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Contes d'ici et d'ailleurs

Démarré par bunni, 18 Septembre 2012 à 00:22:36

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bunni

#255

Le luthier de Venise

Descendant d'un rayon de lune, Pierrot croise une mendiante. C'est une conteuse: conviée à un duel entre mots et musique par un prince, au risque que les poèmes connus et inconnus soient engloutis. La voilà à court de mots, mais le prince lui a accordé un sursis. Pierrot va l'aider. Autour d'eux le peuple vénitien s'agite. Soudain inspiré, Pierrot commence l'histoire du "Luthier de Venise".

Dans une rue de Venise, la boutique d'un luthier donnait d'un côté sur un canal, de l'autre sur un jardin où poussait un grand arbre. Un chat tenait compagnie à l'artisan, chassant les oiseaux venant dans l'arbre. Un jour, l'arbre mourut et perdit ses feuilles. Le luthier envoya le chat chercher des bûcherons pour l'abattre. Une fois abattu, le bois fut stocké dans la boutique. Le temps passa, l'artisan devint vieux. Il se souvint du bois, qui était sec et entreprit d'en faire le plus parfait des violoncelles. A la veille du carnaval, l'instrument était prêt.

Les masques défilent et le luthier se demande qui saura faire chanter son violoncelle. Entre un célèbre artiste, masqué, accompagné de ses admirateurs et admiratrices. Il veut jouer l'instrument. Le luthier l'en dissuade: seul un artiste talentueux et sincère y parviendra. L'instrument lui résiste. Vexé, il s'obstine. Tous s'en vont, même le chat, et le violoncelliste reste seul avec l'instrument. Incarnation de l'âme du violoncelle, la mendiante apparaît. L'instrument joue et quelques branches poussent au bout du manche.

Sauvée par ce nouveau récit, la mendiante s'en retourne conter au prince une histoire où mots et musique sont réconciliés. Venise vivra pour l'éternité.

bunni


La bohémienne et le lutin.

Sur les chemins de la forêt enchantée se promenait joyeusement les cheveux au vent , une bohémienne. Elle cheminait seule depuis des années , vivant de ses danses et du tirage de ses cartes dans les villes qu'elle traversait.

Un soir , épuisée par sa marche , elle s'assit sur une pierre du chemin et posa sur l'herbe son sac à dos plein de souvenirs, mais surtout d' histoires du monde entier. Elle retira ses espadrilles et commença longuement à se masser vigoureusement les pieds.
Elle aimait la solitude des routes , aucune attache ne la liait , libre comme le vent , elle accompagnait souvent un bout de chemin les gens qu'elle croisait.

Quand même, parfois , cette solitude lui pesait.

Et ce soir là était justement un soir où cette dernière pesait lourdement sur ses frêles épaules .

Tout à coup la demoiselle vit avec stupéfaction son sac à dos marcher tout seul !
Du fait de son amitié avec tous les êtres fabuleux du monde païen , le mystère ne l'étonna pas et reprit son sac et dos d'un geste preste.

Dessous, ce tenait un lutin malicieux tout penaud d'être ainsi à découvert.

-« Lutin , tu exagères de profiter ainsi de ma fatigue pour me voler mes histoires » dit la bohémienne.
-« Hum ! répondit -il, sois heureuse que cela ne soit que ton sac à dos, car j'aurai tout aussi bien pu te lutiner. »
-« Je sais, les gens du « petit-peuple » aiment faire des farces et lutiner les fées , mais je ne suis pas une fée. »
-« De toute façon, en fait actuellement, je suis plus un lutin chagrin qu'un lutin coquin .

Je sais bien que tu n'es pas une fée mais je sais aussi que dans ce sac tu en enfermes beaucoup et j'ai un grand besoin de lutiner une fée».
-« Oh là , lutin voleur que se passe- t- il ? »
-« je suis trop petit et laid, et cela me rend coléreux , têtu, hargneux ...et chagrin. D'ailleurs suis-je encore un lutin ? »
-« Trop petit ? Mais tu es plus grand que bon nombre de lutins que je connais !
Trop laid ?Mais diantre dans quelle eau te mires-tu pour qu'elle déforme ainsi ton image ?
Désolée pour ce que tu penses de toi mais moi je vois là, un merveilleux lutin , grand et beau. »

Le lutin se mit alors en colère , trépigna et se mit à bouder.
Il se trouvait petit et laid , un point c'était tout et aucun discours et encore moins celui d'une bohémienne y changerait quelque chose.

La bohémienne , rechaussa ses espadrilles pris son « Sacado », se leva et sans mot dire repris sa route.

« Sacado » était le nom qu'elle donnait familièrement à son compagnon de route , le sac à dos .
Derrière elle, le lutin bougonnait, mais lui avait emboîté le pas .
La bohémienne lui proposa plutôt que de marcher en ronchonnant derrière elle , de l'accompagner un bout de chemin , elle serait ainsi moins seule et lui aussi.
Le lutin accepta, mais quel chagrin la demoiselle sentait chez son compagnon de route.
Aussi, quelques heures plus tard, elle lui dit :
- « Ecoute , Lutin je connais un pays , au delà des étoiles , qui possède un étang merveilleux qui te reflétera ton vrai visage . »
- « Conduis- moi vers ce pays , bohémienne »
- « le chemin sera long et plein de difficultés, mais si tu veux enfin savoir qui tu es véritablement, il t'en faudra payer le prix. »
- « Pffffffffff au point au j'en suis , je n'ai rien à perdre de précieux, je n'ai que du « mauvais » en moi. »

La bohémienne ne répondit pas à tant de chagrin et le voyage commença ....

Ils traversèrent un champs plein de pavots et la demoiselle eut du mal à en sortir Lutin qui voulait dormir à tout jamais au milieu de l'ivresse de ces fleurs rouges, sensuelles et attirantes.
Puis un marécage , boueux , malodorant, immonde et là tout à tour lutin et bohémienne, faillirent s'y noyer , se portant secours l'un, l'autre. Ils crurent bien y restés à jamais embourbés. Seules les étoiles dans le ciel étaient leurs guides.
Enfin , ils arrivèrent sain et sauf dans une auberge au beau nom de : « l' Amitié ».
Là , ils apprirent tout deux que l'amitié peut être pour une minute , un jour , une année , toute une vie .
Le Lutin au sortir de cette auberge était « tout chose ». Lui qui ne pensait qu'à lutiner, papillonner, taquiner, comme tout bon lutin qui se respecte sans se soucier de rien, avait appris l'amitié, et que cela était chose sérieuse.

Enfin un soir ils arrivèrent tous deux en haut d'une montagne escarpée, et là à quelques pas on pouvait apercevoir le portique d'une ancienne vieille porte, donnant droit sur l'infini du ciel.
La bohémienne dit alors au lutin d'une voix triste :
- « Voilà lutin, ici s'arrête notre cheminement ensemble .
Tu dois franchir cette porte qui te conduira aux étoiles, mais seul, sans moi.
Trouve cet étang, regarde enfin ton vrai visage, celui qui te permettra de t'aimer et ainsi d' aimer véritablement l'autre, là est le secret de l'amour. »
-« Bohémienne, je sais que tu ne peux et ne veux pas m'accompagner mais reçois en cadeau mon amitié pour toute une vie »
-« Merci, Lutin mais file, va vite ...va regarder ton vrai visage »
Et Lutin de disparaître au delà de la porte des étoiles .

Plus tard , Lutin avec son vrai visage, n'a pas oublié la bohémienne , puisque parfois au détour d'un chemin, ils reprennent leurs discussions jamais terminées.
Et le Sac à dos , peut enfin se reposer en paix sur le thym sauvage s'en risque d'être volé, par un lutin coquin.


bunni


La légende du ménétrier

Un ménétrier revenait un soir, vers minuit, de la fête d'heilly. où il avait joué du violon sur la grand place.

Pour rentrer chez lui, il lui fallait traverser pendant presque 2 lieues, une grande forêt.
Mais notre homme ne s'inquiétait guère, il avait fait ce trajet maintes fois déjà sans accident; de plus, il était pauvre et n'avait rien à craindre des voleurs qui s'attaquent à tout autres gens qu'un ménétrier revenant de la fête!

La lune brillait dans tous son éclat et le ménétrier chantait une nouvelle chanson apprise depuis peu, quand il lui sembla entendre derrière lui, les hurlements d'un animal sauvage!
il se retourna, et vit un loup énorme qui le guêtait silencieusement.
La première idée du ménétrier fut de fuir, mais que pouvaient ses vieilles jambes usées face à un Loup?!

Il avait sous le bras, outre son violon, une grosse galette qui lui vait été donnée lors de la fête, et qu'il avait soigneusement gardée pour partager en famille, chez lui.
Craignant que le loup ne le dévore, pour satisfaire son appétit, il trouva qu'il n'avait rien de mieux à faire que de casser un morceau de la galette et le lui lancer.
C'est ce qu'il fit! le Loup mangea le morceau de galette, mais continua de suivre le pauvre ménétrier, qui marchait du plus vite qu'il le pouvait, sans avoir l'air de courir ou de vouloir s'échapper.

Bientôt le loup eut sembler reprendre sa première idée... il regardait l'homme d'un air affamé.
Il s'en approcha jusqu'a ce que son museau vienne éffleurer ses jambes.
Tremblant de frayeur, le pauvre ménétrier prit doucement un morceau de la galette, puis la lança un peu plus loin pour l'écarter de son chemin, et ainsi prendre un peu d'avance sur son menaçant compagnon.
Mais après avoir croqué lemorceau de galette, en quelques bonds, le loup revint auprès de l'homme.
A chacun de ses pas, le ménétrier se voyait déjà croqué tout cru par la bête; alors que la galette arrivait presque à sa fin, l'homme pensa qu'il en serait bientôt de même pour lui.
Personne au monde ne viendrait le secourir ici, en pleine nuit, au coeur de la Forêt.
Ayant ainsi accepté sa mort prochaine, faisant un dernier signe de croix, notre homme prit son violon pour y jouer un air, un dernier, afin d'y trouver un peu de courage pour ses dernières minutes de vie.
Alors que le violoneux jouait un air triste et doux, le loup s'arrêta, tout étonné et se mit à trembler.
Et comme le violoneux continuait à marcher et jouer, le loup continua de le suivre, mais en sautant, hurlant, dansant, gambadant de mille façons bizarres.

L'homme reprenant espoir et courage, s'empressa de jouer des airs plus gais, plus dansants, des airs qui lui venaient ,inconnus et merveilleux.

On ne sait jusqu'où le ménétrier aurait pu aller ainsi, si d'autres petits êtres n'étaient venus soudainement se mêler à cette scène étrange!

Mais quoiqu'il en soit, attirés par cette musique divine et enchanteresse, quelques centaines de Korrigans venaient d'envahir le chemin de notre homme, et se tenaient immobiles, muets d'admiration et de plaisir.
Quand le ménétrier les vit, il aurait, comme tout un chacun, prit ses jambes à son cou, tant la situation devenait des plus inconfortables, mais entre les mines réjouies de ces nouveaux venus, et les hurlements du Loup, il y trouva une pincée de courage, et se sentit soudainement soutenu, comme protégé!
Alors il redoubla d'aisance sur les cordes de son violon, entonnant des airs plus gais et dansants.
plus il jouait, plus les visages des korrigans s'éclaircissaient de plaisir!
Alors tous se prirent par la main, et formèrent une vaste ronde autour du Loup et du violoneux!

- allons Din-Don! toi qui est le plus agile! monte donc à dos du Loup, et conduis la danse!
En une cabriole, Din-Don sauta sur le dos de la bête.

- allez, en avant! balancez vos dames! s'écria alors le violoneux qui avait retrouvé tout son sang froid.
- et en avant Maître Loup!

Et loup et Korrigans se mirent à tourner, tourner, danser chanter.
Jamais le ménétrier ne s'était vu à pareille fête!
Les airs lui venaient il ne sait trop comment sous son archer, mais plus ça lallait, plus ils étaient magnifiques!
La ronde prenait de plus en plus de vitesse, et le loup commençait à perdre allure.
Au bout d'une heure de cette ronde folle, Il tomba à terre, épuisé, et s'endormit profondément.

Les korrigans attrapèrent la bête, et l'enfouirent dans les buissons.
alors qu'ils s'apprêtaient à reprendre leur ronde, une korrigane s'écria:
- allons, allons, amis! l'aube va bientôt paraitre! il nous faut regagner nos demeures!
- c'est vrai dit l'un d'entre eux! merci à toi, mère korrigane! mais avant de quitter notre violoneux, il nous faut lui donner récompense pour nous avoir ainsi offert une si belle fête!
- Oui, oui! crièrent les autres! donnons-lui toutes les pièces d'or que nous avons sur nous!

Et chacun d'eux donna quelquechose au ménétrier.
Les uns des pièces d'orn d'autres en argent, parfois des pierres précieuses, ou de belles vestes ornées de bijoux fantastiques, une robe de princesse pour sa femme, et un joli bonnet pour sa fille.
Ceux d'entre eux qui n'avaient rien en poche, lui offrirent alors quelques secrets sur les vertues des Plantes ou de quelques fleurs!..

Mais le plus beau cadeau, celui pour lequel le ménétrier en fut le plus touché, fut un beau vilolon tout neuf, fait d'un bois inconnu, soigneusement enfermé dans un étui fait de la main des Fées, et dont le son était...divin!

- encore une ronde! s'écria un Korrigan!
- oui! une dernière avant que le soleil ne s'éveille!

Le ménétrier prit alors son nouveau violon, et se remit à jouer les plus beaux airs!
les Korrigans se mirent à danser en tous sens, valsèrent, sautèrent, puis un à un, disparurent de branches en feuilles, de taillis en buissons... tout doucement, comme dans un bruissement léger .

Resté seul, le violoneux cessa sa musique.
regarda le loup, dans le taillis qui dormait profondément.
Les korrigans l'avaient sauvé, et royalement remercié!

Il rentra chez lui, et femme et fille écoutèrent son récit.
elles durent bien le croire lorsqu'elle virent les cadeaux des korrigans!
...on dit que depuis ce jour-là, le ménétrier vécut heureux, oui, c'est vrai, mais un évènement érange survint:
chaque soir, un loup venait roder au bas de sa fenêtre et l'écoutait jouer.
on dit qu'avec le loup, milles paires d'yeux brillaient de joie et d'amitié.
on dit aussi que chaque soir, Jean le ménétrier laisse sur le perron, quelques bols de lait, et des galettes... pour les Korrigans, et un gros pain pour le Loup.

Ainsi vécut-il en "bon voisinage" avec les Êtres de la Forêt.

bunni


La maison de la Lune et du Soleil

Il y a de nombreuses années, le Soleil et l'Eau étaient de très bons amis et vivaient ensemble sur la terre. Le Soleil allait voir l'Eau très souvent, mais l'Eau ne rendait jamais visite à son ami le Soleil. Comme cela durait depuis longtemps, le Soleil finit par demander à l'Eau s'il y avait un problème.

- Je me suis rendu compte, dit un jour le Soleil, que je viens toujours te rendre visite et que toi, tu ne viens jamais dans ma maison. Peux-tu m'expliquer pourquoi?
- Je sais, dit l'Eau, le problème n'est pas que je ne veux pas venir chez toi, mais que ta maison n'est pas assez grande pour me recevoir. Si je me rends chez toi avec toute ma famille, tu finirais par être délogé de ta propre demeure.
- Je comprends, dit le Soleil, mais en tout état de cause, je veux que tu viennes me voir.
- Entendu, répondit l'Eau, si tu veux que je vienne, je vais venir. Il est vrai que tu m'as très souvent honoré de tes visites. Mais pour que cela soit possible, il va falloir que tu crées un immense jardin,vraiment immense, car nous sommes très nombreux dans la famille, et nous occupons beaucoup d'espace.
- Aucun problème, je te promets de créer un jardin qui sera suffisamment grand pour t'accueillir toi et tous les membres de ta famille.

Les deux amis étaient très contents. Le Soleil rentra chez lui immédiatement retrouver la Lune, son épouse, qui l'attendait. Le Soleil expliqua à la Lune la promesse faite à l'Eau, et le lendemain, il commença à aménager un énorme jardin afin de pouvoir y recevoir l'Eau.

Lorsque les travaux furent terminés, le Soleil invita l'Eau et sa famille dans sa maison. Le lendemain, l'Eau et ses parents, les poissons et autres animaux aquatiques, frappèrent à la porte de la maison du Soleil et de la Lune.

- Nous voilà arrivés, dit l'invitée, est-ce que tout est prêt? Nous pouvons entrer sans problèmes?
- Vous pouvez entrer quand vous voulez, répondit le Soleil.

L'Eau commença donc à s'écouler dans le jardin du Soleil et de la Lune. Au bout de quelques minutes, le niveau des eaux atteignant déjà les genoux du Soleil et de la Lune, l'invitée demanda:

- Est-ce que nous pouvons continuer à nous déverser? Y-a-t-il assez d'espace?
- Bien sûr qu'il y a assez d'espace, n'ayez crainte, répondit le Soleil. Entrez tous autant que vous êtes.

L'Eau continua à inonder le jardin, et elle fut bientôt à hauteur d'homme.

- Très bien, dit l'Eau, souhaites-tu toujours que d'autres membres de ma famille entrent chez toi?

Le Soleil et la Lune se regardèrent, et convinrent qu'il n'y avait rien d'autre à faire. L'Eau et sa famille devaient entrer. Ils durent se hisser jusqu'au plafond, car il ne restait presque plus d'espace au-dessus de l'eau. L'Eau demanda de nouveau si elle et sa famille pouvaient continuer à s'écouler, et le Soleil et la Lune répétèrent qu'il n'y avait aucun problème. La maison était de plus en plus remplie. Il y avait tellement d'eau à l'intérieur, que bientôt elle dépassa le niveau du plafond, et que le Soleil et la Lune durent sortir et se réfugier dans le ciel, qu'ils n'ont plus quitté depuis ce jour.

bunni


Origine du Nain de Jardin!

Il y a bien longtemps, une famille vivait dans le sombre enchevêtrement des poutres d'un moulin à vent, au nord de la Hollande. Le meunier la connaissait bien. Un jour, il avait même sauvé la petite femelle qui risquait d'être écrasée par les meules. En échange, le gnome veillait à éviter les incendies en annonçant, en temps utile, la tempête et la pluie afin que le meunier pût caler les ailes du moulin qui, sans cela, se seraient mises à tourner follement, risquant de provoquer le feu.

Si, dans la famille du meunier, quelqu'un tombait malade, le gnome venait le voir, posait sur son front sa toute petite main ridée et laissait en partant des herbes qui, presque toujours, guérissaient.

Bref, au moulin, tout allait pour le mieux. à la fois physiquement et financièrement. C'était d'ailleurs tout naturel, car le meunier et sa femme étaient intelligents, travaillaient d'arrache-pied et avaient de gentils enfants.

Mais certaines maisons du voisinage étaient habitées par des gens bêtes et, surtout, paresseux, avec des femmes qui jetaient l'argent par les fenêtres. Ces voisins envieux répandaient le bruit que le meunier s'occupait de magie noire et que c'était la raison de sa prospérité. Dans le bon vieux temps, ce genre de calomnie pouvait avoir de très graves conséquences pour celui qui en était victime. Mais les petits et les gros fermiers des environs n'y prêtaient guère attention; ils savaient que c'était faux et, même, l'un d'entre eux avait un gnome chez lui.

Dans une de ces familles malveillantes vivait une petite fille de onze ans, aux tresses couleur de paille. C'était presque invraisemblable que des parents aussi bêtes et bornés aient pu avoir une fille pareille, mais ce sont des choses qui arrivent parfois. Elle connaissait tous les animaux et toutes les plantes et avait beaucoup de patience et de gentillesse. Plus tard, elle serait très belle, cela se voyait. Elle entendait raconter toutes ces calomnies mais, pour elle, il ne faisait aucun doute que des gnomes habitaient dans le moulin et que la magie noire n'y entrait pour rien. Elle aurait tout donné pour avoir, chez elle, ne fût-ce qu'un seul gnome, mais les gnomes avaient négligé sa maison.

Et voilà pourquoi, dans la vieille école du village, avec l'aide d'un jeune instituteur romantique, elle modela un gnome très réussi. Un potier voisin eut la bonté de le cuire dans son four, puis elle peignit son bonnet pointu en bleu (à tort, bien sûr), son sarrau en rouge et son pantalon et ses bottes en vert. Après quoi, elle le posa parmi les fleurs de son jardin, devant une petite brouette en bois dont il tenait les mancherons. Naturellement, les gnomes du moulin apprirent tout cela.
Ils vinrent voir le modelage et furent très touchés.
En récompense, dorénavant, une fois par mois, ils apportaient un petit cadeau à la fillette.

Avec le temps, sa gentillesse et sa fermeté eurent une si bonne influence sur ses parents que ceux-ci devinrent plus généreux et moins arriérés, ce qui leur permit d'améliorer leur sort.

Mais, une fois de plus, les autres imbéciles s'y trompèrent et dirent :

- Pour s'enrichir, il suffit de mettre dans son jardin un gnome de terre cuite!

...ces légendes ont la vie dure, et c'est de là qu'est venue la coutume de poser, dans certains jardins, des nains en terre cuite avec ou sans brouette...

bunni


Voici la légende de "Pierre de Chateauneuf", troubadour,
ou "le chateau d'amour"

Sur notre terre, petits, la musique et les paroles des chansons sont presque aussi essentielles à la vie que le boire et le manger. Elles peuvent même accomplir des prodiges, comme ce fut le cas, un jour, sur la route qui menait à Romanin, vers un certain château d'amour...

Dans ce château d'amour, vivaient des dames de haute noblesse qui s'adonnaient aux plaisirs des arts et de la courtoisie. Sous les voûtes des plafonds, résonnaient les voix des baladins et les accords de leurs luths. Sur les pavés, glissaient agilement les chausses des danseurs et des acrobates. Dans les chambres, se chuchotaient les strophes des poèmes galants...
C'est en rentrant de Terre sainte, où il avait mené croisade contre les
Infidèles, que le seigneur de Mollégès, Pierre de Châteauneuf, entendit parler de ce lieu et des belles qui y régnaient avec grâce et délicatesse. Leurs noms mêmes le faisaient rêver : Alasacie, Ysoarde, Béatrix, Stéphanette...
Et, pour elles, il composait déjà, dans les nombreuses cours où il était invité depuis son retour en Provence, des chansons d'aube, des ballades et des pastourelles, qui faisaient se pâmer les guerriers, les écuyers ou les pages, presque autant que la gent féminine.

Son renom de poète atteignit le château d'amour et les oreilles fines des dames qui l'habitaient. Par les marchands et les saltimbanques qui sillonnaient les routes de la province, elles lui firent alors savoir qu'il serait le bienvenu entre leurs murs, où elles l'attendaient avec impatience et curiosité.
Flatté et curieux, lui aussi, de rencontrer ces femmes dont tout le monde vantait la sensibilité, le charme et l'intelligence, le vaillant homme se rendit à leur invitation et, grimpant sur son destrier, portant son luth en bandoulière, il s'en fut par monts et vallées vers ce château plein de délices.

Au cours de son voyage, il atteignit, dans les Alpilles, une forêt de chênes
d'une telle épaisseur que la lumière avait du mal à filtrer entre les branches touffues. Hormis les pas de son cheval, qui sonnaient sourdement sur la terre comme les battements d'un coeur, pas un bruit ne provenait des fourrés, comme si les oiseaux avaient cessé de chanter, les feuillages de frissonner, la brise de respirer...
La nature entière retenait son souffle devant l'imminence d'un danger imprécis. Mais, lorsque l'on a combattu de l'autre côté des mers durant
de longues années, on ne se laisse pas impressionner par un silence, fût-il dans la forêt la plus dense, poussant sur les pentes les plus escarpées que l'on ait jamais vues !
Aussi, Pierre de Châteauneuf continua-t-il son chemin en fredonnant un refrain qu'il composait à l'intention de la comtesse de Provence.

Tout à coup, une horde hurlante et menaçante surgit des buissons.
Une dizaine de brigands, hirsutes, armés jusqu'aux dents, lui barrèrent la route. Le cheval du voyageur se cabra. Mais il en fallait davantage pour désarçonner un cavalier aussi chevronné. Alors, l'un des bandits attrapa la bride et tira sur le mors.
Hennissant de douleur, l'animal bondit, rua et se cabra encore... Son maître, habitué à de plus rudes chevauchées, demeura tout de même en selle. Aussi fallut-il qu'un autre des voleurs s'accrochât à sa jambe pour le faire tomber.
Sitôt à terre le seigneur fut assailli de coups de poings et de pieds. Etouffé
par le poids de ses ennemis, il fut obligé de se rendre et de se soumettre à leur volonté. Sans scrupules, ils le dépouillèrent de sa bourse où tintaient pièces d'or et d'argent. Ils lui arrachèrent son luth, dont ils ne savaient trop quoi faire, mais qu'ils se proposaient de vendre à quelque marchand ambulant.

Enfin, ils lui ôtèrent ses habits, qu'ils trouvaient fort à leur goût.
Nu comme un ver, le preux chevalier comprit que sa dernière heure arrivait lorsqu'il vit luire les poignards entre les mains de ses agresseurs.
- Ai-je traversé indemne tant de batailles, échappé à tant de dangers dans de lointaines contrées, pour mourir sur la terre qui m'a vu naître, une chanson aux lèvres ? se dit-il avec une certaine mélancolie.

Les lames se dressaient déjà au-dessus de sa poitrine, quand une idée lui
traversa l'esprit :
- Attendez ! cria-t-il, je suis un chevalier mais, chevalier poète, je désire
affronter la mort en chantant une dernière fois, afin d'entrer au ciel sur
quelques rimes bien tournées et sur un air bien cadencé...
Suspendant leur geste, les brigands se consultèrent du regard. N'ayant jamais ouï de leur vie le son d'un luth, plusieurs d'entre eux étaient curieux d'en écouter quelques accords. Et, puisqu'il ne s'agissait que de différer le sort de leur victime le temps d'un refrain, ils accédèrent à son ultime voeu.
On rendit son instrument au seigneur et on fit cercle autour de lui pour l'entendre autant que pour le surveiller.
Aux premières vibrations des cordes, les feuillages de la forêt se remirent à frissonner et la brise à soupirer d'aise. Aux premières notes dans la gorge du chanteur, les oiseaux se mirent à l'accompagner comme s'ils connaissaient sa Chanson.

Envoûtés, les brigands laissèrent leur prisonnier improviser une
strophe, puis deux, puis trois...
Et le poète, enchaînant les vers, les rythmes et les accords, composa aussi longtemps que son imagination le lui permit une interminable ballade à la gloire de ses agresseurs. Vantant leur force, leur habileté, leur courage et leur goût de la liberté, il flatta leur orgueil autant que leurs oreilles, ponctuant du même refrain les épisodes de son chant. Bientôt, les brigands en apprirent les mots sans cesse répétés et les reprirent en choeur, à pleine voix, en frappant dans leurs mains. A la fin, alors que le chevalier se résignait enfin à mourir sous leurs coups, ils jetèrent leurs poignards pour applaudir avec tant de frénésie que quelques pierres dégringolèrent des pentes des montagnes pour venir se briser contre le tronc des arbres. Sous les ovations, on rendit à Pierre de
Châteauneuf ses vêtements, sa bourse et même sa monture.

Au lieu de s'empresser de se sauver, le chevalier s'adressa à ces coeurs
sauvages qu'il avait émus :
- Pourquoi vivre de meurtres et de pillages alors que le monde est si plein de beauté ? leur demanda-t-il.
- Parce que nous avons faim ! répliquèrent les gueux. La beauté ne nous nourrit guère...
- Venez donc avec moi ! décida le seigneur, troublé à son tour.

C'est ainsi que, sur la route de Romanin, qui menait au château d'amour, on vit arriver, caracolant sur son cheval, Pierre de Châteauneuf, vêtu de son pourpoint de velours, le luth en bandoulière, escorté d'une bande de manants dépenaillés et chantant à tue-tête. Connaissant la fantaisie du chevalier troubadour, les exquises dames ne s'offusquèrent pas de cet étrange équipage.
Elles firent baisser le pont-levis et ouvrir grand les portes de leur château où résonnèrent les sabots, les plaintes du luth et la voix du voyageur, soutenue par celles de ses compagnons.
Ceux-ci firent ripaille jusque tard dans la nuit...

On dit qu'au matin, certains d'entre eux rejoignirent les bois le ventre plein, mais que d'autres demeurèrent en ce lieu plein de délices où ils apprirent à danser, à jongler et à pousser la ritournelle pour tout le restant de leur vie.

bunni


LE COEUR DU BAOBAB

Un jour de grande chaleur, un lièvre fit halte à l'ombre d'un Baobab.
Il s'assit et contempla au loin la brousse bruissante sous le vent brûlant.
Il se sentit infiniment bien.
"Baobab" pensa-t-il "comme ton ombre est fraiche et légère dans le brasier de midi!"
ll leva le museau vers les branches puissantes. Les feuilles se mirent à frissonner d'aise, heureuses des pensées amicales qui montaient vers elles.
Le lièvre rit en les voyant contentes. Il resta un moment béat, puis clignant de l'oeil et claquant la langue, pris de malice joueuse et gentille dit ceci:

- Certes, ton ombre est bonne, dit-il. Assurément meilleure que ton fruit!
Je ne veux pas médire, mais celui qui me pend au-dessus de la tête m'a tout l'air d'une outre pleine d'eau tiède.

Le Baobab, dépité d'entendre ainsi douter de ses saveurs, après le compliment qui lui avait ouvert l'âme, se piqua au jeu.
Il laissa tomber son fruit dans une touffe d'herbe. Le lièvre le flaira, le gouta, le trouva fort délicieux.
Alors il dévora, s'en pourlécha le museau, hocha la tête.
Le grand Arbre, impatient d' entendre son verdict, retint son souffle.

- Ton fruit est délicieux! admit le lièvre
Puis il sourit, reprit son allegresse taquine, et dit encore:
- Assurément, il est meilleur que ton coeur! Pardonne ma franchise, mais ce coeur qui bat en toi me parait plus dur qu'une pierre.

Le Baobab, entendant ces paroles, se sentit envahi par une émotion qu'il n'avait jamais connue. Offrir à ce petit êtreses beautés les plus secrètes.
Dieu du ciel, il le désirait, mais tout à coup, quelle peur il avait à les dévoiler au grand jour!

...Et lentement, il entrouvrit son écorce.
Alors apparurent des perles, des colliers, des pagnes brodés, des bijoux d'or et de pierres précieuses!
Toutes ces merveilles qui emplissaient le coeur du Baobab se déversèrent à profusion devant le lièvre dont les yeux s'éblouirent!

- Merci, Merci!! tu es le meilleur et le plus Bel Arbre du monde, dit-il tout heureux comme un enfant comblé et ramasant fiévreusement le magnifique trésor.

Il s'en revint chez lui, l'échine lourde de tous ces biens.
Sa femme l'accueillit avec une joie bondissante. Elle le déchargea à la hâte de son fardeau, se revêtit de pagnes et s'orna des colliers, puis sortit dans la brousse, impatiente de s'y faire admirer de ses compagnes.

Elle rencontra la Hyène. Cette charognarde, éblouie par les enviables richesses qui lui venaient devant, s'en fut aussitôt à la tanière du lièvre, et lui demanda où il avait trouvé ces trésors!
L'autre lui conta ce qu'il avait fait et dit, à l'ombre du Baobab.
La Hyène y courut, les yeux allumés, avide des mêmes biens.
Elle y joua le même jeu.
Le Baobab, que la joie du lièvre avait grandement réjoui, à nouveau se plut à donner fraicheur, puis la musique de son feuillage, puis la saveur de son fruit, et enfin, la beauté de son coeur!

Mais...quand l'écorce se fendit, la hyène se jeta sur les merveilles offertes comme sur une proie, et fouillant des griffes et des crocs les profondeurs du gran Arbre pour en arracher plus encore, elle se mit à gronder:

- et dans tes entrailles, qu'y a-t-il? Je veux aussi dévorer tes entrailles!
Je veux tout de toi, jusqu'à tes racines! Je veux tout, tu entends?!

Le Baobab, blessé, déchiré, prit d'effroi et de chagrin aussitôt se referma sur ses trésors et la hyène insatisfaite et rageuse s'en retourna bredouille vers la forêt.

Depuis ce jour elle cherche désespérément d'illusoires jouissances dans les bêtes mortes qu'elle rencontre, sans jamais entendre la brise simple qui apaise l'esprit.

Quant au Baobab, il n'ouvre plus son coeur à personne. Il a peur.
il faut le comprendre : le mal qui lui fut fait est invisible, mais non moins grand.

Henri GOUGAUD

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Le grillon chanteur

Par-delà les villages, les lueurs roses cernaient les montagnes et les vallées. La ligne indigo de l'hori­zon donnait à l'œil nu l'illusion que le ciel s'achevait avec le coucher du soleil.
C'était un soir de grandes chaleurs. Le silence régnait.
Le grillon, comme d'habitude, faisait son cri-cri nocturne dans le champ.

Or, un serpent qui dormait près de là le prit mal. Il se leva et sortit furieux de sa cachette. S'avançant sans faire de bruit, du côté d'où venait le chant, il aperçut sur un monticule terreux, un grillon, contre des feuillages, en train de crier hors de son trou :
- Griing ! Griing ! Griing !
- J'ai prêté l'oreille à tes élucubrations, l'apostro­pha le reptile, et j'ai entendu ton appel à l'affronte­ment : «Mort au serpent !»
- Il est temps que tu reprennes tes esprits, rétor­qua le grillon. Je ne chante pas : «Mort au serpent». Tu as dû mal interpréter mes propos.
- Tu m'as réveillé, dit le serpent, en exaltant ma mort. Je viens te défier.
- Je crois qu'il y a un malentendu, Griing ! Griing ! Griing ! C'est une invitation à la nuit, aux rêves et au sommeil pour les vivants, expliqua le grillon.
- Menteur ! C'est de la provocation ! Tu ne vas pas te moquer de moi très longtemps, affirma le serpent, fou de rage.

La dispute battait son plein. Le rat palmiste, gardien du village, vint à passer par là. Pressentant le danger, il conduisit les antagonistes jusqu'à la palabre.

Devant les juges, le serpent prit le premier la parole :
- J'étais dans ma maison et je dormais ! J'ai subitement entendu cet individu pousser un cri de guerre : «Mort au serpent», alors je suis sorti pour l'affronter dans un combat singulier.
Il était hors de lui et formulait des menaces. Il n'avait peur de personne.
Le grillon, extrêmement surpris d'apprendre ce que son voisin pensait de son chant, tenta de se défendre :
- Je suis né chanteur. Je suis créé pour bercer le repos du soleil, apaiser les tourments du jour et dire dans ma langue les clameurs de la nuit. Je ne crie pas : «Mort au serpent». Mon voisin, trop éloigné de mon terrier, a mal interprété mes inten­tions. J'annonce le crépuscule : si je ne le fais pas, nulle terre ne connaîtra le sommeil.
- Tu mens ! l'interrompit son adversaire.
- Je vous prie de me croire, supplia l'insecte.

Les juges ne l'écoutèrent pas et le con­damnèrent au silence. Ils avaient très peur du re­dou­table reptile qui montrait, lui, comme argument, sa méchante denture.
Pour le grillon, ce fut l'étonnement, la surprise, la douleur et la déception. Inconsolable, la mort dans l'âme, il ne se manifesta plus à la tombée du jour.

Ainsi, le soleil resta au zénith; le crépuscule disparut de l'univers, l'ombre et l'obscurité déser­tèrent la terre. Personne ne sut qu'il était temps d'aller dormir ! La nuit n'apparaissait plus.
Peu à peu, la peur et l'incertitude saisirent hommes, femmes et enfants. L'inquiétude augmen­tait. L'insomnie, l'attente désespérée du repos et la nervo­sité gagnaient chaque corps, torturaient chaque esprit. Les gens, très fatigués, s'évanouissaient les uns après les autres et plus personne n'avait envie de travailler.

La population, angoissée, fut plongée dans une grande stupeur. Elle croyait la fin du monde ar­rivée car le soleil ardent durait depuis des jours.
Le chef du village, mis au courant avec retard de ce que le grillon avait prédit, ne put retenir sa colère. Il se rendit, impatient, chez l'insecte incri­miné :
- Dis-moi, petit grillon, ton chant a-t-il un lien avec le coucher du soleil ?
- Je l'ai dit aux juges qui m'ont interdit de chanter. Maintenant, le monde est en émoi. C'est leur faute. Dans notre pays, celui qui possède la dent que l'on craint, fait la loi. Ainsi, je n'ai pu m'imposer. Les juges ont méprisé mon opinion.
- J'irai les trouver et je les remplacerai. Ce sont des incapables ! Toi, chante maintenant !
- D'accord, je vais le faire ! Mais à l'avenir, il faudra accorder aux habitants la chance de s'expri­mer et obliger les juges à écouter les deux parties.
Sitôt que le grillon eut poussé son premier cri, le soleil disparut à l'horizon. Les esprits de la nuit surgirent enfin des fourrés et des clairières. Les étoiles scintillèrent dans le firmament et toute la po­pulation s'endormit.
Depuis, l'équilibre demeure permanent entre le jour et la nuit.

Kama Sywor Kamanda

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L'arbre aux feuilles d'or

Dans une forêt, poussait un tout petit arbre que les bûcherons ignoraient; car il était beaucoup trop frêle. Sa taille, n'aurait donné qu'une faible quantité de bois; tellement il était rabougri. Les années passèrent, et il se retrouva tout seul; au milieu d'une vaste clairière. Un jour, un enfant s'arrêta devant lui; et décida de s'en occuper pour qu'il puisse s'épanouir. Quelques mois passèrent, et le petit arbre commença à grandir. L'enfant s'appelait Matthieu. Un jour, alors qu'il était en train de l'arroser; le petit arbre lui parla et lui dit :«Tu t'occupes de moi. Un jour tu seras récompensé». Il fit part de ce prodige à ses parents, qui bien évidemment ne le crûrent pas; et se moquèrent de lui. Matthieu avait de nombreux frères et soeurs, et il rêvait de les rendre heureux, car leur vie ainsi que la sienne; étaient difficiles.

Ses parents étaient très pauvres, et ils accumulaient les dettes; surtout chez l'épicier et le boulanger. À l'école, c'était un bon élève, et ses professeurs le citaient en exemple; pour la rigueur de son travail. Son père était mineur de fond, et sa mère lavandière. Elle lavait le linge de gens fortunés, mais elle ne retirait qu'un faible revenu; de ce labeur qui l'épuisait. Un jour, son père eut un accident au fond de la mine. Un coup de grisou fit exploser une partie de la galerie où il travaillait, et il y perdit la vie. C'est à partir de ce moment là, que les gros ennuis commencèrent. Le travail de sa mère, très rapidement, ne suffit plus à subvenir aux besoins d'une famille de dix personnes; et ils ne mangèrent plus à leur faim. La situation au fil des jours, devenait de plus en plus critique, et la pauvre femme; se lamentait sans cesse. Les frères et les soeurs de Matthieu, durent interrompre leur scolarité pour travailler; afin d'assurer la subsistance de la famille. Quant à Matthieu, d'un commun accord, ses frères et ses soeurs décidèrent, qu'il serait le seul à poursuivre ses études, car c'était lui le plus intelligent; et il méritait ce sacrifice. Ému aux larmes, il remercia sa fratrie, et promit qu'un jour tout le malheur qu'ils enduraient, se transformerait en bonheur. Après l'école, Matthieu s'occupait du petit arbre, qui à la longue; devint son ami et son confident. Tous les jours il lui livrait ses états d'âme, et un jour n'y tenant plus, il lui raconta le terrible drame qui venait de frapper sa famille. Le petit arbre écouta attentivement son récit, puis il répondit: «Patience! Bientôt tous les maux que vous endurez, disparaîtrons! Fais moi confiance».

Une année passa, durant laquelle, Matthieu et les siens, vécurent dans la hantise du lendemain. Chaque jour qui passait, était un véritable supplice. Un soir l'épicier et le boulanger vinrent les voir. Ils s'adressèrent à la mère de Matthieu en ces termes: «Si vous ne nous donnez pas l'argent que vous nous devez, nous irons voir les gendarmes! La somme s'élève à soixante francs, et nous ne pouvons plus attendre. Si dans une semaine vous ne vous êtes pas acquittée de votre dette, tant pis pour vous! Soixante francs à l'époque, c'était une très grosse somme d'argent. Cela équivalait à une année de salaire d'un ouvrier. La mère de Matthieu était effondrée, et aucune parole ne sortait de sa bouche. Puis l'épicier et le boulanger disparurent, aussi soudainement qu'ils étaient apparus. Le couperet venait de tomber, ne laissant aucune chance à ses pauvres victimes. Le lendemain, Matthieu fit part de la terrible nouvelle; au petit arbre qui lui répondit.
-Demain lorsque tu viendras me voir, apporte avec toi; quatre grands sacs de toile épaisse. -Pourquoi faire? Demanda Matthieu très étonné.
-Ne me pose pas de questions! Rétorqua le petit arbre, et fait ce que je te dis.
Le lendemain arriva, et comme d'habitude Matthieu partit dans la forêt; rendre visite à son ami. Lorsqu'il arriva, il ne reconnut plus les lieux. Tout avait changé !

Un joli parterre de fleurs, de toutes les couleurs jonchait le sol; et l'atmosphère embaumait. Un suave parfum y flottait. Je me suis trompé d'endroit se dit-il, et il continua son chemin. Une voix, l'arrêta net dans son élan. Non tu ne t'es pas trompé, je suis là! Matthieu revint sur ses pas, et à sa grande surprise il aperçut le petit arbre; mais celui-ci s'était métamorphosé. De lourdes feuilles d'or le recouvraient. Il n'en croyait pas ses yeux, et il se dit en lui même: «Je dois certainement rêver!». C'est alors qu'il s'approcha de l'arbre, et le toucha. il saisit une feuille, mais celle-ci lui échappa et tomba lourdement sur le sol. Le petit arbre lui dit: «Rempli tes sacs Matthieu, d'autant de feuilles qu'ils pourront en contenir»! Sans plus tarder il s'exécuta, et bientôt les sacs débordèrent. Puis un cheval blanc apparu attelé à une charrette, et deux gnomes apparurent à leur tour. Ils chargèrent les lourds sacs sur la charrette, et comme par enchantement; disparurent. Le petit arbre qui était devenu un beau chêne, dit à Matthieu: «Voilà ta récompense. Fais en bon usage». Puis à son tour l'arbre disparut. Matthieu paya les dettes que sa mère avait contracté, et après avoir mis sa famille à l'abri du besoin, il employa son immense fortune, à la construction d'hôpitaux, d'écoles, de logements sociaux et d'usines. Il permit ainsi, à beaucoup de personnes démunies; d'avoir une vie digne de ce nom.

Éric Malpas

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La roche pleureuse

Le printemps de 1806 avait été l'un des plus doux dont mémoire d'homme se souvînt. La glace ayant fondu plus vite qu'à l'accoutumée, la grande débâcle avait libéré le Saint-Laurent et permis la circulation des grands bateaux.
Charles Desgagnés, un jeune navigateur ambitieux, songeait, en fumant sa pipe au bord du quai de l'Isle-aux-Coudres, qu'il pourrait entreprendre plus tôt que d'habitude son voyage annuel vers l'Europe ou, comme il le disait lui-même, vers « les vieux pays ». Chaque printemps, en effet, il remplissait son navire de bois équarri pour le livrer dans les chantiers maritimes d'Angleterre. Il se réjouissait de la débâcle qui hâtait son départ, car il voulait être de retour en octobre, vers le dernier temps doux, pour épouser la belle Louise, sa fiancée.

Lorsque à la mi-mai les cales de son trois-mâts furent remplies, que les provisions furent hissées à bord et que le curé eut fait sa bénédiction, Charles Desgagnés s'en fut saluer sa vieille mère et partit vers la pointe de l'île, là où habitait Louise.
Il ne la trouva pas chez elle. Son père, un cultivateur bourru mais bon comme de la mie de pain, indiqua avec le bout de sa pipe le faux-fuyant que Louise avait emprunté pour rejoindre l'extrême pointe de l'île, où elle aimait se réfugier quand elle était triste.
Charles l'y découvrit bien. Elle était assise sur une roche auprès de laquelle s'élevait un orme gigantesque. La jeune fille rougit en apercevant son fiancé.
- Ne t'en fais pas, ma Louise, murmura tendrement le jeune homme, je serai de retour pour l'automne et, avant que ne finisse l'été indien, nous serons mariés.
Sur ces paroles, une affreuse corneille crailla et s'envola d'une des branches de l'orme où elle était perchée. Quel mauvais présage ! Une corneille ! Cet oiseau maudit, compagnon du diable et ami des sorcières !
Louise pâlit. Charles tâcha de ne pas laisser percer son malaise. Mais une corneille qui croasse n'augure rien de bon !
Le jeune homme, pour conjurer le mauvais sort, prit la main de Louise et y mit un petit bouquet de fleurs sauvages qu'il avait fait pour elle. Louise était contente ! Elle détacha le ruban rouge qui liait ses cheveux, l'enroula autour du bouquet qu'elle pendit à une branche du grand orme, au-dessus de la roche où elle était assise.
- Sous ce bouquet, sous cet arbre, sur cette pierre, jura la belle Louise, je viendrai sans faillir guetter ton retour !
Ils s'embrassèrent alors sans entendre le claquement des ailes de la corneille, étouffé par le bruit des vagues qui s'échouaient sur la grève.

Le lendemain, au point du jour, Charles faisait carguer les voiles et larguait les amarres pour l'Angleterre. Sur la pointe de sa roche, Louise suivit longuement des yeux le navire qui était d'abord gros comme une montagne, puis devint grand comme une colline, ensuite haut comme un talus, et qui, enfin, se confondit à l'horizon avec l'écume de la mer et les clartés rubicondes du crépuscule.

L'été et ses trois saisons s'installèrent : celle des framboises, celle des fraises et le temps des bleuets. On pouvait, par les fruits, goûter le temps qui passait ! Avec la vieille mère de Charles, Louise cuisait des tartes et faisait des desserts pour son père et ses frères occupés à construire sa future maison. Louise songeait à la décoration de chaque pièce ! Comme elle serait belle la maison qu'elle irait habiter avec son futur époux ! De la plus haute fenêtre du pignon, on pouvait apercevoir la pointe de l'île, la roche et l'orme où se balançait encore le bouquet, sec désormais. C'est dans cette pièce certainement qu'elle installerait le ber de leur premier enfant !
À l'été succéda le bel automne. Il sembla à Louise que la forêt, avec ses couleurs chatoyantes, avait endossé pour elle un habit de
noces .
Au temps des bleuets répondit celui du blé d'Inde et des épluchettes à n'en plus finir, puis le moment des pommes. Nous étions à la fin septembre et le trousseau de Louise était terminé. La maison était prête et il ne manquait plus qu'y résonnât le rire de Louise ou la voix de Charles.

Tout l'été, Louise était allée s'asseoir sur sa roche, auprès de l'orme, sous le bouquet, à la pointe de l'île. Mais à présent que la date du retour approchait, elle y passait de longues heures, le regard comme vaguement suspendu aux ondes qui froissaient l'horizon. Le soir, à la brunante, elle rentrait à pas lents chez son père qui, pour l'aider à patienter, lui disait qu'il n'était pas rare que la mer sans vent retardât un peu le retour des grands voiliers, et il lui murmurait doucement ces consolations que savent les coeurs qui ont connu de grands chagrins.

Mais l'été indien s'en fut ! Mais octobre et l'automne s'en allèrent ! Mais les volées d'outardes, après s'être attardées sur les battures, se regroupèrent et, bruyamment, passèrent au-dessus de l'Îsle-aux-Coudres ! L'horizon demeurait tristement solitaire : Charles ne revenait point...
Assise sur sa roche, Louise pleurait sans entendre le croassement moqueur de la corneille perchée à la cime de l'orme. Au village, les rumeurs, elles, voyageaient vite. Les maldisants suggéraient que Charles et son équipage étaient certainement allés courir la galipette à Plymouth, à Londres peut-être ! Qui donc pouvait savoir vraiment ? Seule sur sa roche, Louise pleurait et l'espoir était sa réponse.

Quand le temps se fut refroidi, que toute la végétation fut recouverte d'une épaisse couche de neige et que toutes les eaux du Canada furent gelées, Louise dut se contenter de scruter la mer par la fenêtre du pignon de sa maison déserte. Battu par le nordet, on continuait de voir le ruban rouge du bouquet danser au bout d'une branche et la roche faire comme un écrin de granit sur la neige immaculée.
Ce fut un long hiver sans joie. Lorsque les glaces fondirent, Louise retourna, à la pointe de l'île, assiéger sa roche, tourmenter l'horizon. Elle racontait tout bas ses malheurs et elle appelait son amoureux. Toujours elle pleurait.

Un beau soir de mai, un messager vint enfin apprendre à la vieille mère de Charles que son fils avait péri en mer.  Louise, qui se trouvait alors auprès de la vieille femme, poussa un cri et sortit de la maison en courant.
Depuis lors, nul ne la revit plus. Son père se rendit à la pointe de l'île, où elle avait coutume de s'attarder. Anxieux, il suivit le faux-fuyant qui conduisait à la grosse roche tout à côté de l'orme. Il s'y assit. De sa voix forte il appelait sa fille :
- Louise, Louise, où es-tu ? Louise, réponds à ton père !
Le silence, qui explique bien des choses, le silence expliquait au père de Louise qu'il ne reverrait jamais plus sa fille. Une fée en effet, touchée par le chagrin de la pauvre fille, l'avait changée en source,  pour qu'à travers les flots, elle puisse, dans l'océan, retrouver et s'unir à son amant perdu en mer.

L'homme regarda le filet d'eau claire, cette petite source qu'il n'avait jamais remarquée auparavant, surgir de la roche et se déverser en mer. Au-dessus de la roche, pendu à un ruban rouge, un frais bouquet de fleurs sauvages, bercé par la brise, lançait dans l'air mille parfums exotiques. Sur une branche de l'orme chantait maintenant un bel oiseau blanc.

bunni


LES VIEUX

Une lettre, père Azan ?
— Oui, monsieur... ça vient de Paris.
Il était tout fier que ça vînt de Paris, ce brave père Azan... Pas moi. Quelque chose me disait que cette Parisienne de la rue Jean-Jacques, tombant sur ma table à l'improviste et de si grand matin, allait me faire perdre toute ma journée. Je ne me trompais pas, voyez plutôt :

"Il faut que tu me rendes un service, mon ami. Tu vas fermer ton moulin pour un jour et t'en aller tout de suite à Eyguières... Eyguières est un gros bourg à trois ou quatre lieues de chez toi,— une promenade. En arrivant, tu demanderas le couvent des Orphelines. La première maison après le couvent est une maison basse à volets gris avec un jardinet derrière. Tu entreras sans frapper,— la porte est toujours ouverte,— et, en entrant, tu crieras bien fort : « Bonjour, braves gens ! Je suis l'ami de Maurice... » Alors, tu verras deux petits vieux, oh ! mais vieux, vieux, archivieux, te tendre les bras du fond de leurs grands fauteuils, et tu les embrasseras de ma part, avec tout ton coeur, comme s'ils étaient à toi. Puis vous causerez ; ils te parleront de moi, rien que de moi ; ils te raconteront mille folies que tu écouteras sans rire...
Tu ne riras pas, hein ? ... Ce sont mes grands-parents, deux êtres dont je suis toute la vie et qui ne m'ont pas vu depuis dix ans... Dix ans, c'est long ! Mais que veux-tu ? moi, Paris me tient ; eux, c'est le grand âge... Ils sont si vieux, s'ils venaient me voir, ils se casseraient en route... Heureusement, tu es là-bas, mon cher meunier, et, en t'embrassant, les pauvres gens croiront m'embrasser un peu moi-même... Je leur ai si souvent parlé de nous et de cette bonne amitié dont..."

Le diable soit de l'amitié ! Justement ce matin-là il faisait un temps admirable, mais qui ne valait rien pour courir les routes : trop de mistral et trop de soleil, une vraie journée de Provence. Quand cette maudite lettre arriva, j'avais déjà choisi mon cagnard (abri) entre deux roches, et je rêvais de rester là tout le jour, comme un lézard, à boire de la lumière, en écoutant chanter les pins... Enfin, que voulez-vous faire ? Je fermai le moulin en maugréant, je mis la clef sous la chatière. Mon bâton, ma pipe, et me voilà parti.
J'arrivai à Eyguières vers deux heures. Le village était désert, tout le monde aux champs.
Dans les ormes du cours, blancs de poussière, les cigales chantaient comme en pleine Crau.
Il y avait bien sur la place de la mairie un âne qui prenait le soleil, un vol de pigeons sur la fontaine de l'église ; mais personne pour m'indiquer l'orphelinat. Par bonheur une vieille fée m'apparut tout à coup, accroupie et filant dans l'encoignure de sa porte ; je lui dis ce que je cherchais ; et comme cette fée était très puissante, elle n'eut qu'à lever sa quenouille : aussitôt le couvent des Orphelines se dressa devant moi comme par magie...

C'était une grande maison maussade et noire, toute fière de montrer au-dessus de son portail en ogive une vieille croix de grès rouge avec un peu de latin autour. A côté de cette maison, j'en aperçus une autre plus petite.
Des volets gris, le jardin derrière... Je la reconnus tout de suite, et j'entrai sans frapper.
Je reverrai toute ma vie ce long corridor frais et calme, la muraille peinte en rose, le jardinet qui tremblait, au fond à travers un store de couleur claire, et sur tous les panneaux des fleurs et des violons fanés. Il me semblait que j'arrivais chez quelque vieux bailli du temps de Sedaine... Au bout du couloir, sur la gauche, par une porte entr'ouverte on entendait le tic tac d'une grosse horloge et une voix d'enfant, mais d'enfant à l'école, qui lisait en s'arrêtant à chaque syllabe :
- A... lors... saint... I... ré... née... s'é... cri... a... Je... suis... le... fro... ment... du... Seigneur... Il... faut... que... je... sois... mou... lu... par... la... dent... de... ces... a... ni... maux...
Je m'approchai doucement de cette porte et je regardai.

Dans le calme et le demi-jour d'une petite chambre, un bon vieux à pommettes roses, ridé jusqu'au bout des doigts, dormait au fond d'un fauteuil, la bouche ouverte, les mains sur ses genoux. A ses pieds, une fillette habillée de bleu,— grande pèlerine et petit béguin, le costume des orphelines,— lisait la Vie de saint Irénée dans un livre plus gros qu'elle... Cette lecture miraculeuse avait opéré sur toute la maison.

Le vieux dormait dans son fauteuil, les mouches au plafond, les canaris dans leur cage, là-bas sur la fenêtre. La grosse horloge ronflait, tic tac, tic tac. Il n'y avait d'éveillé dans toute la chambre qu'une grande bande de lumière qui tombait droite et blanche entre les volets clos, pleine d'étincelles vivantes et de valses microscopiques...
Au milieu de l'assoupissement général, l'enfant continuait sa lecture d'un air grave :
- Aus... si... tôt... deux... lions... se... pré...ci... pi... tè... rent... sur... lui... et... le... dé... vo... rè... rent...

C'est à ce moment que j'entrai... Les lions de saint Irénée se précipitant dans la chambre n'y auraient pas produit plus de stupeur que moi. Un vrai coup de théâtre ! La petite pousse un cri, le gros livre tombe, les canaris, les mouches se réveillent, la pendule sonne, le vieux se dresse en sursaut, tout effaré, et moi-même, un peu troublé, je m'arrête sur le seuil en criant bien fort :
— Bonjour, braves gens ! je suis l'ami de Maurice.
Oh ! alors, si vous l'aviez vu, le pauvre vieux, si vous l'aviez vu venir vers moi les bras tendus, m'embrasser, me serrer les mains, courir égaré dans la chambre, en faisant :
— Mon Dieu ! mon Dieu ! ...
Toutes les rides de son visage riaient. Il était rouge. Il bégayait :
— Ah ! monsieur... ah ! monsieur...
Puis il allait vers le fond en appelant :
— Mamette !
Une porte qui s'ouvre, un trot de souris dans le couloir... c'était Mamette. Rien de joli comme cette petite vieille avec son bonnet à coque, sa robe carmélite, et son mouchoir brodé qu'elle tenait à la main pour me faire honneur, à l'ancienne mode... Chose attendrissante ! ils se ressemblaient. Avec un tour et des coques jaunes, il aurait pu s'appeler Mamette, lui aussi.
Seulement la vraie Mamette avait du beaucoup pleurer dans sa vie, et elle était encore plus ridée que l'autre.
Comme l'autre aussi, elle avait près d'elle une enfant de l'orphelinat, petite garde en pèlerine bleue, qui ne la quittait jamais ; et de voir ces vieillards protégés par ces orphelines, c'était ce qu'on peut imaginer de plus touchant.
En entrant, Mamette avait commencé par me faire une grande révérence, mais d'un mot le vieux lui coupa sa révérence en deux :
— C'est l'ami de Maurice...
Aussitôt la voilà qui tremble, qui pleure, perd son mouchoir, qui devient rouge, toute rouge, encore plus rouge que lui... Ces vieux ! ça n'a qu'une goutte de sang dans les veines, et à la moindre émotion elle leur saute au visage...
— Vite, vite, une chaise... dit la vieille à sa petite.
— Ouvre les volets... crie le vieux à la sienne.
Et, me prenant chacun par une main, ils m'emmenèrent en trottinant jusqu'à la fenêtre, qu'on a ouverte toute grande pour mieux me voir. On approche les fauteuils, je m'installe entre les deux sur un pliant, les petites bleues derrière nous, et l'interrogatoire commence :
— Comment va-t-il ? Qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi ne vient-il pas ? Est-ce qu'il est content ? ...
Et patati ! et patata ! Comme cela pendant des heures.
Moi, je répondais de mon mieux à toutes leurs questions, donnant sur mon ami les détails que je savais, inventant effrontément ceux que je ne savais pas, me gardant surtout d'avouer que je n'avais jamais remarqué si ses fenêtres fermaient bien ou de quelle couleur était le papier de sa chambre.
— Le papier de sa chambre ! ... Il est bleu, madame, bleu clair, avec des guirlandes...
— Vraiment ? faisait la pauvre vieille attendrie ; et elle ajoutait en se tournant vers son mari : C'est un si brave enfant !
— Oh ! oui, c'est un brave enfant ! reprenait l'autre avec enthousiasme.
Et, tout le temps que je parlais, c'étaient entre eux des hochements de tête, de petits rires fins, des clignements d'yeux, des airs entendus, ou bien encore le vieux qui se rapprochait pour me dire :
— Parlez plus fort... Elle a l'oreille un peu dure.
Et elle de son côté :
— Un peu plus haut, je vous prie ! ... Il n'entend pas très bien...
Alors j'élevais la voix ; et tous deux me remerciaient d'un sourire ; et dans ces sourires fanés qui se penchaient vers moi, cherchant jusqu'au fond de mes yeux l'image de leur Maurice, moi, j'étais tout ému de la retrouver cette image, vague, voilée, presque insaisissable, comme si je voyais mon ami me sourire, très loin, dans un brouillard.
Tout à coup le vieux se dresse sur son fauteuil :
— Mais j'y pense, Mamette..., il n'a peut-être pas déjeuné !
Et Mamette, effarée, les bras au ciel :
— Pas déjeuné ! ... Grand Dieu !
Je croyais qu'il s'agissait encore de Maurice, et j'allais répondre que ce brave enfant n'attendait jamais plus tard que midi pour se mettre à table. Mais non, c'était bien de moi qu'on parlait ; et il faut voir quel branle-bas quand j'avouai que j'étais encore à jeun :
— Vite le couvert, petites bleues ! La table au milieu de la chambre, la nappe du dimanche, les assiettes à fleurs. Et ne rions pas tant, s'il vous plaît ! et dépêchons-nous...
Je crois bien qu'elles se dépêchaient. A peine le temps de casser trois assiettes le déjeuner se trouva servi.
— Un bon petit déjeuner ! me disait Mamette en me conduisant à table ; seulement vous serez tout seul... Nous autres, nous avons déjà mangé ce matin.
Ces pauvres vieux ! à quelque heure qu'on les prenne, ils ont toujours mangé le matin.
Le bon petit déjeuner de Mamette, c'était deux doigts de lait, des dattes et une barquette, quelque chose comme un échaudé ; de quoi la nourrir elle et ses canaris au moins pendant huit jours... Et dire qu'à moi seul je vins à bout de toutes ces provisions ! ... Aussi quelle indignation autour de la table ! Comme les petites bleues chuchotaient en se poussant du coude, et là-bas, au fond de leur cage, comme les canaris avaient l'air de se dire : « Oh ! ce monsieur qui mange toute la barquette ! »
Je la mangeai toute, en effet, et presque sans m'en apercevoir, occupé que j'étais à regarder autour de moi dans cette chambre claire et paisible où flottait comme une odeur de choses anciennes... Il y avait surtout deux petits lits dont je ne pouvais pas détacher mes yeux. Ces lits, presque deux berceaux, je me les figurais le matin, au petit jour, quand ils sont encore enfouis sous leurs grands rideaux à franges. Trois heures sonnent. C'est l'heure où tous les vieux se réveillent :
— Tu dors, Mamette ?
— Non, mon ami.
— N'est-ce pas que Maurice est un brave enfant ?
— Oh ! oui c'est un brave enfant.
Et j'imaginais comme cela toute une causerie, rien que pour avoir vu ces deux petits lits de vieux, dressés l'un à côté de l'autre...

Pendant ce temps, un drame terrible se passait à l'autre bout de la chambre, devant l'armoire. Il s'agissait d'atteindre là-haut, sur le dernier rayon, certain bocal de cerises à l'eau-de-vie qui attendait Maurice depuis dix ans et dont on voulait me faire l'ouverture. Malgré les supplications de Mamette, le vieux avait tenu à aller chercher ses cerises lui-même ; et, monté sur une chaise au grand effroi de sa femme, il essayait d'arriver là-haut... Vous voyez le tableau d'ici, le vieux qui tremble et qui se hisse, les petites bleues cramponnées à sa chaise, Mamette derrière lui haletante, les bras tendus, et sur tout cela un léger parfum de bergamote qui s'exhale de l'armoire ouverte et des grandes piles de linge roux... C'était charmant.

Enfin, après bien des efforts, on parvint à le tirer de l'armoire, ce fameux bocal, et avec lui une vieille timbale d'argent toute bosselée, la timbale de Maurice quand il était petit. On me la remplit de cerises jusqu'au bord ; Maurice les aimait tant, les cerises ! Et tout en me servant, le vieux me disait à l'oreille d'un air de gourmandise :
— Vous êtes bien heureux, vous, de pouvoir en manger ! ... C'est ma femme qui les a faites... Vous allez goûter quelque chose de bon.
Hélas sa femme les avait faites, mais elle avait oublié de les sucrer. Que voulez-vous ? on devient distrait en vieillissant. Elles étaient atroces, vos cerises, ma pauvre Mamette... Mais cela ne m'empêcha pas de les manger jusqu'au bout, sans sourciller.
Le repas terminé, je me levai pour prendre congé de mes hôtes. Ils auraient bien voulu me garder encore un peu pour causer du brave enfant, mais le jour baissait, le moulin était loin, il fallait partir.
Le vieux s'était levé en même temps que moi.
— Mamette, mon habit ! ... Je veux le conduire jusqu'à la place.
Bien sûr qu'au fond d'elle-même Mamette trouvait qu'il faisait déjà un peu frais pour me conduire jusqu'à la place ; mais elle n'en laissa rien paraître. Seulement, pendant qu'elle l'aidait à passer les manches de son habit, un bel habit tabac d'Espagne à boutons de nacre, j'entendais la chère créature qui lui disait doucement :
— Tu ne rentreras pas trop tard, n'est-ce pas ?
Et lui, d'un petit air malin :
— Hé ! hé ! ... je ne sais pas... peut-être...
Là-dessus, ils se regardaient en riant, et les petites bleues riaient de les voir rire, et dans leur coin les canaris riaient aussi à leur manière... Entre nous, je crois que l'odeur des cerises les avait tous un peu grisés.
...La nuit tombait, quand nous sortîmes, le grand-père et moi. La petite bleue nous suivait de loin pour le ramener ; mais lui ne la voyait pas, et il était tout fier de marcher à mon bras, comme un homme.

Mamette, rayonnante, voyait cela du pas de sa porte, et elle avait en nous regardant de jolis hochements de tête qui semblaient dire :
« Tout de même, mon pauvre homme ! ... il marche encore. »


Alphonse Daudet


bunni


Selenan le Rêveur

Selenan vivait au cœur de la forêt de Brocéliande, dans une région que l'on appelle aujourd'hui la Bretagne. C'était une forêt où la magie se trouvait partout, en chaque arbre, en chaque fleur, en chaque être vivant.
La tribu des Elfes de Brocéliande était renommée pour son habileté à la chasse, et Selenan était le meilleur archer de sa tribu. Il était capable de toucher une pomme en son centre à plus de cinquante mètres. Il gagnait tous les concours.
Pourtant, il était très mauvais chasseur. Car il passait son temps à penser à autre chose. Pendant que les faisans s'envolaient, il imaginait qu'il grimpait sur les nuages et oubliait de tirer. Pendant que les daims s'enfuyaient, il se voyait en train de chevaucher un dragon, et il oubliait de tirer. Pendant que le lièvre courait dans son terrier, il imaginait sauter de montagnes en montagnes, et il oubliait de tirer. Pendant que ... Bref, il vivait dans son imagination, et oubliait tout le temps de tirer.
Les anciens de la tribu étaient désolés qu'un tel talent soit gaspillé ainsi. Ils avaient beau le sermonner, lui dire qu'il perdait du temps, que l'on ne mangeait pas ce que l'on créait dans son esprit, rien n'y faisait. Pendant que les anciens lui parlaient, Selenan imaginait qu'il avait des ailes et qu'il partait vers la Lune, et il oubliait d'écouter.

Le magicien de la tribu lui avait bien donné des plantes magiques, du genre de celles qui donnent meilleure vue. Mais elles ne faisaient aucun effet dans son cas, sinon lui donner encore de meilleurs yeux pour voir ce qu'il imaginait. Elles avaient eu l'effet inverse, et Selenan trouvait ses aventures imaginaires encore plus réelles pour lui. Alors il passait de plus en plus de temps à imaginer son monde merveilleux. À vivre des aventures extraordinaires, rien qu'en laissant voyager son esprit.

Le magicien, qui était très vieux et très sage, eut alors une idée. Si sa magie à lui ne marchait pas, il devrait essayer d'aller voir les fées, qui connaissaient la magie de la forêt mieux que quiconque.
Il réussit à convaincre non sans mal Selenan de le suivre, et ils partirent pour le Lac des Fées.
Ces petits êtres magiques vivaient en effet sur un petit lac au milieu de la forêt, établissant leurs maisons au milieu de l'eau, sur des nénuphars. Leurs maisons étaient faites de pétales de fleurs qui se reflétaient dans l'eau, couvrant le lac de millier de couleurs. Il est bien dommage qu'on ne trouve plus aujourd'hui de villages de fées sur les lacs, ce devait être un spectacle extraordinaire.

À peine arrivés en vue du lac, les deux elfes entendirent un léger bourdonnement, et virent arriver trois fées qui volaient vers eux avec grâce. Selenan ne put s'empêcher de s'imaginer en train de voler au-dessus du lac, avec les mêmes ailes de libellule dans le dos. Et comme il était perdu dans son imagination, il n'entendit pas ce que les fées et le magicien se disaient. Il revint à la réalité seulement pour entendre le rire flûté des fées qui le regardaient, ce qui était un bien joli bruit.
Les fées décidèrent d'amener cet étrange elfe à leur reine.

Sindelyne était la troisième reine des fées depuis l'Aube du Monde, elle était très ancienne, et allait bientôt avoir cent mille ans. Elle connaissait toute l'histoire de la forêt, et des Esprits qui veillaient sur elle. Elle leur parlait souvent, et comprenait aussi le langage des plantes et des animaux.

Elle arriva à la rencontre des elfes sur un radeau étrange, fait de nénuphars tirés par des grenouilles dorées, car elle ne volait plus depuis mille ans, elle était trop vieille. Elle regarda longuement Selenan avec ses yeux dorés, emplis d'une grande sagesse.
Le magicien n'eut pas besoin de lui raconter, elle vit tout de suite ce qui se passait dans l'esprit du petit elfe. Elle réfléchit longuement, en silence. Seulement lorsque le soleil se coucha, elle parla, d'une voix très forte et claire, ce qui est toujours surprenant pour un être si petit.
- Tu te trompes, Magicien, ce petit elfe qui est là n'a aucune maladie, n'a aucun sort jeté sur lui, n'a aucune faiblesse. C'est au contraire un grand talent qu'il possède, celui de modifier le monde qui l'entoure, celui de créer un monde plus varié, son monde. Il serait dommage qu'un tel talent disparaisse, même si cela est en mon pouvoir.
Cependant, je reconnais qu'un tel don est gênant pour la vie de chaque jour. Ce petit artiste ne peut plus avoir une vie dans le vrai monde. Alors, il faudrait trouver un moment où il puisse s'épanouir sans causer de problèmes.
Les yeux du magicien brillèrent, il cria :
- La nuit ! Oui, c'est cela, la nuit ! Pendant qu'il dort son monde ne gênera pas le nôtre.

Les fées furent bien étonnées, car elles ne dormaient pas, elles vivaient le jour et la nuit, sans se reposer. Un grand sourire éclaira le petit visage de la reine :
- Tu es sage, magicien. Il n'y a en effet pas de meilleur moment que celui où vous reposez votre corps. Alors qu'il en soit ainsi, jeune elfe, pendant que ton corps se reposera, ton esprit pourra voyager.

Alors, la magie de la forêt envahit le petit corps, la reine des fées s'emplit de lumière multicolore, une lumière qui grossit, et grossit encore, illuminant le lac. Sur un geste de la reine, une petite parcelle de lumière s'engouffra dans le corps de Selenan, et la magie se dispersa. Puis la reine ordonna à ses grenouilles de la ramener à sa maison de pétales sans plus dire un mot.
Selenan ne sentit pas de différence en lui, et il regardait le magicien avec un air triste, pensant que les pouvoirs de la fée avaient été inefficaces. Mais le vieux mage le regardait avec un sourire énigmatique, il connaissait un peu la magie des fées.
Sur la route du retour, ils croisèrent trois lièvres, et trois fois, Selenan sortit son arc et abattit le lièvre. Au moment où il mettait le troisième dans sa gibecière, le magicien le regarda en riant et dit :
- Pas mal pour un elfe qui n'a jamais pu toucher une tortue de sa vie.
C'est alors que Selenan se rendit compte du changement, et il éclata d'un grand rire de soulagement.

Il devint un grand chasseur, le meilleur de sa tribu, et la nuit, pendant que son corps dormait, son esprit voyageait dans des aventures extraordinaires. Il prit même l'habitude de les raconter aux autres elfes. Alors certains pensèrent que ce devait être merveilleux, et ils lui demandèrent de leur apprendre son talent. Ce qu'il fit avec plaisir.
Selenan était devenu le Voyageur de la Nuit, ce qui se dit Raevelar en langage elfe. Bientôt toute la tribu apprit comment voyager la nuit. Et de ce fait, ils étaient beaucoup plus attentifs au monde le jour.

On raconte dans le monde elfe qu'un humain aurait rencontré un apprenti de Selenan un jour, et qu'il avait appris de lui le voyage de la nuit. Une fois rentré dans son village, il a commencé à faire partager ce nouveau talent, et au bout de quelques centaines d'années, tous les humains surent le faire. Mais l'homme n'est pas un elfe, il a mauvaise mémoire, et la manie de toujours tout changer. Alors il oublia bien vite comment utiliser le voyage de la nuit, un talent devint une chose sans importance.
Les hommes oublièrent l'importance de rêver, ils oublièrent de profiter de ce monde à eux. La plupart du temps, ils oublient même de quoi sont faits leurs rêves. Alors ils recommencèrent à rêver de jour, parce que le jour est leur monde, et qu'ils le connaissent bien. Et certains, comme Selenan, se perdent dans leur monde, on les appelle des rêveurs.

Sébastien Verlynde


bunni


Fleur des tropiques

Il était une fois une petite indienne prénommée Xochitl. Ce qui dans notre langage, veut dire Fleur...

Elle vivait dans la Région d'OAXACA au Mexique.

Elle avait six ans et se rendait chaque jour à l'école du village où demeuraient ses parents.

Elle avait des yeux noirs très malicieux et une impression de sagesse innée se dégageait de sa petite personne.

Ses parents possédaient une maisonnette en planches recouverte d'un toit de chaume dans un petit village de montagne.

Xochitl avait deux petits frères et, déjà, elle les avait en charge lorsque ses parents allaient au marché d'OAXACA vendre les produits de leur culture et les volailles qu'ils élevaient.

La maisonnette les abritait tous les cinq. L'intérieur était très sommaire. Sa maman faisait la cuisine sur un feu de bois à l'intérieur même et la fumée s'échappait comme elle pouvait par les interstices de la toiture ou des planches mal jointes.

La nature ici était généreuse. Avec le soleil et la pluie, les légumes et les fruits poussaient à volonté. Bien sûr, il fallait travailler la terre, semer mais ensuite, la récolte était bonne.

C'est grâce à cela que ses parents pouvaient échanger leurs produits contre quelques pesos.

Sa maman tissait également des nappes et des vêtements indiens et quelquefois, les touristes venaient lui acheter châles tissés et brodés, nappes, serviettes, poupées, ... produits de son artisanat.

Ses parents étaient très courageux et travailleurs car ici, il fallait tout cultiver à la main, sans l'aide d'aucune machine... Du champ de maïs aux légumes et aux fruits...

Un jour vint à passer une guide prénommée Graciana avec un groupe de touristes.

Cette guide vivait à Mexico. Elle était très humble et très humaine.

D'emblée, elle souhaita faire valoir l'artisanat de la maman et assurer la vente auprès de son groupe.

Chacun se plut à examiner les tissages et broderies colorées. Quelques personnes furent séduites et s'en allèrent chargées de petits cadeaux pour leur famille ou amis.

Xochitl, avec ses grands yeux attentifs et ses cheveux de jais nattés de rubans aux couleurs vives, était très remarquée.

Notre guide, Graciana, eu comme un choc en la voyant et peu à peu au cours de nouvelles visites, fut comme captivée par la fillette.

Une idée germa dans son esprit...

Et si elle la prenait avec elle à la ville, dans son appartement ? Elle serait comme sa fille adoptive. Elle lui donnerait une éducation et lui assurerait des études supérieures. L'enfant lui paraissait si douée...

Qu'adviendrait-il d'elle ici ?

Un jour, elle n'y tint plus. Et pendant que son groupe de touristes admirait les travaux de la maman, elle s'approcha de Xochitl et tout émue, lui demanda :

« Voilà, Petite fleur, je ne cesse de penser à toi. Je désire très fort t'avoir auprès de moi et t'aider... Le veux-tu ? »

La petite dont l'assurance était impressionnante, examina le visage de Graciana et planta ses yeux noirs dans les siens.

Calmement, les mains croisées sur son châle brodé, elle lui demanda :

« As-tu une vache ? »

« Je n'ai pas de vache », répondit Graciana.

« As-tu des poules ?»

« Je n'ai pas de poules non plus... » dit la jeune femme.

« As-tu des cochons ? »

« Non, pas de cochons... » Avança la guide.

« As-tu un jardin ? »

« Non », dit Graciana un peu troublée.

« As-tu une petite maison ? »...

« Je n'ai pas de petite maison, mais un appartement à Mexico » assura-t-elle.

Xochitl fronça ses sourcils, pencha sa tête sur le côté et regardant Graciana avec une grande commisération, lui dit :

« Alors, tu es pauvre... »

L'émotion embrasa le visage de la jeune guide.

Elle qui croyait avoir tant à donner ! Et bien, aux yeux de cette enfant, elle n'avait rien ! Rien à offrir à une jeune indienne riche de tous les trésors simples de la nature...

Et la jeune femme s'en fut, des larmes dans les yeux, se sentant très, très démunie et pauvre de l'essentiel...

...L'amour d'une petite princesse, Fleur des Tropiques, aux yeux si noirs et aux si brillants cheveux de jais...

Sophie Roïk

bbchaton

Dame Trude, la sorcière
Grimm

Il était une fois une petite fille extrêmement têtue et imprudente qui n'écoutait pas ses parents et qui n'obéissait pas quand ils lui avaient dit quelque chose. Pensez-vous que cela pouvait bien tourner ?
Un jour, la fillette dit à ses parents : « J'ai tellement entendu parler de Dame Trude que je veux une fois aller chez elle : il paraît que c'est fantastique et qu'il y a tant de choses étranges dans sa maison, alors la curiosité me démange. »
Les parents le lui défendirent rigoureusement et lui dirent : « Écoute : Dame Trude est une mauvaise femme qui pratique toutes sortes de choses méchantes et impies ; si tu y vas, tu ne seras plus notre enfant ! »
La fillette se moqua de la défense de ses parents et alla quand même là-bas. Quand elle arriva chez Dame Trude, la vieille lui demanda :
- Pourquoi es-tu si pâle ?
- Oh ! dit-elle en tremblant de tout son corps, c'est que j'ai eu si peur de ce que j'ai vu.
- Et qu'est-ce que tu as vu ? demanda la vieille.
- J'ai vu sur votre seuil un homme noir, dit la fillette.
- C'était un charbonnier, dit la vieille.
- Après, j'ai vu un homme vert, dit la fillette.
- Un chasseur dans son uniforme, dit la vieille.
- Après, j'ai vu un homme tout rouge de sang.
- C'était un boucher, dit la vieille.
- Ah ! Dame Trude, dans mon épouvante, j'ai regardé par la fenêtre chez vous, mais je ne vous ai pas vue : j'ai vu le Diable en personne avec une tête de feu.
- Oh oh ! dit la vieille, ainsi tu as vu la sorcière dans toute sa splendeur ! Et cela, je l'attendais et je le désirais de toi depuis longtemps : maintenant tu vas me réjouir.
Elle transforma la fillette en une grosse bûche qu'elle jeta au feu, et quand la bûche fut bien prise et en train de flamber, Dame Trude s'assit devant et s'y chauffa délicieusement en disant : « Oh ! le bon feu, comme il flambe bien clair pour une fois ! »

momo15

Il est six heures au clocher de l'église
Dans le square les fleurs poétisent
Une fille va sortir de la mairie
Comme chaque soir je l'attends
Elle me sourit
Il faudrait que je lui parle
A tout prix

Je lui dirai les mots bleus
Les mots qu'on dit avec les yeux
Parler me semble ridicule
Je m'élance et puis je recule
Devant une phrase inutile
Qui briserait l'instant fragile
D'une rencontre
D'une rencontre

Je lui dirai les mots bleus
Ceux qui rendent les gens heureux
Je l'appellerai sans la nommer
Je suis peut-être démodé
Le vent d'hiver souffle en avril
J'aime le silence immobile
D'une rencontre
D'une rencontre

Il n'y a plus d'horloge, plus de clocher
Dans le square les arbres sont couchés
Je reviens par le train de nuit
Sur le quai je la vois
Qui me sourit
Il faudra bien qu'elle comprenne
A tout prix

Je lui dirai les mots bleus
Les mots qu'on dit avec les yeux
Toutes les excuses que l'on donne
Sont comme les baisers que l'on vole
Il reste une rancœur subtile
Qui gâcherait l'instant fragile
De nos retrouvailles
De nos retrouvailles

Je lui dirai les mots bleus
Ceux qui rendent les gens heureux
Une histoire d'amour sans paroles
N'a plus besoin du protocole
Et tous les longs discours futiles
Terniraient quelque peu le style
De nos retrouvailles
De nos retrouvailles

Je lui dirai les mots bleus
les mots qu'on dit avec les yeux
Je lui dirai tous les mots bleus
Tous ceux qui rendent les gens heureux
Tous les mots bleus


[url]http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=LdfB8pM-qLw



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