors que le soleil n'était présent que le jour et encore lorsqu'il ne se cachait pas derrière de gros nuages noirs.

Mathurin était le maître à bord et tout l'équipage,  qui se connaissait de longue date, lui faisait totalement confiance aussi bien pour sa navigation  assurée que pour sa capacité à  dénicher le poisson.  Un seul reproche aurait pu lui être fait dans ce coin de la côte du sud Bretagne, c'est qu'il n'était pas très assidu à la messe : si ce n'était pour rassurer les femmes, il ne participerait pas au pardon marin chaque année.  Mais,  personne ne se serait permis de lui en faire le reproche. 

On ne s'étonnait pas non plus de ces moments de solitude où, plongé dans ses réflexions,  se tenant à la proue du navire, il marmonnait des phrases incompréhensibles, un peu comme s'il s'adressait directement aux éléments.

On ne lui connaissait pas non plus de penchant particulier pour la piquette  ou le rhum contrairement à certains de ces jeunes matelots.  En mer, c'est lui qui conservait la seule bouteille de gnôle qu'il versait  dans les quarts en fer blanc, après les gros coups de mer ou pour fêter une bonne marée.

Cette fois encore, il se plaça à l'avant du bateau comme pour communier avec la mer, solliciter sa clémence et sa générosité, mais  ce soir-là, face au reflet de lune qui rendait la surface brillante comme un miroir, c'est avec plus de véhémence encore qu'il s'adressait aux flots. Inquiet de découvrir le patron dans un tel état, le mousse alla prévenir un matelot,  son cousin, qui l'avait pris sous sa protection pour son embarquement.  Alors que les palabres s'éternisaient et que  le patron paraissait s'agiter de plus en plus, il lui dit de regagner son poste et de garder toute sa confiance dans son capitaine.

Il ne pouvait  rapporter à l'équipage la demande qui venait de lui être faite. Elle était assez inattendue et le rendait soucieux. Il n'en dit rien à personne et retrouva sa place à la barre ; il fallait sans perdre de temps, faire préparer la palangre avec les appâts faits de petites sardines, de crevettes ou de crabes.

Cette pêche ne fut pas très fructueuse, même si les conditions de mer étaient idéales. Sur la route du retour, l'inquiétude ne quittait plus le visage de Mathurin  aux traits déjà creusés par la fatigue.

Dès le retour à quai, contrairement à son habitude,  il quitta le bord sans s'assurer par lui-même du déchargement des cales. A peine pied à terre, il se dirigea vivement vers le bistrot, comme s'il avait un rendez-vous important.

Par respect et politesse il salua un à un tous les matelots déjà accoudés au bar pour se rincer le gosier du sel qui grattait leur gorge.  Un mot gentil pour chacun, puis il trouva une place au bout du zinc et commanda un verre de vin blanc.

A peine, le patron du bar l'avait-il servi, qu'il le prit par la manche pour l'attirer à lui afin de ne pas avoir à parler trop haut.  Tendant l'oreille, le tenancier prit aussitôt un air surpris et sur un ton réservé posa en retour quelques questions. La salle avait retrouvé son animation habituelle et plus personne ne s'occupait de cette conversation qui aurait pu paraître mystérieuse.

Il y avait toujours la table des joueurs de belote très animée  et une autre plus calme avec les  anciens,  adeptes des dominos, autour un ou deux incorrigibles bavards rabâchant sans cesse leurs souvenirs de mer déjà connus de tous. Ici on a l'habitude de dire d'eux qu'ils ont du vent dans leurs sacs, car leurs propos sont souvent sans intérêt.

Mathurin sortit pour rejoindre son équipage, promettant de repasser plus tard pour reprendre cette discussion qui semblait d'importance.

Ce secret, m'a été révélé par ce vieux marin, visiblement encore très touché par le récit que son oncle lui avait rapporté  il y a très longtemps.

Mathurin, en venant au bistrot, s'était souvenu que le patron conservait toujours des pièces de marine retrouvées sur le bord de l'eau. Toute une collection de vieux flotteurs,  œillets d'amarres usées,  de perches de marquage à casiers et de nombreuses pièces d'accastillage rouillées.  Une patte un peu folle lui avait interdit d'embarquer pour la pêche comme tous ses camarades d'école, il en gardait une grande nostalgie ainsi qu'une passion de ces choses de marine.

Mathurin avait parlé plus précisément d'un gros clou de charpente dont le patron était particulièrement fier.

La fée Morgane qui s'était adressée à lui dans le rayon de lune avait été très claire dans sa demande, il s'agissait sans erreur possible de ce gros clou rouillé qui manquait. Elle lui rappela une vieille légende qu'il avait entendu racontée par les anciens,  mais qu'il n'avait pas vraiment prise au sérieux.

Les épaves alanguies sur les grèves, submergées en partie par le jusant sont petit à petit récupérées par les flots. Au fond des mers, tous leurs éléments sont patiemment recueillis par le peuple des Morgans, créatures mystérieuses des profondeurs, chargés de reconstruire chaque embarcation dans son intégralité  avant d'être confié à un équipage fantomatique formé par les naufragés de l'année. Ce dernier voyage permettait de rassembler les âmes de ces pauvres bougres perdus en mer et à jamais arrachés à leur famille, pour trouver enfin un repos éternel.  Mais pour être assuré  de rejoindre  ce paradis bien mérité, il était indispensable de réunir, sans exception, tous les composants de ces vieux bateaux.

Ce clou de charpente marine manquait à l'appel, la fée morgane avait fait sa prière d'intercession auprès de Mathurin pour qu'il l'aide à terminer cette tâche importante. La rencontre avec ces êtres petits comme des lutins, beaux comme des anges, n'étant pas sans danger, le vieux marin en avait été bouleversé, et,  sans attendre de contrepartie, avait promis d'honorer la requête.

Le soir même, en arrivant dans le café, Mathurin s'aperçut que le patron lui avait bien préparé un joli paquet bien ficelé dans un papier journal. Il lui remit discrètement mais avec une certaine solennité dans le regard et une certaine émotion d'avoir malgré lui offensé le monde marin en ramassant innocemment ce vieux clou.

Lors de la marée suivante, dans un même halo de lune se reflétant à sur la surface de l'océan, Mathurin  avait rendez-vous important avec la bonne fée pour restituer  à l'océan cette petite pièce de métal rouillé.

L'équipage cette fois encore, n'avait pas compris son manège, mais il restait soucieux de l'humeur de leur capitaine depuis la sortie précédente.

Quelques instants plus tard, tous à bord constatèrent avec satisfaction qu'il avait retrouvé sa jovialité et son énergie. 

La marée ce jour-là fut abondante et les conditions de mer moins pénibles. Un large sourire sur le visage de Mathurin marquait la joie du devoir accompli vis-à-vis des anciens compagnons perdus en mer qui trouveraient ainsi un repos bien mérité. 

Je ne vois plus ces vieilles carcasses en décomposition de la même façon, mais je prends toujours beaucoup de plaisir à photographier leurs courbes élégantes.  Je regarde ces bateaux valeureux qui ont accompagné les hommes dans leurs efforts  et qui attendent patiemment une renaissance.  Grâce aux assauts des vagues et à la magie de la mer, ils mèneront encore, une dernière fois,  un équipage à bon port.   

bunni


Il était une fois un brin d'herbe.

Il était totalement désespéré, tantôt congelé par le froid, tantôt inondé par les pluies, ou brûlé par le soleil, et parfois même piétiné par des centaines de grosses chaussures et de bottes.
Dès lors qu'il commençait à être heureux, à s'étendre vers le ciel bleu et la chaleur du soleil en écoutant les oiseaux s'interpeller et en sentant la brise le caresser, il était tondu ou aplati et compressé contre la terre.

Un jour, ne sachant pas ce qu'il faisait, quelqu'un le coupa si court qu'il savait à peine respirer et ne pouvait certainement plus entendre le chant des oiseaux ou sentir la brise.
Mais, on ne sait pas comment, quelques jours plus tard, il remarqua qu'il avait légèrement grandi et qu'il pouvait à nouveau s'étirer et voir le ciel.

Malheureusement, après quelques semaines, le soleil le brûla si fort qu'il perdit sa couleur verte et devint brun et sec. Il pensa que sa fin était proche jusqu'au moment ou la pluie tomba et qu'il put boire goulûment et s'imprégner d'humidité. Bientôt, il regagna en couleur.

Il y avait toujours quelque chose qui semblait arriver pour le blesser, ou pour le mettre en danger ; la gelée et la neige, le soleil brûlant, les gens qui marchaient, couraient ou sautaient sur lui. Il était désespéré, ça ne valait pas le coup de vivre de cette manière.

Un jour un joli papillon se posa non loin de lui. Quelque chose de magnifique émanait de ce papillon et le brin d'herbe commença à lui parler pour en arriver à lui raconter son histoire misérable.

Le papillon fort sympathique, commença à lui parler. "Je peux comprendre ce que tu ressens mais je dois dire que je suis assez surpris d'entendre ton histoire. Vois tu, de ma perspective, vu d'en haut, au dessus de toi, je te regarde chaque jour. Je vois que tu es tellement flexible que la pire des tempêtes ne te casse jamais, peu importe ce qu'il t'arrive: être écrasé de façon répétitive, être gelé ou brûlé, tu te relèves toujours, lèves les yeux et t'étends vers le ciel et les nuages. Et quand le vent souffle je peux entendre ta chanson, jolie et légère.

Le brin d'herbe remercia le papillon et resta silencieux pendant longtemps. Puis, il commença à murmurer un chant joyeux car il avait enfin réalisé que toute sa vie était un succès et non un échec.

  A bientôt quelque part !


bunni


La maison des Lutins

«Ecoutez tous, écoutez bien, élargissez vos coquillages, nettoyez bien vos grandes feuilles... »

Celui qui parle est un vieux lutin des forêts, un très ancien, très vieux, très sage et très savant lutin.

Il est raconteur d'histoires aussi. Mais attention, ce sont des histoires vraies, vraies de vraies : comment les lutins sont arrivés sur terre, comment ils ont fait alliance avec les animaux de la forêt, leur lutte incessante avec les sorcières, leurs ruses pour toujours rester invisibles aux yeux des adultes et comment choisir un enfant pour qu'il devienne ami des lutins et...leur construise des maisons !!!....

Ce jour-là, le vieux lutin a rencontré des enfants qui se promènent en forêt, enfin, qui s'ennuient en forêt, ils n'aiment pas tellement ça, marcher, marcher...et il leur explique la manière de faire...

«C'est mieux si vous êtes à deux ou trois, c'est plus amusant. Il faut choisir un grand arbre, un arbre qui vous plait, avec de belles branches et des feuilles pas encore ouvertes tout à fait (Si c'est au printemps. De toute façon, c'est mieux de s'y prendre au printemps...) Mais c'est le pied de l'arbre surtout qui compte, là où les racines commencent...Plus c'est tordu, noué, avec des creux et des bosses, mieux c'est. Surtout, l'arbre doit être situé bien à l'abri des regards indiscrets ! Vous nettoyez bien autour du tronc avec des branchages, vous enlevez les vieilles feuilles sèches et les brindilles. Puis, vous prenez votre sac et : à la découverte !

Laissez -vous guider par vos yeux, par votre nez, vers des mousses douces, des cailloux colorés et bien ronds, des écorces de bouleau et des graines de toutes les formes. Certaines sont germées déjà, alors il faut les laisser , elles deviendront des arbres. Il y a les châtaignes, les glands, les hélices, d'autres graines rondes comme des billes... Mettez tous vos trésors dans votre sac.

Prenez aussi des jolis bâtons et des feuilles bien sèches, pas abîmées : il y en a qui sont toutes en dentelle, elles sont rares mais nous les aimons beaucoup... Quand votre sac est plein, vous déposez toutes vos découvertes au pied de l'arbre, les cailloux et les pierres ensemble, les feuilles et les graines à part etc...

Ensuite, l'un après l'autre et sans vous disputer, vous disposez vos merveilles à l'endroit bien nettoyé... Parfois, il y a de la sciure quand les bûcherons sont passés, vous pouvez faire un lit de sciure, on adore !...La mousse fera nos lits, les écorces, les tables et les chaises peut-être un toît, si ça tient...Un jour, un enfant m'a fait une balançoire avec une branche fourchue et une écorce...Bref, laissez faire votre imagination... Et la nuit, quand tout sera calme et la forêt endormie, nous sortirons de dessous l'arbre et nous viendrons visiter notre nouvelle maison. Si elle nous plait, nous l'habiterons. Mais, avant de partir, quand vous avez fini de tout installer, il y a encore une chose très importante à accomplir : Il faut, chacun votre tour, saluer et remercier l'arbre qui accueille cette nouvelle maison de lutin, saluer et remercier les pierres, les herbes, le vent et les insectes, la forêt entière...

Puis chanter et danser autour de l'arbre. Nous vous entendrons sous la terre et nous aussi nous chanterons et danserons pour notre nouvelle maison !!!»

Le vieux lutin s'éclipse en un instant comme s'il avait  encore cent ans et les enfants se font la promesse de revenir demain installer une magnifique maison à leurs nouveaux amis... »

bunni


Le dragon et le phénix ! (Conte chinois du lac de l'Ouest ! )

Il y a des siècles et des siècles, dans la grotte sur la rive est du fleuve céleste habitait un dragon blanc comme la neige ; et dans la forêt de la rive opposée habitait un phénix coloré.

Dragon et phénix étaient voisins. Le matin, l'un sortait de la grotte et l'autre s'envolait de la forêt en se saluant, puis ils se séparaient pour aller à leurs occupations. Un jour, ils s'amusèrent ensemble : l'un nageait dans le fleuve céleste, l'autre s'envolait dans le ciel. Tout en nageant et volant, ils arrivèrent sans s'en apercevoir à l'île féerique ; là ils aperçurent une pierre étincelante. Phénix, très content, dit à Dragon :

-Dragon, Dragon, tu vois cette belle pierre !

Dragon, plein de joie lui aussi, dit à Phénix :

-Phénix, Phénix, nous allons la tailler et la polir en une perle, d'accord ?

Phénix fit un signe d'assentiment et ils se mirent immédiatement au travail. Dragon ameublissait la pierre avec ses pattes et Phénix la picotait avec son bec ; des jours s'écoulèrent, des années passèrent ; finalement il faut dire qu'ils avaient réussi à façonner une perle ronde. Phénix s'envolait dans la Montagne féerique, il recueillait dans son bec de la rosée pour la verser goutte à goutte sur la perle ; Dragon nageait dans le Fleuve céleste, il y aspirait de l'eau pure qu'il pulvérisait sur la perle ; sous les gouttes et la pulvérisation incessantes, la perle petit à petit commença à émettre des rayons.

Dès lors, Dragon se prit d'affection pour Phénix et celui-ci adorait Dragon ; leur perle faisait leur bonheur. Dragon ne voulait plus rentrer dans sa grotte, ni Phénix revenir dans sa forêt ; ils vivaient donc ensemble dans l'île féerique située au milieu du Fleuve céleste pour veiller jour et nuit sur la perle.

C'était vraiment un perle sans prix. Là où parvenaient ses rayons, s'élevaient des bois verdoyants, s'épanouissaient des myriades de fleurs de toute beauté ; on voyait des pays aux montagnes ensoleillées et aux eaux limpides qui se couvraient de riches récoltes.

Un jour la Reine Mère de l'Ouest sortit du Palais céleste, et aperçut tout à coup la parle dardant ses rayons ; aussitôt son coeur avide brûla du désir de la posséder. À minuit, elle envoya un soldat céleste pour la voler alors que Dragon et Phénix s'étaient endormis. Elle était si contente de sa prise qu'elle ne voulut pas que d'autres puissent y jeter un coup d'oeil. Elle se hâta de rentrer dans son Palais et fit verrouiller neuf portes derrière elle.

Dès qu'ils se réveillèrent, Dragon et Phénix s'aperçurent que leur perle avait disparu. Fous d'inquiétude, ils la cherchaient partout. Dragon fouilla toutes les grottes du lit du Fleuve céleste, il ne trouva rien ; Phénix explora chaque coin de l'île Féerique sans plus de résultat. Très tristes, ils continuèrent quand même leurs recherches jour et nuit. Ils n'avaient qu'un espoir ; retrouver cette perle à laquelle ils s'étaient tant attachés.

À l'occasion de l'anniversaire de la Reine Mère de l'Ouest, les Immortels s'empressèrent d'arriver de toutes parts au Palais impérial pour assister au Banquet de Pêches qui avaient lieu en l'honneur de la douairière . Celle-ci avait fait apporter des pêches en abondance pour les Immortels qui buvaient du bon vin et prenaient les fruits tout en adressant leurs souhaits d'anniversaire : "Vous le bonheur de la Mer de l'Est, la longévité de la Montagne du Sud !" Très satisfaite de ces félicitations des assistants, la douairière se prit à dire :

-Mes vénérables, je vais vous montrer une perle sans prix comme on n'en trouve ni au Ciel, ni sur terre !

À ces mots, elle détacha de sa ceinture neuf clés qui ouvrirent neuf verrous, passa neuf portes, puis sortit sa perle qu'elle présenta dans une assiette d'or et plaça au milieu de la salle. Naturellement, les Immortels s'extasièrent sur la perle qui diffusait une brillante lumière.

À ce moment même, Dragon et Phénix continuaient partout leurs recherches. Phénix remarqua tout à coup le rayonnement de leur perle et dit aussitôt à Dragon :

-Dragon, Dragon, dépêche-toi, dépêche-toi, vois, ce sont bien les rayons de notre perle !

Dragon sortit sa tête du Fleuve céleste, regarda un moment et dit :

-Oui, c'est certainement notre perle, allons vite la reprendre !

Et Dragon et Phénix de s'élancer aussitôt, guidés par les rayons. Arrivés au Palais impériel, ils trouvèrent les Immortels tendant le cou vers la perle, en train de clamer leur enthousiasme. Dragon s'écria en approchant :

Cette perle est à nous !

Phénix, à son tour, affirma :

Oui, elle est à nous, cette perle !

La douairière fut très fâchée de leur intervention ; elle s'approcha d'eux en vociférant :

Qu'osez-vous dire ? Moi, je suis la Reine Mère de l'Ouest, tous les trésors du Ciel m'appartiennent !

En entendant ces paroles, Dragon et Phénix, très fâchés eux aussi, dirent d'une même voix :

-Cette perle n'est née ni du Ciel ni de la Terre, mais c'est bien de nous qui l'avons taillée et polie jour après jour, d'année en année, au prix d'un dur travail.

à ces paroles, la douairière se sentit envahie à la fois par la haine et la honte ; elle prit l'assiette d'or et ordonna à ses soldats et généraux célestes de chasser tout de suite les intrus. Phénix, voyant que la Reine Mère n'entendait pas raison, s'élança pour se saisir de la perle ; Dragon en fit autant. Trois paires de mains s'agrippaient à l'assiette, personne ne voulant lâcher. Secouée par ces trois forces, l'assiette oscilla et la perle roula en bas des marches, vers la terre.

Dragon et Phénix, voyant que la perle risquait de s'écraser sur le sol, la suivaient en descendant, se précipitant d'avant en arrière, de gauche à droite, pour la protéger alors qu'elle tombait lentement. Quand elle toucha le sol, la perle se métamorphosa soudain en lac, le lac de l'Ouest. Comme Dragon ne voulait pas la quitter, il devint la magnifique colline du Dragon qui monte la garde sur ses rives. Phénix ne voulait pas quitter non plus sa perle, il devint la Colline du Phénix qui la garde, elle aussi.

Dorénavant, la Colline du Phénix et celle du Dragon sont couchées silencieusement aux côtés du Lac de l'Ouest. Aujourd'hui, on chante à Hangzhou deux anciennes chansons populaires qui évoquent cette légende :

Lac de l'Ouest issu de la perle descendant du Ciel et Le dragon et le phénix arrivent au bord du fleuve Qiantang .

bunni


Le coquelicot

Il était une fois une fleur des champs un  gentil   coquelicot  qui  se trouvait dans un jardin parmi les fleurs habituelles : les roses, les marguerites, les giroflées.. on ne lui parlait pas, il se sentait de trop, comme un étranger dans ce jardin parfois même il avait l'impression qu'on se moquait de lui, le jardinier ne s'en occupait pas, il ne le regardait pas, le jardinier admirait seulement les fleurs du jardin : blanches, jaunes, bleues, roses , pas le gentil  coquelicot  rouge, le jardinier arrosait ses fleurs, leur parlait, les choisissait pour garnir un vase dans sa maison.

Mais un jour il fit très chaud et puis un autre jour et puis un 3è jour, puis 10 jours puis 30 jours puis 2 mois puis 3 mois puis 5..alors le jardinier n'avait plus d'eau pour arroser ses fleurs chéries, elles devenaient laides, sèches, flétries, ils ne les admirait plus, elles se laissèrent mourir de chagrin.  

Le gentil  coquelicot essaya de les réconforter, il les encouragea à patienter, il leur assura que la pluie allait arriver mais elles ne savaient pas patienter, un matin toutes les fleurs chéries du jardinier étaient tombées sans vie sur la terre

Le coquelicot devint la seule fleur du jardin alors le jardinier le remarqua pour la première fois, il découvrit qu'il avait là dans son jardin un beau coquelicot , il commença à lui parler, l'admirer et un jour il voulut le cueillir pour le mettre en vase mais il n'y parvint pas car le coquelicot durant de longs mois s'était endurci face à ce qu'il voyait, entendait, endurait tous les jours, il avait une carapace à tout épreuve, sa tige était dure comme de l'acier, en son fond intérieur il avait gardé son âme d'enfant, il n'avait pas de colère, pas de rancune, pas de vengeance

Le gentil  coquelicot offrit son sourire  au jardinier et se mit à lui parler pour la première fois :

Jardinier nous sommes là tous les deux toi avec ton sécateur et moi avec ma couleur rouge éclatante, qui est le plus heureux de nous deux ? Je te laisse réfléchir et je te dis que j'ai beaucoup souffert dans ton jardin mais j'ai développé dans les épreuves ma force intérieure et je vis bien aujourd'hui, je respire bien, je me nourris chaque jour de l'amour que  j'ai pour moi.    

Le jardinier  s'éloigna le sécateur à la main, il alla s'asseoir sur un banc à l'ombre, la fatigue s'empara de lui subitement, il s'essuya le front avec un grand mouchoir à carreaux et resta  là longtemps, très longtemps songeur.

bunni


Le secret de Sarah

Il était une fois dans un pays lointain où vivent princesses et lutins, où les arbres sont bleus et le ciel aux couleurs des rires des enfants, une petite fille Clara. Depuis 10 ans, elle vivait dans la forêt au bord d'un joli lac avec ses parents. Elle avait tout pour être heureuse sauf qu'elle se sentait bien seule dans ce monde. Bien sur ses parents étaient adorables et elle ne manquait de rien si ce n'était d'un autre enfant pour partager ses rires. Mais la vie en avait décidé autrement: ses parents n'avaient pu avoir qu'un seul enfant au prix d'une terrible solitude.
La maman de Clara aimait à raconter à sa fille le mystère de sa naissance.
En effet il s'agissait d'une très belle histoire digne des contes de fées.
Ses parents s'étaient mariés très jeunes. Leur amour si parfait fit beaucoup de jaloux dans le royaume si bien que le jour de leurs noces, un mauvais sorcier versa dans le vin de messe un filtre qui allait empêcher les jeunes époux d'avoir une descendance. Découvrant cela, les parents de Clara tombèrent dans une grande détresse car leur vœu le plus cher était de fonder une belle et grande famille. Désormais ce n'était plus possible, seul leur restait leur amour qui malgré le malheur ne cessa de grandir.
Ils avaient alors construit une petite maison au bord de ce magnifique lac dans lequel se reflétait la lune. Depuis leur arrivée dans ce lieu paradisiaque nul n'était venu déranger leur quiétude comme si ce lieu n'existait que pour eux, comme s'il les protégeait du monde extérieur. Souvent le couple venait se recueillir au bord de l'eau sous l'œil attendri de la lune et des étoiles. Ils ne cessaient de prier pour que le maléfice qu'on leur avait injustement jeté soit levé et que leur voeu le plus cher se réalise enfin.
Face à tant d'amour, la lune ne pu rester insensible et, un soir alors que les jeunes époux enlacés la contemplaient en versant des larmes de désespoir, elle leur parla ainsi :
« jeunes amis, votre tristesse ne peut me laisser indifférente... Votre amour est si beau et si pur qu'il m'émeut, je ne peux vous laisser dans une telle détresse. Faites un vœu et je vous aiderai à le réaliser. ».
Les deux jeunes gens crurent d'abord à une hallucination due au souffle du vent dans les branchages mais ils répondirent tout de même d'une seule et même voix :
« Ce que nous désirons le plus au monde est un enfant, hélas un être maléfique nous a jeté un mauvais sort nous empêchant de réaliser notre désir le plus cher ».
« Soit, répondit le lune, je peux vous aider mais sachez que je ne peux réaliser qu'une seule fois ce vœu : vous n'aurez donc qu'un enfant mais il y a une contrainte à laquelle vous ne pourrez échapper : vous devrez rester tous trois dans la plus profonde des solitudes jusqu'au jour où votre enfant trouvera un amour aussi pur que le votre ». Ils se demandèrent comment leur enfant privé de contact avec l'extérieur pourrait rencontrer sa moitié dans ce lieu reclus. Mais la solitude ne les effrayait pas car il la connaissait depuis plusieurs années maintenant et ils savaient que grâce à leur amour ils seraient heureux.
La lune continua donc :
« Attendez la prochaine pleine lune. Cette nuit là, déposez dans une fleur de nénuphar un mélange de vos larmes et quelques gouttes de la rosée du matin même, placez ensuite cette fleur au centre de mon reflet sans froisser la surface plane de l'eau. Au petit matin vous serez alors parents d'une petite fille. »
Voilà encore une difficulté qui alerta le couple mais rien ne pouvait les détourner de leur désir le plus cher. Ils avaient 7 jours pour trouver une solution et ils ne reculeraient devant rien. C'est ainsi que naquit Clara belle comme la lune, fragile comme une larme et légère comme le nénuphar. On pouvait voir sur le pouce droit de la petite fille un petit croissant de lune.
Voilà pourquoi, depuis qu'elle savait marcher, la fillette aimait tant venir se recueillir au bord de ce lac en méditant sur le secret de sa naissance.
Un jour alors que Clara dormait à l'ombre d'un arbre, elle sentit une présence qui l'éveilla. De l'autre côté du lac un enfant de son âge l'observait ! Chose très étrange car depuis son enfance, elle n'avait jamais rencontré personne en ce lieu à cause du pacte que ses parents avaient passé avec la lune.
Dès que Clara se leva le jeune garçon disparu dans la forêt. Très intriguée et folle de joie d'avoir enfin trouvé un compagnon de jeu, la jeune fille essaya de le retrouver mais sans succès, il s'était évanoui dans la nature.
Qui était donc ce jeune garçon ?
Depuis cette fameuse fin d'après midi de sa 12ème année, Clara ne cessa de retourner à l'endroit où elle avait eu cette vision, chaque fois le cœur battant en espérant revoir celui qui avait su éveiller en elle un sentiment étrange qu'elle ne connaissait pas. Chaque fois elle rentrait chez elle le cœur lourd de ne pas l'avoir revu. Ses parents s'inquiétaient car leur fille unique ne vivait plus qu'avec cette pensée, elle était repliée sur elle-même et avait perdu sa bonne humeur. Pourtant, le jour de son 16ème anniversaire, elle revint pourtant chez elle avec un sourire éclatant. En effet, fidèle à elle-même depuis 4 ans, assise sous le même arbre, elle avait revu le jeune homme encore plus beau et mystérieux que dans ses souvenirs. cette fois, il s'était approché d'elle, s'était assis près d'elle dans l'herbe et lui avait avoué que pendant ces 4 ans il n'avait cessé de l'observer assise ici sans oser venir lui parler. Alors il l'avait embrassé sur la joue puis s'en était allé. Clara compris alors qu'il était le "prince charmant" qu'elle attendait depuis toujours...
Les parents mis au courant par leur fille rayonnante comprirent que les événements dont leur avait parlé la lune 16 ans auparavant étaient en train de se réaliser et que le voile de leur solitude était sur le point de se lever.
Le lendemain Clara couru au lieu de rendez vous le coeur remplit d'impatience.
Quand elle arriva, il était déjà là, les pieds dans l'eau. Clara quitta ses chaussures et vint s'asseoir  tout près du garçon, ils restèrent ainsi jusqu'à la nuit tombante. Lorsque la lune apparu dans l'eau, elle semblait leur sourire et c'est à ce moment là que Clara découvrit la petite cicatrice en croissant de lune sur le pouce gauche du jeune homme. Elle lui prit la main et lorsque leurs pouces se joignirent la lune apparut ronde et pleine : les deux moitiés étaient réunies. Les deux jeunes amis se regardèrent et comprirent : ils ne seraient plus jamais seuls et leur bonheur rayonnerait à jamais sous l'œil protecteur de leur marraine la lune.

bunni


" C'est si triste d'être seul ... "
(Le magicien qui peut tout .... sauf rester seul...)


Savez-vous pourquoi seules les vieilles personnes racontent des histoires ?

Parce que les contes sont la sagesse même de notre monde !

Tout passe, et seuls les contes authentiques demeurent...

Les contes sont la sagesse,

Et pour raconter des contes, il faut savoir beaucoup de choses,

Et voir ce que d'aucun ne peut voir,

Mais pour ce faire, il faut avoir vécu de longues années.

C'est pourquoi seules les vieilles personnes savent raconter les contes.

Comme il est dit dans le grand livre antique des enchantements :

" Le vieil homme est celui qui détient la sagesse "

 

Les enfants...,

Ils aiment écouter les contes

Parce qu'il y a en eux

L'imagination et l'esprit qui les font penser à tout,

Et pas seulement à ce que d'aucun peut voir.

Et, si après être devenu grand, l'enfant voit toujours

Ce que d'aucun ne peut voir,

C'est qu'il sait que l'imagination, - c'est la vérité.

Et il reste enfant, un enfant plein de sagesse,

- " Un ancien détenant la sagesse "-,

Comme il est dit dans le grand livre antique des enchantements,

Le "Livre du Zohar ".

 

Il y avait une fois un magicien,

Grand, extraordinaire, beau et d'une très grande bonté...

Mais il était seul, personne

Qui pourrait être à ses côtés,

Personne avec qui jouer,

Personne à qui parler,

Personne qui lui prêterait attention,

Avec qui pourrait-il partager tout

Ce qu'il possède.

Que faire ? ...

C'est si triste d'être seul !

 

Il se prit à penser : et si je créais une pierre,

Même une toute petite, mais une jolie pierre ?

Peut être que cela me suffirait,

Je la caresserais et je sentirais

Comme une présence à mes côtés,

Et nous serions bien,

C'est si triste d'être seul !

 

Avec sa baguette magique il fit " tic !"

Et une pierre apparut à ses côtés,

Exactement comme il l'avait imaginée.

Il caresse la pierre, il l'embrasse,

Mais elle ne répond pas, elle ne bouge pas,

Qu'elle reçoive un coup ou une caresse,

Elle est insensible !

Comment être son ami ?

 

Le magicien se mit alors à faire des pierres et encore des pierres,

Beaucoup d'autres pierres, toutes différentes,

Des rochers, des montagnes, des terres,

Le globe terrestre, le soleil, la lune.

Il remplit de pierres tout l'univers,

Mais toutes n'étaient qu'une seule et même pierre,

Elles ne lui répondaient pas,

Et comme auparavant, il pensait

C'est si triste d'être seul !

 

Puis le magicien pensa :

Et si au lieu d'une pierre, je créais une fleur,

Une jolie fleur ?

Je l'arroserais,

Je l'installerais dans un endroit aéré, au soleil,

J'en prendrais soin,

Elle serait heureuse,

Et tous deux ensemble, nous serions bien,

C'est si triste d'être seul !

 

Avec sa baguette magique il fit " tic !",

Et une fleur apparut à ses côtés,

Exactement comme il la voulait.

Il se mit à danser de joie devant elle,

Mais la fleur, elle, ne dansait pas, elle ne tournoyait pas,

Elle était presque insensible à sa présence.

Elle réagissait seulement à ce que lui donnait le magicien :

Quand il l'arrosait, elle était pleine de vie,

Quand il ne l'arrosait pas, elle s'étiolait.

Comment est-il possible de réagir aussi peu à un magicien d'une si grande bonté ?

Prêt à donner tout son cœur ! ... Et personne...

Comment faire ? ...

C'est si triste d'être seul !

 

Le magicien se mit alors à faire des fleurs,

Des grandes, des petites, des jardins et des forêts, des buissons et des champs...

Mais tous n'étaient qu'une seule et même fleur – ,

Elles ne lui répondaient pas,

Et comme auparavant, c'était bien triste d'être seul...

 

Le magicien pensa longuement puis il se dit :

Et si je créais un animal ?

Mais quel animal ? Le mieux serait un chien. Oui, un chien !

Un petit chien, gai, affectueux.

Je jouerais avec lui,

Nous irions nous promener, et mon chien courrait

Devant, derrière, autour de moi.

 

Quand je rentrerais à la maison, dans mon château,

Plutôt, quand je serais de retour dans notre maison,

Il serait déjà parti en courant à ma rencontre,

Nous serions bien ensemble,

C'est si triste d'être seul !

 

Avec sa baguette magique il fit " tic !",

Et un chien apparut à ses côtés,

Exactement comme il le voulait.

Il se mit à le choyer,

Il lui donnait à manger et à boire, il le caressait,

Lui faisait sa toilette, allait le promener,

Il faisait tout pour lui...

Mais l'amour d'un chien...,

C'est juste sa présence,

Etre aux pieds, suivre...

 

Et le magicien s'aperçut avec regret

Que même le chien

Avec lequel il jouait si bien,

N'était pas capable de lui rendre l'amour

Qu'il lui donnait.

Il n'était tout simplement pas capable d'être son ami,

Pas capable d'apprécier ce qu'il faisait pour lui !

C'était pourtant bien ce que souhaitait le magicien !

 

Il se mit alors à créer

Des poissons, des lézards, des oiseaux, et bien d'autres,

Mais ce n'était pas mieux :

Aucun ne le comprenait,

Et comme auparavant, il pensait, c'est si triste d'être seul !

 

Le magicien pensa longuement, longuement puis comprit :

" Mon seul véritable ami ne pourra être que

Celui qui aura besoin de moi

Et me cherchera.

 

Ce doit être quelqu'un

Qui pourra vivre comme moi,

Quelqu'un qui saura tout faire comme moi,

Qui pourra aimer comme moi,

Comprendre comme moi,

C'est seulement alors qu'il me comprendra !

 

Seulement, comment être comme moi ? ... mmm...

Qui peut être comme moi ?

Qui pourrait apprécier ce que je lui donne,

Qui pourrait me rendre la pareille,

Car même un magicien a besoin d'amour,

Qui pourrait être tel

Que nous serions bien ensemble ?

C'est si triste d'être seul !

 

Mais pour que nous soyons bien ensemble,

Il doit auparavant savoir

Ce que signifie être seul, sans moi,

Eprouver, comme moi... sans lui, que

C'est si triste d'être seul !

A nouveau, le magicien fit " tic !",

Et, loin, très loin de lui, apparut un endroit,

Et dans cet endroit, un homme...

 

Mais l'homme est si loin du magicien

Qu'il n'a pas le sentiment de l'existence du magicien

Qui l'a créé et a tout créé pour lui :

Les pierres, les fleurs, les animaux, les oiseaux,

Les maisons et les montagnes, les champs et les forêts,

La lune et le soleil, la pluie et le ciel,

Et encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses..., le monde entier...,

Même le football et les ordinateurs !

Tout ce que possède l'homme...

Et le magicien est encore seul...

Et c'est si triste d'être seul !...

 

L'homme, lui, ne se doute même pas

Qu'il existe un magicien,

Qui l'a créé,

Qui l'aime,

Qu'il l'attend et qui l'appelle :

" Eh, vraiment, tu ne me vois pas ! ?

C'est moi, ... moi qui t'ai tout donné,

Viens !

Nous serons bien tous les deux,

C'est si triste d'être seul !... "

 

Mais comment l'homme qui se sent si bien comme cela,

Qui a le football et les ordinateurs,

Qui ne connaît pas le magicien,

Comment pourrait-il vouloir le trouver,

Le rencontrer,

S'approcher de lui, être son ami,

L'aimer,

Etre tout près de lui,

Et lui dire à ce magicien,

" Eh, magicien, !...

Viens, nous serons bien tous les deux,

C'est si triste d'être seul, sans toi !... "

 

Car l'homme ne connaît que ses semblables

Et que ce qui est autour de lui,

Il sait qu'il faut être comme tous,

Faire tout ce que tous font,

Dire ce que tous disent,

Vouloir ce tous veulent.

Ne pas énerver les grands, demander poliment,

Les maisons, les ordinateurs, le football pour les loisirs,

Et tout ce qu'il veut, il le possède,

Et à quoi bon savoir en fin de compte

Qu'il existe un magicien

Qui est si triste sans lui ...

 

Mais le magicien est d'une grande bonté, d'une grande sagesse,

Sans se montrer, ... il observe l'homme...

... et tout à coup, ... un jour, ...

Délicatement, doucement, tout doucement,

Il fait ... " tic ! " avec son bâton.

 

Et l'homme ne peut plus

Vivre comme avant,

Ni le football, ni les ordinateurs

Ne lui font plus plaisir,

Et il veut, il cherche quelque chose,

Il ne comprend pas encore que

C'est le magicien qui est entré

Dans son cœur avec sa baguette magique en lui disant

" Allez ! ... maintenant,

Viens, nous serons bien tous les deux,

Car toi aussi, tu es si triste d'être seul !..."

 

Et le magicien, d'une grande bonté, d'une grande sagesse,

L'aide à nouveau :

Juste encore un "tic !",

Et l'homme sent qu'il existe quelque part un château enchanté,

Rempli de toutes sortes de bonnes choses miraculeuses,

Et que le magicien l'attend là-bas,

Et qu'ils seront bien tous les deux ...



Mais, où est ce château ?

Qui lui montrera le chemin ?

Comment rencontrer le magicien ?

Comment pourra-t-il le trouver ?

 

Et toujours dans son cœur " tic ! "... " tic ! ",

Il ne peut plus ni manger, ni dormir,

Partout, il voit des magiciens et des châteaux

Et il n'en peut plus d'être seul,

Ce serait si bien ensemble ! ...

 

Mais pour que l'homme devienne comme le magicien,

D'une grande bonté, d'une grande sagesse, aimant, fidèle,

Il doit savoir faire tout

Ce que sait faire le magicien,

En tout, il doit lui ressembler,

Seulement, pour cela, les "tics !" ne conviennent plus -,

L'homme doit apprendre lui-même à les faire,

Mais comment ? ...

 

C'est pourquoi le magicien, discrètement .... tout doucement,

Délicatement ... " tic-tic ... tic-tic "... ,

Conduit l'homme avec précaution

Vers le grand livre antique des enchantements,

Le "Livre du Zohar "...

Qui a les réponses à tout, tout,

Sur le chemin, sur la façon de s'y prendre

Pour que finalement tout soit bien,

Alors pourquoi rester seul?



Et l'homme se dépêche vite, très vite

De se mettre en chemin vers le château, pour rencontrer le magicien,

Pour rencontrer son ami, être à ses côtés,

Lui dire " hé ! ...

Nous serons bien ensemble,

Ca fait si mal d'être seul... "

 

Mais autour du château – une haute muraille,

Et des gardes terrifiants tout autour,

Et plus l'homme s'élève le long de la muraille,

Plus les gardes le rejettent avec grossièreté,

Plus il tombe douloureusement,

Il est sans force, vidé,

Il crie vers le magicien :

Où donc est ta bonté,

Pourquoi me fais-tu souffrir ?

Pourquoi m'as-tu appelé ?

Parce que tu avais mal d'être seul ?

Pourquoi as-tu fais en sorte

Que je souffre sans toi ?...

 

Et, ..., tout à coup, il ressent un "tic ...tic", - et à nouveau,

Il avance, il monte le long de la muraille.

Il faut contourner les gardes, monter le long du mur,

Franchir le portail fermé du château,

Trouver le magicien...

 

Tous les coups, tous les échecs

Lui donnent des forces, de la persévérance,

De la sagesse.

Soudain, du découragement naît le désir de...

Il apprend à faire tous les miracles

Que fait le magicien,

Il apprend à créer ce

Que seul le magicien pouvait créer !

 

Des profondeurs des échecs croît son amour,

Il n'a plus qu'un seul désir :

Etre avec le magicien, le voir,

Tout lui donner, sans retour.

Car c'est seulement alors qu'il se sentira bien,

Ce n'est plus possible d'être seul !...

 

Et quand il n'en peut vraiment plus,

Alors le grand portail s'ouvre,

Et le magicien s'avance à sa rencontre, en lui disant :

"Eh bien, où étais-tu ? Viens,

Comme nous allons être bien maintenant,

Car, tous les deux, nous savons, comme cela fait mal,

Comme c'est triste d'être seul ! "

 

Dès cet instant, ils demeureront ensemble à jamais,

Des amis fidèles, inséparables, aimants.

Et il n'y a pas de sentiments plus élevé, plus profonds,

Et l'amour leur emplit tellement le cœur

Qu'aucun n'a le souvenir

Que c'est si triste d'être seul !...

Si quelqu'un ressent dans son cœur,

Un " tic... tic " doux, très doux,

(Ecoutez bien attentivement !),

Que l'essentiel dans la vie est la rencontre avec le magicien,

L'attachement à lui, l'union avec lui,

Qui, seuls, prodigueront le bien-être,

Mais que, pour l'instant, tout est tristesse et souffrance...

Qu'il s'adresse au groupe des aides du magicien


Dans l'attente...,

Vos : " tics...tics... "