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Contes d'ici et d'ailleurs

Démarré par bunni, 18 Septembre 2012 à 00:22:36

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bunni


Les Morgans de lîle Ouessant

Assise sur le haut d'un rocher, face à la mer, Mona contemplait les vagues, qui s'écrasaient dans des gerbes d'écume juste au-dessous d'elle. Elle plissa les yeux pour tenter de voir dans l'eau, pour tenter d'apercevoir enfin le château des Morgans, dont on lui avait tant parlé. Mais la mer toujours agitée refusait de laisser percer son secret.
Mona soupira.
Les Morgans, disait-on, étaient les êtres les plus beaux qui soient, des cheveux blonds et bouclés, des yeux bleus et brillants... Mona en rêvait. On disait que parfois, au clair de lune, ils venaient sur le rivage faire sécher leurs pierres pré­cieuses, leurs pièces d'or et leurs fils de soie. Ils les éten­daient sur des draps très blancs, et on pouvait regarder, à condition de ne pas battre des paupières, car dès que l'oeil les quittait un seul instant, les trésors disparaissaient.

Si Mona Kerbili s'intéressait tant aux Morgans, ce n'était pas à cause de leurs richesses, mais parce qu'on murmurait dans le pays qu'elle était sans doute la fille d'un Morgan.
C'était complètement faux, bien sûr : elle était simplement la fille de Fanch Kerbili, et de sa femme Jeanne, c'est ce que Jeanne s'usait à répéter.
- Allons, chuchotait-on derrière son dos, cette petite Mona est beaucoup trop jolie pour être la fille d'un homme de l'île.
- Pour être aussi belle, il faut bien qu'elle ait pour père un Morgan.

Ces paroles étaient venues aux oreilles de Mona, et elle commençait à y croire, malgré les affirmations de sa mère, car il est toujours agréable de s'imaginer qu'on vaut mieux que tous.
Mona n'était pas mauvaise fille, mais la conscience qu'elle avait de sa beauté avait fini par lui gâter le jugement. Main­tenant qu'elle avait dix-sept ans et qu'elle était en âge de se marier, elle ne voyait pas un garçon qui fût digne d'elle.
C'est du moins ce que disaient les mauvaises langues. Mais allez savoir ? Peut-être que, tout simplement, il n'y avait dans l'île aucun garçon qui lui plaise, aucun dont elle aurait pu tomber amoureuse. Il faut dire que le choix n'était pas bien grand, et que les garçons à marier ne se comptaient pas par milliers.
Alors, Mona se promenait au bord de l'eau, et elle soupi­rait.

C'est ainsi qu'un jour qu'elle scrutait l'eau pour découvrir enfin le fameux château, elle se prit à rêver tout haut.
- Le mari qu'il me faudrait, murmura-t-elle, c'est un Morgan.
Mais à peine avait-elle prononcé ces mots, qu'elle se sen­tit glisser vers l'eau. Elle poussa un cri effaré : un vieux Morgan la tenait par la taille, et l'entraînait vers le fond.
Mona tenta de se débattre, d'appeler, mais personne ne l'entendit.
- De quoi as-tu peur ? grimaça le Morgan en la tirant derrière lui. N'as-tu pas ce que tu voulais ?
Mona ravala ses larmes. Elle regrettait. Comme elle re­grettait d'avoir prononcé ces sottes paroles !
Les algues lui chatouillaient le visage, l'eau semblait s'éclairer sur son passage... Quand le château apparut à ses yeux, elle commença à se consoler. Tout était si beau ici !
- Voici mon château, dit le vieillard. Je suis le roi des Morgans, et je t'offre l'hospitalité.
- C'est que... murmura Mona, ma mère va s'inquiéter...
- Il fallait y penser avant, grogna le vieux roi.
Il allait ajouter que cela faisait longtemps qu'il guettait Mona, car il avait remarqué sa grande beauté, quand son fils parut.
Mona demeura suffoquée. Jamais elle n'avait de sa vie vu si beau jeune homme. Lui, la regardait aussi, tout éton­né, et sans pouvoir détourner son regard d'un si charmant visage.
- Oh mon père, dit le jeune homme. Est-ce là l'épouse que vous me destinez ?
Le roi des Morgans se redressa de toute sa hauteur
- Du tout ! Du tout ! gronda-t-il d'un air fâché.
Mais, se trouvant soudain bien sot devant son fils, il n'osa avouer qu'il avait fait le projet d'épouser lui-même cette jeune personne, et se contenta de grommeler :
- Un Morgan ne se marie pas avec une fille de la Terre.
- Je vous en prie, mon père, reprit le jeune Morgan, rien que de la voir, je me sens tout ému, et si par hasard elle m'aimait aussi...
- Suffit ! cria le père. J'ai ramené cette fille de la Terre pour en faire une servante, c'est tout. Il y a chez nous suffi­samment de jolies Morganès pour que tu puisses en choisir une qui te plaise !
Maintenant qu'il avait prononcé ces mots, le vieux roi ne pouvait plus prétendre épouser lui-même Mona. Il en était fâché, ulcéré, malade, si furieux qu'il en devint épouvan­table. D'abord, il tenta d'enfermer Mona, pour que son fils ne puisse l'apercevoir, mais cela ne servit qu'à faire dépérir le jeune homme.
Alors son père prit la décision de le marier, pour qu'il ou­blie la fille de la Terre. Peine perdue : le jeune homme ne re­garda même pas sa fiancée, et continua de demander comme chaque jour à son père de lui donner Mona pour femme.
Jamais ! Jamais ! Jamais ! Le vieux roi ne céderait pas, et plutôt que de voir la jeune fille de la Terre au bras de son fils, il préférait la voir morte.
Voilà, sa décision était prise. Il fit venir son fils, et lui dit
- Ta fiancée a assez attendu. Demain, tu l'épouseras. Quant à Mona, si elle veut rester en vie, il lui faudra prou­ver qu'elle est une excellente servante, car je ne veux pas ici de bouche inutile. Elle préparera le repas de noce. S'il n'est pas bon, elle mourra.

Le lendemain, Mona fut convoquée aux cuisines. Le vieux roi lui donna quelques grandes coquilles de mer vides et lui ordonna de préparer le meilleur des repas. Puis, sans écouter la jeune fille, il rejoignit le cortège de la noce qui se dirigeait vers l'église.
Le cortège s'étirait tout au long de la Voie Royale, la plus belle route du royaume. Le jeune Morgan marchait devant.
Il avait l'air détendu, presque gai, ce qui rassura bien son père. Mais voilà que soudain, il s'arrêta et se frappa le front en riant
- Oh mon père, c'est trop d'étourderie : j'ai oublié les al­liances sur la table ! Je cours les chercher et je reviens.
Et avant que son père n'ait pu l'en empêcher, il fit demi­-tour.
Comme il arrivait aux cuisines, il aperçut Mona qui pleurait. Elle se jeta dans ses bras.
- Je dois faire le repas, sanglota-t-telle, et on ne m'a rien donné pour cela : ni feu, ni rien à faire cuire.
- Ne pleurez pas, ma douce, je suis là. Je vais vous aider.
Il tendit le doigt vers le foyer, et le feu s'alluma aussitôt. Il toucha les marmites, et elles se remplirent de poisson fi­nement cuisiné et de succulentes sauces aux crustacés. Puis il dit :
- Je vous sauve la vie, ma douce, mais hélas je vous perds, car je me marie ce matin. Sachez pourtant que je n'aime que vous, pour toujours.
Ils pleurèrent tous deux. Mais les larmes ne pouvaient servir de rien, et le Morgan dut repartir pour l'église.

- Alors ! grogna le vieux Morgan en pénétrant dans les cuisines. Voilà le mariage célébré. Tout est-il prêt, Mona ?
Il jeta un coup d'oeil aux marmites, resta stupéfait, puis serra les dents. Il l'aurait juré : la magie de son fils était pour quelque chose dans ce repas trop bien préparé.
- Tu m'as trompé, dit-il à Mona d'un air mauvais, mais tu ne perds rien pour attendre. Ce soir, tu veilleras à l'en­trée de la chambre de mon fils et de sa femme, en portant un cierge. Si par malheur tu laisses s'éteindre le cierge, alors tu mourras.
Mona se sentit devenir de glace : forcément, la flamme s'éteindrait quand la cire serait entièrement consumée. Elle se dit qu'elle allait mourir, et voulut prévenir le jeune Mor­gan. Hélas, toutes les portes étaient closes. Elle était enfer­mée dans les cuisines, tandis que son ami était bloqué dans la grande salle par le festin d'où il ne pouvait s'échapper.
Alors, Mona fondit en larmes. Elle s'excusa en pensée auprès de ses parents, de sa mère dont elle avait douté, de son père qu'elle avait méprisé, et recommanda son âme à Dieu.

Le soir venu, le vieux roi accompagna son fils jusqu'à sa chambre :
- Comme c'est la coutume, annonça-t-il, quelqu'un mon­tera la garde devant votre porte, en tenant une chandelle. Ne vous inquiétez donc pas si vous entendez du bruit.
Le jeune Morgan voulut demander qui monterait la gar­de, mais son père était déjà parti. Le jeune homme se dit qu'il s'agissait forcément d'un des serviteurs du château, et n'insista pas.
Toutefois, au bout d'un moment, il crut entendre parler dans le couloir. Le vieux roi ne savait pas chuchoter. On percevait sa voix étouffée, qui demandait :
- Le cierge est-il bientôt consumé ?
- Pas encore, répondit une voix douce, que le jeune Mor­gan aurait reconnue entre mille.
Quelques minutes passèrent.
- Le cierge est-il bientôt consumé ?
Le jeune Morgan se demandait ce qu'était cette histoire de cierge, à laquelle il ne comprenait rien.
N'y tenant plus, ils se tourna vers sa femme et dit :
- Il fait froid ici. J'entends que Mona est dans le couloir, voulez-vous bien aller lui dire de venir allumer le feu. Pen­dant ce temps-là, vous tiendrez sa chandelle.
À peine Mona eut-elle refermé la porte, qu'un courant d'air éteignit le cierge. Surprise, la jeune mariée resta un moment sans bouger. Elle entendit alors une voix qui s'in­quiétait :
- Le cierge est-il bientôt consumé ?
- Il s'est éteint, répondit-elle.
Et avant qu'elle n'ait eu le temps de comprendre, une épée lui avait tranché la tête.

Quand le jeune Morgan découvrit sa femme morte sur le pas de la porte, il devina ce qui s'était passé.
Alors il réfléchit et alla voir son père :
- Vous avez tué ma femme, accusa-t-il sévèrement.
- Votre femme... bredouilla le vieux roi qui commençait à comprendre sa méprise. Mais je n'ai pas...
- Vous avez tué ma femme. Maintenant, en réparation,
vous me donnerez l'épouse que je veux.
- Il n'en est pas question
- Je veux Mona, décida le Morgan d'un ton sans réplique en saisissant la main de la jeune fille.
Et sans égard pour le roi qui étouffait de colère, il sortit avec elle et courut vers l'église.

Quelques années passèrent. Mona était heureuse avec le jeune Morgan, elle l'aimait de plus en plus. Pourtant, cer­tains jours, elle regrettait le soleil de là-haut, les gens de là­-haut.
- Pourquoi êtes-vous si triste, ma mie ?
- C'est que je suis inquiète. Je voudrais revoir mes pa­rents, les rassurer. Ils m'aimaient tant...
Le Morgan était désolé que son amour ne suffise pas à sa femme, mais il n'en dit rien. Il ne voulait pas la tenir en prison.
- Si vous voulez aller les voir, dit-il, allez, mais revenez-­moi vite, je vous en supplie.
- Vous n'avez rien à craindre, dit Mona. Je vous aime plus que tout au monde, et ne saurais vivre sans vous.
- Alors allez vite, ma mie, souffla le Morgan, que mon père ne vous voie pas.
Et d'un geste de la main, il dessina un pont immense qui rejoignait la terre.
Malheureusement, à peine Mona eut-elle posé le pied sur le pont, que le vieux Morgan apparut. Voyant ce qui se passait, il menaça aussitôt du doigt :
- Ah ! tu t'en vas !... Eh bien va ! Mais je te préviens : si par hasard tu embrasses un homme, tu ne reviendras plus ici, jamais.
- Je n'embrasserai aucun homme, dit Mona sans regar­der le vieux.
Et elle se mit à courir sur le pont.

Quand Mona arriva à la maison de son père, personne ne la reconnut, tant elle avait gagné en beauté, tant elle était richement vêtue. On la prit pour une apparition, une fée, et on eut peur.
Mona était désolée : plus elle parlait, plus ses parents croyaient à un tour joué par les mauvais esprits. Ils étaient sûrs que leur fille Mona s'était noyée, et qu'elle était morte depuis longtemps.
Alors, les larmes ruisselèrent sur les joues de la jeune femme, et elle dit :
- J'ai eu tort de croire que j'étais la fille d'un Morgan.
Vous l'avez toujours dit, ma mère, je suis votre fille, et celle de Fanch Kerbili.
À ces paroles, ses parents la reconnurent. Sa mère la serra dans ses bras, la cajola, son père l'embrassa en pleu­rant. Alors, si heureuse d'être enfin redevenue leur fille, Mona leur rendit leurs baisers...
Las ! À peine eut-elle embrassé son père, qu'elle oublia tout de sa vie chez les Morgans. Elle se réinstalla dans la maison de ses parents, et reprit sa vie d'antan comme si rien, jamais, ne s'était passé.

Le temps coula doucement. Au fond de la mer, le jeune Morgan se désespérait. Il comprenait que sa femme était perdue. Il errait tout le jour sans but. Le soir, il posait le pied sur le rivage, et contemplait la maison de sa bien-ai­mée, sans pouvoir rien faire.
Chez les Kerbili, la vie avait repris son cours, et plus d'un garçon rôdait autour de la maison, faisant sa cour à la plus belle des belles, Mona Kerbili. La réputation de sa beauté était même parvenue si loin, que des jeunes gens vinrent du continent pour avoir le privilège de l'approcher.
Pourtant, Mona ne pouvait attacher son coeur à aucun. Sans savoir pourquoi, elle ne parvenait même pas à les re­garder et se surprenait souvent à soupirer, le coeur plein d'un désespoir qu'elle ne s'expliquait pas.
La nuit, couchée dans son petit lit, elle entendait des gé­missements dans le vent. Ce sont les âmes des pauvres noyés, croyait-elle, qui se plaignent. Alors elle s'agenouillait au pied de son lit, et priait pour que ces pauvres âmes trou­vent enfin le repos.

Une nuit de tempête, Mona fut réveillée par un long sanglot porté par le vent. Les embruns de la mer frappaient sa fenêtre, la mer s'était déchaînée, on l'entendait mugir, s'acharnant violemment contre les rochers de la côte. Il fal­lait se blottir au plus profond de son lit, et prier le ciel pour les pauvres marins qui étaient dans la mer

Pourtant, Mona sentait en elle comme de l'exaltation. Au lieu de la terrer dans son lit, voilà que la tempête semblait l'attirer au dehors.

Elle sortit. Sur le pas de la porte, elle fut assaillie par le vent et la pluie, et l'écume de la mer qui fouettaient son pauvre corps, et dans le souffle mouillé qui balayait la lan­de, elle entendit une voix chaude, une voix aimée qui gé­missait. Alors tout lui revint. Son coeur se gonfla : son mari bien-aimé l'appelait désespérément. Elle courut vers le ri­vage.

De ce jour, on ne revit plus jamais Mona Kerbili. On crut qu'elle était devenue folle, et s'était précipitée dans la mer en furie. Seuls ses parents devinèrent ce qui s'était passé, car ils avaient le premier jour reconnu sur elle des vête­ments de Morgans. Mais ils ne dirent rien. Certains soirs, on les voyait se promener le long du rivage. Malgré leur tristesse, ils ne pleuraient point, car ils savaient que leur fille, enfin, était heureuse.


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Le prince transformé en tulipe

Il était une fois un roi qui avait un fils unique. Un jour, le fils dit à son père :
« Mon cher père, maintenant je m'en vais et je ne reviendrai pas tant que je n'ai pas trouvé la fille la plus belle au monde.
- Vas-y, mon fils, dit le père, je te souhaite bonne chance. »

Le prince suivit un chemin qui le mena dans une forêt dense. Dans un buisson plein d'épines, une corneille croassa désespérément. Elle n'arrivait pas à se dégager des branches épaisses et épineuses.
Le prince, qui avait bon cœur, l'aida à se libérer. La corneille lui dit:
« Tire une des plumes de mon aile et si un jour tu rencontres des difficultés, lance-la en l'air et j'arriverai tout de suite à ton aide. »

Le prince rangea la plume et continua son chemin. En avançant sur la route, il aperçut un petit poisson qui s'agitait dans le creux asséché tracé par une roue de charrette. Le prince eut pitié du petit poisson, l'amena au lac et le jeta dans l'eau. Le poisson lui dit:
« Prends une écaille sur mon dos et si un jour tu rencontres des difficultés, jette l'écaille dans l'eau, et j'arriverai tout de suite à ton aide. »

Plus loin, sur son chemin, il aperçut un vieil homme qui avait faim et soif. Le prince lui donna de bon cœur à boire et à manger. Le vieil homme lui dit:
« Arrache deux de mes cheveux et si un jour tu rencontres des difficultés, lâche-les et j'arriverai tout de suite à ton aide. »

Le prince reprit son chemin et le troisième jour, il arriva à la lisière d'un village. Il entendit dire des villageois qu'un vieux roi y habitait. Il avait une très belle fille et celui qui voulait l'épouser, devrait se cacher trois fois de manière à ce que la princesse ne le retrouve pas.
« Alors, je tente ma chance », pensa le prince.

Il alla chez la princesse et la demanda en mariage. Elle lui dit qu'il devrait se cacher trois fois et que s'il réussissait à le faire au moins une fois sans qu'elle le retrouve, alors elle l'épouserait.

Le prince jeta en l'air la plume. Les corneilles arrivèrent en grand nombre et l'amenèrent au sommet d'une grande montagne. Mais la princesse y alla directement, le retrouva et se moqua de lui.

Le lendemain, le prince jeta l'écaille dans un lac. Un immense poisson nagea vers le bord du lac. Le prince se cacha dans son ventre, mais la princesse arriva avec une épuisette, pêcha le poisson et trouva le prince. Elle se moqua de lui.
Le troisième jour, il libéra les deux cheveux. Le vieil homme arriva et caressa le prince qui se transforma en tulipe. Le vieil homme fixa la tulipe sur le bord de son chapeau. La princesse le chercha en vain.

Le soir, elle annonça officiellement que son prétendant restait introuvable. A ce moment-là, le vieil homme se présenta devant la princesse et lui donna la tulipe rouge. La belle princesse donna un baiser à la fleur qui redevint immédiatement prince.
« Tu es à moi, je suis à toi », dit la princesse.

Les noces eurent lieu le soir même.

Le prince trouva ainsi la plus belle fille au monde et l'amena chez lui, dans son village.

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L'oiseau vert

Ecoutez-moi, je vous raconte l'histoire d'un sultan.

Autrefois, il y avait une jeune fille, dont la beauté était à l'image du jour. Ses parents l'entouraient de tous leurs soins, et s'inclinaient devant tous ces caprices.

Vint un jour, où se trouvant dans le jardin, elle aperçut un colporteur qui disait :
« Je vends du malheur,
à tout acheteur.
Prenez madame.
Pour quelques dirhams . »

Intriguée, elle courut retrouver sa mère, et lui conta ce qu'elle avait entendu, laquelle, pour la calmer lui dit :
« Ma chère enfant un tel désir peut-il être raisonnable ?
Je serai heureuse de le voir », lui répondit-elle.
La mère s'étonna que sa fille désirât un tel achat, elle voulut la raisonner, mais en vain ! La jeune fille insista tant et si bien que la mère consentit et interpella le marchand :
« Ô marchand, que vends-tu ?
Du basilic », répondit-il.
Aussitôt, un plant fut acheté, et la jeune fille le mit en terre dans le jardin.
Le lendemain, la première pensée de la jeune fille fut pour le basilic, et elle s'empressa d'aller l'arroser. Mais à cet instant, un magnifique oiseau vint se poser près d'elle, son plumage était vert, couleur de paradis, son cou gracieux bordé d'une collerette soyeuse, sa tête était couronnée d'une huppe, et, au fond de ses yeux bleus, miroitaient doucement, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel...
Il interpella la jeune fille en ces termes :
« Maîtresse du basilic,
Toi qui le lave et le nettoie.
Dis-moi dans son bouquet
Combien de feuilles il déploie ? »

Pour toute réponse, elle ôta de son poignet un bracelet d'or fin, et lui lança. L'oiseau s'envola, et disparut dans le ciel, le bracelet dans son bec.
Le lendemain, et tous les autres jours, la même scène se répéta. L'oiseau renouvelait sa question, et la jeune fille renouvelait son offrande : bagues, colliers, bracelets, boucles, tous ses bijoux y passèrent, jusqu'au jour où elle n'eut plus le moindre breloque à lancer. Dès lors, le bel oiseau cessa de venir.
Angoissée par la perte de ses bijoux, et inquiète, à l'idée de ne plus voir son beau visiteur, la jeune fille fut alors en proie à la plus profonde affliction ; sa santé s'altéra tant qu'elle en perdit le manger, le boire et le sommeil.
Désespérés, ses parents firent venir à son chevet les plus éminents docteurs, les plus illustres talebs, les plus brillants magiciens, mais le mal mystérieux triomphait. Le père, enfin proposa une fortune à quiconque guérirait sa fille bien-aimée.
Ce fut alors qu'une vieille se présenta et demanda à être en tête à tête avec la jeune fille ; celle-ci lui conta l'histoire de l'oiseau vert ; la vieille femme lui dit :
« Tu devras te rendre à la forêt et là, tu chercheras une grotte, pénètres-y, assieds-toi et attends. Une caravane de chameaux passera par là et s'arrêtera pour s'abreuver ; lorsque les chameaux s'agenouilleront, tu monteras l'un d'eux, ils te mèneront chez l'oiseau vert, et ta maladie disparaîtra ».
la jeune fille suivit scrupuleusement les conseils de la vieille femme, et tout se passa comme elle le lui avait dit.
A l'endroit indiqué, les chameaux vinrent, s'abreuvèrent, s'agenouillèrent, et lorsque la jeune fille monta l'un d'eux, la terre s'ouvrit, et la caravane se trouva transportée par enchantement devant un palais si somptueux, si beau, que la jeune fille en fut éblouie.
Le cœur battant, elle se précipita vers l'une des pièces et se dissimula derrière un rideau. A cet instant, le bel oiseau entra par la fenêtre, et ô merveille, se métamorphosa en être humain. Après un moment d'effroi, la jeune fille se réjouit et éprouva un immense bonheur lorsqu'elle eut reconnu le marchand qui lui avait vendu le plant de basilic.
Il sortit d'un meuble, un coffret d'argent, l'ouvrit, et la jeune fille - toujours dissimulée derrière le rideau - reconnut ses bijoux ; il se mit alors à pleurer, et à se lamenter :
« Pleurez avec moi,
partagez ma peine,
pleurez, palais et roi,
pleurez votre reine. »

Mais les objets, les habitants, tout le palais, qui d'ordinaire partageaient sa peine et s'associaient à ses pleurs, répondirent, cette fois-ci, par des rires joyeux !
Le prince - car c'était le fils d'un roi - comprit qu'une personne étrangère s'était introduite dans son palais ; il dit :
« Qui es-tu ? Djinn ? ou humain ? » Troublée, la jeune fille sortit de sa cachette, et grande fut la joie de leurs retrouvailles.
« Je vous ai rejoint,
dans ce pays lointain
et nous voici réunis
à jamais, pour la vie... »

Mais ce bonheur fut de courte durée... Le destin, implacable, allait s'abattre sur les deux jeunes gens.
Le roi dont le palais se trouvait en amont de la rivière, préparait les festivités pour célébrer les noces de son fils ; une belle princesse avait était choisie par le roi, et celui-ci, en informa son fils par un pli qu'il jeta à la rivière.
Ce jour-là, le prince et sa bien-aimée se trouvaient au bord de l'eau ; la jeune fille dormait, la tête posée sur les genoux de son prince. Portés par les flots argentés, le pli scellé parvint en aval, là où se trouvait le palais du prince ; surpris, celui-ci le prit, l'ouvrit et lut :
« Le bain nuptial chez vous.
Les cérémonies chez nous. »

Le prince pâlit et comprit l'ordre envoyé par le roi son père. « Que faire ? se dit-il, convient-il d'informer sa bien-aimée ? Serait-il préférable de n'en rien faire ? »
Après une longue et douloureuse hésitation, il souleva délicatement la tête de la jeune fille, la posa sur une pierre et partit sans faire de bruit.
Au contact de la pierre froide sous sa joue, elle se réveilla et ne trouvant personne fut fort inquiète et se mit à pleurer.
Elle chercha longtemps le prince et longtemps elle l'appela, hélas, seul le lointain écho répondait à ses appels !
Soudain, un vieillard surgit au bout du chemin, à son aspect la jeune fille comprit que c'était un marchand de sel ; en effet, près de lui trottait un petit âne, chargé de gros sacs de sel.
Elle s'empressa de lui faire part de l'objet de ses recherches mais il répondit n'avoir pas rencontré âme qui vive.
Il s'enquit alors : Qui était-elle ? Que faisait-elle là seule ?
« J'étais endormie près de la rivière, lui répondit-elle, et à mon réveil, mon compagnon avait disparu.
Et toi, qui es-tu ?
Je suis le pourvoyeur de sa majesté en sel et je dois me rendre au palais royal car aujourd'hui, nous fêtons les noces du prince ! »
Une immense tristesse envahit le cœur de la jeune fille ; elle comprit que ce prince qui convolait en justes noces, était son bien-aimé. Elle voulut à tout prix le rejoindre et supplia le vieillard d'accepter de lui donner, en échange de ses bijoux, ses vêtements, son turban, l'âne et son fardeau de sel.
Le vieillard hésita longtemps, mais alléché par le lucre, il finit par céder et lui donna ses habits dont elle se vêtit. Puis, il lui indiqua le chemin à suivre pour se rendre au palais.
Méconnaissable sous son déguisement, la jeune fille passa devant les gardes du palais qui lui ordonnèrent de se présenter au plus vite devant le prince qui, au préalable, en avait donné l'ordre dans l'espoir d'avoir quelque nouvelle...
Enfin parvenue à la salle du trône, elle le trouva assis, la mariée à ses côtés ; le visage du prince était triste, et les larmes brillaient dans ses yeux.

La voix tremblante, il lui demanda :
« N'as-tu pas rencontré,
O pourvoyeur de sel !
Dans cette contrée
Quelque mortel ? »

La jeune fille lui répondit avec désespoir :
« J'ai vu,
J'ai vu et admiré,
Une jeune fille étonnante de beauté,
Assise sur un trône doré... »

Plusieurs fois le prince répéta sa question et chaque fois il obtint la même réponse.
Désespéré, le prince sortit dans le parc, et à une branche d'arbre il se pendit.
La jeune fille qui l'avait suivi, voyant son bien-aimé mort n'eut qu'un seul désir : le rejoindre.

Elle s'adressa au citronnier :
« O citronnier,
Prête-moi une branche
Pour y laisser ma vie ! »

Mais l'arbre lui répondit :
« Non Lalla.
Je donne la vie,
Et prends soin de mes fruits.
Mais je crains le châtiment divin... »

Tour à tour, le pommier, l'oranger et tous les arbres qu'elle sollicita lui firent la même réponse.
Enfin, elle s'adressa au chêne qui lui tendit sa branche et elle s'y pendit et mourut.
La mariée, intriguée par l'absence prolongée du prince, sortit alors dans le par cet grande fut sa surprise lorsqu'elle vit le couple : car la jeune fille lui apparut alors dans toute sa beauté ; les haillons et le turban qui la déguisaient étaient tombés à terre, et seulement la cascade de ses cheveux la paraît dans une irréelle et éternelle splendeur...
La mariée, craignant quelque accusation, se pendit à son tour à une branche d'arbre.
Alors vinrent le roi, les convives, les gardes et les festivités se transformèrent en funérailles. On se demanda qui était cette jeune fille si belle et on comprit qu'elle était le faux marchand de sel. Les trois jeunes gens furent enterrés dans le par cet sur chacune des tombes alignées poussa une plante ; sur la tombe de la mariée, une ronce épineuse, sur celle du prince, un lys, et sur celle de la jeune fille, une rose...
Le jardinier vint un jour à passer par là ; un chuchotement de voix l'attira vers les tombes et il entendit le murmure des voix qui disait :
« Un lys, une rose.
Pourquoi cette ronce.
Près de nous ? »

Inlassablement le lys et la rose enlacés répétaient à l'envie leur murmure amoureux...

Le jardinier troublé, s'empressa d'aller quérir son maître le roi. Celui-ci vint : il vit et entendit le chant d'amour qui venait d'outre-tombe.

Alors le souverain ordonna de transférer la troisième tombe ailleurs,
plus loin...
Le murmure se tut,
le lys et la rose s'enlacèrent pour l'éternité...


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La vieille maison

Au beau milieu de la rue se trouvait une antique maison, elle avait plus de trois cents ans : c'est là ce qu'on pouvait lire sur la grande poutre, où au milieu de tulipes et de guirlandes de houblon était gravée l'année de la construction. Et on y lisait encore des versets tirés de la Bible et des bons auteurs profanes ; au-dessus de chaque fenêtre étaient sculptées des figures qui faisaient toute espèce de grimaces. Chacun des étages avançait sur celui d'en dessous ; le long du toit courait une gouttière, ornée de gros dragons, dont la gueule devait cracher l'eau des pluies ; mais elle sortait aujourd'hui par le ventre de la bête ; par suite des ans, il s'était fait des trous dans la gouttière. Toutes les autres maisons de la rue étaient neuves et belles à la mode régnante ; les carreaux de vitre étaient grands et toujours bien propres ; les murailles étaient lisses comme du marbre poli. Ces maisons se tenaient bien droites sur leurs fondations, et l'on voyait bien à leur air qu'elles n'entendaient rien avoir de commun avec cette construction des siècles barbares. " N'est-il pas temps, se disaient-elles, qu'on démolisse cette bâtisse surannée, dont l'aspect doit scandaliser tous les amateurs du beau ? Voyez donc toutes ces moulures qui s avancent et qui empêchent que de nos fenêtres on distingue ce qui se passe dans la baraque. Et l'escalier donc qui est aussi large que si c'était un château ! que d'espace perdu ! Et cette rampe en fer forgé, est-elle assez prétentieuse ! Comme ceux qui s y appuient doivent avoir froid aux mains ! Comme tout cela est sottement imaginé ! " Dans une des maisons neuves , bien propres, d'un goût bien prosaïque, celle qui était juste en face, se tenait souvent à la fenêtre un petit garçon aux joues fraîches et roses ; ses yeux vifs brillaient d'intelligence. Lui, il aimait à contempler la vieille maison ; elle lui plaisait beaucoup, qu'elle fût éclairée par le soleil ou par la lune. Il pouvait rester des heures à la considérer, et alors il se représentait les temps où, comme il l'avait vu sur une vieille gravure, toutes les maisons de la rue étaient construites dans ce même style, avec des fenêtres en ogive, des toits pointus, un grand escalier menant à la porte d entrée, des dragons et autres terribles gargouilles tout autour des gouttières ; et, au milieu de la rue, passaient des archers , des soldats en cuirasse, armés de hallebardes. C'était vraiment une maison qu'on pouvait contempler pendant des heures. Il y demeurait un vieillard qui portait des culottes de peau et un habit à grands boutons de métal, tout à fait à l'ancienne mode ; il avait aussi une perruque, mais une perruque qui paraissait bien être une perruque, et qui ne servait pas à simuler habilement de vrais cheveux. Tous les matins, un vieux domestique venait, nettoyait, faisait le ménage et les commissions, puis s'en allait. Le vieillard à culottes de peau habitait tout seul la vieille maison. Parfois il s'approchait de la fenêtre ; un jour, le petit garçon lui fit un gentil signe de tête en forme de salut ; le vieillard fit de même ; le lendemain ils se dirent de nouveau bonjour, et bientôt ils furent une paire d'amis, sans avoir jamais échangé une parole. Le petit garçon entendit ses parents se dire : " Le vieillard d'en face a de bien grandes richesses ; mais c'est affreux comme il vit isolé de tout le monde. " Le dimanche d'après, l'enfant enveloppa quelque chose dans un papier, sortit dans la rue et accostant le vieux domestique qui faisait les commissions, il lui dit : " Ecoute ! Veux-tu me faire un plaisir et donner cela de ma part à ton maître ? J'ai deux soldats de plomb ; en voilà un ; je le lui envoie pour qu'il ait un peu de société ; je sais qu'il vit tellement isolé de tout le monde, que c'est lamentable. " Le vieux domestique sourit, prit le papier et porta le soldat de plomb à son maître. Un peu après, il vint trouver les parents , demandant si le petit garçon ne voulait pas venir rendre visite au vieux monsieur. Les parents donnèrent leur permission, et le petit partit pour la vieille maison. Les trompettes sculptées sur la porte, ma foi, avaient les joues plus bouffies que d'ordinaire, et si on avait bien prêté l'oreille, on les aurait entendus, qui soufflaient dans leurs instruments : " Schnetterendeng ! Ta-ra-ra-ta : le voilà, le voilà, le petit schnetterendeng !" La grande porte s'ouvrit. Le vestibule était tout garni de vieux portraits de chevaliers revêtus de cuirasses, de châtelaines en robes de damas et de brocart ; l'enfant crut entendre les cuirasses résonner et les robes rendre un léger froufrou. Il arriva à un grand escalier, avec une belle rampe en fer tout ouvragée, et ornée de grosses boules de cuivre, où on pouvait se mirer ; elles brillaient comme si on venait de les nettoyer pour fêter la visite du petit garçon, la première depuis tant d'années. Après avoir monté bien des marches, l'enfant aperçut, donnant sur une vaste cour, un grand balcon ; mais les planches avaient des fentes et des trous en quantité ; elles étaient couvertes de mousse, d'herbe, de sedum, et toute la cour et les murailles étaient de même vertes de plantes sauvages qui poussaient là sans que personne s'en occupât. Sur le balcon se trouvaient de grands pots de fleurs, en vieille et précieuse faïence ; ils avaient la forme de têtes fantastiques, à oreilles d'âne en guise d'anses ; il y poussait des plantes rares ; c'étaient des touffes de feuilles, sans presque aucune fleur. Il y avait là un pot d'oeillet tout en verdure, et il chantait à voix basse : "Le vent m'a caressé, le soleil m'a donné une petite fleur, une petite fleur pour dimanche. " Ensuite, le petit garçon passa par une grande salle ; les murs étaient recouverts de cuir gaufré, à fleurs et arabesques toutes dorées, mais ternies par le temps. " La dorure passe, le cuir reste, " marmottaient les murailles. Puis l'enfant fut conduit dans la chambre où se tenait le vieux monsieur, qui l'accueillit avec un doux sourire, et lui dit : "Merci pour le soldat de plomb, mon petit ami ; et merci encore de ce que tu es venu me voir." Et les hauts fauteuils en chêne, les grandes armoires et les autres meubles en bois des îles craquaient, et disaient : " knick, knack, " ce qui pouvait bien vouloir dire : "Bien le bonjour !" A la muraille pendait un tableau, représentant une belle dame, jeune, au visage gracieux et avenant ; elle était habillée d'une robe vaste et raide, tenue par des paniers ; ses cheveux étaient poudrés. De ses doux yeux elle regardait l'enfant. " Qui cela peut-il donc être ; dit-il. D'où vient cette belle madame ?
De chez le marchand de bric-à-brac, répondit le vieux monsieur. Il a souvent des portraits à vendre et pas chers. Les originaux sont morts et enterrés ; personne ne s'occupe d'eux. Cette dame , je l'ai connue toute jeune ; voilà un demi-siècle qu'elle a quitté ce monde ; j'ai retrouvé son portrait chez le marchand et je l'ai acheté. " Au-dessous du portrait, se trouvait sous verre un bouquet de fleurs fanées ; elles avaient tout l'air d'avoir été cueillies juste cinquante ans auparavant. " On dit chez nous, reprit l'enfant, que tu es toujours seul, et que cela fait de la peine, rien que d'y penser.
Mais pas tant que cela, dit le vieux monsieur. Je reçois la visite de mes pensées d'autrefois, et je revois passer devant moi tous ceux que j'ai connus. Et, maintenant, toi tu es venu me rendre visite ; je me sens très heureux. " Il tira alors d'une armoire un grand livre à images, et les montra au petit garçon ; c'étaient des fêtes et processions des siècles passés ; d'énormes carrosses tout dorés, des soldats qui ressemblaient au valet de trèfle de nos cartes ; des bourgeois, habillés tous différemment selon leurs métiers et professions. Les tailleurs avaient une bannière où se voyaient des ciseaux, tenus par deux lions ; celle des cordonniers représentait un aigle à deux têtes, parce que chez eux il faut toujours la paire. Oui, c'étaient de fameuses images, et le petit s'en amusait tout plein. Le vieux monsieur alors alla chercher dans l'office des gâteaux, des confitures, des fruits. Qu'on était bien dans cette vieille maison ! " Je n'y tiens plus, s'écria tout à coup le soldat de plomb qui était sur la cheminée. Non, c'est par trop triste ici, celui qui a goûté de la vie de famille ne peut s'habituer à une pareille solitude. J'en ai assez. Le jour déjà ne semble pas vouloir finir ; mais la soirée sera encore plus affreuse. Ce n'est pas comme chez toi, mon maître ; ton père et ta mère causent joyeusement ; toi et tes frères et soeurs vous faites un délicieux tapage d'enfer. On se sent vivre au milieu de ce bruit. Le vieux, ici, jamais on ne lui donne de baisers, ni d'arbre de Noël. On lui donnera un jour un cercueil et ce sera fini. Non, j'en ai assez.
Il ne faut pas voir les choses du mauvais côté, répondit le petit garçon. A moi, tout ici me paraît magnifique, et encore n'ai-je pas vu toutes les belles choses que les vieux souvenirs font passer devant les yeux du maître de céans.
Moi non plus, je ne les aperçois, ni ne les verrai jamais, reprit le soldat de plomb. Je te prie, emporte-moi.
Non, dit le petit, il faut que tu restes pour tenir compagnie à ce bon vieux monsieur. " Le vieillard, qui paraissait tout rajeuni et avait l'air tout heureux, revint avec d'excellents gâteaux, des confitures délicieuses, des pommes, des noix et autres friandises ; il plaça tout devant son petit ami, qui, ma foi, ne pensa plus aux peines du soldat de plomb. L'enfant retourna chez lui, s'étant diverti à merveille. Le lendemain, il était à sa fenêtre, et il fit un signe de tête au vieux monsieur, qui le lui rendit en souriant. Une neuvaine se passa, et alors on revint prendre le petit garçon pour le mener à la vieille maison. Les trompettes entonnèrent leur schnetterendeng, ta-ta-ra-ta. Les chevaliers et les belles dames se penchèrent hors de leur cadre pour voir passer ce petit être, si jeune ; les fauteuils débitèrent leur knik-knak ; le cuir des murailles déclara qu'il était plus durable que la dorure ; enfin tout se passa comme la première fois ; rien ne changeait dans la vieille maison. " Oh ! Que je me sens malheureux ", s'écria le soldat de plomb. " C'est à périr ici. Laisse-moi plutôt partir pour la guerre, dussé-je y perdre bras et ambes, ce serait au moins un changement. Oh, emmène-moi ! Maintenant je sais ce que c'est que de recevoir la visite de ses vieux souvenirs, et ce n'est pas amusant du tout à la longue. " " Je vous revoyais tous à la maison, comme si j'étais encore au milieu de vous. C'était un dimanche matin, et vous autres enfants vous étiez réunis, et les mains jointes vous chantiez un psaume ; ton père et ta mère écoutaient pieusement. Voilà que la porte s'ouvre et que ta petite soeur Maria, qui n'a que deux ans, fait son entrée. Elle est si vive et elle est toujours prête à danser quand elle entend n'importe quelle musique. Cette fois vos chants la mirent en mouvement, mais cela n'allait guère en mesure ; la mélodie marchait trop lentement ; l'enfant levait sa petite jambe, mais il lui fallait la tenir trop longtemps en l'air ; cependant elle dandinait comme elle pouvait de la tête. Vous gardiez votre sérieux, c'était pourtant bien difficile. Moi, je ris tant, qu'au moment où une grosse voiture vint ébranler la maison, je perdis l'équilibre et je tombai à terre, j'en ai encore une bosse. Cela me fit bien mal ; mais j'aimerais encore mieux tomber dix fois par jour, chez vous, que de rester ici, hanté par ces vieux souvenirs. Dis-moi, chantez-vous encore les dimanches ? Raconte-moi quelque chose de la petite Maria ! Et mon bon camarade, l'autre soldat de plomb ? Doit-il être heureux, lui ! Ne pourrait-il pas venir me relever de faction ? Oh, emmène-moi ! "
Tu n'es plus à moi, répondit le petit garçon. Tu sais bien que je t'ai donné en cadeau au vieux monsieur. Il faut te faire une raison. " Cette fois le vieillard montra à son petit ami des cassettes où il y avait toutes sortes de jolis bibelots des temps passés ; des cartes à jouer, grandes et toutes dorées, comme on n'en voit même plus chez le roi. Le vieux monsieur ouvrit le clavecin, qui, à l'intérieur, était orné de fines peintures, de beaux paysages avec des bergers et des bergères ; il joua un ancien air ; l'instrument n'était guère d'accord, et les sons étaient comme enroués. Mais on aurait dit que le portrait de la belle dame, celui qui avait été acheté chez le marchand de bric-à-brac, s'animait en entendant cette antique mélodie ; le vieux monsieur la regardait, ses yeux brillaient comme ceux d'un jeune homme ; un doux sourire passa sur ses lèvres. " Je veux partir en guerre, en guerre ! ", s'écria le soldat de plomb de toutes ses forces ; mais, à ce moment, le vieux monsieur vint prendre quelque chose sur la cheminée et il renversa le soldat qui roula par terre. Où était-il tombé ? Le vieillard chercha, le petit garçon chercha ; ils ne purent le trouver. Disparu le soldat de plomb ! "Je le retrouverai demain", dit le vieux monsieur. Mais, jamais, il ne le revit. Le plancher était rempli de fentes et de trous ; le soldat avait passé à travers, et il gisait là, sous les planches, comme enterré vivant. Malgré cet incident la journée se passa gaiement, et, le soir, le petit garçon rentra chez lui. Des semaines s'écoulèrent, et l'hiver arriva. Les fenêtres étaient gelées, et l'enfant était obligé de souffler longtemps sur les carreaux, pour y faire un rond par lequel il pût apercevoir la vieille maison. Les sculptures de la porte, les tulipes, les trompettes, on les voyait à peine, tant la neige les recouvrait. La vieille maison paraissait encore plus tranquille et silencieuse que d'ordinaire ; et, en effet, il n'y demeurait absolument plus personne : le vieux monsieur était mort , il s'était doucement éteint. Le soir, comme c'était l'usage dans le pays, une voiture tendue de noir s'arrêta devant la porte ; on y plaça un cercueil, qu'on devait porter bien loin, pour le mettre dans un caveau de famille. La voiture se mit en marche ; personne ne suivait que le vieux domestique ; tous les amis du vieux monsieur étaient morts avant lui. Le petit garçon pleurait, et il envoyait de la main des baisers d'adieu au cercueil. Quelques jours après, la vieille maison fut pleine de monde, on y faisait la vente de tout ce qui s'y trouvait. Et, de la fenêtre, le petit garçon vit partir, dans tous les sens, les chevaliers, les châtelaines, les pots de fleurs en faïence, les fauteuils qui poussaient des knik-knak plus forts que jamais. Le portrait de la belle dame retourna ches le marchand de bric-à-brac ; si vous voulez le voir, vous le trouverez encore chez lui ; personne ne l'a acheté, personne n'y a fait attention. Au printemps, on démolit la vieille maison. " Ce n'est pas dommage qu'on fasse disparaître cette antique baraque", dirent les imbéciles, et ils étaient nombreux comme partout. Et, pendant que les maçons donnaient des coups de pioche, qui fendaient le coeur du petit garçon, on voyait, de la rue, pendre des lambeaux de la tapisserie en cuir doré, et les tulipes volaient en éclats, et les trompettes tombaient par terre, lançant un dernier schnetterendeng. Enfin, on enleva tous les décombres et on construisit une grande belle maison à larges fenêtres et à murailles bien lisses, proprement peintes en blanc. Par devant, on laissa un espace pour un gentil petit jardin qui, sur la rue, était entouré d'une jolie grille neuve : "Que tout cela a bonne façon ! " disaient les voisins. Dans le jardin, il y avait des allées bien droites, et des massifs bien ronds ; les plantes étaient alignées au cordeau, et ne poussaient pas à tort et à travers comme autrefois, dans la cour de la vieille maison. Les gens s'arrêtaient à la grille et regardaient avec admiration. Les moineaux par douzaines, perchés sur les arbustes et la vigne vierge qui couvrait les murs de côté babillaient de toutes sortes de choses, mais pas de la vieille maison ; aucun d'eux ne l'avait jamais vue : car il s'était passé, depuis lors, bien du temps, oui, tant d'années que, dans l'intervalle, le petit garçon était devenu un homme, et un homme distingué qui faisait la joie de ses vieux parents. Il s'était marié et il habitait, avec sa jeune femme, justement la belle maison dont nous venons de parler. Un jour, ils étaient dans le jardin, et la jeune dame plantait une fleur des champs qu'elle avait rapportée de la promenade, et qu'elle trouvait aussi belle qu'une fleur de serre. Elle raffermisssait, de ses petites mains, la terre autour de la racine, lorsqu'elle se sentit comme piquée aux doigts. " Aïe ! " s'écrie-t-elle, et elle aperçoit quelque chose qui brille. Qu'était-ce ? Devinez-vous ? C'était le soldat de plomb, que le vieux monsieur avait cherché vainement et qui était tombé là pendant les démolitions, se trouvait sous terre depuis tant d'années. La jeune dame le retira, et, sans lui en vouloir de ce qu'il l'avait piquée, elle le nettoya avec une feuille humide de rosée, et le sécha avec son mouchoir fin, qui sentait bon. Et le soldat de plomb était bien aise, comme s'il se réveillait d'un long évanouissement. " Laisse-moi le voir ", dit le jeune homme, en souriant. Puis il hocha la tête et continua : "Non, ce ne peut pas être le même ; mais il me rappelle un autre soldat de plomb que j'avais lorsque j'étais petit. " Et il raconta l'histoire de la vieille maison, et du vieux monsieur, auquel il avait envoyé, pour lui tenir compagnie, son soldat de plomb. La jeune dame fut touchée jusqu'aux larmes de ce récit, surtout quand il fut question du portrait qui avait été acheté chez le marchand de bric-à-brac. " Il serait cependant possible, dit-elle, que ce fût le même soldat de plomb. Je veux le garder avec soin ; il me rappellera ce que tu viens de me conter. Tu me conduiras, n'est-ce pas, sur la tombe du vieux monsieur ?
Je ne sais pas où elle se trouve, répondit-il ; j'ai demandé à la voir, personne n'a pu me l'indiquer. Tous ses amis étaient morts. Je sais seulement que c'est très loin d'ici ; au moment où on a emporté le cercueil, je n'ai pas questionné ; j'étais trop petit pour aller si loin y porter des fleurs.
Oh ! Comme il a été seul, dans sa tombe également ! dit la dame, personne n'en aura pris soin.
Moi aussi, j'ai été longtemps bien seul, se dit le soldat de plomb ; mais, quelle compensation aujourd'hui ; je ne suis pas oublié ! " Comme la dame l'emportait dans la maison, il jeta un dernier regard sur l'endroit où il était resté tant d'années ; que vit-il, ressemblant à de la vulgaire terre ? Un morceau de la belle tapisserie. La dorure, elle, avait entièrement disparu. Et, de sa fine oreille, le soldat entendit un murmure où il distinguait ces paroles : " La dorure passe, mais le cuir reste. " S'il avait pu, il aurait volontiers haussé les épaules ; chez lui, couleur et dorure étaient restées.


bunni


Il était une fois


Il était une fois


Une petite fée appelée Rosaline

Elle était aussi petite qu'une abeille, avait deux ailes transparentes et brillantes et une robe couleur de rosée.


Dans le bois tout le monde l'aimait, car non seulement Rosaline était belle, mais elle était bonne et gentille

Rosaline avait une ennemie très féroce,
Arachné, la méchante araignée qui haïssait tout le monde, et qui aurait voulu dévorer tout ce qui était plus petit qu'elle.

C'était la terreur des mouches et de tout ce qui volait tranquillement dans le bois. La petite fée avait bien peur car sa baguette magique ne pouvait rien contre Arachné

Un jour Rosaline faisait la sieste, son lit était au milieu d'une rose sauvage qui parfumait l'air aux alentours.

Tout à coup, arriva une abeille blonde qui pleurait désespérément.

Où est Rosaline ? demanda-t-elle à la petite rose sauvage.

La fleur ouvrit ses pétales de roses et là, au beau milieu,
l'abeille vit la petite fée.

Rosaline, Rosaline !
cria l'abeille blonde en se baissant vers la fée endormie.

Rosaline s'éveilla, frotta ses beaux yeux et demanda de sa voix douce:

Que veux-tu ?

Rosaline, pitié pour ma petite soeur Miellette !
Elle est prisonnière des filets d'Arachné !
Rosaline bondit hors de son lit parfumée en poussant un cri de terreur.

Mais tu sais, chère petite abeille, que je ne peux rien contre Arachné.

Utilise ta baguette magique !

Ma baguette magique n'a aucun pouvoir contre l'araignée!

Que faire ? demanda la pauvre abeille désespérée. Miellette va mourir.

Volons tout de suite vers elle! cria Rosaline.

Enlacées l'une à l'autre, elles volèrent vers la toile d'Arachné.

La maison de l'araignée était fort belle, elle semblait faite en fils d'argent qui brillaient au soleil. Mais sur les beaux fils, il y avait la colle qui emprisonnait tout ce

qui s'approchait.

Et là, au beau milieu des fils brillants,
il y avait la pauvre Miellette qui se débattait en hurlant de terreur.

Heureusement Arachnée était absente pour le moment, autrement Miellette aurait été définitivement perdue, enveloppée dans le sac de soie qu'Arachné employait pour lier étroitement ses prisonniers

Rosaline et l'abeille s'approchèrent de la toile argentée.

Miellette pleurait:

Délivre-moi petite soeur !

Et plus elle bougeait, plus ses petites pattes se prenaient dans le filet.

Ne t'approche pas, autrement tu seras prisonnière comme Miellette cria Rosaline à l'abeille blonde.

Miellette à moitié morte, gisait maintenant sur les fils d'argent.

Rosaline s'approcha doucement, allongea sa baguette magique,
toucha la toile de l'araignée.....
Mais la baguette resta prisonnière. comme Miellette.

La petite fée essaya de libérer sa précieuse baguette, mais elle perdit l'équilibre et tomba, elle aussi, au milieu des fils.

L'abeille blonde et Miellette se mirent à crier:

Au secours, au secours ! Rosaline est prisonnière
d'Arachné !
Tous les animaux de la forêt entendirent leurs cris, mais hélas, Arachné
les entendit elle aussi !
Avec ses pattes poilues elle commença à grimper vers sa demeure

Plus elle grimpait et plus elle riait, riait, riait....

Je vais la prendre, l'envelopper du sac de soie et. ..adieu Rosaline !
Ah ! Toi qui ne voulais pas que les insectes tombent dans mes filets!

Maintenant t'y voilà ! Ah! Ah! Ah!

Pendant qu'Arachné courait plus vite qu'elle pouvait, Jean et Monique,
deux bons enfants, arrivèrent devant la toile d'araignée.

Regarde, Jean, il y a une abeille prisonnière.

Et. puis, oh! Monique, il y a aussi la petite fée des bois!
Sauvons-les cria Jean.
Deux petits doigts suffirent pour libérer les prisonnières.


Miellette oublia de remercier les enfants et s'envola avec sa soeur.

Rosaline sourit doucement
et embrassa les petits sur la joue.

Merci beaucoup !

dit-elle tandis que la méchante Arachné, arrivée à bout de souffle dans sa toile, regardait d'un air furibond les fils brisés et la maison vide.

bunni


Harfang des neiges et le corbeau

Le grand corbeau et le harfang des neiges

Autrefois, les oiseaux étaient blancs, tout blancs. Un matin, Corbeau et Harfang s'amusaient ensemble sous l'iglou. Comme chaque jour, ils jouaient avec les petits os d'une nageoire de phoque à inugait, un jeu que les Inuit aiment beaucoup. Ils disposaient les os sur le sol et les assemblaient, tantôt pour reconstituer la nageoire, tantôt pour représenter un traîneau avec des chiens ou un iglou et toute une famille.
Mais les deux amis se lassèrent et décidèrent de changer de jeu : « J'ai une idée ! Si on jouait à se peindre le plumage ! » proposa Corbeau à Harfang.
« Oh oui ! Ce serait très drôle ! Mais comment faire ? »
Dans leur iglou, bien sûr, ils n'avaient pas de peinture sous la main. Mais Corbeau et Harfang étaient des oiseaux très malins. Ils mélangèrent la suie de la lampe à huile avec du gras de phoque et obtinrent ainsi une sorte de peinture noire très onctueuse. Ils la versèrent dans un petit récipient en pierre à savon. Leur nouveau jeu pouvait commencer !
C'est Corbeau qui se lança le premier. Il tira une longue plume de son aile gauche, la plongea dans la peinture noire, et se mit à l'ouvrage. Il s'appliqua tant et si bien qu'aujourd'hui, Harfang porte encore les magnifiques touches noires que Corbeau lui a peintes sur les ailes !
« Ça y est ! J'ai fini ! Tu peux maintenant te regarder dans la glace ! »
Harfang s'approcha du bloc d'eau douce gelée qui dans l'iglou sert de fenêtre et de miroir. Il admira son reflet : ses nouvelles ailes, noires et blanches, lui plurent tout de suite.
« Oh, bravo ! C'est magnifique ! »
Et pour remercier Corbeau, Harfang lui offrit une très belle paire de kamik, les bottes inuit en peau de phoque. Corbeau les enfila et se mit à sauter de joie en criant : « Merci ! Merci Harfang pour ce beau cadeau ! Je ne vais plus les quitter, elles sont vraiment très belles !
— Bien, mais maintenant, c'est à mon tour de te peindre. Calme-toi un peu, que je puisse moi aussi te dessiner un beau plumage. »
Harfang tira à son tour une plume de son aile, la trempa dans le récipient de peinture noire et tenta de peindre les ailes de Corbeau. Mais Corbeau, fou de joie, continuait de sauter, de bouger, de danser avec ses nouvelles bottes.
« Arrête de bouger ! Comment veux-tu que je m'applique ? J'en mets partout ! » se plaignait Harfang.
Mais Corbeau continuait de plus belle. Et plus Corbeau était joyeux, plus il dansait, et plus il dansait, moins Harfang réussissait à peindre de jolis motifs.
Au bout d'un moment, excédé, Harfang prit le récipient plein de peinture noire et le renversa rageusement sur la tête de Corbeau.
Depuis ce jour, les corbeaux sont noirs, tout noirs.

bunni

#231

L'Arbre à légendes

L'arbre à légendes

Il est un arbre qui se souvient encore de Merlin, de Viviane et de la merveilleuse forêt de Brocéliande.

J'ai vu le chêne sacré, gardien d'orage et de justice, cacheur d'oiseaux et de fées, cacheur d'aurores très anciennes, je chante le vieux chêne des routes de poussière.

Aux soirs des plus hauts étés, dans le suspens où montent les ténèbres, Merlin parle encore dans son ombre et Viviane a des palais sous sa ramure.

A leur pas lumineux s'offre une mousse plus fine que poil de taupe.
J'ai embelli le monde aujourd'hui, dit Merlin, j'ai coloré des pommes dans les vergers.

Mon regard a muri les froments et j'ai tendu cette paix mauve sur les toits des villages; ô bien aimée, ouvre-moi tes châteaux.

Viviane entend et des voiles se forment. On voit tourner un portail de buée, on voit Merlin baiser une main d'or.
Mais l'arbre est seul à savoir les battements de ces coeurs.

Un chevreuil blanc viendra goûter l'herbe qui pousse entre ses racines, un chevreuil blanc viendra lisser son pelage à l'écorce.

Je chante l'arbre légendaire. Je dis qu'il règne et qu'il le père de ces champs et de ces collines.

Le ciel qui passe avec son front rapide a fait le signe et le grand chêne a répondu de tout son lourd feuillage.

Ici fut scellée l'amitié, ici la parole fut dite, ici l'anneau fut échangé, ici la coupe fut vidée, ici fut jeune une antique chanson.

Qui sait aimer cet arbre est aimé du silence.
Et l'oiseau bleu qui vit en ramée couve jalousement la légende future au goût de sève et de rosée.

Géo Norge (1898-1990)

bunni


Pluie d'étoiles

Caché, loin de la civilisation de l'homme blanc, vit un petit village amérindien que l'on appelle "esprit de nuit". Derrière la porte de cet univers mystérieux, l'amour le respect et la vie, font de cet endroit un lieu magique.

L'azur revêt son habit de nuit aux teintes d'orange, de lilas, de rose, qui s'enlacent aux ailes du souffle.

Les tepees disposés en cercle comme symbole de l'unité, dégagent par leur feu, une douce chaleur maternelle.

Le bruissement du vent, la mélodie de l'eau et le pas feutré des animaux, éveillent la force de l'esprit qui vit à travers ses habitants.

Mais à chaque tombée du jour, ce clan de "l'Esprit de nuit" se réunit pour l'avènement de leur protectrice...

C'est le signal ! Sœur lune dans sa blancheur argentée annonce la venue de la cérémonie...

Assis en tailleur autour du grand feu qui les enveloppent de ses flammes ardentes, les hommes, les femmes et les enfants entament leurs chants au rythme du tam-tam. La vibration profonde de ses sons, amène la quiétude et la paix de l'aigle silencieux.

Le grand chef, serviteur doué et homme de pensée, s'élève à la gloire de ces ancêtres.

Soudain, une lumière éblouissante illumine de ses rayons ce clair de lune sans étoiles ! Les enfants charmés, figés en statue de pierre, s'émerveillent par tant de féerie, tandis que les adultes s'inclinent à l'apparition de leur Gardienne "pluie d'Étoiles".

Ses longs cheveux d'ébène ornés de rubans de cuir, incrustés de plumes aux feux multicolores, embrassent la délicatesse de son visage. Ses yeux de l'océan dont l'écume poétise son regard, recèle un trésor de bonté. Sa robe d'azur fluide d'une brise d'été, offre cette finesse que seul l'univers détient la grâce. Ses bijoux de perles célestes, symboles des dieux, ornent la pureté de son cœur.

Elle tient aux creux de ses bras," la jarre des cieux", le coffre du secret des étoiles d'où l'on aperçoit l'espace de la création de la nuit. De sa main légère de l'oiseau-mouche, elle plonge dans l'abîme de la cruche et d'un mouvement de l'aile de l'ange, couronne le ciel de milliards d'étoiles...

L'obscurité éclate de ces libellules lumineuses comme la pluie qui déverse ses larmes de joie. Le firmament nuancé de pervenche et saphir, gratifie cet artifice de diamants. "Pluie d'étoiles" louangée par les villageois, du bout de son doigts dessine, des comètes aux traînées vertueuses pour rendre hommage à l'Amour que lui portent ses Enfants.

Vous devez vous demander, pourquoi lorsque le soleil se couche et que sœur Lune de sa tristesse apparaît, les étoiles ne brillent pas à leur tour ?
Il y a très longtemps le sorcier du village "Ours Sauvage" était l'homme médecine respecté du clan. Son pouvoir grandissait de plus en plus et son orgueil ayant soif de grandeur, tombait dans le piège de" l'Esprit Noir". Un soir de pleine lune il voulut donner en sacrifice la fille du chef, mais sauvée de justesse par les "guerriers de Lumière" il ne put terminer son œuvre abominable. L'ours symbole de sagesse, de puissance et d'éveil spirituel, aux yeux des habitants ne représentait plus ses croyances par leur guérisseur et le bannissaient du clan, pour que puisse revenir l'Harmonie Éternelle. 
Avant de partir pour le monde de l'exil, "Ours sauvage" prophétisa cette malédiction : "Que les étoiles meurent par la flèche de mes griffes, Que leurs lumières sombrent dans le ventre du serpent !" Depuis ce jour, les étoiles se consument avant leur apparition et les villageois à la tombée du clair-obscur, invoquent le Grand Esprit pour que la voûte céleste revive de nouveau... Le Grand Manitou fier du clan " l'Esprit de nuit" par leur combat contre le mal, envoie sa fille tous les soirs baigner le village du scintillement d'une pluie étoilée ! Et ce petit peuple, n'oubliant jamais les ténèbres que lui fit subirent le noir sorcier, reçu le plus beau cadeau que "L'esprit de la nature" puissent offrir "Aux Marches sur Terre"... Les Étoiles "Enfants de la Lune", la Vie tout simplement...



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La légende de la Licorne

D'où nous vient cet animal mythique et médiéval, est-ce une réminiscence de la Chimère grecque, monstre à la fois lion et serpent, à corps de chèvre et qui aurait été tué par le héros Bellerophon sur son cheval Pégase. Est-ce une vue de l'esprit ayant pour origine le rhinocéros vivant dans le mythique royaume du Prêtre Jean (qui se serait trouvé quelque part entre l'Inde et l'Ethiopie...) Toujours est-il qu'à cette époque médiévale, la croyance populaire affirmait que la Licorne était un superbe cheval blanc, possédant parfois une tête de cerf, tandis que ses pattes étaient celle d'une chèvre ou d'un bouc avec les sabots assortis (nombreux sont ceux affirmant l'avoir vue !).  La particularité essentielle de cet animal était la corne unique et torsadée qui ornait son front. On disait d'elle : " C'est le plus bel animal, le plus fier, le plus terrible et le plus doux de la terre..." Des auteurs médiévaux assurent également qu'elle était cruelle et redoutable et que personne ne pouvait la tuer, ni la capturer vivante, hormis une vierge pure, car la bête venait se réfugier dans son giron (entre ses jambes !) et s'endormait... Alors le chasseur, le Chevalier pouvait la tuer. Elle pouvait être féroce, on la représente combattant le lion, symbole de la force (aussi symbole alchimique). Sa corne était très recherchée (cadeau royal à Charlemagne par exemple !) en effet elle servait d'antidote aux poisons, elle était censée purifier l'eau, et réduite en poudre elle guérissait toutes les blessures... De nombreux guerriers partaient au combat avec un bout de Licorne dans leurs fontes, fragment acheté fort cher chez un homme de l'art, sorcier, aphoticaire... (salut à toi Honorius !)  Il faudra attendre le XVIII siècle pour qu'enfin on découvre que la fameuse corne n'était rien d'autre qu'une corne de Narval, aussi nommé Licorne de mer ! Reste une belle légende... Et qui sait peut être une réalité d'un autre monde, celui du petit peuple et des animaux légendaires, qui sont retournés de l'autre coté du miroir... Loin de notre monde incrédule...

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Félicia la petite fée sans pouvoir

Par un bel après midi d'été un petit lutin malin se baladait tout près d'une
forêt enchantée. Il souriait à la vie en écoutant les oiseaux chantés, lorsqu'il
entendit un gémissement. C'était Félicia, une petite fée, qui pleurait à chaudes
larmes. Il s'approcha :
- « Mais pourquoi pleures-tu petite fée ? », demanda-t-il.
- « Je suis désespérée, j'ai perdue tous mes pouvoirs magiques », dit la Félicia en sanglotant.
- « Comment est-ce arrivé ? »
- « Je n'en sais rien, en fait, ce matin un Troll m'a demandé d'exhausser l'un de ses vœux et je n'ai pas pu le réaliser ».
- « Et quel était ce vœu ? », dit le lutin.
- Il voulait devenir le Troll le plus puissant et le plus riche de la montagne noire, et au moment d'exhausser son vœu rien ne s'est passé », dit la petite se mettant à pleurer de plus belle.
- « Ne t'inquiète pas petite Fée. Tu as de la chance, nous sommes à l'orée de la Forêt enchantée. On dit qu'une balade dans ces bois éclaire les esprits. Nous allons y entrer et essayer de trouver pourquoi tu as perdu tes pouvoirs. »

Félicia et le lutin malin entrèrent dans la forêt. Après quelques minutes de marches, ils furent interpellés par des craquements et une voix très grave.

- « Bonjour les amis », dit un grand chêne.
- « Bonjour Monsieur le chêne », répondirent-ils.
- « Que faites vous ici ? »
- « Je suis à la recherche de mes pouvoirs », dit timidement Félicia.
- « Pour trouver tes pouvoirs tu dois savoir d'où tu viens? » dit le grand chêne avant de redevenir un simple bout de bois.

Les deux amis restèrent un moment sans parler et puis le lutin malin demanda :

- « Eh bien Félicia ! Répond à la question. D'où viens-tu ? »
Félicia commença doucement :
- « Je viens des plaines dorées situées de l'autre côté de la montagne noire. Là d'où je viens les gens s'entraident, nous partageons nos biens, nous vivons en communauté. Mes parents sont des êtres formidables qui m'ont donné tout l'amour dont j'avais besoin. »

Ils marchaient en direction d'un lac où ils s'arrêtèrent pour continuer la conversation.

- « Tu as énormément de chance, Félicia d'avoir eu une vie si remplie d'amour », dit le lutin.
- « Oui tu as bien raison », dit une voix venue du fond du lac.
- « Mais qui est-ce? », s'étonna Félicia.
- « C'est moi la dame du Lac. »

Les deux amis se penchèrent au dessus de l'eau et virent un visage qui leur souriait.

- « Bonjour les amis, que faites-vous ici ? »
- « Je suis à la recherche de mes pouvoirs », répéta Félicia.
- « Pour trouver tes pouvoirs tu dois savoir qui tu es? » dit la voix du lac.

Félicia qui regardait toujours le fond du lac vit peu à peu le visage de la dame disparaître pour laisser place à sa propre image. Le lutin malin qui prenait plaisir à connaître sa jeune amie, lui demanda :
- « C'est vrai qui es-tu ? »
- « Je suis une fée qui en temps normal a des pouvoirs magiques. »
- « Oui mais encore, Félicia, qu'est ce qui te caractérise, quelles sont tes qualités et tes défauts », demanda le lutin.
- « Je suis prévenante, j'aime bien rendre service, aider les gens les rendre heureux. Je manque parfois de confiance en moi »

Ils arrivaient à la sortie du bois, Félicia découragée dit : « Nous voilà à la sortie du bois et je n'ai toujours pas retrouvés mes pouvoirs.

A ce moment le vent souffla :
- « Que cherches-tu ? Pour trouver la réponse écoute ton cœur. »

Le lutin malin, lui dit :
- « Répond à la question que te souffle le vent. »
- « Je chercher à retrouver mes pouvoirs. »
- « Mais pourquoi les cherches-tu ? », insista le lutin malin.
- « Pour pouvoir aider les gens ... »
- « Eh bien voilà, jolie Félicia, je crois moi que tu n'as pas perdu tes pouvoirs qu'ils ont toujours été en toi ! »
- « Ah bon mais comment se fait-il, que je n'ai pas pu aider le troll alors ? »
- « N'as-tu pas compris chère fée, Ton don dois servir à aider les autres à leur apporter bonheur et amour. Le Troll n'avait tout simplement pas besoin de toute cette puissance et de tout cet argent. »
- « Je te remercie, mon cher lutin malin, sans toi, je n'aurais pas compris. Tu sais petit lutin, toi aussi tu as un don, tu m'as aidé à retrouver mes pouvoirs magiques.

Les nouveaux amis sortirent de la forêt main dans la main, ils savaient maintenant que l'essentiel était de croire en soi pour que tout deviennent possible.

bunni


Merlin l'enchanteur

Sans Merlin, aucune des aventures de la Table Ronde n'aurait été possible. Et Merlin lui-même n'aurait pas existé si le Diable n'avait décidé un jour de jouer un mauvais tour aux mortels. Pour cela, ayant pris forme humaine, il vint sur Terre et parvint à se faire aimer d'une fille naïve et belle. Puis il disparut sans laisser d'adresse...

Quel ne fut pas l'effroi de la pauvrette quand elle découvrit qu'elle allait être mère! Elle ne pouvait révéler le nom du père de l'enfant, l'ignorant elle-même : Elle fut donc condamnée à mort, comme l'exigeaient les lois de son temps. Pourtant, les juges décidèrent de sauver l'enfant qui, somme toute, était innocent. Aussi enfermèrent-ils la jeune fille dans une tour où elle attendit le moment de l'accouchement. Enfin le nouveau-né vint au monde. Ce garçon vigoureux fut prénommé Merlin. Mais il était velu à faire peur, si bien qu'aucune nourrice ne voulut l'allaiter. On le laissa quelque temps à la pauvre mère, puis vint le sinistre jour où les bourreaux voulurent exécuter la sentence.

Ce fut alors que se produisit le premier prodige : Merlin, qui n'avait jusque-là émis que des vagissements bruyants, mais tout à fait ordinaires vu son âge, pris la parole et, devant les bourreaux stupéfaits, défendit sa mère avec éloquence. Peu après, tous deux quittèrent la prison sains et saufs.

Durant sept années, Merlin grandit auprès de sa mère, étonnant son entourage en révélant de nouveaux talents prodigieux tels que le don de lire dans la pensée d'autrui ou celui de prédire l'avenir. Son jeu préféré consistait à se métamorphoser en un clin d'oeil sous les yeux ébahis de ses compagnons.
Tout ceci se passait en Bretagne la Bleue, aujourd'hui appelée Grande-Bretagne, où régnait Vortigern, un ancien sénéchal qui avait usurpé le pouvoir à la mort du roi Constant. Pour cela, il avait dû se débarrasser des deux héritiers légitimes du trône, Moine et Uter Pendragon. Il avait bien réussi à tuer l'aîné, Moine, mais le cadet lui avait échappé pour se réfugier sur le continent.

Vortigern l'usurpateur vécut alors dans la hantise du retour d'Uter Pendragon et décida de faire construire une tour imprenable pour s'y réfugier en cas d'alerte. Mais, curieux sortilège, le chantier ne progressait pas, car la tour s'écroulait dès qu'elle atteignait une certaine hauteur. Consultés, les devins du royaume ordonnèrent de mêler au mortier le sang d'un enfant né sans père et âgé de sept ans. Aussitôt, des valets d'armes partirent à la recherche d'un tel enfant.

En traversant un village, ils entendirent deux garçon se quereller avec virulence, et l'un criait à l'autre: « Né sans père, tu n'es qu'un né sans père! » C'était bien sûr Merlin qui, ayant deviné les intention de Votigern, s'était arrangé pour se faire insulter de la sorte devant ses émissaires.

Mais, pour ne pas être tué sur-le-champ, il demanda à être conduit au palais pour faire d'importantes révélation au roi. Il apprit en effet à Vortigern que deux dragons logeaient sous terre à l'emplacement de la future tour et que celle-ci s'écroulait à chacun de leur mouvements.

Beaucoup, et les devins les premiers, ricanèrent en écoutant cet enfant qui prétendait en savoir si long sur le mystère de la tour. Mais le roi ordonna de creuser le sol, et, à la surprise générale, on y découvrit deux dragons endormis, l'un rouge et l'autre blanc, qui, aussitôt réveillés, se jetèrent férocement l'un sur l'autre en crachant des flammes. Pour finir le dragon brûla mortellement le rouge, avant de succomber à son tour à ses blessures.

Alors, Merlin expliqua au roi le sens de ce combat symbolique, qui préfigurait un affrontement prochain entre Vortigern et Uter Pendragon. Effectivement, celui-ci débarqua quelques jours plus tard, obtint le ralliement de la population et incendia une forteresse où Vortigern s'était retranché : l'usurpateur, comme le dragon rouge, périt dans les flammes.

Uter monta sur le trône et Merlin fut pour lui une sorte de conseiller, l'aidant par des enchantements à repousser les invasions ennemies. Mais Uter Pendragon devint brusquement triste et perdit tout courage. Pris d'un fol amour pour dame Ygerne, l'épouse du duc de Tintagel, il en avait perdu le sommeil. Pour l'aider, Merlin lui donna pendant quelques heures l'apparence du mari, et Ygerne put recevoir le roi sans le savoir. De cette rencontre décisive naquit Arthur, le célèbre roi de la Table Ronde.

     

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Les petites naïades


Dans la forêt immense et verdoyante d'une région inconnue du bout du monde coulait une rivière sans fin. La légende disait qu'elle traversait des mondes différents les uns des autres où vivaient des créatures fantastiques. D'ailleurs personne ne savait où se trouvait vraiment le passage qui menait de l'autre côté, il semblerait que certaines personnes s'y soient retrouvées sans le vouloir mais n'en étaient jamais revenues. Était-ce leur choix ou n'avaient elles pas pu faire demi tour ? personne ne pouvait répondre à cette question. C'était un des grands mystères de la forêt.

Un parmi tant d'autres...car elle était habitée par des elfes, des fées, mais aussi des petits lutins, diablotins ainsi que d'autres occupants tous aussi surprenants et différents les uns que les autres. Tous faisaient en sorte de ne pas se croiser le long des chemins, c'était le prix à payer pour vivre en paix. Et cela marchait plutôt bien jusqu'à...l'arrivée de Marina et Océane.

Nul n'aurait pu imaginer que deux si petites créatures puissent bouleverser à ce point la tranquillité d'une forêt aussi immense que la forêt magique comme tout le monde l'appelait.

Marina et Océane étaient deux petites naïades. Deux jeunes filles extrêmement belles et gracieuses qui vivaient au bord de l'eau et même pour ainsi dire dans l'eau car elles y passaient la plus grande partie de la journée. Mais ce qui faisait la particularité de ces deux naïades c'est qu'elles n'étaient pas plus grandes qu'un doigt. Petites de taille mais curieuses de tout et d'une très grande intelligence.

Elles étaient amies depuis...depuis...elles ne le savaient plus ! car elles s'étaient toujours connues. Les naïades avaient une durée de vie si longue qu'elle leur semblait éternelle. Elles passaient tout leur temps ensemble mais quelque fois le temps était long et il leur fallait trouver de nouvelles passions pour les occuper et cela la forêt magique n'en manquait pas. Chaque jour elles découvraient quelque chose de nouveau et cela les enthousiasmait toujours autant.

Marina et Océane s'entendaient comme les deux doigts de la main, jamais une dispute, aucun nuage n'avait assombri leur belle amitié et aucune des deux n'auraient pu envisager vivre sans l'autre et pourtant...La forêt leur réservait des surprises que jamais elles n'auraient pu imaginer.

En cet après midi de printemps le soleil est généreux et réchauffe de ses rayons toute la forêt magique et ses alentours. Marina et Océane barbotent joyeusement dans le creux d'une feuille de nénuphar et s'arrosent à tour de rôle en poussant des cris a faire frissonner la forêt toute entière. Après leur bain elles s'allongent gracieusement sur les pétales d'une marguerite sauvage pour s'y faire sécher.

Alors qu'elles profitent de la chaleur bienfaitrice de la fin de journée, un bruit étrange les fait bondir Inquiètes elles se rapprochent l'une de l'autre sachant qu'en cas de danger elles seront plus fortes à deux car les dangers dans la forêt ça ne manquent pas ! Elles se regardent et, sans parler car les naïades ont le don de télépathie, elles décident de découvrir ce qui a bien pu provoquer ce bruit.

A peine ont-elles fait trois pas qu'un énorme animal se déplace en les frôlant. Elles en tremblent de peur d'autant plus que le souffle tiède de son passage les a projetées à plusieurs mètres de l'endroit où elles se trouvaient. Elles sont complètement tétanisées et ne peuvent plus bouger ni l'une ni l'autre. Jamais elles n'ont vu pareil animal dans la forêt magique ! il était aussi grand qu'un arbre ! c'est vraiment étrange. Pensent les deux naïades en se consultant par la pensée.

Océane qui avait des cheveux aussi rouges que les pétales de coquelicots qui entouraient sa taille minuscule dit à Marina :
- As tu vu dans quelle direction il allait?
- Non, j'ai eu tellement peur que je me suis cachée sous une feuille ! lui répond son amie encore toute tremblante.

Marina était aussi peureuse que son amie était téméraire. Des deux c'était toujours Océane qui prenait les décisions et Marina lui faisait entièrement confiance se laissant guider aveuglément. Océane n'avait peur de rien et était toujours partante pour de nouvelles aventures au grand désespoir de Marina qui serait bien restée à longueur de journée à paresser au soleil. Mais toutes deux s'adoraient et se complétaient et ne pouvaient pas imaginer de vivre l'une sans l'autre.
- Marina, il faut découvrir quel est cet animal ! s'écrie Océane, déterminée.
- Mais puisqu'il est parti...autant ne plus s'en occuper...réplique timidement Marina.
- Je te reconnais bien là ! dit la petite naïade les mains posées sur les hanches. Alors tu préfères ignorer ce qui va peut être devenir un danger pour toute la forêt plutôt que de savoir ce que c'est et préparer ainsi notre défense ?
- Heu...non ! non ! pas du tout ! je me disais simplement que l'on pourrait peut être prendre nos cliques et nos claques et s'enfuir aussi vite que l'on pourra de cet endroit maléfique ! Mais si je dis cela c'est aussi pour notre protection évidemment.
-Bien sûr...évidemment...et puis quoi encore ? s'énerve d'un seul coup Océane, tu préfères attendre que ce monstre nous dévore toutes crues sans savoir de qui il s'agit ?

Mais avant que Marina n'ait le temps de répondre un coup de tonnerre fracassant vient briser le silence qui les entoure. Et ce qu'elles découvrent les laisse sans voix... Quatre énormes pattes poilues passent près d'elles. Cet animal est immense, très haut et a une démarche de félin. Elles lèvent les yeux et découvrent qu'il a des yeux énormes et vert émeraudes. Elles ont l'impression qu'un château se déplace, c'est vraiment effrayant pour elles qui sont si petites.
Mais Océane ne perd pas le nord et attrape Marina par la main pour l'entraîner malgré elle à la poursuite du monstre. Mais alors qu'elles s'approchent de celui ci, sans vraiment pouvoir déterminer ce qu'il est exactement, celui ci disparaît comme il est venu sous les yeux étonnés des deux petites naïades.

- Alors ça c'est incroyable ! dit Océane. Tu as vu ça ? dit elle encore en se tournant vers son amie.
- Non, lui répond celle ci, j'avais les yeux fermés ! j'avais trop peur, j'ai préféré ne pas regarder !
- Tu veux dire que tu as couru les yeux fermés ? lui demande Océane.
- Et bien oui...lui répond-elle légèrement gênée.

Elles se regardent toutes les deux et ne peuvent s'empêcher d'éclater de rire. Un rire cristallin qui s'entend à des lieux alentours, ce qui est surprenant vu leur petite taille. C'est un des pouvoirs cachés des naïades.
Ces demoiselles bien que minuscules sont dotées de pouvoirs surnaturels. Elles sont par exemple capable de voler si le besoin s'en fait ressentir en déployant deux ailes invisibles à l'œil nu. Elle peuvent ainsi voler à une vitesse qui dépasse l'entendement. Elle ont aussi une force extraordinaire. Cela n'est qu'un petit aperçu de ce que l'on connaît d'elles car elles-mêmes ne connaissent pas l'étendue de leurs pouvoirs et sont bien souvent surprises d'accomplir des choses dont elles ne seraient jamais crues capables.

Surprise de la disparition aussi soudaine qu'inattendue du monstre les deux amies regardent partout autour d'elles.
- Un animal de cette grandeur ne peut pas disparaître comme ça !! il doit y avoir une sortie quelque part ou je ne sais quoi ! s'interroge Océane.

Pendant ce temps Marina commence à s'éloigner s'agitant dans tous les sens et en appelant son amie de toujours :
- Et bien s'il a disparu c'est tant mieux pour tout le monde ! au moins le problème est réglé !! dit elle joyeuse.

Mais Océane ne l'entend pas de cette oreille et rappelle énergiquement son amie.
- Qui te dit qu'il ne va pas réapparaître juste à l'endroit où tu te trouves en ce moment ?

Elle n'a pas fini sa phrase que Marina revient près de son amie aussi vite qu'elle est partie. Alors commence une inspection minutieuse des lieux.
- Il a disparu alors qu'il passait derrière cette rangée d'arbres millénaires, explique Océane.
- Peut être est-il derrière caché dans un buisson ? demande Marina.
- Dans son cas c'est une forêt qu'il faudrait pour le cacher Marina, tu as vu sa taille ?

Elles regardent partout, en bas, en haut, derrière chaque arbre pour repérer des traces du passage de ce monstre et au bout d'un moment...
- Je n'avais jamais remarqué qu'il il y avait un précipice à cet endroit ! dit Marina.

Océane réfléchit et décide de survoler l'endroit car il lui semble qu'en hauteur il leur sera bien plus facile de découvrir quelques indices. A ce moment là elles s'élèvent à la verticale dans les airs et peuvent visualiser la forêt de la cime des arbres et ce qu'elles voient est impressionnant. Ce que Marina a prit pour un précipice est en fait une empreinte de patte et quelle patte !!! elle est énorme !

Mais elles ne sont pas au bout de leurs surprises car au même moment l' animal gigantesque réapparaît comme par enchantement et à leur grande étonnement cet animal est un... chat, un énorme chat qui se met a miauler si fort que les arbres sont secoués de toutes leurs branches, un feu d'artifice provenant de la vallée des fées s'élève dans le ciel tandis que des boules de fumées noires comme du charbon éclatent de toutes parts, dirigées par les diablotins. C'est la panique dans la forêt magique, le chat écrase tout sur son passage et personne n'a le temps de réagir. Résultat : Les fées désorientées se retrouvent chez les diablotins tandis que ces derniers se réfugient chez les elfes. C'est la grande cohue dans la forêt magique et plus personne ne sait où il habite.

Marina et Océane se regardent stupéfaites et se demandent que faire, mais alors qu'elles observent l'animal de leur hauteur un phénomène incroyable se produit, le chat disparaît de nouveau mais progressivement, d'abord la tête puis l'avant de son corps et l'arrière train, puis la queue comme si celui ci venait de franchir un mur invisible.

Sans plus réfléchir Océane descend en piquet afin de suivre l'animal:
- Suis moi Marina! Il faut découvrir ce qui se cache de l'autre côté!

Mais dans sa course folle elle ne s'aperçoit pas que son amie effrayée est toujours suspendue dans les airs. Elle se précipite sans se retourner pour traverser un immense mur de vibration électrique jaune orangée, Le choc est si violent qu'elle en perd connaissance...

Marina quant à elle, est complètement pétrifiée. Elle voit son amie disparaître sous ses yeux sans pouvoir y faire quoi que ce soit et dans le même temps la forêt s'immobilise petit à petit. Chaque branche d'arbre, chaque brin d'herbe, chaque fleur se figent d'un seul coup. La forêt toute entière semble perdre le souffle de la vie.

Que se passe-t-il? se demande Marina qui est la seule à n'être pas atteinte par cette immobilisation générale, toute à son désespoir et encore suspendue au dessus de la forêt .

Marina se pose sur le sol complètement déboussolée, Elle regarde tout autour d'elle, plus rien ne bouge, il règne un silence total, pas un bruit, pas un chant d'oiseau, même le bruissement de l'eau n'existe plus. Mais que se passe-t-il? Pense-t-elle, que vais je devenir sans Océane? Si elle était là elle saurait quoi faire! C'est toujours elle qui prend les décisions d'habitude. Elle s'approche malgré sa peur de l'endroit où son amie a disparu. Un immense mur électrique s'élève à l'infini et s'étend au delà de la forêt.

Elle se demande qui pourrait bien l'aider, mais elle se rend vite compte en survolant la forêt magique qu'il n'y a plus âme qui vive. Elle se souvient d'un seul coup qu'il n'y a sans doute qu' une seule créature qui n'a sans doute pas changé, c'est mama la roche éternelle. Mama était là avant même l'existence de la forêt, elle pourrait sans doute l'aider. Marina décide donc d'aller la voir sur le champ et alors même qu'elle le pense, sans s'y attendre elle se retrouve près d'elle. Jamais elle n'avait fait cette expérience auparavant.

Mama est plus qu'une simple roche comme son nom l'indique, c'est une montagne qui héberge toutes sortes de vies. Petits animaux magiques tels que les mandalinos des petits écureuils dotés d'ailes qui peuvent voler comme les oiseaux ou bien encore les piplettes , de minuscules lutins qui parlent sans cesse à tous ceux qui les croisent et qui finissent par les endormir debout. Sans parler des toudoux petites créatures toutes rondes et blanches semblables à des peluches toutes douces qui chantent à longueur de journée.

Mais surtout mama est la montagne de la sagesse. Elle aide, réconforte et soutient chaque être de la forêt qui a besoin d'elle sans exception. De plus elle parle à chacun des ses habitants sans que ceux ci ne se déplacent forcément près d'elle. Elle communique par télépathie et c'est sans doute pour cette raison que Marina s'est retrouvée près d'elle lorsqu'elle en a eu besoin.
- Mama j'ai besoin de toi! s'écrie Marina vers la montagne.
- Je le sais Marina, ton amie a disparu et toute la forêt est figée. La porte d'un autre monde s'est ouverte. C'est votre rire à toutes les deux qui a déclenché la vibration électrique et magnétique assez puissante pour qu'une fissure se crée dans l'espace temps.
- Mais Mama, dit Marina, nous rions toujours toutes les deux et cela depuis longtemps! Comment est-ce possible?
- Simplement parce que la coïncidence a fait que vous vous trouviez à l'endroit même de l'intersection invisible de deux mondes, cela est très rare, mais ça arrive, il y a de nombreux endroits comme ceux là dans la forêt magique et c'est pour cela que des êtres disparaissent quelquefois, néanmoins aucun n'a pu en revenir.
- Mais toi Mama, tu sais comment faire n'est-ce pas pour remédier à ça ? et aussi comment faire revivre la forêt ? implore la petite naïade.
- Il existe une solution mais elle est risquée et les conséquences sont irréversibles, explique Mama.
-Je suis prête à tout pour retrouver mon amie et rendre la vie et la gaieté à notre forêt, répond Marina.
- Alors il va te falloir prendre un morceau de ma roche, puis la jeter à l'endroit même où Océane a disparu. A ce moment là il te suffira de t'engouffrer dans la brèche qui va s'ouvrir. Celle ci ne le restera que quelques secondes, c'est le temps qu'il te faudra pour retrouver ton amie et la ramener. Une fissure ne s'ouvre qu'une seule fois vers un autre monde et se referme ensuite pour l'éternité.
- Mais si je ne reviens pas à temps? demande Marina.
- Alors tu resteras coincée de l'autre côté, pour toujours, conclut Mama.
- Mais qu'y a-t-il de l'autre côté ? interroge encore la petite naïade.
- Nul ne le sait, pas même moi! C'est le risque à prendre pour retrouver ton amie! À toi de prendre ta décision.

Marina n'a pas besoin de réfléchir, sa décision est immédiate. Elle se saisit d'un morceau de roche, puis s'envole vers le lieu maudit, source de tous les problèmes, bien déterminée à en finir une fois pour toutes quoi qu'il arrive. Arrivée à l'endroit du passage dans un autre monde Marina lance de toutes ses forces la petite roche éternelle dans le mur étincelant de lumières jaunes et orangées.
A ce moment là un immense éclair blanc fracasse le mur électrique qui se sépare en deux. N'écoutant que son courage, Marina se précipite sans réfléchir dans la brèche et perd à son tour connaissance.

Combien de temps s'est-il écoulé, nul ne le sait! Mais lorsque Marina ouvre à nouveau les yeux la première personne qu'elle voit est son amie Océane.
- Tu as oublié notre bain de minuit? lui demande celle-ci.

Marina n'en croit pas ses yeux, son amie est là, devant elle! Elle s'élance et la prend dans ses bras:
- Océane! Que c'est bon de te retrouver, j'ai eu tellement peur de te perdre pour toujours!
- De quoi parles-tu voyons! Et d'abord que deviendrais-tu sans moi ? Je me le demande ! lui dit Océane.
- Mais je parle du mur invisible qui sépare nos deux monde et puis de ton passage de l'autre côté et puis le monstre que nous avons vu et que tu as suivi, enfin tu sais bien ? Et où sommes-nous? Vite, vite il faut partir sinon la brèche va se refermer!s'écrit Marina complètement affolée.
- Calmes-toi marina, tout cela est seulement dans ton imagination. Il n'y a pas de brèche, ni de monstre! Le seul petit monstre que nous ayons c'est mininou! Alors là c'est vrai que ce chaton lilliputien ne fait que des bêtises et nous fait tourner en rond, mais il est vraiment adorable. De plus tu as dormi tout l'après midi au soleil, paresseuse que tu es.
-J'ai dormi tout l'après midi? s'exclame Marina étonnée.
-Oui et crois moi un bon bain de minuit te feras le plus grand bien, j'en suis sure ! lui répond Océane.

Marina ne sait plus quoi penser, tout cela la laisse perplexe, mais elle regarde tout autour d'elle et effectivement, rien a changé, elle a bel et bien rêvé! Elle pousse un grand soupir de soulagement.

La voyant réagir comme ça, Océane se met à rire ; Marina d'un seul coup inquiète attrape son amie par la main et sans crier gare s'envole loin, très loin dans le ciel.

Alors qu' Océane surprise lui demande ce qui lui prend tout à coup, celle ci lui répond simplement que pour une fois elle a envie de prendre des initiatives et désire se baigner dans la grande fontaine argentée située a quelques kilomètres de là.
- De plus, ce lieu ne me plait pas beaucoup, j'ai envie de changer d'endroit ! dit Marina.

Surprise de la détermination de son amie, Océane ne la contredit pas et lui répond simplement :
- Eh bien en route pour la fontaine argentée, ça fait longtemps que nous n'y sommes pas allées!

Sur ces paroles Océane prend son élan et précède Marina. Avant de suivre son amie, marina se retourne pour regarder derrière elle, car avant de s'envoler, il lui a semblé entendre un bruit...

De loin elle aperçoit un énorme chat qui semble chercher sa route, puis il disparaît comme il est venu. Un grand éclair blanc déchire le ciel puis se referme en libérant une lumière jaune orangée. Puis tout disparaît, tout redevient normal. Elle jette un dernier regard pour s'assurer que tout va bien dans la forêt magique.

Tout est parfait, un rire de plus et le pire serait arrivé. Heureusement ce rêve l'a averti du danger à temps, car les naïades ont aussi le don de voir les évènements avant qu'ils ne se produisent.

Elle a au moins découvert une chose : le courage n'est pas de faire n'importe quoi au mauvais moment et pour de mauvaises raisons. La témérité n'a rien à voir avec le courage puisque le risque n'est pas calculé à l'avance et que le téméraire agit sans réfléchir. Le vrai courage est de prendre un risque en toutes connaissances de cause et cela elle n'aurait pas hésité à le faire pour son amie et pour la forêt qu'elle aime tant.


Alors qu'importe ce que l'on peut bien penser d'elle, car elle sait au fond d'elle même qu'elle a assez de ressources et de courage pour venir en aide à son amie en cas de besoin et c'est tout ce qui compte.

                                                         .............Fin

bunni


La dame aux chapeaux

Elle aimait qu'on l'appelle ainsi, portant avec l'élégance des ses quatre vingt printemps de jolis chapeaux qu'elle choisissait avec coquetterie afin qu'ils soient assortis à ses tenues. Elle avait la légèreté et l'insouciance d'une jeune fille à certains moments et cela en agaçait plus d'un. Marie-Ange avait hérité de l'accent chantant de ses origines nord africaine et de la faculté d'inonder ceux qui l'entouraient du soleil qu'elle avait au fond du cœur. Elle aimait chanter et sa voix envoûtante en avait conquis plus d'un. Elle allait tous les jours à la même heure s'asseoir sur un petit banc de bois sous un grand chêne qui la rafraîchissait de son ombre bienfaisante au plus fort de l'été. Elle attendait patiemment on ne sait quoi, on ne sait qui jusqu'à ce que son visage s'éclaire d'un seul coup et qu'elle engage une conversation avec un interlocuteur invisible. Alors tout s'animait, ses mains parlaient pour elle, son sourire et son rire cristallin ainsi que ses chants qui n'en finissaient pas de charmer ceux qui, par le plus grand des hasards, passaient par là. C'était devenu un rituel et pour rien au monde Marie-Ange ne l'aurait manqué.

Ce rendez-vous peu ordinaire inquiéta fortement sa fille Sarah qui, il faut bien le dire, n'avait jamais partagé quoi que ce soit avec sa mère. Elles étaient tellement différentes toutes les deux. Sarah était cartésienne et il n'y avait pas de place dans sa vie pour le rêve ou la fantaisie. Quant aux arts quels qu'ils soient, elle n'y avait jamais pensé. Seule sa vie routinière comptait , une vie bien tracée, métro, boulot, dodo et calculée à la seconde près . Sa mère lui avait bien souvent semblé inconséquente voir même irresponsable de par sa façon de voir les choses de la vie. La vie, la mort, rien avant, rien après, un début et une fin, c'est tout. Voilà comment Sarah concevait les choses. Elle voyait bien souvent sa mère froncer les sourcils lorsqu'elle en parlait de cette manière mais elle faisait comme si de rien n'était, comme pour le reste d'ailleurs. Sa mère avait des rêves de petites filles ni plus ni moins, c'est ce qu'elle en avait conclu.

Marie-Ange avait un regard tout autre sur la vie et l'après vie. Pour elle il n'y avait pas de début ni de fin mais une boucle à jamais inachevée et un éternel recommencement. Elle n'en avait pas une vision restreinte mais beaucoup plus large et intemporelle. Elle n'aurait pas su dire pourquoi ni comment mais elle le savait tout simplement. Marie-Ange aimait méditer pendant des heures parfois au grand dam de sa fille qui ne comprenait pas que l'on puisse perdre son temps à ce point là. Il y avait tant de choses a faire ! lui disait-elle '' et toi tu restes là a attendre que ça se passe ! '' ajoutait-elle souvent en colère. Pourtant Marie-Ange n'avait pas la sensation de perdre son temps et il lui semblait même que c'était le contraire. Ne lui fallait-il pas se connaître et se comprendre elle-même pour comprendre le monde ?

Mais quand elle tentait de l'expliquer à sa fille, celle-ci la regardait avec de grands yeux étonnés et ne savait que lui répondre. Il y avait un énorme gouffre d'incompréhension entre elles deux et elles devenaient comme des étrangères un peu plus chaque jour.

Très soucieuse pour sa mère, Sarah décida de la suivre discrètement afin de découvrir l'auteur de ces fameux rendez-vous. Alors elle se cacha derrière un buisson et attendit patiemment. Elle fut bien déçue de ne rien voir venir, pourtant il lui semblait que sa mère s'agitait comme si elle était en grande conversation... alors elle s'approcha, ne résistant pas à l'envie de savoir à qui elle parlait mais la trouva seule. Sortant de sa cachette elle demanda subitement:

- mais à qui parlais-tu donc ?

- à ta grand-mère, lui répondit Marie-Ange le plus naturellement du monde avec le sourire.

Déconcertée par sa réponse Sarah lui dit avec arrogance:

- qu'est-ce que tu racontes voyons maman ? tu dis vraiment n'importe quoi ! on ne peut pas parler à quelqu'un qui n'est plus, lui dit Sarah forte de ses certitudes, grand-mère nous a quitté depuis longtemps déjà et tu es en train de parler dans le vide !

- elle a quitté notre monde, ajoute Marie-Ange mais elle m'attend dans l'autre et c'est de là qu'elle me parle, lui répond Marie-Ange avec un aplomb que sa fille ne lui connaissait pas. Et puis il n'y a pas que ta grand-mère qui me parle il y a d'autres personnes aussi.

Sarah très embarrassée et ne voulant pas engager une conversation à son avis stérile, lui dit soudain:

- il faut rentrer maintenant, il se fait tard, je te raccompagne,.

Marie-Ange ne répond rien, elle se lève péniblement et regarde tristement sa fille. Dans son regard il y a tout le désespoir de l'amour et de l'incompréhension. Elle avance difficilement et ses jambes lui semblent plus lourdes que d'habitude. Pour la première fois le chemin qu'elle parcourt chaque jour avec tant de plaisir devient une souffrance. Elle regarde autour d'elle et tout devient sombre et flou. Elle se sent étrangère d'un seul coup et se demande ce qu'elle fait là puis tout s'écroule. Elle a la sensation de tomber dans un puits sans fond pourtant elle n'a pas peur. Soudain elle aperçoit des silhouettes qui l'attendent en lui ouvrant les bras. Tout est lumière et apaisement et c'est avec un soulagement profond qu'elle retrouve tous ceux qu'elle a aimé. Elle quittait sans regrets ce monde dans lequel elle n'avait plus sa place pour rejoindre celui qu'elle avait déjà maintes fois aperçu.

Pendant ce temps si long et si court à la fois, Sarah prise de panique maintenait comme elle le pouvait sa mère dans ses bras. Prise d'un malaise elle s'était effondrée subitement. Elle se mit à crier de toutes ses forces alertant les gens qui passaient par là et qui téléphonèrent aussitôt aux secours. Une fois sur place le médecin ne put que constater le décès de la dame aux chapeaux.

Sarah était inconsolable de la perte de sa mère qu'elle aimait pourtant mais qu'elle n'avait jamais compris. Elle aussi aurait aimé penser qu'elle la retrouverait lorsque le temps serait venu pour elle de partir vers d'autres cieux mais elle ne croyait en rien. Les mois et les années passèrent depuis cette séparation douloureuse dont Sarah ne s'était jamais remise, pleurant encore le souvenir de sa mère qu'elle voyait différemment au fur et à mesure que le temps passait. Elle revint par nostalgie s'asseoir sur ce petit banc de bois installé sous ce grand chêne qui protégeait autrefois Marie-Ange des rayons brûlants du soleil de l'été. Elle pensait fortement à elle en oubliant totalement ce qu'il pouvait y avoir tout autour jusqu'au jour où il lui sembla l'apercevoir faiblement. La vision se fit plus nette et les traits plus fins. Elle revit la dame aux chapeaux avec son sourire éternel et sa voix cristalline, il lui sembla même l'entendre. Alors elle se surprit à dire :

- maman ? tu es là ?

Et elle vit sa mère sourire avec compassion et amour. A partir de ce moment là, chaque jours de sa vie Sarah vint s'asseoir sur le petit banc de bois et rien au monde n'aurait pu l'en empêcher. Elle avait besoin de ce rendez-vous particulier qui la rapprochait de celle qu'elle avait tant aimé mais qu'elle n'avait jamais compris de son vivant. Elle attendait dorénavant de retrouver ceux qu'elle avait aimés et rien qu'en fermant les yeux elle pouvait déjà les rejoindre. Elle aussi parlait dans le vide aux yeux du monde des vivants et pourtant elle souriait et se mettait à rire souvent sous l'œil étonné des badauds qui se demandaient si elle avait bien toute sa raison.

Qui peut juger au fond de la véracité des convictions de chacun quand celles ci sont tellement ancrées qu'elles en deviennent réalité ? Qui peut dire avec certitude où commence et où s'arrête la vie ? Et qui peut affirmer en toute sincérité n'avoir jamais eu envie de croire que rien ne s'arrête finalement ?

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Par le trou de la serrure

Qui n'a jamais eu envie un jour ou l'autre de regarder par le trou de la serrure ? ...Et si ce que l'on y découvrait ne correspondait en rien à ce que l'on aurait pu imaginer?
Gwendoline allait en faire l'expérience et en garderait un goût amer. Voilà où l'a mené sa curiosité...

C'était un jour de pluie en plein été... Gwendoline âgée de dix ans passait ses grandes vacances chez sa grand mère qui vivait seule depuis longtemps. Son grand-père était allé rejoindre les anges du paradis. Sa grand- mère avait une grande maison, si grande que l'on pouvait s'y perdre. C'était néanmoins un grand bonheur pour la petite fille que de déambuler dans les couloirs et de grimper dans les étages à la découverte de nombreuses pièces inhabitées où s'accumulaient depuis longtemps toutes sortes d'objets plus ou moins hétéroclites. Elle pouvait y passer des heures, curieuse de tout, cherchant dans les moindres recoins de la maison on ne sait quoi ! Il lui semblait que cette maison recelait des trésors cachés qu'elle ne se lassait jamais de chercher. Elle avait accès à toutes les pièces... sauf une... sa grand-mère la lui avait interdite. Malgré ses questions incessantes, Mamie-douce, comme elle l'avait surnommé, ne lui en avait pas donné la raison, c'était comme ça, un point c'est tout ! Il ne fallait pas qu'elle cherche à comprendre... oui mais... cette réponse accentuait la curiosité de Gwendoline qui ne pensait qu'à une seule et unique chose : qu'y avait-il derrière cette porte...

Elle avait surprise de nombreuses fois sa grand-mère sortir de la pièce interdite , puis la refermer à double tours avec une très grosse clé qu'elle enfonçait au fond de sa poche. Non, vraiment ! Il fallait qu'elle sache ! Elle n'en pouvait plus. Elle décida de braver l'interdiction de mamie-douce et de découvrir ce qui se cachait derrière la porte...

Elle retourna le problème dans tous les sens, comment faire pour y entrer ? Sans clé c'était difficile, puis finalement elle en était arrivée à la conclusion qu'elle ne voulait pas forcément y entrer, mais simplement voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Pour cela il n'y avait qu'une solution qui était des plus simples d'ailleurs : regarder par le trou de la serrure...

Alors elle s'approcha prudemment, regardant de tous les côtés de peur d'être prise en faute. Puis elle s'abaissa pour poser son œil sur le trou de la serrure impatiente de découvrir ce que cachait cette pièce. Car elle avait tout imaginé, une ancienne chambre, un grenier encombré de meubles poussiéreux, puis finalement elle s'était dit qu'il n'y avait sans doute rien qui n'en vaille la peine, mais... elle voulait quand même en avoir la certitude.

Alors le moment tant attendu arriva,  elle allait enfin voir ce qu'il y avait derrière cette porte. Au moment où elle s'apprête à poser son œil sur le trou de la serrure, elle voit un petit filet de lumière qui s'en échappe, une lumière blanche très vive. Elle a un mouvement de recul... mais ne peut pas résister à l'envie de savoir. Alors elle pose de nouveau son œil sur le trou de la serrure et enfin elle voit !! mais ce qu'elle voit est étonnant.

Elle ne voit pas une pièce fermée car il lui semble que le derrière de la porte se trouve... au dehors !!! Pourtant il y a le mur de la maison pense-t-elle. Ce qu'elle voit ne ressemble en rien à ce qu'il y a derrière la maison de sa grand-mère... mais qu'est ce que ça veut dire ? Quel est ce lieu ? Une luminosité étrange se dégage de cet endroit, c'est comme dans les contes de fées, cela semble irréel... mais pourtant...
Toute à ses réflexions, Gwendoline ne s'était pas rendue compte qu'une présence se tenait derrière elle et l'observait. Une présence indiscernable à l'œil nu.

Au même moment La porte du bas claque avec fracas la faisant sursauter. Elle se recule rapidement de la porte, puis regarde autour d'elle. Elle entend sa grand-mère monter et se cache alors derrière une vieille commode poussiéreuse. Elle est stupéfaite de ce qu'elle vient de découvrir. Comment est-ce possible ? De quoi s'agit-il? Peut-être est elle en train de rêver. Mais non ! Sa grand-mère arrive et l'appelle:
- Gwendoline ? Où es tu ?
Elle ne répond pas, très embarrassée. Au contraire elle se recroqueville encore plus et si elle pouvait se faire encore plus petite elle le ferait. Sa grand-mère n'insiste pas et finit par partir, au grand soulagement de la petite fille.
Gwendoline sort de sa cachette et s'approche de nouveau de la porte, perplexe. Qu'y a t-il derrière cette porte ? On dirait un autre monde ! Cela lui fait un peu peur, mais sa curiosité prend le dessus. Elle veut encore voir, alors elle s'approche de nouveau puis regarde par le trou de la serrure. Il lui semble apercevoir des silhouettes dont elle ne discerne pas exactement la physionomie. Elles se déplacent en flottant dans les airs, au dessus d'un épais brouillard, si épais qu'on dirait des nuages.

A ce moment là un souffle glacial saisit Gwendoline et ses cheveux voilent ses yeux. Elle se redresse inquiète, ne comprenant pas d'où peut bien provenir cet air glacial en plein été. Elle rejette ses cheveux en arrière, regarde autour d'elle, puis ne voyant rien d'anormal se penche de nouveau pour regarder dans le trou de la serrure... Mais cette fois elle ne voit plus rien ! Que du noir. Elle se relève déçue. Puis elle essaie d'ouvrir la porte, on ne sait jamais... pense-t-elle. Mais au moment où elle pose sa main sur la poignée celle-ci lui brûle les doigts. Elle pousse un cri... qui alerte sa grand-mère qui se précipite dans l'instant à l'étage.
- est-ce que tout va bien ? s'empresse mamie-douce auprès de Gwendoline confuse.
- oui, ça va, lui répond-elle embarrassée.
- il me semble que je t'avais interdit de venir près de cette pièce, lui dit sévèrement sa grand-mère.
- qu'y a-t-il derrière cette porte ? lui demande Gwendoline ignorant la remarque que vient de lui faire sa grand-mère.
- quelque chose qu'il vaut mieux ne pas connaître crois moi !! lui répond celle-ci agacée et visiblement inquiète.
Puis elle entraîne énergiquement la petite fille loin de la porte pour redescendre au rez de chaussée de la maison en ajoutant:
- ne retournes plus jamais devant cette pièce et n'essaies jamais d'y entrer ! Je sais que cela peut te sembler bizarre mais crois en mon expérience, je te dis ça pour ta sécurité.
Sur ces paroles obscures, la grand-mère de Gwendoline s'éloigne laissant la petit fille songeuse et inquiète.

Elle n'a cependant pas l'intention de renoncer aussi facilement, il lui semble qu'il lui faut vraiment découvrir ce qui se cache derrière cette porte. Elle décide d'attendre la nuit pour subtiliser la clé qui lui permettra de lever le mystère qui plane autour de cette pièce.

La nuit venue, Gwendoline se faufile à pas de velours dans la maison endormie. Tout est sombre et silencieux, même inquiétant. Elle regarde autour d'elle et voit des ombres défiler sur les murs. Elle frissonne puis se dit que c'est son imagination qui lui joue des tours. Elle se dirige vers la chambre de sa grand-mère bien déterminée à récupérer la clé qui lui permettra enfin de savoir ce que cache la pièce interdite. Au moment même où elle s'apprête à entrer dans sa chambre, la poignée de la porte se bloque, impossible de l'ouvrir... c'est d'autant plus curieux que cette porte n'a pas de serrure et ne se ferme pas à clé. Elle a la désagréable impression que... quelqu'un l'empêche d'ouvrir la porte. Elle essaie de nouveau, mais rien n'y fait ! Elle renonce et tourne les talons. Elle réfléchit, elle tourne en rond, elle s'énerve puis décide de remonter dans les étages, l'inspiration lui viendra peut être lorsqu'elle sera devant la porte !! il lui faut trouver la solution pour entrer dans cette pièce, cela devient une obsession.

Quelle n'est pas sa surprise de découvrir... la clé sur la porte !! mais elle a quelque chose d'étrange, elle est rouge foncée et une lumière grise s'en dégage émanant une odeur nauséabonde d'un seul coup... Elle s'était déjà aperçue qu'un filet de lumière s'échappait du trou de la serrure, mais elle était différente de celle-ci. Néanmoins Gwendoline semble hypnotisée par cette clé et même attirée. Elle ressent une envie irrésistible de s'emparer d'elle. Il faut qu'elle tourne cette clé, il le faut. Elle fait un pas en avant quand quelque chose d'invisible se met en travers de sa route, elle ne peut plus avancer, mais elle résiste contre cette force. Elle fixe de plus en plus la clé qui semble lui parler et l'appeler, pourtant elle sent quelque chose la repousser vivement en arrière. Une force plus importante encore l'attire vers la porte et d'un seul coup elle est projetée en avant et elle percute celle-ci  si violemment qu'elle s'ouvre sans avoir à tourner la clé...

A ce moment là, à sa grande frayeur, un souffle infernal l'aspire malgré elle, puis elle tombe en tournoyant à une vitesse prodigieuse dans un énorme trou noir. Elle voit défiler autour d'elle tous ceux qu'elle connaît, ses amis, les membres de sa famille dont les images s'envolent dans une poussière multicolore, mais elle continue de tomber de plus en plus vite. Elle se met à hurler de terreur ne sachant comment arrêter cette chute qui n'en finit pas. Plus elle tombe et plus il fait sombre. Elle entend d'un seul coup des plaintes qui s'élèvent autour d'elle, dont elle ne comprend pas l'origine, puis d'un seul coup sa chute stoppe net........

Elle ignore où elle se trouve, mais elle sent que ce qui l'entoure est hostile. Il y règne un silence pesant et oppressant. Elle flotte dans le vide et ne voit rien au-dessus d'elle, ni en-dessous et cela la terrifie. Elle se met à hurler aussi fort qu'elle le peut:
- Mamie-douce !! au secours !! vite viens m'aider !!!
Mais personne ne répond à son appel désespéré, elle reste là à flotter dans le vide, dans ce nulle part, seule dans le silence et elle se met à pleurer toutes les larmes de son corps, regrettant amèrement sa désobéissance.

Pendant ce temps sa grand-mère dormait profondément ne se doutant pas un seul instant que sa petite fille se trouvait dans une situation aussi terrible. La maison restait silencieuse et aucun son ne pouvait s'échapper de la porte interdite... qui s'était refermée toute seule...

Gwendoline arrêta d'hurler, se rendant compte que cela ne servait à rien. Elle attendait dans le noir complet et se demandait comment faire pour se sortir de là, mais elle ne trouvait aucune solution. Quand elle vit un point de lumière tourner autour d'elle... un tout petit point brillant comme un diamant. Immédiatement intriguée et sans savoir pourquoi elle demanda:
- qui es-tu ?
Alors le point s'élargit progressivement, puis s'en dégagea une forme d'abord floue, qui prit de la consistance jusqu'à devenir un être aux traits fins et lumineux. Il émanait de lui une douceur infinie, une grâce hors du commun et un halo de lumière blanche diffuse l'enveloppait complètement.

Gwendoline se sentit en sécurité d'un seul coup. Toutes ses peurs s'envolèrent laissant place à un sentiment curieux . Elle ne connaissait pas cette présence, mais pourtant elle lui semblait familière. La présence lui sourit, ce qui la rassura aussitôt tandis que, sans que ses lèvres ne bougent, elle entendit ce que celle-ci lui disait.
- Pour trouver la porte de sortie il faut que tu remontes au plus profond de tes souvenirs. Ne revis que les bons moments, laisses toi guider par ton cœur et tes bons sentiments. Ne te laisses pas submerger par la colère, ni par la haine ou la rancœur. Penses à ceux que tu aimes et demandes de tout ton être à les rejoindre. La porte s'ouvrira d'elle-même.

Tout se passait dans le regard, aucun mot n'avait été prononcé et pourtant Gwendoline entendait tout ce que lui disait cette présence réconfortante. Elle eut subitement un doute et osa demander:
- Mais si je n'y arrive pas ...que se passera-t-il ?
- Alors tu resteras bloquée dans le puits de l'oubli pour l'éternité, sans que jamais personne ne sache ce qu'il t'est arrivé... lui répondit la voix, puis elle ajouta :
- Je te fais confiance ma petite fille.
Surprise de cette réponse, Gwendoline demanda:
- Pourquoi m'appelles tu ma petite fille ? Serais-tu... mon grand-père ?
- Oui et j'ai essayé à plusieurs reprises de te protéger, mais tu n'as pas fait attention à mes avertissements, lui répond l'être tout en flottant dans le vide.
- Je ne comprends pas ! lui lance Gwendoline, de quels avertissements parles-tu ?
- De l'air glacial que tu as senti te frôler, du souffle qui a ramené tes cheveux devant tes yeux, de la poignée brûlante et enfin de la porte que j'ai bloquée pour t'empêcher de subtiliser la clé de ta grand-mère.
- Mais je n'ai pas eu à prendre la clé de mamie-douce puisqu'elle l'avait oublié sur la porte, lui répond Gwendoline.
- Cette clé n'était pas celle de ta grand-mère, c'était une illusion maléfique pour t'attirer vers la porte. C'est un mauvais esprit qui t'a joué ce tour. D'ailleurs souviens toi ! Tu n'as pas eu à la tourner dans la serrure ! Mais tu t'es approchée si près de cette porte qu'il a été facile pour les mauvais esprits de t'attirer à l'intérieur.
- Mais pourquoi faire une chose pareille ? demande la petite fille.
- Qui sait ? Peut-être simplement pour faire du mal ! Pour s'amuser ! les raisons peuvent être nombreuses et nul ne les connaît exactement. Moi-même je suis en danger ici et je vais devoir partir sinon je risque d'être moi aussi bloqué ici. Saches néanmoins une chose, c'est que je suis toujours là pour veiller sur toi et pour veiller aussi sur ma perle de rose.
- Qui est perle de rose ? demande Gwendoline surprise.
- Perle de rose c'est le petit surnom que je donnais autrefois à ta grand-mère.

C'est alors qu'un souffle foudroyant fait disparaître la présence et la petite fille se retrouve à nouveau seule dans la nuit sombre et silencieuse. Elle se rappelle ce que vient de lui dire son grand-père :se souvenir des bons moments. Alors son imagination s'envole, elle se revoit à toutes les fêtes d'anniversaires entourées de ses parents, de sa sœur, de son petit frère et de tous ses amis. Puis elle revoit tous les noëls , les vacances en famille, tous ces moments de bonheurs que l'on garde toujours en mémoire tout le long d'une vie et qui gardent vivants ses souvenirs d'enfant. Elle se sent le cœur léger, sereine et elle sourit aux anges, oui ! Aux anges !! quand d'un seul coup elle se sent portée délicatement par un souffle léger et délicat, un souffle qui la soulève doucement et progressivement vers une lumière de plus en plus vive et douce à la fois. Elle se sent bien, comme endormie, mais en même temps elle voit tout ce qui se passe autour d'elle comme dans un rêve éveillé. Elle voit une porte s'ouvrir et elle la franchit sans difficulté aucune. Puis tout s'éteint d'un seul coup quand elle entend son prénom:
- Gwendoline ? Gwendoline ?? réveilles toi ma chérie ! Tu es malade ? Je n'arrivais pas à te tirer de ton sommeil ! Je commençais sérieusement à m'inquiéter !

Gwendoline sort de sa torpeur aussi brutalement qu'elle y est entrée. Sa grand-mère se penche au dessus d'elle. Elle se rend compte qu'elle est allongée sur son lit. Elle regarde autour d'elle, elle est dans sa chambre, entourée de ses objets familiers.
- C'est fini ? dit-elle, en s'adressant à sa grand-mère.
- Qu'est ce qui est fini ? lui demande celle-ci surprise d'une telle question.
- Je suis sortie du puits de l'oubli ! Je suis de retour !
- Mais qu'est-ce que tu racontes,  lui demande sa grand-mère en éclatant de rire, le puits de l'oubli ?? tu as vraiment trop d'imagination, tu as rêvé ma chérie ! Allons, remets toi et lèves toi maintenant il est déjà midi tu sais !!
- Mais mamie, je t'assures... ça n'était pas un rêve ! Je suis allée dans la pièce interdite et je suis tombée dans le puits de l'oubli !! là où il y a des mauvais esprits ! Je comprends pourquoi tu ne voulais pas que j'y entre !
- Mais enfin Gwendoline si je t'ai interdit d'entrer dans cette pièce c'est simplement parce qu'elle est vétuste et dangereuse. Le plafond s'effondre et le plancher aussi, c'est pourquoi je la ferme à clé. D'ailleurs j'ai toujours la clé sur moi, donc tu n'as pas pu y entrer !!
- Oui je sais grand-mère, mais je suis entrée quand même malgré les avertissements de grand-père qui a essayé de me protéger, réplique Gwendoline.
- Mais qu'est-ce que tu racontes encore, tu n'as pas connu ton grand-père de toute façon ! Comment pourrais-tu le reconnaître même dans tes rêves d'ailleurs !! vraiment tu as trop d'imagination, lui répond sa grand-mère avec un grand nuage de tristesse dans les yeux.
- Il m'a dit qu'il nous protégerait toujours toutes les deux, il t'a appelée sa perle de rose.

A ce moment là sa grand-mère la regarde stupéfaite. Comment Gwendoline peut-elle connaître le surnom que seuls elle et son mari connaissaient ? Cette révélation la trouble mais elle reste néanmoins sceptique. Sans rien dire elle décide de monter dans les étages pour en avoir le cœur net. Arrivée devant la porte en question une chose étrange se produit, devant ses yeux ébahis elle voit se construire un mur qui emprisonne la porte à tout jamais. Plus aucune trace ne subsiste, seul un mur lisse s'étend tout le long du couloir, sans laisser soupçonner l'existence de la porte. Trois petits mots se dessinent sur le mur. Mamie-douce s'approche et peut lire : Perle de rose...

Alors elle sait que Gwendoline a dit vrai, elle sait que son grand-père a veillé sur elle, peut-être est-ce son ange gardien, qui sait ??

                                                      ............   Fin

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Comment Coyote apporta le feu

Il y a bien longtemps, le Peuple des Animaux n'avait pas de feu. Jour et nuit, ils s'entassaient dans leur gîte, dans l'obscurité et mangeaient leur nourriture crue. En hiver, ils avaient si froid que du givre recouvrait leur fourrure. Oh ! ils étaient bien misérables ! Mais un jour, le très vieux et sage Coyote réunit tout le monde.
- Nous avons tous entendu parler du feu, dit-il, mais ce feu est très loin en amont de la rivière... au bout du monde... Il est gardé par les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes qui habitent le sommet d'une montagne enneigée. Elles sont mauvaises et ne veulent pas le partager... Mais écoutez tous ! Si nous nous aidons, si nous nous serrons les coudes, nous pourrons alors voler ce feu.
Des murmures de crainte au sujet des Sœurs-aux-Vestes-Jaunes, fusèrent de toutes parts dans l'assemblée – mais tout redevint calme lorsque Coyote leur exposa son plan.
Une fois ceci fait, il s'en alla.

Grand-père Coyote escalada lentement et patiemment la montagne du bout du monde. Quand enfin, il arriva à la maison des trois Sœurs-aux-Vestes-Jaunes, il aperçut de la fumée qui sortait du conduit de cheminée. Coyote regarda à l'intérieur et vit, assises autour du feu, les trois vieilles sœurs.
Coyote leur dit alors sur le ton le plus amical qui soit :
- Si vous me laissez entrer, je vous rendrai belles.
Suspicieuses, les trois sœurs rapprochèrent leur tête et répondirent :
- Entre... mais surtout... pas de mauvais tours, hein ? !.
Le vieil homme-coyote s'assit alors avec elles près du feu et prit entre ses doigts de pied un gros morceau d'écorce de chêne qu'il tint dans les flammes. Lorsque ce dernier fut transformé en charbon, il s'en servit pour dessiner sur le visage et le corps jaunes des trois sœurs, des rayures noires qui les embellirent.
- Maintenant, dit-il, si vous fermez les yeux, je vous ferai belles à jamais.
C'était là, la chance que Coyote devait saisir !... Dès que les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes fermèrent leur yeux, il prit entre ses dents une braise de chêne, et aussi silencieux que la lune dans le ciel, se faufila au dehors.
Il dévala la montagne en courant, aussi rapide que le vent. Lorsque les trois sœurs s'aperçurent que Coyote les avait trompées, elle hurlèrent comme des folles – et comme elles aussi, volaient comme le vent et elles ne mirent pas longtemps pour rattraper Coyote. Elles étaient presque sur lui, lorsque Coyote trébucha et roula comme une boule de neige, atterrissant avec fracas au pied d'Aigle.
Attrapant la braise avec ses serres, Aigle étendit ses ailes et s'envola dans le ciel. Bien que l'aigle fut rapide, les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes ne tardèrent pas à le rejoindre. Aigle soudainement, laissa alors tomber la braise. Au-dessous de lui, Lion des Montagnes la ramassa avec ses longues dents et bondit dans la neige. Toujours aussi furieuses, les trois sœurs se lancèrent à sa poursuite.
Elles étaient à deux doigts d'attraper Lion des Montagnes lorsque que Renard, surgissant de nulle part, s'empara de la braise enflammée et s'échappa à travers les cèdres et les pins géants. Le renard courut et courut encore jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus ; il était si essoufflé que sa respiration créait des nuages qui trahissaient sa piste. Très vite, les trois sœurs descendirent en piqué vers lui – mais au dernier moment, Ours apparut, s'empara du feu et s'élança parmi les ronces.
L'ours aussi était très rapide – mais les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes ne l'étaient pas moins et l'ours finit lui-aussi par tomber d'épuisement. Juste à cet instant, Long-Ver-de-Terre prit le feu et s'en allant, étirant son corps entre les crêtes de trois montagnes.
Là, encore une fois, les trois sœurs, ne mirent pas beaucoup de temps pour le rattraper. Mais Juste sous leurs yeux, Tortue se faufila, prit le feu dans sa gueule et s'enfuit.
Mais la tortue était lente et l'une des sœurs ne mit pas longtemps à l'atteindre et la piqua à la queue.
- Aïe ! Aïe ! Aïe ! fit la tortue rentra aussitôt ses pattes et sa tête et se laissant rouler jusqu'au bas de la colline.
- Flump ! Flump ! Flump ! faisait sa carapace en roulant le long de la pente.
Les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes s'affairaient déjà autour d'elle, lorsque la grenouille sauta de la rivière.
- Gulp ! fit-elle en avalant la braise – et elle replongea à nouveau dans la rivière.
Les trois sœurs prirent d'assaut la rivière, l'encerclèrent et coururent tout autour, une fois, deux fois, trois fois ; elle couraient si vite que la surface de l'eau en était toute agitée. Elles attendaient que la grenouille réapparaisse enfin – mais cette dernière, au fond de l'eau, retenait le feu et sa respiration.
Finalement, découragées – renonçant à la poursuite – les trois sœurs s'envolèrent et retournèrent au sommet de leur montagne du bout du monde.
Aussitôt qu'elles furent parties, la grenouille surgit de l'eau et pour pouvoir prendre sa respiration, recracha la braise brûlante qui atterrit dans les racines d'un saule, qui poussait sur la rive. L'arbre avala le feu et le Peuple des Animaux fut bien embêté.
Coyote alerté par les lamentations du Peuple des animaux, s'en vint et demanda :
- Que se passe-t-il ici ?
- Grand-Père, le saule a avalé le feu... peux-tu nous montrer comment le récupérer ?
- Bien sûr ! fit le très vieux et sage Coyote – qui connaît toutes choses en ce monde.
Il ramassa deux morceaux de saule, mit peu de mousse sèche sur l'un et avec l'autre frotta le premier à l'endroit où il avait déposé la mousse. Aussitôt le feu réapparut.
- Oooooh ! fit le Peuple des Animaux, émerveillé.
C'est depuis ce jour-là, où les êtres ont appris à faire du feu avec du bois, qu'ils peuvent se chauffer et cuisiner leur nourriture. Et ainsi, la nuit quand revient la saison du froid, ils s'assoient tous en cercle autour du feu et écoutent les Anciens raconter les vieilles histoires...Légende amérindienne