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Contes d'ici et d'ailleurs

Démarré par bunni, 18 Septembre 2012 à 00:22:36

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bunni

Mon nom est Pierre Lapin, j'ai été imaginé par mon amie Béatrix Potter. Elle a si souvent raconté mes histoires et parlé de moi... Aujourd'hui c'est à moi de faire de même.


J'ai vécu auprès de Béatrix Potter tout au long de sa vie. J'ai traversé ses joies, ses peines, ses moments de désespoir. Sa vie n'a pas toujours été facile mais elle a toujours été pour moi une femme extraordinaire et forte, mon modèle. Je suis né en 1893, pendant l'époque Victorienne différente de la notre sur plusieurs points comme le statut de la femme, son rôle à la maison, sa manière de s'habiller et de se tenir en public. Cette époque fut un tournant dans l'histoire, le fossé creusé entre les hommes et les femmes était à son apogée. Les hommes travaillaient et s'occupaient de la politique, les femmes s'occupaient de la vie domestique. Je fais là une généralité, le statut de la femme était différent selon la classe sociale.

Ma créatrice est née à Londres dans une famille bourgeoise qui a fait fortune grâce à l'industrie du coton. Elle a été élevée par des gouvernantes qui lui ont enseigné la musique et l'art. C'est lors de vacances d'été en Écosse qu'elle a découvert son amour inconditionnel pour la nature et c'est à ce moment-làqu'elle a commencé à explorer la forêt, à s'intéresser aux animaux. Avec son frère Bertram, ils avaient de nombreux animaux ''domestiques''. Elle s'est mis à peindre et à dessiner tout ce qu'elle voyait en prenant soin de n'oublier aucun détail. C'est à la suite de ses observations qu'elle a imaginé mes histoires et celles de mes compagnons : Flopsaut, Trotsaut, Queue-de-coton, Tom Chaton, Sophie Canetang et tant d'autres. C'est ainsi que je suis devenu le petit lapin curieux et désobéissant que tout le monde connaît aujourd'hui ! Nous nous sommes tellement amusés à travers mes aventures, malgré quelques petites frayeurs dans le jardin de Monsieur McGregor...

Elle refusait de se marier, elle aspirait à une réelle histoire d'amour et refusait que ses parents lui choisissent un époux, ce qui était contraire aux coutumes de l'époque car les femmes étant cantonnées aux rôles de mère et de maîtresse de maison. Nous étions à cette époque ses seuls amis. Elle a ensuite voulu faire éditer ses histoires pour les partager avec les enfants, mais étant donné qu'elle n'était pas un homme, ce ne fut pas simple... Elle avait 36 ans à l'époque et vivait toujours chez ses parents. Elle a envoyé ses histoires à de nombreux éditeurs qui ont tous refusé de la publier parce que selon eux, elle n'était pas à sa place... En effet, les femmes à cette époque n'avaient ni le droit d'exercer une fonction autre qu'enseigner ni d'avoir un compte bancaire à elles. C'est lorsqu'elle a décidé de le faire elle-même en 1902 que la maison d'édition Frederick Warne a accepté d'éditer mon histoire qui est devenue l'une des plus célèbres jamais écrites. On raconte même que Conan Doyle avait acheté le livre pour ses enfants.

Je suis très fier du combat de ma très chère amie Béatrix qui, malgré son statut de femme et son milieu social, a su manifester son désaccord, partager son opinion et prendre des décisions. Par exmple, elle a choisi les dimensions du livres, et beaucoup d'autres détails concernant l'édition. Elle est aujourd'hui reconnue pour l'anthropomorphisme de ses petits animaux, et considérée comme naturaliste grâce aux croquis de plantes qu'elle a réalisés. Il faut bien comprendre que pour une femme de cette époque, elle n'était pas "commode", elle bravait les interdits et préférait prendre des décisions elle-même. Après son mariage en 1913 avec un notaire, Williams Heelis, elle est partie vivre à la campagne dans la région des Grands lacs [1]. Elle y a élevé de nombreux moutons et a eu des lapins dont elle disait d'ailleurs qu'ils étaient mes descendants. Elle a donc arrêté d'écrire, et je dois dire qu'elle nous a mis de côté, mais je ne lui en veux pas car après toutes ses souffrances et des années difficiles, son bonheur était mérité.

Elle nous a quittés le 22 Décembre 1943... Je regrette qu'elle ne soit pas avec moi pour traverser le temps, mais encore aujourd'hui quand je vois des gens qui se souviennent d'elle et de ses combats, cela me comble de joie. J'imagine à quel point elle serait heureuse de savoir que les histoires de mes amis Jeremy Fisher le Crapaud, Cecily Parsley, Miss Moppet et bien d'autres existent toujours. C'est ce qu'elle aurait voulu.


                                                                                                        

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La légende de Sethos

L'histoire de Sethos, fils d'un batelier du Nil et, plus tard, ministre du roi Mykerinos, nous est très connue. Elle nous est contée tout au long par une fresque brune qui se déroule autour des murailles de son tombeau.
Le père de Sethos dirigeait, tout le jour, une barque qui transportait le long du Nil de lourdes pierres de granit, les charges de blé et les jarres pleines d'huile de palme. Deux boeufs patauds tiraient la barque sur la rive.
Sethos jouait tout le jour entre le ciel bleu et l'eau claire. Il cueillait les lotus que la barque frôlait ; ou bien il jetait des pierres aux crocodiles qui dormaient et, comme des troncs d'arbres rugueux, se laissaient aller à la dérive.
Parfois Sethos s'ennuyait, parce qu'il voyait toujours les mêmes rives plates et que le bruit de l'eau lui semblait monotone. Mais un jour, tandis qu'il dormait, son père posa entre ses bras une bête au corps velu.
C'était un petit lion dont les chasseurs avaient tué la mère. En passant ils avaient donné le lionceau au batelier. Sethos l'appela Aken, obtint qu'on le nourrit avec du lait, et bientôt ils devinrent deux grands amis. Quand Sethos dormait, Aken veillait gravement sur lui et passait longuement sa langue rugueuse sur les petites mains croisées.
Malheureusement Aken grandit. Il aimait toujours Sethos, qui ne craignait ni ses griffes puissantes, ni sa gueule énorme. Mais Aken était violent. Quand il descendant sur la rive, il terrassait parfois les chiens des villageois et, un jour, il égorgea un âne qu'il avait surpris au coin d'un champ.
Il fut décidé qu'on le tuerait. Sethos pleura beaucoup en serrant entre ses petits bras la tête rugueuse de son ami. Aken immobile et pensif semblait comprendre qu'un danger le menaçait, et il regardait mélancoliquement la ligne jaune du vaste désert que ses yeux ne devaient plus revoir.
La barque s'était arrêtée dans une anse, à l'ombre des hauts papyrus. Sethos, lui aussi, regardait le désert.
"Aken, dit-il, sauve-toi. Comprends-tuComprends-tu ? Tu es maintenant trop fort et trop sauvage. Mon père t'aime bien, mais il sera puni à cause de tes méfaits. Oublie ton ami Sethos. Sauve-toi. Retourne au désert, où tu ne craindras plus les hommes.
Aken se leva, bâilla, fronça son mufle, regarda Sethos qui lui causait tendrement. Puis, en quelques bonds, il s'enfonça entre les collines. La nuit suivante, l'enfant entendit vibrer dans l'air des rugissements lointains : le lion célébrait sa délivrance.
Les jours passèrent.
Sethos, d'abord triste, finit par oublier son ami lion. Il était plus fort maintenant, et il aidait son père à ranger les marchandises du bateau ou à aiguillonner les boeufs indolents. La vie coulait, monotone, sous le même ciel bleu, sur les mêmes eaux tranquilles.
Vint le temps où le père de Sethos dut payer les impôts au roi Mykerinos. Or, les Égyptiens ne connaissaient pas l'argent. Ils donnaient aux intendants du roi le blé de leurs champs, l'huile de leurs celliers ou le travail de leurs bras.
Mykerinos construisait l'immense pyramide qui porte son nom. Toute une armée de travailleurs taillait dans les montagnes les blocs de granit, les charriait par les chemins, les amenait par les bateaux du Nil, les hissait, d'assises en assises, toujours plus haut. Les hommes haletaient sous le soleil éclatant, mais la volonté du maître et les coups de bâton les redressaient.
Le père de Sethos, pendant toute une lune, devait amener des pierres depuis les carrières, jusqu'aux chantiers. Malheureusement un des boeufs mourut. Tout le jour, à côté de celui qui survivait, le batelier tendait ses muscles pour haler la barque. Pourtant elle n'avançait pas vite. Le besogne était en retard.
"Homme, dit le chef des ouvriers d'un air dur, achète un autre boeuf. Il faut que le travail de Mykerinos s'achève.
- Je n'ai ni blé, ni huile, ni marchandises pour le payer. Je n'ai pas pu travailler.
- Fais tirer ta femme et ton fils. Si ces pierres ne sont pas amenées au chantier à la date fixée, tu seras emprisonnés."
Le batelier reprit tristement sa besogne sur le Nil. La prison, c'était, pour sa femme et son enfant, la misère et la fin. Il faudrait vendre la barque et s'en aller mendier par les bourgs sous les risées des gamins et les moqueries des vieilles femmes. Au lieu de dormir, il voulut continuer la nuit son travail. Sous la clarté froide de la lune, au milieu du silence universel, on entendait le grincement du cordage, le pas lent du boeuf et le halètement du batelier. Les pierres s'amoncelaient sur le chantier. Le chef des ouvriers serait satisfait, et l'on pourrait pendant des mois et des mois reprendre la vie heureuse et les lents voyages tranquilles sur le Nil. Mais un jour, sous le soleil plus ardent, le boeuf s'affaissa. En vain on essaya de le relever. Le travail de la nuit l'avait tué comme son camarade.
Désespéré, le batelier s'assis sur la rive. La nuit était froide et claire. Un sphinx gigantesque allongeait jusqu'au Nil son ombre énigmatique. Seul, tandis que sa femme et Sethos dormaient, l'homme fixait sur sa barque ses yeux désespérés. Elle était maintenant immobile pour toujours et, dans quelques jours, le chef des ouvriers viendrait réclamer son dû.
La prison l'attendait. Plus de nuits lumineuses et de journées éclatantes. Plus de vie libre et joyeuse, mais les murs froids d'un cachot, et la misère quand il sortirait. Le batelier pleura de longues heures.
Le jour vint. Sethos éveillé regardait avec de grands yeux étonnés le boeuf étendu, son père assis d'un air morne, et la barque immobile sur le bord du Nil. Puis il comprit à son tour, et comme son père il pleura.
Il essaya bien de joindre ses forces à celles de son père, mais la barque avançait à peine, et il aurait fallu des jours et des jours pour achever la tâche commandée.
Les villageois plaignirent les infortunés, mais la tyrannie de Mykerinos les opprimait eux aussi, et ils n'avaient pas trop de toutes leurs ressources pour satisfaire ses intendants.
Le jour passa. Une nouvelle nuit survint. Le batelier, résigné à son sort, restait assis sans bouger sur la rive du fleuve. Il regardait au loin la silhouette de la gigantesque pyramide sortir des brouillards du matin ou s'enfoncer dans la brume du soir, et il lui semblait que tout le poids de ses pierres pesait sur ses épaules.
Sethos dormait à ses pieds, brisé de tristesse et de fatigue et, comme toutes les nuits, la lune ronde montait au-dessus des collines.
Soudain un rugissement violent déchira l'air, si soudain et si proche que le pauvre homme, sa femme et son fils, réveillés en sursaut, eurent la sensation qu'ils ne pouvaient plus échapper et que le lion était sur eux.
Et ils restaient immobiles, serrés les uns contre les autres, glacés d'épouvante et les yeux grands ouverts.
Un bâillement rauque troubla le silence à nouveau. Une forme noire bondit. Sethos ferma les yeux... et il sentit un mufle humide qui caressait sa poitrine, une langue chaude et rugueuse qui cherchait ses mains.
"Aken ! Aken !" cria-t-il.
La minute d'après il pleurait dans la crinière du lion accroupi près de lui, et il lui racontait ses misères, la mort des boeufs et les menaces du chef des ouvriers.
"Si tu voulais, disait-il,... si tu voulais... Tu es fort, Aken, plus fort que dix boeufs. Tu pourrais tirer notre barque pendant quelques jours, et tu retournerais au désert après avoir sauvé ton ami Sethos. Sans doute ce n'est pas le métier d'un lion de traîner une barque avec licol au cou. Mais tu la traîneras la nuit, et je serai si heureux !"
Sans doute Aken comprenait, car il regardait Sethos avec de larges yeux bienveillants.
Il le suivit docilement quand il s'approcha de la rive du fleuve, docilement il se laissa passer au cou le cordage tressé.
Le lendemain matin, plein d'étonnement et d'épouvante, le chef des ouvriers vit arriver sur le bord du chantier un lion qui halait gravement une barque sur le Nil, et, parmi les pierres de granit, Sethos qui dansait de joie en chantant les louanges d'Aken.
Ce fut là le commencement de la fortune de Sethos, qui plus tard prit le nom de Touthemès Salen ou "le fils du lion".

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Le trésor du buttereau

Toutes les côtes du Saint-Laurent ont été témoins de nombreux naufrages et de navigation suspecte. En effet, il y avait des pirates autrefois même au Québec! La tradition orale veut qu'il arrivait que des poursuites ou des tempêtes empêchaient les pirates d'emporter leur butin à bord. Alors, on enfouissait les trésors sous terre dans un lieu isolé avec l'idée de revenir le chercher plus tard. Pour garder le trésor, le capitaine du navire faisait tirer les matelots à la courte paille. Il tranchait la tête de celui qui était ainsi désigné et on l'enterrait à côté du coffre pour qu'il veille à ce que personne ne vienne s'en emparer. Aux Îles-de-la-Madeleine, de nombreuses histoires circulent qui racontent les aventures de plusieurs téméraires qui tentèrent de s'approprier des trésors enfouis par les corsaires. Les buttes et les buttereaux sont des collines sans arbres.

Il était une fois, un jeune garçon, Étienne Lapierre, qui habitait aux îles à quelques pas de la mer et qui n'avait peur de rien. Quand il n'allait pas aider les pêcheurs qui rentraient avec leurs prises au quai, il allait se promener sur les buttes rondes de l'île du Havre-aux-maisons et il explorait les petits bois de conifères qui résistaient au vent furieux de ce pays. Un jour qu'il arpentait une butte en regardant la mer, il vit venir vers la côte un bateau qu'il ne connaissait pas. Il n'avait pas l'allure des goélettes de pêche qui vont, en saison, pêcher le hareng ou le homard.

Étienne regarda le bateau approcher et se diriger vers une petite baie protégée, cachée par un buttereau escarpé. Il alla se cacher derrière un rocher et attendit. Bientôt, le bateau accosta. Étienne comprit en voyant les matelots et en les écoutant parler qu'ils n'étaient pas des pêcheurs des îles ni du Cap Breton mais bien des pirates!
Il se cacha encore mieux entre deux gros rochers et observa leurs mouvements. Une chaloupe fut mise à la mer avec trois marins qui transportaient un gros coffre qui semblait lourd. Les trois marins accostèrent et Étienne vit qu'ils avaient aussi une pioche et une pelle avec eux.

Ils escarpèrent le buttereau et l'un d'eux se mit à piocher. Ils piochèrent à tour de rôle et creusèrent un trou qui semblait bien grand au petit Étienne. Bien à l'abri dans les rochers, il tressaillait de peur, car il avait compris que ces gens allaient sans doute enfouir le coffre dans la terre du buttereau voisin et que sans aucun doute, celui-ci contenait un trésor. Ah! Si l'on avait le malheur de le surprendre, il n'était pas mieux que mort!

Et la suite confirma ses doutes. Tout d'un coup, l'un des marins sortit un grand couteau et dans le plus parfait silence, il trancha le cou de l'autre. La tête, elle, dégringola sur les rochers abrupts et tomba dans la mer. Aussitôt les deux qui restaient saisirent le corps sans tête et le déposèrent au fond du trou avec le coffre. Étienne fut tellement surpris de ce qu'il vit qu'il resta figé dans l'horreur, seuls les battements de son coeur témoignaient qu'il était encore en vie. Les deux hommes remplirent le trou avec de la terre et des cailloux, sans dire un mot. Puis, quand le buttereau eut repris son aspect habituel, le plus grand des deux hommes qui portait un grand chapeau posa sur le monticule une grosse roche et dit à son compagnon :

Maintenant, c'est fait. Le trésor est en sécurité.
Mais il est bien gardé par un gardien sans tête, est-ce bien?
Sans aucun doute, le diable se chargera de faire fuir quiconque aurait la hardiesse de creuser ici. Il fera sortir l'homme sans tête de terre...
Le compagnon frissonna. Le soleil était couché depuis longtemps et bientôt il ferait nuit. Les deux hommes jetèrent un dernier coup d'oeil à l'endroit où ils avaient enfoui leur butin et descendirent vers la chaloupe pour repartir vers le bateau. Étienne entendit distinctement le plus grand, qui devait être le capitaine, dire :

Quand le coq labourera et que la poule hersera, le trésor pourra être levé. Mais pas avant! Et personne ne pourra rien entreprendre autrement.
On reviendra dans un an ou deux quand on aura fini les tournées dans le golfe, répliqua son compagnon.


Et les deux hommes quittèrent le rivage.

Étienne mit du temps avant de reprendre ses esprits et de sortir de sa cachette. Il faisait nuit noire lorsqu'il rentra chez lui. Il ne souffla mot à personne de son secret. Il n'oubliait pas les mots qu'ils avaient entendus.

Le temps passa, les saisons se succédèrent et Étienne allait souvent rôder non loin du buttereau pour voir si la terre était remuée et si l'on était venu lever le trésor. Mais rien ne semblait avoir bougé et la grosse pierre était toujours à sa place. De temps en temps, pour ne pas oublier, Étienne répétait : « Quand le coq labourera et la poule hersera », en attendant son heure.

Dans les villages de pêcheurs de toute l'île du Havre-aux-maisons, des rumeurs commençaient à circuler à l'effet que l'on avait vu errer un homme sans tête la nuit sur le buttereau. L'effet fut instantané : on ne sortit plus après le coucher du soleil. Les gens savaient bien ce que ce phénomène voulait dire : un trésor avait dû être enfoui là avec son gardien. Et c'était ce pauvre bougre qui, possédé par le diable, tentait de se dénicher une meilleure sépulture.

Bientôt, toute l'île parlait du fantôme du buttereau. Le curé alla en procession avec quelques paroissiens bénir le lieu maudit, mais l'homme sans tête continua d'errer au bord des falaises. Étienne tenta à plusieurs reprises de soulever la grosse pierre sur le buttereau. Mais on aurait dit qu'elle avait triplé sa masse : on ne pouvait la bouger. La terre tout autour était devenue si compacte à cause des pluies et des neiges, qu'elle était dure comme du ciment, et aucune pioche, aucune pelle n'auraient pu l'entamer.

Puis, un jour, Étienne qui avait dix-huit ans décida que le temps était venu d'agir. Il confia son secret à son frère en qui il avait une confiance absolue. Et les deux se mirent à l'oeuvre.

Ils choisirent d'abord, dans la basse-cour, un coq et une poule bien grasse. Puis, étant adroits de leurs mains, ils fabriquèrent une charrue, miniature bien sûr, et une herse de format réduit. Leur père, qui voyait faire, était exaspéré par leurs enfantillages :

Vous feriez mieux d'empiler le foin dans la baraque au lieu de jouer comme des enfants.
Vous allez voir, mon père, que nos jeux vont être utiles, répliqua Étienne.
Attendez encore un jour et vous aurez une belle surprise, renchérit son frère.
Enfin, tout fut prêt. Un soir, Étienne et son frère s'en allèrent en cachette à la dune du Sud avec le coq, la poule et leur attirail. Ils se rendirent sur la plage, attelèrent le coq et lui firent labourer un bon petit carré de sable, ce qu'il fit très bien. Ensuite, ils attelèrent la poule à la herse et, à son tour, elle hersa la portion que son compère venait de labourer.

De retour à la maison, ils dirent à leurs parents :

Maintenant, venez avec nous. Il est temps d'aller lever le trésor du buttereau?
Quoi? fit la mère. Le trésor du buttereau? Vous allez nous faire mourir de peur!
Avec le corps sans tête qui errait encore hier au soir! s'écria le père.
Le fantôme ne nous fera pas de mal. Nous en sommes sûrs.
Le père et la mère se demandaient si leurs deux fils n'étaient pas un peu fous, mais ils consentirent à les suivre au buttereau. Arrivés là, Étienne commença par enlever la grosse pierre, ce qu'il fit sans aucune difficulté. Puis, ils se mirent tous les deux à creuser la terre meuble et bientôt ils touchèrent quelque chose de très dur. C'était le coffre!

La nuit arrivait et les parents redoutaient l'apparition du corps sans tête; mais les garçons, trop occupés par leur tâche, ne s'en souciaient guère. Ils n'eurent aucun mal à déterrer le coffre qu'ils transportèrent séance tenante dans leur logis. Ils allumèrent la lampe et déposèrent leur fardeau au milieu de la cuisine. Étienne ouvrit le couvercle. Le coffre était rempli de pièces d'or et d'argent. Il y avait là une fortune. Étienne et sa famille n'en croyait pas leurs yeux. Ils ne savaient pas très bien ce qu'on doit faire quand on est riche. Alors, ils allèrent se coucher.

Le lendemain matin, au lever, la mère trouva sur la galerie un squelette sans tête allongé sur le banc. Un billet auprès de lui disait : « Enterrez-moi au cimetière. Ma tâche est accomplie. »

La famille Lapierre, qui n'était pas mesquine, partagea ses biens avec tous les gens de l'île et l'on parla pendant de longues années encore du fameux trésor du buttereau qu'Étienne Lapierre avait réussi à déterrer.


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La tour des fées

C'est une histoire qui date d'il y a bien longtemps, d'un temps où vivait à Quissac une petite fille qui était muette et qui s'appelait Bertine ; cette petite fille, orpheline de père et de mère, avait été élevée par sa grand-mère ; comme la vieille était bonne comme la pluie d'été, Bertine avait été heureuse quoique l'une et l'autre vécussent pauvrement ; jusqu'à ce matin-là où la grand-mère ne se réveilla point ! Voilà Bertine seule au monde, sans ressources, obligée de tendre la main pour survivre. Elle s'en alla par sentes et chemins, de villages en hameaux, et de mas en masets mendier une pièce de menue monnaie par-ci, un quignon de pain rassi par-là.
   
Un jour, poussée par la nécessité, elle s'aventura plus loin que de coutume dans la forêt de Coutach. Lorsque le soir ne fut plus loin, elle ne parvint pas à retrouver le chemin du village ;  plus elle marchait, plus le bois devenait menaçant, les arbres immenses masquaient le ciel et les buissons se pressaient les uns contre les autres au point qu'on ne pouvait s'y mouvoir qu'avec les plus grandes difficultés. Bertine se voyait déjà la proie des loups, quand elle vit un sentier qui l'amena près d'une maison de rondins de bois couverte d'un toit de chaume ; elle frappa ; comme personne ne répondit, elle décida d'entrer. Qui que ce fût qui logeât là, il devait être bien riche car l'or et l'argent, les bijoux jonchaient le sol de terre battue, au milieu du plus incroyable désordre que la petite eût jamais vu : de grands plats sales et des os de toutes natures et de toutes grandeurs encombraient la table de chêne massif. Elle était là, à contempler la pièce, quand la porte de la chaumière s'ouvrit avec fracas, et une main velue s'abattit sur son épaule, pendant qu'un rire gigantesque faisait trembler les vitres sales :
- Petite, tu n'as décidément pas de chance : tu auras échappé aux loups pour tomber entre les pattes du Galavard !
   
LE GALAVARD ! Bien sûr Bertine connaissait de réputation l'ogre qu'on disait habiter la forêt de Coutach : sa grand-mère lui avait assez répété de ne jamais s'aventurer seule dans les bois, sous peine de rencontrer le géant. L'ogre tâta le bras de l'enfant, et fit la moue :
- Tu es bien maigre : je ne ferais de toi qu'une demi-bouchée. Qu'à cela ne tienne : je t'engraisserai ; et pour ne pas te nourrir à ne rien faire, tu feras mon ménage, ma vaisselle et ma lessive en attendant que je te trouve assez dodue pour faire un repas convenable.
Qu'en dis-tu, petite ?
Bertine expliqua par gestes qu'elle était bien incapable de répondre, mais qu'elle acceptait de devenir la servante du Galavard.
- Bien ! Mais pour te passer l'envie de me fausser compagnie, sache que si je dors la nuit, les loups, eux veillent ; le jour, j'aurai tôt fait de te rattraper : regarde ce qui t'arriverait !


Le Galavard se boucha la narine gauche et souffla le feu par celle de droite : de grandes et belles flammes sortirent de la narine, qui auraient grillé l'enfant si l'ogre n'avait détourné la tête ; puis il se boucha la narine droite et souffla le froid par celle de gauche : sous l'haleine gelée le sol, les meubles et les murs se couvrirent de glace.
   
Du temps passa ! Bertine s'honorait de bonne grâce à servir le Galavard. De l'aube jusqu'à nuit faite, elle lavait, brossait, lessivait, repassait, rangeait la maison de l'ogre ; elle posa des rideaux aux fenêtres, orna les meubles de napperons de dentelle et fit de grands bouquets de fleurs des champs qu'elle mit dans des pots : soit que l'ogre la trouvât toujours assez peu dodue, soit qu'il appréciât d'habiter un logis bien propret et bien rangé, toujours est-il qu'il remettait toujours au lendemain d'en faire son déjeuner !
   
Un soir de pleine lune, alors que l'astre de nuit bleuissait toutes choses aux alentours, Bertine s'installa près de la fenêtre pour admirer le paysage. Tout à coup, elle vit descendre de chacun des arbres une lumière ; il y en avait des centaines qui toutes convergeaient vers un bâtiment de la forêt qu'on appelait la tour des fées. Intriguée, et parce que les animaux sauvages apeurés se détournaient, la petite suivit les lumières jusqu'à la tour ; elle y pénétra après elles ; là, elle vit que chacune des lumières se transformait en une petite bonne femme, bien jolie, toute lumineuse, avec des ailes de libellule dans le dos et guère plus grande que la main ; elle vit que les fées ( car bien entendu il ne pouvait s'agir que de fées ! ) formaient une ronde, et qu'elles tentaient d'ébaucher quelques pas de danse. Soudain la plus belle et la plus lumineuse des fées ( la reine sans l'ombre d'un doute ! ) vit Bertine et s'approcha pour la fixer droit dans les yeux ; elle y lut que la petite avait le coeur pur et qu'elle ne dissimulait en elle aucune méchanceté.

La reine des fées sourit à l'enfant, et lui dit :
- Sois la bienvenue parmi nous, fillette ! Vois-tu, nous sommes les fées de la forêt de Coutach - chaque arbre à la sienne, sans laquelle il ne pourrait vivre - et à chaque mois lunaire, c'est à dire tous les vingt-huit jours, lorsque la lune est pleine, nous pouvons quitter nos arbres et venir ici pour célébrer par nos danses la nouvelle lune.
Tu nous vois là dans un grand embarras : figure-toi que les fées sont incapables de jouer de quelque instrument que ce soit.
Toi, accepterais-tu de jouer pour nous ?

Bertine expliqua par gestes qu'elle était bien incapable de parler, ou de chanter, et qu'elle ignorait tout de l'art de jouer de quelque instrument que ce soit !
- C'est sans importance, dit la reine des fées, nous ne sommes point fées pour rien et nous possédons assez de pouvoir magique pour t'y aider. Vois-tu ce noisetier qui pousse au milieu de la grand-salle de la tour des fées ? Eh bien tu devras en couper une branche.
Bertine coupa la branche !
- Bien ! Maintenant courbe la branche et attaches-y un de tes cheveux à la manière d'un arc, puis tends-en un second, un troisième, un quatrième, un cinquième, un sixième, un septième : n'est-ce point l'instrument de musique que les hommes appellent une harpe ?
Bertine sourit tristement : cette harpe-là était bien trop fragile pour que quiconque pût en jouer !

La reine des fées commanda :
   

" Souffle souffle laridou ;
souffle souffle laridourida ! "

   
    À peine Bertine eut-elle soufflé sur la harpe de bois, que celle-ci se transforma en une harpe d'or, et que la harpe d'or se mit à jouer une première danse ; après quoi il suffit à la petite fille de souffler de nouveau pour que les danses s'enchaînassent aux danses, toute la nuit durant.
Les premières lueurs du jour incendièrent les murs de la grand-salle de la tour des fées ; les fées redevinrent lumières ; elles s'enfuirent, chacune laissant derrière elle une traîne de boutons d'or sur le sol moussu !
Bertine, quant à elle, regagna bien vite la maison de rondins ; elle y cacha la harpe d'or sous sa paillasse en attendant la lune pleine et le prochain bal des fées.

Pendant quelques jours Bertine se garda bien de toucher à la harpe magique ; puis, une nuit, n'y pouvant plus tenir, elle sortit sans bruit de la maison de rondins, et s'en écarta assez pour ne point être entendue ; du moins le croyait-elle, car aussi doucement qu'elle fît, elle réveilla l'ogre.
Ce dernier n'aimait pas qu'on jouât de quelque instrument que ce soit, ou qu'on chantât, mais intrigué quant à l'origine de la harpe d'or, il se garda bien d'intervenir ; il surveilla l'enfant chaque nuit jusqu'à ce que la lune pleine bleuît de nouveau les alentours.

Cette nuit-là l'ogre vit les lumières descendre des grands arbres, et se diriger vers la tour des fées ; il vit Bertine qui les suivait en serrant contre elle l'instrument et, marchant sur leurs traces, il vit les lumières se transformer dans la grand-salle, puis il vit les fées qui se prenaient la main pour danser après que l'enfant eut soufflé sur la harpe magique.

Comme le Galavard détestait autant les fées que la musique, il se jeta sur elles ; avant qu'elles ne fussent revenues de leur surprise, se bouchant la narine droite, il souffla le froid par celle de gauche : les fées s'immobilisèrent, pétrifiées, puis elles s'éteignirent peu à peu, et enfin elles s'évanouirent ! Alors l'ogre se saisit de la harpe, et il la brisa, puis il prit l'enfant par l'oreille, et il la raccompagna jusqu'à la maison de rondins en lui promettant, dodue ou pas, de la manger sans plus attendre si elle s'avisait d'encore lui désobéir.
Un nouveau mois lunaire passa, pendant lequel Bertine désespérait de jamais revoir les fées et de jamais rejouer de la harpe d'or ; elle désespérait d'autant que les arbres, orphelins de leurs fées, dépérissaient et qu'ils perdaient leur beau feuillage ; encore un peu, et la forêt de Coutach ne serait plus qu'une forêt d'arbres morts ! Lorsque la lune pleine bleuit de nouveau la nuit et les bois, la petite se dirigea, malgré les menaces de l'ogre, vers la tour des fées afin de leur rendre un dernier hommage ; là, dans la grand-salle de la tour, elle vit des centaines de boutons d'or, et elle entendit résonner une voix cristalline, la voix de la reine des fées :


" Souffle souffle laridou ;
souffle souffle laridourida ! "


    Bertine souffla sur chacune des fleurs, et chacune des fées renaissait dans un éclat de rire ; après quoi la fillette cueillit une autre branche de noisetier ; elle en fit d'abord un arc avec un premier cheveu, puis elle en tendit un second, un troisième, un quatrième, un cinquième, un sixième, un septième ; elle forma une harpe. La reine des fées prononça la formule magique :
   

" Souffle souffle laridou ;
souffle souffle laridourida ! "

   
    Bertine souffla, la harpe de bois se mua en harpe d'or qui joua une première danse, puis une seconde... ; de danse en danse, les premières lueurs de l'aube incendièrent les murs de la grand-salle ; les fées redevinrent lumières ; elles s'enfuirent, laissant derrière chacune d'entre elles une traîne de boutons d'or, et Bertine courut pour regagner la maison de l'ogre avant qu'il ne se réveillât. Soudain la porte de la maison de rondins s'ouvrit avec fracas ; le Galavard se précipita en écumant vers la petite fille ; comme il allait l'atteindre, celle-ci entendit une voix qui venait du plus beau, du plus grand des arbres, et cette voix disait :
   

" Souffle souffle laridou ;
souffle souffle laridourida ! "

   
    Bertine souffla sur le Galavard ; ce dernier se transforma en un énorme nuage noir qui crachait des éclairs, et le nuage s'éleva, s'éleva, s'éleva bien haut au-dessus de la forêt de Coutach ; il eut beau tonner, et cracher toute la pluie dont il était capable, la petite qui s'était mise à l'abri dans la maison de rondins s'en moquait. Quant aux arbres, qui avaient retrouvé leurs fées, ils n'en reverdirent que plus vite. La fureur du Galavard était telle que les eaux du Vidourle montèrent, montèrent, montèrent ; et que la vidourlade inonda les bas quartiers de Quissac et de Sommières !
   
   
Bertine vécut longtemps dans la forêt de Coutach ; on dit même qu'elle y épousa un gentil bûcheron qui aimait les arbres, et qu'ils vécurent à l'abri du besoin grâce au trésor du Galavard ; on dit encore que certaines nuits Bertine glissait quelques pièces sous la porte des plus pauvres parmi les Quissacois. Toute sa vie, chaque nuit de pleine lune, elle s'en alla animer le bal des fées avec sa harpe d'or ; et quand s'en venait l'été, elle saluait le soleil en jouant de la harpe d'or. Quand le bûcheron et Bertine furent devenus bien vieux, si vieux que Bertine n'avait plus assez de souffle pour animer la harpe d'or ; la reine des fées transforma le bûcheron en arbre, et Bertine en une petite bête, pas plus grande que mon petit doigt, une petite bête qui étreint les arbres lorsque l'été s'en vient, une petite bête qui joue pour saluer le soleil, et cette petite bête c'est... LA CIGALE !




bunni


La licorne et le saltimbanque

Dans le temps d'on ne sait quand, au pays d'on ne sait d'où, un seigneur déjà vieillissant habitait un château en haut d'une montagne.
Ce seigneur avait un trésor, jalousement gardé dans la partie la plus reculée de sa fastueuse demeure. Son trésor était une bête fabuleuse, une licorne à la crinière d'or qu'il avait capturé dans les bois alentour du château.
Chaque soir, à l'heure du crépuscule, il se faisait apporter un candélabre et allait rendre visite à sa captive.
Celle-ci était très belle : son pelage blanc semblait fait de soie douce, sa crinière et sa queue, glissaient jusqu'au sol en une cascade d'or...Et ses yeux immenses et noirs disaient toute sa détresse.
Chaque fois, le seigneur s'asseyait près d'elle et lui disait :
" Beauté de mes rêves, lumière de mon cœur, douceur de ma vie...Vous le savez- que je vous aime ? Pourquoi n'avez-vous encore rien mangé aujourd'hui ? "
Car le seigneur remarquait tout de suite que le foin était restée intact dans le râtelier d'argent, qu'aucune pomme n'avait disparu du saladier de nacre, et qu'il restait encore tout les épis de maïs offert à la belle.
Invariablement, la licorne qui savait parler répondait :
" Oui, je le sais que vous m'aimez, seigneur. Mais votre amour n'est pas celui que j'attends. "
Et invariablement, le flambeau tremblait dans la main du seigneur, l'animal détournait la tête et l'homme s'éloignait, le dos voûté, le cœur en peine.

Par un après-midi de neige, sur le chemin menant au château, un vieux cheval tirait une roulotte rouge et bleue bringuebalante et conduite par un jeune homme qui chantait à tue-tête sans souci des flocons qui tombaient. Près de lui, emmitouflé dans une redingote à brandebourgs dorés, un shako mal arrimé au sommet du crâne, un petit singe grimaçait en se donnant des airs de cocher indispensable ! Derrière, une chèvre suivait la roulotte avec philosophie ; une très vieille chèvre qui avait fini par se croire la plus intelligente de son espèce parce qu'elle l'entendait dire chaque soir de représentation.
Ce cirque de " trois fois rien " arriva à la porte du château alors que la tempête redoublait. Le petit singe tira à quatre mains la chaîne de la cloche et la grille s'ouvrit aussitôt. Le vieux cheval, fourbu, n'aurait pas fait un pas de plus !
En échange de l'hospitalité, le saltimbanque promit des merveilles sans fin. Le soir même, dans une grande salle illuminée de chandelles, il donna une représentation au châtelain et à sa domesticité. Sur la croupe du cheval tant bien que mal galopant, il exécuta des culbutes, il réussit des équilibres, des pirouettes gracieuses, des voltiges musclées. Il offrit des rires en liberté, dont le seigneur avait perdu souvenance. Il incarnait la jeunesse et la joie de vivre.
La chèvre compta jusqu'à dix, fière de montrer son savoir ; et le singe fit mille courbettes et grimaces, imitant les domestiques et le seigneur.
Le public s'extasiait, riait de bon cœur et applaudissait à tout va !
- " Vous nous avez bien divertis, jeune étranger, lui dit le seigneur à la fin du spectacle. Ce château est à vous aussi longtemps qu'il vous plaira d'y demeurer. Vous pouvez visiter toutes les pièces, des caves jusqu'aux combles. Toutes sauf une. N'ouvrez jamais, s'il vous plait, la porte rouge frappée d'un fer à cheval en or ! "
Ainsi, tout l'hiver ils restèrent à l'abri et au chaud.
Le jeune homme visita tout le château de fond en comble comme son hôte le lui avait permis. Il parcourut les salons aux portraits de nobles dames dans leurs cadres somptueux. Il monta des escaliers, descendit sur des rampes ouvragées. Il traversa des chambres, des salles de garde, des cuisines remplies de marmites et de marmitons, des écuries peuplées de fiers alezans ; et au bout de sa course, il buta sur la porte rouge frappé d'un fer à cheval d'or !
Il y revint plusieurs fois, refusant de manquer à la parole donnée. Mais la curiosité et l'ennui furent les plus fort. Il envoya une nuit son ami singe à la recherche de la clef qui ouvrait la porte interdite. Celui-ci la trouva posée sur la table de nuit, juste à côté du roi endormit.
Il entra donc.
La licorne leva la tête.
Il vit d'abord sa robe pure autant que les neiges qui tombaient encore sur les forêts, sa crinière plus blonde qu'une coulée de lumière, ses yeux au regard de nuit et sa corne torsadée sur le front.
Elle vit sa silhouette souple, son air rieur que ne gâtait en rien le fait d'avoir désobéi. Elle décela un parfum de jeunesse, une odeur d'herbe nouvelle, de fruit acidulé, et de petit matin ensoleillé.
Il s'approcha. Elle le regarda s'approcher. Il avança la main, elle avança la tête. Et chacun sentit son cœur fondre de plaisir, et d'amour.
Ainsi, tout l'hiver, à l'insu du seigneur, le jeune homme rendit visite à la licorne ; qui de désir de vivre avait retrouvé l'appétit !

Mais à chacune de ses visites, le seigneur voyait que quelque chose avait changé. Il était heureux qu'elle mange à nouveau, et de voir la lumière revenir dans ses yeux. Il s'imaginait qu'enfin elle s'était habituée, et peut-être aussi qu'elle l'aimait un peu...
Un soir où il la trouva encore plus rêveuse qu'a l'accoutumé, il lui demanda :
- " Belle, pourquoi ne pas m'accueillir avec davantage de joie ? Vous savez qu'on vous aime et...
- Si vous m'aimez...
- Oui, coupa le seigneur (qui entendait mentionner son amour pour la première fois)
- Alors, laissez-moi partir avec lui !
- Vous, partir ? jamais !
- Je vous en prie ! Je pourrais remplacer son vieux cheval quand il sera fatigué. Laissez-moi partir !
- Vous voulez, belle à la robe blanche, tirer une roulotte branlante en compagnie d'une vieille chèvre, d'un singe déguisé et de ce jeune..... ?
Le regard de la licorne se fit si doux, si humble, si suppliant que le seigneur n'osa pas terminer sa phrase. Mais très vite, il reprit :
- Vous voulez, vous, la reine de ma vie, tourner sur un tapis élimer, affubler votre corne d'un panache mité comme un cheval de cirque... ? ? ?.
Le regard de la licorne se fit plus doux encore. Jamais le châtelain ne l'avait vu ainsi. Il enfouit son visage dans ses mains, puis dit :
- Pourquoi ?
La licorne avait fait un pas en avant :
-Par ce que...Je l'aime !
Un long silence s'installa entre eux.
Finalement, le vieillard se leva et se dirigea lourdement vers la porte, les épaules voûtées. Il entrouvrit la porte, comme pour sortir, hésita, puis se tourna vers la licorne et lui dit :
- Faites-moi auparavant, une promesse, s'il vous plait !
- Laquelle seigneur ?
- Promettez-moi de revenir vers moi chaque année jusqu'au jour de ma mort, et de me rapporter chaque fois les couleurs de l'ailleurs que vous aurez goûté.
La licorne alors s'approcha de lui, et posant ses tendres naseaux sur son épaule, elle murmura
- Je promets !
Le vieux seigneur esquissa un geste léger sur les naseaux de velours et eut un pauvre sourire. Puis il ouvrit en grand la porte et s'effaça pour laisser passer sa belle. Celle-ci s'élança et son galop résonna dans les couloirs avant de diminuer, diminuer, diminuer.....

Elle courut rejoindre le jeune homme et sa petite troupe qui se préparaient à quitter le château.
Dés qu'ils se furent assez éloignés, la belle licorne se transforma en une jeune fille aux longs cheveux d'or, à la peau tendre et soyeuse et aux grands yeux noirs.
Désormais, elle vécue heureuse avec le jeune homme ; mais jamais elle n'oublia sa promesse, et jusqu'au jour de la mort du vieux châtelain, elle revint chaque année lui offrir les fruits cueillis en chemin ; reprenant pour l'occasion son apparence de licorne.

A la fin de l'histoire, quand la licorne revient voir le vieux seigneur, elle lui chante cette petite ritournelle:

R1 Tu laisses bien passer le vent
Tu le laisses vivre en liberté
Tu ne peux l'attraper
Tu ne pourra jamais l'arrêter

1- Licornes des légendes
Elfes des bois ou jolies fées,
Se cachent sur la lande
Et laisse moi te le chanter

R 2 Ils sont comme le vent
Laisses les vivre en liberté,
Tu ne peux pas les attraper
Tu ne pourras jamais les arrêter!

2-Les gnomes, les farfadets
Les lutins ou bien les géants,
Qui peuplent les forêts
Des histoires qu'on dit aux enfants!

R 3 Ils sont comme le vent
Laissons les vivre en liberté
Personne ne peut les attraper
Rien ne pourra jamais les arrêter!

bunni


YMIR, LE GEANT DES GLACES

YMIR, LE GEANT DES GLACES

A l'aube du temps, l'espace n'était qu'un abîme sans fond, stérile et désert, limité au nord par le pays des glaces et au sud par le pays du feu. Du premier, monde de nuées et de ténèbres, coulaient douze fleuves de glace. Au coeur du pays de feu naissaient au contraire des rivières d'eau chaude qui se couvraient de givre à l'approche des régions froides avant de se figer, prisonnières de l'immensité glacée. Ainsi, l'Abîme originel fut il comblé peu à peu par des masses d'eau solidifiée par le froid.

Sur cette banquise désolée, le vent du sud se mit à souffler, un vent tiède qui réchauffa la surface gelée. La glace commença à fondre. Une première goutte d'eau se forma, suivie d'une deuxième , puis de beaucoup d'autres, et le miracle se produisit: animées d'un souffle mystérieux, les gouttelettes se rassemblèrent pour former le corps d'un géant, Ymir. Par quel prodige eut-il chaud dans cet univers glacial ? Nul ne le sait, mais il se mit à transpirer, et de sa sueur naquirent deux autres géants, un homme et une femme. Tandis qu'ils s'éveillaient lentement à la vie, de nouvelles gouttes d'eau ruisselèrent à la surface des blocs de glace et un quatrième être vivant apparut, la vache Audumla. De ses pis gonflés coulaient quatre ruisseaux de lait, auxquels se nourrirent Ymir et ses descendants, les géants. La vache Audumla en léchant les blocs de glace qui l'entouraient découvrit un cinquième être vivant: Buri qui épousa bien vite la géante. De leur union naquirent les premiers dieux du monde: Odin, Vili et Vé.

Entre les géants et les dieux, ce fut la guerre, violente, impitoyable. Les géants y trouvèrent la mort, mais l'un d'eux réussit à prendre la fuite avec sa femme vers les régions les plus désolées du pays de givre où ils perpétuèrent leur race. Inerte, le corps d'Ymir gisait sur le sol, recouvrant de sa masse gigantesque l'amas chaotique des blocs de glace. Les dieux étaient bien content de demeurer seuls maîtres de l'univers. Mais quel univers ! En regardant le paysage triste, morne et glacial qui les entouraient, ils décidèrent de le transformer et de créer un nouveau monde. Ils utilisèrent le corps de leur ancien ennemi le géant Ymir pour façonner une lourde masse sans vie qu'ils lâchèrent dans l'ether: Le Plan Matériel.

Du corps du géant naquirent les montagnes, les mers, les rivières et les lacs. Ses cheveux prirent racines et devinrent des arbres puis des forets. Posant ensuite le crâne d'Ymir sur quatre piliers, les dieux en firent la voûte céleste. Ils la décorèrent de milliers d'étincelles qu'ils trouvèrent au pays de feu et la plus grosse flammèche devint le soleil. Il mirent de l'ordre dans leur création en réglant la succession des saisons, des jours et des nuits.

Fort content de leur travail, ils s'accordèrent un peu d'amusement et de distraction. Ils édifièrent un merveilleux palais céleste, plus vaste qu'une ville où ils organisèrent des fêtes somptueuses qui rassemblaient un grand nombre de dieux et de déesses. De temps en temps, ils descendaient sur le Plan Matériel en empruntant les arc en ciel qui leur servaient de ponts.

Longtemps, la surface de la terre ne fut habitée que par les nains, race de petits êtres pétris dans la chair du géant Ymir. Ils creusaient des galeries et ils vivaient sans voir le soleil, forgeant sans cesse les matériaux qu'ils trouvaient. Un jour, alors qu'ils se promenaient le long d'une plage du Plan Matériel, Odin, Hoener et Lodur trouvèrent deux troncs d'arbres secs.
Odin proposa de leur donner la vie et leur fit dont du souffle vital, Hoener leur fit cadeau de l'âme et de la raison et Lodur les réchauffa et les peignit aux couleurs de la vie.
Les troncs s'animèrent, changèrent d'aspect et devinrent le premier couple d'êtres humain.

bunni


Le conte de Gougaud

"Il était un roi d'Arabie, un roi aux bottes rouges, à la démarche lente, aux cheveux nuageux. Il avait nom Shanyar, mais chacun le nommait Shanyar le bienveillant, car c'était un homme bon.
Il avait une fille insouciante et vive, fraîche comme le matin à l'heure de la rosée. Son rire était pareil au chant des sources, son nom semblable au bruit du vent dans le feuillage. On l'appelait Zhara. Elle était belle, si belle que la lumière l'aimait. Quand le soleil se couchait le soir, ses dernières lueurs enveloppaient son corps et ne la quittaient plus. Et chaque matin en la voyant paraître, le roi, son père, disait d'elle : " Trois choses dans la vie ouvrent le cœur et chasse le chagrin : le vin, les fleurs et la beauté de Zhara " Il n'en était pas un qui ne l'approuve pas.
Or, un jour de sa dix-huitième année, comme la princesse Zhara, de la fenêtre de sa chambre, contemplait à ses pieds la cité aux cents minarets, elle se prit à rêver à un conseil étrange qu'elle avait reçu un jour, d'un vieux mendiant :
" Si tu ne peux construire une ville, construis un amour "
Et, comme elle souriait, pensant à ses mots simples et pourtant mystérieux, son père vint à elle avec ses conseillers.
" Fille aimée, lui dit-il, j'ai aujourd'hui à te donner un ordre qui m'émeut. Comme l'affirme le proverbe : " Peigne ta fille jusqu'à 12 ans, veille sur elle jusqu'à 18 ans, puis hâte-toi de la marier ! " Oh, certes, je crains que tu ne t'offusques, farouche et pure comme je te sais. " Saveur et bon vin, couleur en beau drap, pudeur en vraie fille " disent les sages. Mais il est dit aussi :
" Les poules et les donzelles, à trop errer se perdent "
Donc, tu dois prendre un époux. Que tu sois amoureuse, ou non, qu'importe. Un mariage heureux ne saurait se réduire à 4 jambes sous une couette ! Donc, parmi les princes de ce pays, je te conjure de choisir celui qui saura te prendre fermement par les hanches et me donner les 10 garçons que je n'ai pas pu avoir de ta mère ! Pour le reste, il paraît que mari et femme ne font qu'un. Eh bien, si tu sais t'y prendre, ce un-là, ce sera toi ! J'ai dit ! "
La princesse Zhara écouta sagement cette solennelle harangue, puis, elle resta longtemps pensive, sourit enfin et répondit ceci :
" L'homme que j'aime est loin d'ici. Si loin que je ne sais pas où. Pourtant, il me viendra un jour. Un jour, mais je ne sais pas quand. Mon père, tu l'as dit, le temps d'enfance est à son terme. Je dois donc de mes mains construire ma maison, celle où j'attendrais cet amour, sans lequel je ne peux pas vivre. "
Elle dit ces mots, salua le roi et ses conseillés ; tourna les talons, quitta le palais, traversa la ville et s'en fut droit devant elle, dans le désert. Elle chemina jusqu'au crépuscule. Et quand elle fut au crépuscule, elle s'arrêta, et là, elle bâtit sa maison. Oh certes, ce n'était qu'une humble maison de pierres sèches, mais c'était la sienne, élevée de ses mains. Et quand elle fut bâtie, elle s'enferma dedans.

Aussitôt, le bruit courut dans la ville que la princesse Zhara s'était recluse dans une maison du désert pour y attendre l'amour. Qui ne connaissait pas beauté de Zhara ? Qui ne la savait pas plus désirable que les milles palais du paradis des purs ? Tous les hommes en âge de désir accoururent, espérant, à sa porte fermée !
Au premier qui frappa à la porte, la princesse Zhara demanda :
" Qui est là ? "
L'homme droit sur le seuil répondit :
" C'est moi ! "
Alors il entendit la voix de Zhara qui murmurait ces mots derrière la porte fermée :
" Il n'y a pas de place pour toi et moi dans la même maison. Dis-moi ton nom, homme, et va-t'en. "
L'homme lui dit son nom, et il s'en retourna. Et tandis qu'il s'éloignait sur le chemin de la ville, la princesse Zhara broda le nom de l'amoureux éconduit sur son manteau de laine bleue.
Le lendemain, un autre lui vint qui lui aussi frappa à la porte et lui aussi entendit : " Qui est là ? "
Comme son frère de la veille, il lança fièrement : " C'est moi ! "
Comme son frère de la veille ces mots lui répondirent : " Il n'y a pas de place pour toi et moi dans la même maison. Dis-moi ton nom, l'homme et va-t'en ! " Le nom fut dit, et fut brodé sur le manteau de laine bleue.
Ils vinrent cent, ils vinrent mille, ils vinrent cent jour, puis vingt années...
À chacun elle demanda son nom et chacun répondit :
" C'est moi, Hassan, c'est moi, Ali, c'est moi, tel prince, tel marchand, tel coureur de sable ou de vent " Elle broda chaque nom sur son manteau de laine bleue, et les nuits et les jours passèrent, et les saisons et les années ; jusqu'au jour où parvint à la maison bâtie sur des cailloux brûlants un voyageur perpétuel.

Il s'appelait Moktar. En langue d'Occident, son nom était l'élu. Moktar n'avait rien, que ses deux mains ouvertes, mais tous les trésors du monde brillaient dans ses yeux. Lui aussi frappa à la porte. Lui aussi, derrière la porte fermée entendit ces trois mots mille fois répétés : " Qui est là ? "
Mais Moktar, droit sur le seuil, ne répondit pas. Il y eu un long silence. Une deuxième fois, ces mots lui vinrent encore : " Qui est là ? "
Moktar sourit, mais ne répondit pas.
Alors, derrière la porte fermée, la princesse Zhara approcha sa bouche d'une fente dans le bois, et pour la troisième fois, elle demanda : " Qui est là ? "
Il y eu encore un long silence, puis, Moktar sur le seuil approcha sa bouche de la même fente dans le bois et répondit :
" C'est toi-même ! " et la porte s'ouvrit.
Moktar entra. Il s'avança vers Zhara, les bras ouverts.
Mais, qu'était devenue Zhara, après tant d'années d'espérance ?
Une vieille femme, blanchie, ridée, courbée dans son manteau de laine bleue qui portait tant de noms brodés.
Moktar vit-il ses rides, ses cheveux neigeux, sa fatigue ? Non, il n'eut pas ce souci-là. Il la désirait trop, avec trop d'impatience. Il l'aimait depuis si longtemps ! Il la prit aux épaules, et la prenant ainsi, il aperçut un fil au bout de la dernière lettre d'un nom brodé sur le manteau.
Il tira le fil. Le nom se défit. Il lança le fil par la porte ouverte. Le fil se changea en oiseau. Il en tira un autre. Encore un nom de moins. Encore un oiseau dans le ciel. Un long, un court, et celui d'un marchand et celui d'un guerrier. À chaque fil tiré, à chaque nom défait, une ride s'effaçait sur le visage de Zhara. Son teint reprenait son éclat, et ses yeux leur vivacité. Et quand il n'y eut plus un seul nom brodé sur le manteau de laine bleue, quand
le soleil eut disparu derrière la nuée d'oiseaux qui avaient envahi le ciel, Zhara était de nouveau jeune et belle, comme au premier jour. Alors, elle prit la main de Moktar, et tous les deux sortirent sous le ciel du désert.

Ce qu'il advint d'eux ne peut-être dit. C'est un secret.
Ces mots seuls sont permis au conteur, pour finir :
Vous venez d'entendre l'histoire de l'Une qui est Un et de l'Un qui est Une !

bunni


La légende du loup blanc

L'histoire que je vais vous raconter remonte à la nuit des temps.

A cette époque, la terre était recouverte de vastes forêts sans fin, certaines étaient inextricables et les voyageurs égarés retrouvaient rarement leur chemin.
En ces temps là, les loups vivaient nombreux, ils formaient des clans très hiérarchisés, intelligents, forts et courageux, ils n'avaient d'autres ennemis que les hommes.

Les hommes quant à eux nourrissaient une haine profonde envers les loups et lorqu'ils se trouvaient face à face, il était rare que tous deux survivent à cette rencontre.
A peine l'enfant des hommes marchait, qu'il avait appris à haïr le loup.

Chaque décennie écoulée, les loups, uniquement les chefs de clan et quelques élus entreprenaient le grand voyage. De toutes les régions du Nord de l'hémisphère, ils convergeaient en un même lieu, une vaste clairière au centre d'une forêt profonde et noire, quelque part dans un pays que l'on appellera plus tard la FRANCE.
Certains venaient de très loin, c'était le grand rassemblement au cours duquel les loups mâles et femelles encore solitaires allaient sceller une nouvelle alliance, ils venaient là trouver le compagnon d'une vie.
Les chefs partageaient leur savoir et les jeunes bâtissaient leur descendance.

Cette année là, LOUPBLANC, chef de clan encore solitaire venait pour y trouver une compagne, chemin faisant il pensait au lourd secret qui était le sien.

Quelques mois plus tôt, au cours d'une chasse, il avait découvert une jeune femme évanouie dans la neige fraîche. Il s'était approché d'elle doucement, avec méfiance comme on lui avait toujours appris, de longues minutes s'étaient écoulées ainsi, quand soudainement la jeune femme bougea, elle entrouvrit les yeux et loin d'être terrifiée par la vue du loup, elle lui sourit.

Elle tendit une main et caressa la fourrure de l'animal, celui-ci accueillit cette marque d'affection d'abord avec surprise puis bientôt avec plaisir. Sans savoir qu'il pouvait la comprendre, elle lui expliqua sa peur lorsqu'elle s'était vue égarée dans la forêt, en entendant du bruit, elle s'était mise à courir sans voir une grosse branche qui barrait le chemin, elle avait trébuché lourdement et s'était évanouie.

Tout en lui parlant elle n'avait cessé de le caresser. Elle le regarda droit dans les yeux et lui demanda de l'emmener jusqu'au village, seule dit-elle, je ne retrouverai jamais ma route.

LOUPBLANC s'exécuta, il la reconduisit jusqu'à l'entrée du village et longtemps il resta là, à la regarder partir, même lorsqu'il ne pouvait plus la voir.
De retour dans la tanière du clan, il comprit qu'il ne serait plus jamais le même, jamais plus il ne verrait les hommes de la même manière.
Il se prit même à revenir guetter l'entrée du village dans l'espoir de l'apercevoir.

A de nombreux kilomètres de là, une louve et son frère cheminaient au côté d'un chef de clan, ils faisaient eux aussi route vers le grand rassemblement.

La louve CALYPSONE venait y faire alliance, elle l'espérait depuis longtemps mais depuis l'été dernier, elle était habitée par la peur, son chemin avait croisé celui d'un gentilhomme blessé, au lieu de le dénoncer à la meute comme il se doit, elle l'avait caché, recouvert de feuilles et de branchages et l'avait nourri jusqu'à ce qu'il puisse se débrouiller seul.

L'homme n'avait jamais manifesté la moindre crainte face à la louve, au contraire il aimait à lui parler, à la caresser, il lui faisait des confidences comme il l'aurait fait à un des ses semblables. Il rêvait d'un monde où les hommes et les loups feraient la paix, un monde où la haine de l'autre n'existerai plus.

Un soir alors que Calypsone venait le retrouver, il était parti en laissant sur le sol son écharpe, un peu de son odeur qu'elle prit plaisir à renifler.
Souvent, depuis lors, elle venait s'allonger au pied de l'arbre qui avait été le témoin de leur amitié.

La clairière sacrée était prête, tous les participants s'étaient rassemblés en plusieurs cercles, au milieu se trouvaient les solitaires, il était de coutume de s'observer et lorsqu'un loup mâle trouvait une louve à sa convenance, il s'avançait au milieu du cercle, puis de là en rampant il se dirigeait vers l'élue.

Ce soir sacré, lorsque CALYPSONE aperçu LOUPBLANC, elle reconnut immédiatement le compagnon qui habitait ses rêves, celui qu'elle avait toujours attendu.
Aussi, bousculant toutes les règles, elle s'avança vers lui, sans crainte, le regardant au fond de ses prunelles dorées.

LOUPBLANC, comme s'il avait toujours su ce qui allait arriver, accepta CALYPSONE comme compagne sans se formaliser de la façon cavalière qu'elle avait utilisée pour arriver à ses fins.

La nuit même leur union fût scellée. Le grand sage donna son accord après avoir vérifié qu'ils n'appartenaient pas au même clan et que leurs deux statures s'harmonisaient entre elles.
La louve fit ses adieux au clan qui l'avait vu grandir et se prépara au voyage de retour.
Leur périple fût sans histoire.
Inconsciemment ou pas, LOUPBLANC construisit leur gîte non loin de l'endroit où il avait découvert la jeune femme l'hiver dernier.

Au printemps de l'année qui suivit, CALYPSONE donna naissance à deux louveteaux, un mâle et une femelle. Avant de mettre bât, elle avait avoué à LOUPBLANC le parjure qu'elle avait fait à sa race en cachant et en nourrissant un humain. LOUPBLANC lui avait à son tour confié son secret et depuis lors ils ne formaient plus qu'un.

Une nuit, ils furent réveillés par des cris qui les fit sortir de leur tanière, ils aperçurent au loin une fumée épaisse, un incendie embrasait le ciel. Les cris durèrent longtemps et au petit jour une odeur âcre parvint jusqu'à eux.
La magie des loups en ces temps là était grande et leur haine des humains encore plus grande, plusieurs clans s'étaient unis pour détruire un village qui avait tué plusieurs des leurs. Ceux qui n'avaient pas péris dans l'incendie, furent dévorés pas les loups.

LOUPBLANC rassembla sa compagne et ses petits et décida de s'éloigner à tout jamais de ces contrées barbares, il voulait un monde différent pour sa descendance.
Au même moment, un homme et une femme, seuls survivants du massacre fuyaient eux aussi l'horreur de la nuit.

La légende dit que la route des loups croisa celle des humains
Que LOUPBLANC reconnu la jeune femme qu'il avait secouru de même que CALYPSONE reconnu l'homme comme étant celui qu'elle avait caché dans les bois.
On dit aussi qu'ils firent chemin ensemble jusqu'à une grande clairière.

Uniquement avec leur courage, ils bâtirent un monde nouveau où tous ceux qui vivaient sans haine furent les bienvenus... Les humains comme les loups...


bunni


Le huart à collier

On dit que chaque lac du Québec a son huart, un oiseau marin qui porte un collier de plumes blanches sur sa robe noire. Voici cette légende amérindienne qui nous raconte d'où vient ce collier.

Les forêts québécoises abritent une multitude de lacs. Au bord d'un de ces lacs vivait autrefois une tribu amérindienne. Le chef Onas habitait la plus grande loge avec sa femme Niska et son fils Napiwa.

La forêt donnait du gibier en abondance, le lac des poissons en quantité, et le maïs cultivé de quoi nourrir tout le monde à satiété. Chacun accomplissait les tâches dictées par la tradition: la vie se déroulait paisiblement au rythme des saisons.

Mais une croyance respectée par tous semait l'angoisse parmi les membres de la tribu, grands et petits. Cette croyance voulait que le dieu huart règne en maître sur la nuit. À la tombée du jour, lorsque son chant parvenait aux oreilles des hommes, c'était le signe que personne ne devait sortir de sa loge ou de son abri de trappe. Le Grand Huart punirait sévèrement celui qui braverait ses lois car la nuit était son royaume exclusif.

Le sorcier de la tribu entretenait cette crainte en parlant de punitions terribles:

- "Si l'un de vous ose sortir, il sera emporté dans le royaume de la nuit et jamais plus il ne reverra les siens", répétait-il à tout moment.

Ainsi quand, à la brunante, on sentait descendre l'obscurité, chacun attendait le chant du huart en achevant ses tâches. Aussitôt que le chant mélodieux se faisait entendre, on s'empressait de ranger les canots au sec et tous se réfugiaient à l'intérieur des loges. Personne n'avait jamais osé sortir et regarder la nuit en face.

Or Onas avait un fils à qui il enseignait avec fierté tout ce qu'il faut savoir pour devenir un grand chasseur et, plus tard, un chef sage et courageux.

Sa femme Niska aimait beaucoup son fils. Elle passait ses journées à le regarder grandir et à lui broder de beaux mocassins et d'amples tuniques de peau.

Napiwa avait quinze ans et il avait déjà fait ses preuves comme chasseur et comme guerrier. Tous vantaient sa valeur et son endurance. Depuis quelque temps Napiwa s'était mis à réfléchir.

Il était terriblement agacé de voir sa tribu accorder foi aveuglément à cette croyance à propos du dieu huart et de la nuit. Il refusait d'y croire. Il interrogeait les anciens, il essayait de discuter, de comprendre ; mais tout le monde prenait peur quand il abordait le sujet.

Alors, un jour, n'y tenant plus, il dit tout haut ce qu'il pensait:

- "Je ne crois pas ce que nous enseigne le sorcier à propos du Grand Huart !"

- "Comment?" s'écria son père, "tu oses contredire le sorcier ? Malheur à toi mon fils. Que le Grand Huart ne t'entende pas !" Napiwa n'osa pas répondre à son père. Mais pour lui tout seul il pensa: "Cette nuit je sortirai voir la lune et les étoiles que je ne connais pas. Au diable le Huart."

Lorsque tout le monde fut endormi, Napiwa se leva sans bruit et sortit de la loge. Le cœur battant, il regarda la lune et admira les étoiles. Il prit un canot et un aviron et s'enfuit sur le lac.

Au matin, un des chasseurs courut avertir le chef qu'il manquait un canot. Onas se leva.

- "Quelqu'un a-t-il quitté le village ?" demanda-t-il.

- "Je ne sais pas", répondit le chasseur.

Alertée par le bruit des voix, Niska se retourna vers le lit de branches de sapin où dormait Napiwa. Il était vide ! Avant même de regarder, elle avait su dans son cœur que Napiwa était allé braver le Huart. Elle n'osa rien dire. Mais quand Onas constata l'absence de son fils, il se fâcha.

- "À cette heure-ci, il doit être déjà mort. Le sorcier va préparer la cérémonie des morts", dit-il sans manifester d'émotion.

Le sorcier se retira dans sa loge pour faire ses préparatifs et invoquer les esprits.

- "L'offense est grave", dit-il. "Il faudra soigner les offrandes aux dieux pour réparer la faute de Napiwa."

Mais Niska refusa d'accepter si vite la mort de son fils chéri.

- "Le huart l'a peut-être épargné. Pourquoi ne pas envoyer quelqu'un le chercher ?"

- "Où chercher ? Au royaume de la nuit ?" répondit Onas irrité de son audace.

- "Sur le lac", dit Niska.

Mais elle voyait bien que ni les chasseurs, ni le sorcier, ni son mari ne conservaient l'espoir de retrouver Napiwa. Leur crainte du Grand Huart était telle qu'ils ne pouvaient que s'incliner devant sa puissance. Tandis que pour elle, sa tendresse pour son fils l'emportait sur tous les autres sentiments. Bien sûr elle aussi craignait et respectait le dieu huart et la puissance des manitous. Mais son cœur de mère refusait d'accepter la fatalité et la perte de son fils.

- "Quand le soleil sera droit sur nos têtes, si Napiwa n'est pas de retour, j'enverrai un canot à sa recherche", dit enfin Onas pour calmer sa femme.

Puis chacun, au village, reprit ses activités. Niska, rongée par l'inquiétude, s'en alla au bord du lac. Elle marcha longtemps sur la berge, scrutant l'eau profonde, là-bas au milieu du lac, où chaque soir le huart lançait son chant-signal.

Elle chercha en vain un indice qui lui révélerait la présence de son fils. "Était-il pensable qu'un manitou puisse tuer un jeune homme si beau, si plein de promesses ?" se demandait-elle. "Non, ce n'était pas possible: le Huart ne pouvait être cruel à ce point."

Tout en marchant, Niska ramassa sur la grève un caillou blanc. Elle se mit à le tourner et à le retourner dans sa main comme pour combattre par ce geste son angoisse et son inquiétude. Puis elle frotta le caillou contre une pierre dure, tout en continuant d'épier le moindre mouvement autour du lac.

Lorsque le soleil fut au zénith, Onas envoya un canot avec deux des meilleurs chasseurs de la tribu à la recherche de Napiwa.

Tout le temps qu'ils furent partis, Niska continua de polir le caillou blanc, qui devint lisse et brillant. Machinalement, elle y perça un trou et l'enfila sur une lanière de cuir qu'elle glissa à son cou.

Le soir arriva et les chasseurs revinrent au village sans Napiwa. Niska et les autres se dépêchèrent de rentrer avant la tombée de la nuit. Onas essaya de la raisonner. Mais elle ne voulait pas accepter la mort de son fils.

- "Demain, tu enverras encore un canot le chercher", pria Niska.

Onas accepta malgré sa résignation, car lui aussi avait beaucoup de chagrin d'avoir perdu son fils. Pendant les cinq jours qui suivirent Onas envoya un canot, puis deux canots à la recherche de Napiwa. Ils partaient le midi et revenaient le soir sans rien rapporter.

Niska, elle, marchait, marchait autour du lac sans jamais perdre espoir. Chaque jour, elle ramassait un caillou blanc sur la grève et le frottait contre une pierre pour s'occuper. Le soir elle le perçait d'un trou et l'enfilait sur sa lanière.

Le sixième jour, bien avant le coucher du soleil, Niska entendit des voix venir du lac et le bruit des pagaies dans l'eau. Son cœur bondit dans sa poitrine. Elle se mit à courir. Toute la tribu descendit vers le lac pour accueillir les canots. Même le sorcier qui avait été forcé de retarder la cérémonie des morts vint voir ce qui se passait. On avait retrouvé Napiwa vivant !

Napiwa sortit du canot et marcha dans l'eau vers le rivage. Tous le regardaient avancer en silence. Niska s'élança vers lui pour l'embrasser. Puis on l'entoura et il se mit à raconter :

- "Le ciel était noir, noir, mais des milliers d'étoiles brillaient. Je ne me lassais pas de les regarder mais mon canot a chaviré. Je ne voyais rien, je ne sentais rien. J'ai essayé de nager mais d'étranges remous m'ont emporté. Mon canot a disparu. J'ai crié puis... je ne sais plus. Quand j'ai ouvert les yeux j'étais au sec dans un nid de branches et de feuilles. Le Grand Huart se tenait près de moi. Il m'a parlé tout doucement. Il m'a apporté du poisson à manger et de l'eau à boire. Petit à petit mes forces sont revenues. Le huart ne semblait pas offensé de ma bravade, au contraire. Je me sentais bien chez lui ; je ne pensais même pas à partir. Puis aujourd'hui, j'ai vu les canots et je me suis souvenu..."

Niska se leva et alla vers son fils.

- "Viens", dit-elle.

Elle l'entraîna vers le rivage et lui fit signe de ne pas bouger. Sous les yeux de tous, Niska prit un canot et s'en alla toute seule vers le milieu du lac. Personne n'osait rien dire, pas même Onas, pas même le sorcier. Sur le visage de Napiwa, qui la suivait du regard, se dessinait un sourire.

Niska fila sur l'eau et le chant modulé du huart retentit tout à coup. Tous les gens massés sur la grève frissonnèrent. Le huart lançait son signal et pourtant la nuit était encore loin !Qu'est-ce que ça voulait dire ?

Niska continua d'avancer. Sans même agiter la surface de l'eau, le huart apparut devant le canot. Niska s'arrêta de pagayer. Elle retira de son cou le collier de cailloux blancs qu'elle avait polis et repolis tout au long de sa douloureuse attente. Elle se pencha vers le huart qui se tenait immobile sur l'eau sombre. Puis elle lui glissa au cou le collier qu'elle avait façonné. Elle murmura:

- "Merci"

On dit que c'est depuis ce jour que les huarts ont autour du cou un magnifique collier de plumes blanches.




bunni


La légende des papillons!

Comment les papillons apprirent à voler ( Légende amérindienne ).

Quand la Terre était jeune, aucun papillon ne volait ça et là dans les airs et n'illuminait les jours de printemps et d'été de leurs ailes portant les couleurs de l'arc-en-ciel. Il y avait des reptiles, qui furent les ancêtres des papillons, mais ils ne savaient pas voler ; ils ne savaient que ramper par terre. Ces reptiles étaient magnifiques, mais le plus souvent les humains, lorsqu'ils se déplaçaient, ne baissaient pas les yeux vers la terre, aussi ne voyaient-ils pas leur beauté.

En ces temps-là, vivait une jeune femme qui s'appelait Fleur de Printemps et qui était une joie pour tous ceux qui la connaissaient. Elle avait toujours le sourire et un mot gentil à la bouche, et ses mains étaient semblables au printemps le plus frais pour ceux qui étaient atteints de fièvre ou de brûlures. Elle posait ses mains sur eux et la fièvre aussitôt quittait leur corps. Quand elle atteignit l'âge adulte, son pouvoir devint encore plus fort et, grâce à la vision qu'elle avait reçue, elle devint capable de guérir les gens de la plupart des maladies qui existaient alors. Dans sa vision, d'étranges et belles créatures volantes étaient venues à elle et lui avaient donné le pouvoir de l'arc-en-ciel qu'ils portaient avec eux. Chaque couleur de l'arc-en-ciel avait un pouvoir particulier de guérison que ces êtres volants lui révélèrent. Ils lui dirent que pendant sa vie elle serait capable de guérir et qu'au moment de sa mort elle libérerait dans les airs des pouvoirs de guérison qui resteraient pour toujours avec les hommes. Dans sa vision, il lui fut donné un nom : Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel.

Tandis qu'elle avançait en âge, Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel continuait son travail de guérisseuse et dispensait sa gentillesse à tous ceux qu'elle rencontrait. Elle rencontra aussi un homme, un voyant, et elle le prit pour mari. Ils eurent ensemble deux enfants et les élevèrent pour qu'ils soient forts, sains et heureux. Les deux enfants avaient aussi certains pouvoirs de leurs parents et eux-mêmes devinrent plus tard des guérisseurs et des voyants. Tandis qu'elle vieillissait, le pouvoir de Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel grandit encore et tous ceux qui vivaient dans les environs de la région où elle habitait vinrent à elle avec leurs malades, lui demandant d'essayer de les guérir. Elle aidait ceux qu'elle pouvait aider. Mais l'effort de laisser passer en elle tout le pouvoir finit par l'épuiser et un jour elle sut que le moment de remplir la seconde partie de sa vision approchait. Tout au long de sa vie, elle avait remarqué que des reptiles magnifiquement colorés venaient toujours près d'elle quand elle s'asseyait par terre. Ils venaient contre sa main et essayaient de se frotter contre elle. Parfois l'un deux rampait le long de son bras et se mettait près de son oreille.

Un jour qu'elle se reposait, un de ces reptiles vint jusqu'à son oreille. Elle lui parla, lui demandant si elle pourrait faire quelque chose pour lui, car elle avait remarqué que lui et ses frères et soeurs lui avaient toujours rendu service. "Ma soeur, dit Celui qui rampait, mon peuple a toujours été là pendant que tu guérissais, t'assistant grâce aux couleurs de l'arc-en-ciel que nous portons sur le corps. A présent que tu vas passer au monde de l'esprit, nous ne savons comment continuer à apporter aux hommes la guérison de ces couleurs. Nous sommes liés à la terre et les gens regardent trop rarement par terre pour pouvoir nous voir. Il nous semble que si nous pouvions voler, les hommes nous remarqueraient et souriraient des belles couleurs qu'ils verraient. Nous pourrions voler autour de ceux qui auraient besoin d'être guéris et laisserions les pouvoirs de nos couleurs leur donner la guérison qu'ils peuvent accepter. Peux-tu nous aider à voler ?" Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel promit d'essayer. Elle parla de cette conversation à son mari et lui demanda si des messages pourraient lui venir dans ses rêves.

Le matin suivant il se réveilla, excité par le rêve qu'il avait fait. Quand il toucha doucement Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel pour le lui raconter, elle ne répondit pas. Il s'assit pour la regarder de plus près et il vit que sa femme était passée au monde des esprits pendant la nuit. Pendant qu'il priait pour son âme et faisait des préparatifs pour son enterrement, le rêve qu'il avait eu lui revint en mémoire et cela le réconforta. Quand le moment fut venu de porter Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel à la tombe où elle serait enterrée, il regarda sur sa couche et, l'attendant, se trouvait le reptile qu'il pensait y trouver. Il le ramassa avec précaution et l'emporta.

Tandis que l'on mettait le corps de sa femme en terre et qu'on s'apprêtait à le recouvrir, il entendit le reptile qui disait : "Mets-moi sur son épaule à présent. Quand la terre sera sur nous, mon corps aussi mourra, mais mon esprit se mêlera à l'esprit de celle qui fut ta femme, et ensemble nous sortirons de terre en volant. Alors nous retournerons vers ceux de mon peuple et leur apprendrons à voler de façon à ce que se poursuive le travail de ton épouse. Elle m'attend. Pose-moi à présent." L'homme fit ce que le reptile lui avait dit et l'enterrement se poursuivit. Quand tous les autres furent partis, l'homme resta en arrière quelques instants. Il regarda la tombe, se souvenant de l'amour qu'il avait vécu. Soudain, de la tombe sortit en volant une créature qui avait sur ses ailes toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Elle vola vers lui et se posa sur son épaule. "Ne sois pas triste, mon époux. A présent ma vision s'est totalement réalisée, et ceux que j'aiderai désormais à enseigner apporteront toujours aux autres la bonté du coeur, la guérison et le bonheur. Quand ton heure viendra de te transformer en esprit, je t'attendrai et te rejoindrai."

Quand l'homme changea de monde, quelques années plus tard, et fut enterré, ses enfants restèrent en arrière après que tous les autres s'en furent allés. Ils remarquèrent une de ces nouvelles créatures magnifiques qu'ils appelaient papillons, voletant près de la tombe. En quelques minutes un autre papillon d'égale beauté sorti en volant de la tombe de leur père, rejoignit celui qui attendait et, ensemble, ils volèrent vers le Nord, le lieu du renouveau. Depuis ce temps-là les papillons sont toujours avec les hommes, éclairant l'air et leur vie de leur beauté.

Si vous voulez que votre souhait se réalise, vous n'avez qu'à le souffler au papillon. N'ayant pas de voix, il ira porter votre souhait au ciel jusqu'au grand Manitou, où il sera exaucé.

NOTE : Les enseignements traditionnels des amérindiens passaient jadis par des légendes comme celle-la que les anciens du village racontaient autour du feu le soir de pleine lune. Les enfants adoraient les écouter.

bunni


La petite grenouille rouge

Les hommes sont mécontents, il pleut sans arrêt depuis trois jours. La mare de la ferme inonde les près, les vaches rouspètent : meu...meu...meu... elles s'enfoncent dans la boue pour rentrer à l'étable.

Les gros nuages éclatent encore, dans la mare, les grenouilles sont à la fête. Il faut les entendre le soir ! Coaaa...coaaa....Quel tapage ! Il y a les grenouilles vertes, les rousses et les têtards qui sont les bébés. Tout ce petit monde plonge, saute, fait la couse ou se cache dans les roseaux.

Soudain ! Mon Dieu ! Les grenouilles n'en croient pas leurs yeux ! Une grenouille "rouge" quelle horreur, veut prendre part aux jeux.

Toutes ces demoiselles grenouilles entourent la nouvelle arrivée.

- Pourquoi es-tu rouge ? demande la plus bavarde.

Je ne sais pas, répond timidement la nouvelle.

- Elle n'est pas normal, crie la plus sotte.

- C'est vrai ! Dit la plus nigaude, elle a les pattes bleu.

- Et regardez, elle a des points bizarres sur tout le corps, montre la plus ignorante.

- C'est peut-être une grenouille martienne, dit la plus petite.

Et toutes ces vilaines moqueuses rient à s'en faire mal au ventre.

- Moi, je la trouve très mignonne, déclare le Crapaud, elle met un peu de couleurs parmi nous.

Vexées, que le crapaud préféré de ces demoiselles, trouve une autre grenouille plus belle qu'elles, les vilaines jalouses crient en choeur.

- Elles n'est pas normaleee, elle n'est pas normaleeee;

Tout ce chahut fait sortir les commères grenouilles cachées sous les herbes.
Quand elles découvrirent la petite grenouille rouge, elles furent stupéfaites.

- Elle a sûrement une maladie, déclara une très vieille grenouille radoteuse, je n'ai jamais vu ça de toute ma vie.

- Non ! je ne suis pas malade, je ne suis pas malade, criait la petite.

- Les enfants ! Venez immédiatement, elle est peut-être contagieuse, coassèrent toutes les commères.

Non ! Je ne suis pas malade, pleurait la petite grenouille rouge, regardez comme je saute bien, comme je nage vite. Pour faire sa démonstration la petite allait plonger, quand une grosse voix la figea sur place.

- Je t'interdis de plonger, croaaa, croaaa,

Tout le groupe se tourna vers le plus gros et le plus prétentieux crapaud qui venait de donner cet ordre.

- Tu es malades, tu vas polluer notre mare, ajouta-il, tu dois partir.

- Non ! supplia la petite, ne me chassez pas, je ne connais personne ici.

- Tu n'as pas compris, se fâcha le gros crapaud, et sa terrible voix fit trembler tous les têtards. J'ai dit : tu pars.

- D'où viens-tu ? Interrogea un audacieux têtard.

- D'où je viens ?

- Oui ! De quel pays es-tu ?

- Je ne sais pas, je jouais avec mes copines quand brusquement ! J'ai été kidnappée et emmenée dans un filet.

-Bon ! C'est assez ! Si tu n'es pas comme nous, c'est que tu n'es pas normale, conclue le gros crapaud.

- On ne peut pas la laisser seule, osa protester une sympathique grenouille rousse.

- Et moi je pense qu'elle a été kidnappée, justement parce qu'elle était malade, dit une grenouille verte très agressive.

- C'était pour la mettre en quarantaine, dit une autre.

- Il ne faut pas la garder ici, dit la doyenne.

- Nous pourrions demander à Sénégal, il a beaucoup voyagé, il connait peur-être...

- croaa croaa non ! Sénégal est un vieux fou. IL raconte avoir vu des vers de terre gros comme des poteaux ! il appelle ça "des cobras", laissons Sénégal en dehors de tout cela.

- Attendez ! Ici, Nous sommes différentes, il y a les vertes et les rousses. Pourquoi n'y en aurait-il pas d'autres.

- Et bien ! Nous allons voter, décida la doyenne, et gare à celles que ne voteront pas bien.

- Votons à patte levée, annonça le gros crapaud. Que celles qui sont pour le départ de la grenouille rouge qui est sans doute contagieuse, lève la main.

- Tu n'as pas les droit d'influencer les votants, lance le jeune crapaud.

- Toi ! Le contestataire, tu te tais, laisse les adultes décider.

Au vote, un grand nombre de pattes se levèrent. Le gros crapaud déclara que la petite grenouille rouge devait partir immédiatement.

Désespérée, la petite mit tout son grand courage dans ses pattes bleu et parti.

Le jeune crapaud, le contestataire, que ses copines appelaient Testar, rattrapa en quelques bonds la petite qui sanglotait à gros bouillons.

-Hello ! Cria Testar, comment vas-tu ma petite fraise ?

- Je ne vais pas bien du tout, et ne t'approche pas, peut-être que les autres ont raison, je suis peut-être malade.

- Ecoute, dit Testar, malade ou pas, je veux rester avec toi. Et puis, Sénégal a vu des oiseaux bleu, rouge, je suis certain que c'est ta couleur.
Une superbe couleur, on dirait une robe de grand couturier.

Confuse, la petite devint encore un peu plus rouge. En cheminant, ils trouvèrent une jolie petite mare, où les nénuphars et les roseaux massettes formaient des parasols.

Les mois passèrent, Testar et la petite fraise s'aimaient de plus en plus fort. Cependant, un gros souci les inquiétait, un soleil implacable asséchait leur mare. Devant ce désastre, Testar décida de se rendre à la grande mare. La petite fraise ne voulut pas y aller et décida de l'attendre.

Arrivé devant ce qui était la grande mare, Testar fut bien étonné, il n'y avait plus une goutte d'eau et plus une grenouille. Seul le gros crapaud tout desséché agonisait. Les autres avaient dû se mettre sous la terre, pour y trouver un peu de fraîcheur.
Testar repartit, il venait d'arriver et racontait son voyage à la petite grenouille, quand ils entendirent une voix d'enfant :

- papa ! viens voir une grenouille rouge.

- Une grenouille rouge par ici ?

- Oui ! Regarde.

- Mon fils, dit le papa, tu as devant toi, un très beau spécimen de grenouille, qui vit dans les pays lointains. C'est une grenouille fraise, on l'appelle ainsi parce qu'elle ressemble à une fraise.

- On la prend papa ? Ici elle va mourir.

- Nous allons l'emporter dans notre mare qui ne tarit jamais.

- Et je vais prendre le crapaud qui est juste à côté, ils sont peut être copain.

- Si tu veux.

Et la petite grenouille fraise et son ami Testar, vécurent longtemps et heureux dans la mare qui ne tarit jamais.

bunni


Ils sont redevenus sages

Depuis plusieurs mois les familles, les maîtres, les maitresses d'école se plaignent ; tous les enfants sont coquins. Tout a été essayé : les retenues en classe, les punitions, les privations; rien n'a réussi ; les petits sont devenus de vrais petits diables. Mais... Mais ... Que se passe-t-il tout à coup................?
La pluie cesse de tomber, le soleil se met à briller ; quelle belle journée et comme ce grand clown est beau ! La beauté règne brusquement sur la ville, transforme aussitôt ces plantes déssechées en merveilleux massifs fleuris, pare de milles couleurs les devantures des magasins, auréole de magie ce magnifique "farceur", assis au centre du village. Aussitôt, tout le monde crie au miracle.
-"Bonjour chers parents et professeurs ; J'ai appris votre tristesse et vos colères dit le clown.
Je me présente : je m'apelle BOZZO, spécialiste de la gentillesse, diplômé en éducation et recommandé par tous les grands-parents désespérés de l'attittude de leurs petits-enfants."
-"Bienvenue cher BOZZO, es-tu venu nous aider ? répond le maire de la commune ;
A ce jour, tous nos enfants sont des garnements, des petites pestes qui ne nous obéissent plus, ne respectent aucune discipline à l'école et tous, nous sommes très malheureux"
-"Ne vous inquiètez plus, mais à votre tour de me donner un coup de main pour les réunir dans ce grand bus".
Aussitôt dit, aussitôt fait... Tous les petits, assis dans le car, chantent car BOZZO les conduit au cirque..
"- Alors les enfants, contents....."
"- Oui, Oui, crient-ils tous en choeur, en tapant dans leurs mains.... Mais
Monsieur le Clown, est-ce bien vrai que nous allons voir des animaux....?"
"- Oh Oui, d'ailleurs, ils sont vos amis et vous réservent de belles surprises...."
Les voilà arrivés, installés sous le chapiteau et BOZZO annonce la parade de belles Girafes. Elles défilent devant les petits, mais qu'est ce qui arrive?...Grâce à leurs grands cous, elles plongent leurs têtes dans le jeune public et tirent les cheveux des enfants.
-"Arrêtez, au Secours BOZZO, faites partir les girafes, crient les enfants
Mais BOZZO est bien décidé à poursuivre le spectacle et après les girafes il présente la compagnie des "Petits Singes". Ces derniers s'élancent de cordes en cordes, et en vrais acrobates accomplissent des pirouettes , mais qu'est ce qui arrive?.......
-" Arrêtez, au secours BOZZO, éloignez les singes, hurlent les spectateurs .....
Nous ne pouvons plus être "bombardés" de cacahuettes, celà fait trop mal. STOP, STOP,STOP......... BOZZO, AU SECOURS....."

Et oui, après les girafes qui ont tiré les cheveux de nos petits amis, les singes sont en train de les "mitrailler" avec des cacahuettes.

Alors le clown BOZZO ordonne à tous les ouistitis et guenons de repartir dans leurs cages et demande dans un roulement de tambour si tous veulent voir la revue des éléphants.

-"Oui, disent-ils mais alors ils ne vont pas nous faire de mal, nous tirer les cheveux ou nous lancer des cacahuettes ....?"

-"Non pas cette fois-ci, ils vont juste vous......A R R O S E R......

et en même temps que le clown finit d'éppeler le verbe, tous les éléphants, dont la trompe est remplie d'eau,visent les enfants pour une douche ininterrompue et très froide....

-"BOZZO, Sauves-nous, Nous sommes tous mouillés, aies pitié.....
S'il te plait, pourquoi toutes ces misères....... On te promet....

-"Quoi, j'ai entendu que vous vouliez promettre quelque chose...

-"Oui, fais partir les éléphants et nous promettons d'être sages"

BOZZO fit rentrer les éléphants dans leurs cages et depuis la piste du cirque demanda aux enfants :

-"Etes-vous sûrs de tenir vos promesses?...." De respecter vos parents et professeurs? d'Obéir , d'être sages à compter de ce jour ?"

-" OUI, BOZZO, nous serons toujours gentils car même,si les animaux ne parlent pas, nous les avons bien compris : sans même une parole, les girafes, singes et éléphants nous ont fait comprendre que la méchanceté n'est pas la BEAUTE , la VRAIE VIE N'EST QUE SAGESSE.

ET TOI QUI LIT CE PETIT CONTE, AIMES-TU LES ANIMAUX ? ES-TU SAGE ? OUI, TRES BIEN, CAR BOZZO AIMES BIEN LES GARNEMENTS ET LES PETITES PESTES, IL LES AIME TANT QU'IL LES AMENE AU CIRQUE .........................

bunni


Vent, ouragan et vent-de-glace

Loin, vers le nord, il y avait un royaume enneigé où régnait un roi vieux et sage. Il habitait un palais de cristal aux mille fenêtres.
Derrière chaque fenêtre, scintillait le reflet froid et bleuté d'une étoile.

Ce roi avait trois fils. L'aîné, Vent, était sage et pondéré comme son père. Le cadet, Ouragan, était impétueux comme le tonnerre. Le plus jeune, Vent-de-glace, n'avait pas bon caractère. Il était malveillant, violent et, ce qu'il se mettait en tête d'avoir, il devait l'obtenir à tout prix.

Le vieux souverain était fatigué de régner. Il gouvernait déjà depuis bientôt trois siècles et était à présent décidé à léguer son palais de cristal et tout son territoire enneigé à l'un de ses fils. Mais lequel ?

« Je dois les faire venir. Celui qui démontrera qu'il possède les meilleures qualités pour diriger un royaume, celui-là sera un bon souverain »,
décida-t-il.
Et il appela ses fils. Il leur donna à chacun trois ducats et déclara :

« Celui d'entre vous qui fera fructifier cet argent en un minimum de temps héritera de mon palais de cristal et de tout le royaume. »

Le premier à partir sans plus attendre fut le benjamin, Vent-de-glace.

Partout où il se rendait, il laissait derrière lui une traînée glacée. Il survolait les villages et emprisonnait les lacs dans les glaces, ainsi que les rivières et les moindres ruisseaux. Quand il passait au-dessus des villes, il gelait toutes les fontaines.

Un jour, près d'un bourg, il croisa un traîneau en chemin. Il était conduit par un riche marchand qui revenait de la foire, emmitouflé dans une fourrure de renard.

Vent-de-glace souffla vers lui de toutes ses forces et hurla :

« Donne-moi trois ducats ou je te gèle jusqu'à l'os ! »

Mais, à travers l'épais bonnet de fourrure de mouton qu'il avait sur les oreilles, le marchand ne l'entendit pas et se contenta de relever son col.

Vent-de-glace se fâcha. Il s'engouffra sous les fourrures, transperça le manteau et même la chemise du pauvre bougre pour le geler jusqu'à l'os. L'homme, à demi mort, roula au bas du traîneau.

« Eh bien ! Je ne puis plus tirer de toi le moindre ducat, bon à rien ! » ricana méchamment Vent-de-glace en s'envolant ailleurs.

En bordure de la forêt, il aperçut alors un bûcheron en train d'arracher des souches d'arbres.

« Je pourrai bien extirper un ducat à celui-ci », se réjouit Vent-de-glace en examinant le paysan.

Mais le bûcheron s'affairait tant avec sa hache que Vent-de-glace ne savait par quel bout l'attraper. Alors, comme à dessein, l'homme ôta sa pelisse, retira ses gants et se mit en devoir de glisser sous sa chemise les racines qu'il avait extraites, afin de mieux pouvoir les rompre à l'abri du froid.

« Ah ! Je te tiens enfin ! » siffla rageusement Vent-de-glace en s'introduisant dans les gants délaissés. « Lorsque tu les enfileras, tes doigts deviendront aussi durs que des glaçons. »

Et en effet, les gants se transformèrent en morceaux de glace en un instant et devinrent durs comme la pierre.

Comme le bûcheron rapportait la dernière souche, il eut envie de rentrer chez lui. Il revêtit sa pelisse, coiffa son bonnet en peau de mouton et voulut enfiler ses gants. Mais ils étaient durs comme de la corne.

« Bon sang ! » s'exclama-t-ii, « on dirait de l'os. Je ne pourrai point m'y réchauffer les mains. Je dois donc les ramollir un peu en les triturant. »

Il posa les gants sur un tronc d'arbre et entreprit de les battre avec le manche de sa hache. A l'intérieur, Vent-de-glace qui s'était caché faillit être tué. Il se sauva si vite de sa cachette qu'il en perdit en route les trois ducats que lui avait donnés son père.

Après une telle aventure, il n'avait plus envie de poursuivre sa route et rentra tout honteux à la maison.

« Tu vois ... tu vois, mon fils ! » dit tristement le roi en accueillant son benjamin. « L'argent que je t'avais confié t'a échappé et tu n'as plus que des meurtrissures. Tu auras tout au moins appris que l'homme qui travaille durement a la main rude ! Et rappelle-toi bien ceci : nous devons aider le peuple et non lui causer du mal ! »

Les deux frères aînés approuvèrent de la tête et ne plaignirent point le plus jeune.

« A présent, je vais vous montrer la façon dont on doit aider le peuple », déclara le frère cadet Ouragan, en s'élançant bruyamment dans le monde.
Il se dirigea vers le sud. Il souffla jusqu'à un village où, dans une grange, on battait les moissons. Le paysan et sa famille étaient justement en train de séparer le grain de la paille.

Ouragan leur proposa son aide.

« Pourquoi pas ? » accepta le paysan, « nous en aurons fini plus tôt. »

Et comment ! Ouragan souffla si puissamment sur la récolte qu'il la dispersa instantanément de tous côtés, grains, épis et sable compris. Et ce ne fut pas tout ! Il enleva même le toit de la grange et l'emporta au loin dans les champs. Le paysan cria, pesta, tempêta avec raison. Que de dégâts !
La moisson envolée, la grange sans toit ... Ouragan dut lui remettre aussitôt un ducat en guise de dédommagement pour l'empêcher d'aller se plaindre au seigneur du lieu.

Puis Ouragan se rendit à la mer. Justement, dans le port, les pêcheurs se préparaient à embarquer et hissaient les voiles.

« Les gars, je vais vous aider à naviguer ! » proposa complaisamment

Ouragan et il souffla de toutes ses forces au point qu'il arracha les voiles et propulsa le bateau loin du rivage à la vitesse de l'éclair.
Les marins n'eurent pas le temps de se saisir de la barre. Le navire fonça droit sur un écueil et le heurta.
Les pêcheurs maudirent celui qui avait prétendu les aider et le forcèrent à donner un ducat pour réparer les dégâts qu'il avait causés.
A défaut de quoi, ils l'auraient attaché avec un câble d'acier au rocher afin de l'empêcher de produire de nouveaux méfaits.

« Je vais encore essayer de faire quelque chose pour le meunier », se dit Ouragan.

« Lorsque j'aurai soufflé une journée entière sur les ailes de son moulin, il m'offrira bien quelque chose en récompense. »

Mais là non plus il n'eut guère de succès. Lorsqu'il eut lancé son souffle effréné contre les ailes du moulin, celles-ci volèrent en éclats et se rompirent.

Le meunier s'en arracha les cheveux de désespoir. Puis il exigea aussi un dédommagement. Que pouvait faire Ouragan ? Il se dessaisit de son dernier ducat et rentra chez lui les mains vides.

Le roi hocha tristement la tête au récit des malheurs de son fils cadet.
Puis il dit :

« Tu es ainsi, Ouragan, plein de bonnes intentions mais incapable de les réaliser calmement. Ensuite bien sûr, tu dois payer cher pour réparer tes bêtises. »

A son tour, le fils aîné se lança dans le monde. Le premier jour, il parvint dans un hameau. On y battait le blé et toute la famille triait le grain devant la grange.

Vent descendit sur l'aire de battage, souffla tranquillement et fit s'envoler les fétus de pailles loin de la grange comme s'il se fut agi d'un essaim de mouches.

Le fermier n'eut plus qu'à remplir son sac de bons grains. Ils travaillèrent ainsi jusqu'au soir. Quand la tâche fut terminée, la récolte de l'été était en sacs, prête à être moulue.

« Je l'emporterai demain au moulin. Quant à toi, Vent, je te remercie beaucoup. Sans ton aide, nous n'aurions pas été prêts avant la fin de la semaine », dit le paysan avec satisfaction. Et il remit un ducat d'or au vent.

Vent poursuivit alors son chemin. Le second jour, il aperçut une barque au large de la mer. De toutes leurs forces, les marins ramaient mais le navire chargé n'avançait pas plus vite qu'un escargot. Il semblait même faire du sur-place. Vent souffla. Vite, les matelots hissèrent les voiles et parvinrent sans encombre, le soir, au port avec leur chargement. Ils éprouvaient une grande joie et offrirent deux ducats à Vent en remerciement de son aide généreuse.

Le troisième jour, Vent parvint à une basse colline sur laquelle se dressait un moulin. Ses ailes pendaient lamentablement dans le calme plat. Le pauvre meunier était monté depuis un moment au sommet de la colline et guettait dans le ciel la moindre apparition du vent.

Vent se mit en mouvement et fit tourner les ailes du moulin. Il souffla jusqu'au soir, tant et si bien que le meunier put moudre la farine de tout le village pour tout le restant de l'hiver. Il était si content qu'il donna trois ducats à Vent en remerciement de son aide, lorsqu'ils se quittèrent.

Vent rentra chez lui. Il étala toutes les pièces d'or devant son royal père : celles qu'il lui avait données avant de partir et celles qu'il avait gagnées. Il raconta d'ailleurs comment il les avait acquises.

Le roi le félicita. Il hocha la tête avec satisfaction et dit à ses trois fils :

« Vous avez vu par vous-mêmes lequel d'entre vous est le meilleur, je décide donc de léguer à Vent mon royaume de neige et mon palais de cristal. Tu gouverneras sans doute avec sagesse et justice. »

Aussitôt dit, aussitôt fait.

Ouragan, furieux, tourna les talons et sortit sans plus réfléchir. Depuis ce temps, il erre comme un perdu de par le monde, sans abri.

Vent-de-glace devint un peu meilleur, après cette aventure. Il s'élance de temps à autre sur le monde, gèle ça et là un lac ou une rivière, souffle une neige tendre sur les collines, permettant ainsi aux enfants de patiner, de faire de la luge ou du ski ... Et, lorsqu'il entend leurs cris de joie, il s'en retourne, content, dans son royaume enneigé.

bunni


Le pinceau

- Ti Liang vivait il y a longtemps très longtemps dans une province de Chine. Orphelin il ramassait des fagots de bois qu'il revendait aux paysans pour un bol de riz. Ti Liang avait une passion : il aimait peindre mais il était bien trop pauvre pour s'acheter ne serait-ce qu'un pinceau. Il allait au bord du ruisseau et là, avec une brindille et un peu de boue il dessinait sur un caillou. Il dessinait les fleurs, les arbres, les oiseaux, les nuages. Il dessinait même le vent.
Un jour, par la porte ouverte du palais du Mandarin Ti Liang entendit un maître de peinture faire sa leçon. Tout doucement ......Ti Liang rentra dans la maison :
« Bonjour Maître ! pourriez vous me donner un pinceau, le plus vieux de vos pinceaux. J'aime tellement peindre ! !
- Comment ? ? hurla le Mandarin. Toi ! ! ! un misérable orphelin tu oses rentrer chez moi et tu veux apprendre la peinture, cet art réservé aux nobles ? ? Sors d'ici avant que je ne jette dans mes cachots ! ! ! »
Ti Liang le cœur gros sortit et alla au bord de la rivière dessiner son chagrin.
« Ti Liang ! Ti Liang ? ?»
Ti Liang se retourna tout doucement et il aperçut un très vieil homme avec son manteau de maître de peinture
« Ti Liang, je connais ton cœur généreux et ton désir d'apprendre la peinture. Viens ! »
Ti Liang se leva, suivit le vieillard, qui, une fois arrivait chez lui, lui présenta trois pinceaux. Un en or recouvert de pierres précieuses, le deuxième en argent tout ciselé, le troisième en bois laqué de noir. C'est ce dernier que choisit Ti Liang.
« Tu as fais le bon choix, dit en souriant le vieil homme.
Et pendant des semaines, pendant des mois Ti Liang apprit tous les secrets de la peinture. Un matin, Ti Liang se retrouva tout seul dans la maison et il comprit qu'il était temps pour lui de partir sur les routes afin d'accomplir son destin.

Il marcha pendant une heure environ et son chemin croisa celui d'un homme assis, désespéré, au bord d'un champ, sa charrue cassée. Il savait, cet homme, qu'au soir tombé son travail ne serait pas terminé, et le Mandarin le ferait jeter dans ses prisons. Ti Liang pris son pinceaux et ses peinture et à même le sol dessina une charrue. A peine eut-il tracé le dernier trait qu'elle prit forme et l'homme tout heureux put continuer son travail. Ti Liang le cœur léger poursuivit son chemin. Peu de temps après il rencontra une femme, en pleur, un râteau cassé à la main. Elle aussi était terrorisée à l'idée de ne pas pouvoir finir son travail dans les champs, comme tous elle avait peur de la colère du Mandarin. Ti Liang pris son pinceau et ses peintures et sur le banc dessina un râteau. A peine eut-il tracé la dernière dent, que le râteau pris forme. Ainsi la femme put finir sa corvée.
A midi, Ti Liang poussa la porte délabrée d'une auberge. L'aubergiste, veuve, n'avait plus servi de repas depuis longtemps, depuis la mort de son mari. Ce fut un bonheur pour elle de servir un bol de riz avec quelques morceaux de poisson séché. Quand Ti Liang eut fini, il prit son pinceau et ses peintures, s'approcha du mur et là, il dessina une cigogne. A peine eut-il peint la dernière plume que l'oiseau étira ses pattes, secoua ses ailes et se mit à danser. De ce jour l'auberge ne désemplit plus et on venait des provinces lointaines pour voir ce prodige. Tout ce ceci arriva un jour aux oreilles du mandarin, qui jaloux, ordonna à ses serviteurs d'aller chercher cet oiseau pour l'emmener dans son palais. Mais ils revinrent bredouilles. La cigogne avait bien compris leur intention et dés qu'ils avaient poussé la porte elle s'était envolée par la fenêtre restée ouverte.
Le mandarin rentra dans une violante colère et fit appeler ses soldats :
« Allez me chercher ce Ti Liang. Et plus vite que cela ! ! ! ! »
Lorsque Ti Liang fut devant le mandarin, ce dernier lui ordonna de dessiner une montagne d'or.
L'enfant avec un doux sourire refusa.
« Comment tu ne veux pas dessiner une montagne d'or ?
- Non ! répondit Ti Liang
- Je veux que tu me dessine une montagne d'or, hurla le mandarin
- Non dit Ti Liang, vous êtes assez riche, vous n'avez pas besoin d'une montagne d'or.
- Tu oses refuser quelque chose à moi qui suis mandarin ! ! Tu ne veux pas me peindre une montagne d'or. Qu'on fasse appeler mon maître de peinture et donnez lui le pinceau et les couleurs de ce misérable. »
Le maître de peinture prit le pinceau et les peintures de Ti Liang et par terre dessina une montagne d'or. A peine eut-il peint la dernière pierre que la montagne d'or se changea en un tas de charbon. Il recommença une fois, deux fois, dix fois, et une fois deux fois dix fois au dernier coup de pinceau l'or se changeait en charbon. Le mandarin tremblant de rage jeta Ti Liang dans un cachot. Là, étaient enfermés depuis des années quatre hommes, quatre hommes qui avaient osé défier le mandarin. A la nuit tombée un rayon de lune passa à travers une minuscule fente permettant à Ti Liang de prendre son pinceau et ses peintures. Et sur les pierres humides de la prison Ti Liang ....dessina..... Un ciel de nuit.... avec la lune et les étoiles........ Un champ avec en son milieu deux rangés d'arbres qui abritaient un chemin, puis une porte avec sa clef. Ti Liang ouvrit la porte et invita ses compagnons à prendre le chemin de la liberté.
Ti Liang repartit sur les routes aidant les plus déshérites. Mais un jour il apprit que depuis sa fuite le mandarin enfermait chaque jour une personne, la privant de tout. Ti Liang se rendit au palais du mandarin.
« Je savais bien que tu finirais par te rendre. Dessine une montagne d'or et je rendrai la liberté à tous ceux que j'ai mis en prison. »
Ti Liang pris son pinceau et ses peintures, s'approcha du mur et il dessina le ciel avec un magnifique soleil et un tout petit nuage blanc. Sous le ciel il dessina la mer.
« Ce n'est pas la mer que je veux c'est une montagne d'or ! ! ! »
Au milieu de la mer Ti Liang dessina une île.
« Ce n'est pas une île que je veux c'est une montagne d'or ! ! ! »
Au centre de l'île Ti Liang dessina une montagne d'or.
« Et maintenant comment vais-je pouvoir aller chercher l'or ? Dessine un bateau.
Alors Ti Liang dessina une plage.
« Ce n'est pas une plage que je demande ! ! C'est un bateau ! ! ! »
Ti Liang dessina un embarcadère. Puis une jonque. Le mandarin se précipita à bord du magnifique voilier.
« Je veux que le vent souffle hurla le mandarin. »Et Ti Liang dessina une jolie brise.
« Plus vite, plus vite. »
Ti Liang pris de la couleur noire et il dessina de gros nuages qui bientôt cachèrent le soleil il dessina des vagues énormes et un terrible typhon. Le bateau au milieu de la mer tanguais dangereusement et les cris du mandarin étaient recouverts par le grondement incessant du tonnerre. Soudain une vague plus grosse que les autres recouvra la jonque emmenant au fond de la mer le mandarin. Ti Liang trempa son pinceau dans la couleur bleu redessina le ciel avec un petit nuage blanc et tout se calma.
Personne ne regretta la mort du mandarin et tous voulurent que Ti Liang prenne sa place. Mais Ti Liang refusa et proposa un des hommes qu'il avait rencontré dans le cachot, sachant qu'il était un sage. Puis il repartit sur les routes.
Si un jour vous trouvez au fond d'un placard, dans une vieille trousse ou au bord d'un chemin si vous trouvez un vieux pinceau à la peinture noire écaillée, c'est peut-être le pinceau magique de Ti Liang.

bunni


Les baies d'amour

Il y a de cela longtemps, très très longtemps,
vivaient un homme et une femme ..
Ils s'aimaient tendrement et partageaient chaque instant de la vie.
Ils passaient leurs journées à découvrir les merveilles de la Terre
et ils passaient leurs nuits à découvrir le plaisir d'être ensemble.

Mais un jour, cet homme et cette femme se disputent violemment
à propos de rien ou de pas grand chose.
D'ailleurs ils ne se rappellent même plus le sujet de leur dispute !
Mais ils se disent des mots durs, se mettent en colère, se lancent
des mots de plus en plus violents .. et finalement, la femme tourne
le dos, quitte la maison et s'en va vers l'est, vers le soleil levant.

L'homme reste seul dans sa maison. Alors sa solitude devient
lourde et sa colère le quitte pour faire place à un terrible désespoir
et à un grand chagrin.
Un esprit qui passait par là, voit cet homme pleurer et il a pitié de
lui. Il se transforme alors de manière à ce que l'homme puisse le
voir et lui demande : Homme, pourquoi pleures-tu ?
- Ma femme m'a quitté.
- Pourquoi est-elle partie ?
L'homme soupire et ne dit rien.
- Tu t'es querellé avec elle ?
- Oui !
- Est-ce que tu te disputeras encore avec elle ?
- Non, ma colère est tombée .. et je voudrais tant qu'elle revienne
pour vivre à nouveau heureux ensemble !
- C'est bien, dit l'esprit, j'ai vu ta femme, elle marche vers le soleil
levant.
Alors l'homme se lève et se met en chemin pour rejoindre sa femme,
mais il ne peut la rattraper .. car tout le monde sait qu'une femme
en colère marche très vite !!
Alors l'esprit lui vient en aide : Je vais aller au-devant de ta femme
et je vais voir si je peux ralentir un peu sa course.

L'esprit va au-devant de la femme, la trouve qui chemine d'un pas
rapide et contrarié, le regard fixe, droit devant elle, et souffrant
dans son coeur.
L'esprit regarde autour de lui. Le long du chemin pousse des
broussailles. D'un geste de la main sur les buissons, il fait éclore
des fleurs, puis il les fait s'épanouir et fait mûrir des fruits.
Mais la femme ne peut rien voir d'autre que sa colère, elle a
le regard fixé droit devant elle. Ne regardant ni à droite, ni à
gauche, et ses pas n'en sont pas ralentis.

L'esprit fait alors appel aux arbres. Des pêches, des poires, des
pommes et des cerises sauvages surgissent tout autour de la femme.
La forêt toute entière éclate en fleurs et mûrit en fruits.
Mais la femme ne peut toujours rien voir d'autre que sa colère,
elle a les yeux fixés droit devant elle.
Ne regardant ni à droite, ni à gauche, elle ne voit pas ces fleurs et
ces fruits.

Finalement, l'esprit se dit : Je vais créer une espèce de fruit
entièrement nouvelle. Une espèce qui pousse vraiment au ras du
sol. La femme devra se baisser un instant pendant lequel elle
oubliera sa colère.
Il fait alors un mouvement de la main et un épais tapis vert
commence à pousser sur le chemin.
Ensuite le tapis se couvre de toutes petites fleurs blanches et
chaque fleur s'ouvre et mûrit, jusqu'à devenir un fruit de la
couleur et de la forme du coeur humain.
En marchant dessus, la femme écrase un de ces fruits et un
délicieux parfum arrive jusqu'à ses narines.

Elle s'arrête pour examiner d'où provient cette odeur si suave
et si nouvelle. Elle baisse les yeux et voit ces fruits rouges et
mûrs, en forme de petits coeurs. Elle en ramasse un, le goûte
et la saveur en est aussi douce que l'amour lui-même.
C'est le meilleur fruit de la terre, se dit-elle en le mangeant,
je vais en ramasser de quoi remplir un bol.
Elle cueille alors une large feuille, en fait un bol qu'elle commence
à remplir des plus beaux fruits ramassés alors qu'elle marche de
droite et de gauche.
Or ces fruits poussent de plus en plus nombreux, la ramenant
vers l'ouest, vers son mari ..

Quand son bol est rempli, elle se relève et .. voit son mari qui
arrive sur le chemin. La colère n'est plus dans son coeur et tout
ce qui reste là, c'est l'amour qu'elle a toujours connu.
Elle se dépêche d'aller à sa rencontre et lui tend le bol.
- Regarde les délicieux fruits que j'ai ramassés pour toi, ce sont
les meilleurs qui poussent par ici !
Ils les mangèrent ensemble, ensemble aussi ils retournèrent à
leur maison et là ils vécurent en paix, dans le bonheur et l'amour.

Voilà comment les toutes premières fraises du monde
apportèrent la paix entre l'homme et la femme, et voilà
aussi pourquoi certains appellent ces fruits : des baies d'amour !

(selon un Conte Cherokee)