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Contes d'ici et d'ailleurs

Démarré par bunni, 18 Septembre 2012 à 00:22:36

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bunni


Le serpent et l'indien

En ces temps reculés, le soleil s'était arrêté au-dessus de la Terre et la brûlait de tous ses feux. Il n'y avait pas d'ombre pour se réfugier, ni de nuit pour se reposer. Les hommes et les animaux, qui avaient déjà inventé le sommeil, ne pouvaient plus dormir. S'ils avaient le malheur de s'assoupir un instant, la lumière brûlait leurs yeux et ils se réveillaient bien vite.

Seuls les serpents s'y étaient adaptés. On les voyait se cacher sous les pierres ou les racines. Les serpents possédaient le secret de l'ombre et des ténèbres.

Quand les indiens s'en aperçurent, ils voulurent eux aussi posséder le sortilège de l'ombre. Le sachem s'enfonça donc dans la forêt et se dirigea vers le royaume des serpents, afin de leur demander de partager les ténèbres avec tous.

Au bruit que fit le sachem en s'approchant de lui, le roi des serpents se réveilla en sursaut :
"Qui es-tu pour troubler ainsi mon repos? siffla-t-il, mécontent.

Le sachem déposa devant le serpent le cadeau qu'il avait amené : un arc et des flèches, et lui dit :
"Je suis un vieil homme fatigué, et je viens te demander de partager les ténèbres avec mon peuple. Accepte ce cadeau en signe de notre amitié."

"Et que puis-je faire d'un arc?, demanda le serpent, je n'ai pas de mains!"

"C'est vrai, répondit le sachem, pardonne-moi, je vais aller consulter les Anciens." Le sachem retourna  chez lui et exposa le problème aux Anciens. Ils décidèrent alors d'offrir au roi des serpents une crécelle, dont le bruit accompagnera les danses des serpents. Le sachem retourna voir le roi des serpents, qui lui dit :

"Et que puis-je faire d'une crécelle? Je n'ai pas de mains!" Mais maintenant, le sachem avait une réponse : "Je vais l'attacher au bout de ta queue, ainsi, tu pourras l'agiter et en entendre le son." Et il l'attacha au bout de la queue du roi tout en parlant. Le roi agita sa queue et trouve la crécelle fort drôle. Il donna alors un sac de cuir au sachem et lui dit : "Tiens, ce sac contient un peu de nuit et de ténèbres."

Le sachem trouva le sac bien petit... "Ô roi des serpents, que désirerais-tu en échange de la nuit complète?" Le serpent réfléchit : "La crécelle est bien amusante, mais bien peu de chose en regard de ce que tu me demandes. Apporte-moi une grosse cruche de ce poison que vous mettez aux bouts de vos flèches. Cela me sera plus utile." Le sachem remercia le roi et repartit vers son village.

Lorsqu'il ouvrit le sac, le village fut plongé dans le noirceur et son peuple put enfin se reposer. Mais, cela ne dura guère, car le sac était bien petit! Le soleil revint vite brûler les yeux. Le conseil des Anciens fut à nouveau convoqué et le sachem leur exposa la demande du roi des serpents. Les Anciens consentirent à donner au roi ce qu'il voulait et tout le village fabriqua le poison pour remplir la cruche à ras bord. Cela prit beaucoup de temps, car le poison était fabriqué goutte par goutte, mais enfin, un jour, la cruche fut pleine. Et le sachem repartit une troisième fois voir le roi des serpents.

Entre-temps, le roi des serpents avait fait préparé un immense sac rempli de ténèbres, et il le donna au sachem en échange de la cruche. Le sachem le remercia et demanda au roi : "Que vas-tu faire de tout ce poison?, cela m'intrigue..." Le roi lui répondit : "Tout le monde nous méprise, nous marche dessus. Nous sommes sans défense. Ce poison nous servira à nous défendre lorsque nous le devrons." Le sachem hocha la tête : chacun a le droit de se défendre... Le roi lui fit une dernière recommandation : "Surtout, n'ouvre pas le sac avant d'être arrivé à ton village. Il me faut du temps pour distribuer le poison à mon peuple."

Le sachem promit et reprit le chemin du retour. Il croisa le hibou qui lui demanda ce qu'il portait. "J'ai un sac rempli de ténèbres." Cela intéressa le hibou qui n'aimait pas beaucoup le soleil. Il croisa ensuite la corneille. Quand elle sut ce que le sac contenait, elle s'envola et s'empressa d'annoncer partout dans la forêt que le sachem avait un sac de ténèbres. Tous les habitants de la forêt se rassemblèrent autour du sachem en se bousculant car ils voulaient tous voir cette chose merveilleuse. Le sachem essayait de protéger le sac, car il voulait tenir la promesse faite au roi, mais hélas, dans la bousculade, le sac s'ouvrit. Aussitôt, la Terre entière fut plongée dans une profonde obscurité.

Le roi des serpents, qui était en train de distribuer le poison à son peuple, ne put terminer sa tâche. Les serpents affolés couraient dans tous les sens, la cruche fut renversée, et son précieux contenu perdu. Voilà pourquoi, encore aujourd'hui, il y a des serpents venimeux, dont la morsure est parfois mortelle, et des serpents inoffensifs, et ce n'est pas une tâche facile de les distinguer. Seule la famille royale est facile à reconnaître : ses membres portent tous une crécelle au bout de leur queue, le cadeau du sachem.

bunni


Le rêve de Mia

      Le village de Mia s'appelle Campamento San Francisco et se situe entre la grande ville et les montagnes enneigées. Ce n'est pas vraiment un village, mais c'est là qu'elle vit, qu'elle est chez elle. Il n'y a pas de jolis jardins, ni d'arbres. Il n'y a pas de vraie route, rien qu'une piste de terre.
      Le papa de Mia se rend tous les jours à la ville dans sa camionnette pour vendre de la ferraille. Dans le temps, c'était des terres cultivables ; mais la ville s'est étendue démesurément et, aujourd'hui, tout ce qu'il reste à récolter c'est ce dont elle se débarrasse. Les maisons sont faites de bric et de broc, avec toutes sortes de matériaux de récupération. Les enfants adorent jouer au foot devant l'école. Les villageois sont très forts pour réparer ce qu'ils trouvent dans les décharges.
      Tous les soirs, Mia court à la rencontre de son papa. Parfois, il revient content avec de l'argent en poche ; parfois, il revient triste, car il n'en a pas. Le papa de Mia rêvait au jour où il pourrait se construire une maison en briques.
      Un soir, au début de l'automne, le père de Mia est revenu avec un drôle de sourire aux lèvres. Il a ouvert son blouson et un joli petit chien a pointé son museau ! Papa l'avait trouvé en ville, tout seul, abandonné.
      Mia a fait un bisou sur le museau de son petit chien. Elle a décidé de l'appeler Poco, parce qu'il était tout petit. Mia a montré son nouveau petit chien à tout le monde, et ils sont vite devenus inséparables.
      Poco aime bien sa nouvelle famille. Il lèche le visage de Mia et puis celui de Maman et de Papa.
      Mia présenta Poco à Sancho, le cheval. Poco suivit Mia partout, même à l'école. Il est très sage et attends dehors la fin de la classe.
      Mais il a fait très froid, cet hiver-là, et un jour Poco a disparu. Mia l'a cherché dans tout le village, puis elle est partie avec Sancho faire le tour des décharges pour voir si Poco n'y était pas.
      « Vous n'avez pas vu mon petit chien ? Il est tout petit, marron, avec des taches », demande-t-elle aux gens.
      Mia s'éloignait de plus en plus de son village. Jusqu'au moment où elle est arrivée en haut de la montagne, beaucoup plus haut qu'elle n'était jamais montée jusqu'alors. D'où elle était, elle pouvait voir le nuage noir qui flottait toujours sur la vallée. Au-dessus du nuage, l'air était si pur que Mia avait du mal à respirer. Elle était étourdie par toute cette blancheur alentour. Elle est descendue de Sancho et a pris une poignée de neige qu'elle a goûtée. Puis elle a fait des roulades sur l'immense tapis blanc.
      Sancho la regardait et il n'a pas tardé à l'imiter, se roulant dans la neige en battant l'air de ses vieilles jambes fatiguées. Ensuite Mia s'est couchée sur le dos, bras et jambes ouverts en croix sur la neige. Jamais le ciel ne lui avait paru si bleu et si proche. Ils ont appelé Poco et l'ont cherché jusqu'à la tombée de la nuit et l'apparition des premières étoiles. Mia était fatiguée, mais elle savait que Sancho la ramènerait saine et sauve à la maison.
      Ils sont repartis tranquillement, quand soudain Sancho s'est arrêté pour renifler le sol. Mia a regardé autour d'elle. Il n'y avait plus de neige, mais des fleurs à perte de vue. Mia en a cueilli tout un bouquet, avec les racines. Elle savait que, quoi qu'il arrive, ces fleurs lui rappelleraient le jour où elle avait tant cherché Poco et découvert cet endroit sous les étoiles.
      Le lendemain, Mia a planté les fleurs. Elle en met quelques-unes dans des boîtes de conserve. Elle s'en occupe et les arrose tous les jours. Les fleurs poussent très bien, croissent vigoureusement et s'étendent tout l'été. À l'automne, le vent disperse les graines tout autour du village.
      Les fleurs se sont multipliées très rapidement. Le printemps suivant, elles avaient envahi tout le village et recouvert les décharges d'un manteau aussi blanc que la neige des montagnes. Mia adorait admirer ses fleurs, mais elle n'avait pas oublié Poco qu'elle continuait à appeler tous les jours.
      Un beau matin, alors que son père partait à la ville avec un tas d'objets à vendre, Mia lui a demandé de l'accompagner pour essayer de vendre ses fleurs. Elle en avait des dizaines, plantées dans des boîtes de conserve. Son père a ri et a accepté qu'elle tente sa chance. Mia a installé ses fleurs sur les marches de la cathédrale et Papa, sa ferraille à côté d'elle. Mia n'a pas tardé à se faire une clientèle si nombreuse que Papa a dû laisser tomber son petit commerce pour l'aider.
      « Mais d'où viennent ces fleurs ? » demandaient les gens.
      « Ce sont les fleurs de Poco », se contentait de répondre Mia.
      Depuis ce jour, Mia vend des fleurs avec son papa et rêve avec lui d'avoir un jour une maison en briques. Et chaque fois que passe une meute de chiens, Mia ne peut s'empêcher de songer à Poco. Jusqu'au jour où l'un des chiens s'est arrêté pour venir sentir les fleurs. Il a léché le visage de Mia et s'est couché à ses pieds.
      « Ces fleurs viennent des étoiles », a-t-elle murmuré.

bunni


Anouk des neiges

Anouk était une petite inuit très intelligente qui vivait avec ses parents dans un bel igloo au pôle nord. Le papa et la maman d'Anouk étaient de très bons parents qui s'aimaient tendrement, et dont chaque seconde de leur vie était consacré à son bonheur. Anouk était donc une enfant très heureuse !

Un beau matin, juste avant qu'Anouk ne s'éveille tout à fait, voilà que l'igloo, si confortable d'habitude, se mit à craquer de partout. Les blocs de glace qui formaient le toit se fendillèrent et des morceaux se mirent à tomber dans leur jolie maison. Affolée, Anouk suppliait ses parents de faire quelque chose, car elle avait très peur. Mais sa mère et son père avaient beau essayé de retenir les blocs de glace, ils étaient beaucoup trop nombreux et trop lourds pour eux. Alors, malgré tous leurs efforts, un énorme bloc s'écrasa sur Anouk qui, sous le choc, perdit totalement conscience.

Les parents d'Anouk, très inquiets, décidèrent donc que sa mère resterait près d'elle et que son père, qui avait plus de force pour courir dans la neige, irait vite chercher le médecin au village le plus proche.

Le lendemain, lorsqu'Anouk se réveilla enfin, le docteur Pingouin et ses parents étaient près d'elle. Tous avaient bien de la peine de la voir dans un si mauvais état. Anouk avait un affreux mal de tête, des bleus partout et beaucoup de difficulté à respirer.

Le docteur Pingouin lui expliqua qu'elle avait une côte fêlée; c'est elle qui lui faisait si mal chaque fois qu'elle respirait. Pourtant, le médecin affirma à ses parents que la petite n'avait pas besoin de plus de soins : « Elle ira de mieux en mieux chaque jour à partir d'aujourd'hui, car les enfants guérissent toujours très vite » disait-il.

Pendant le trajet en traîneau qui les amenait à leur nouvel igloo, le père et la mère d'Anouk lui expliquèrent que cet accident était arrivé parce que la température était devenue rapidement très douce au cours de la nuit. C'était un phénomène très rare au pôle nord et cela avait fait fondre une partie de la glace de leur igloo. Mais tandis que ses parents tentaient gentiment de la rassurer, Anouk se sentait de plus en plus terrifiée à mesure qu'ils approchaient de leur nouvelle demeure.

Le temps passa, mais les parents d'Anouk ne reconnaissaient plus leur petite fille. C'est vrai qu'elle allait de mieux en mieux comme l'avait prédit le docteur Pingouin, mais elle ne s'amusait plus et elle faisait des choses bizarres. Anouk passait souvent de longues heures dans l'igloo sans rien faire d'autre que d'écouter le silence ou de regarder les parois lisses et brillantes de l'intérieur. Et comme elle refusait de retourner à l'école avec ses amis, ses parents crurent que quelque chose s'était brisé dans la tête d'Anouk. Elle ne redeviendrait peut-être plus jamais comme avant.

En réalité, c'est dans le cœur d'Anouk que quelque chose s'était brisé : Anouk avait peur tout le temps ! Si elle écoutait le silence, c'était pour surprendre chaque bruit au cas où l'igloo craquerait encore, et si elle scrutait les murs et le toit de leur maison de près, c'est qu'elle était à la recherche de la moindre petite crevasse. Mais Anouk gardait toute cette terreur dans son cœur, car elle voulait être une petite fille courageuse.

Dans le temps où Anouk aimait s'amuser dehors avec ses amis, elle contemplait souvent les oiseaux des neiges qui vivent au pôle nord. On lui avait dit que ces très beaux oiseaux s'appelaient des harfangs. Son ami, Nilak, avait même prétendu que les harfangs avaient des pouvoirs magiques ...

C'est en pensant à cette histoire qu'Anouk remarqua le magnifique harfang des neiges qui s'était posé sur la colline tout près de sa maison. Or l'oiseau des neiges était si beau, son regard si doux et invitant qu'Anouk se décida à sortir pour voir de plus près ses merveilleuses plumes argentées. Et c'est alors que la magie se produisit, car le bel harfang lui parla en employant la langue magique des oiseaux, un langage que seuls les enfants peuvent comprendre.

L'harfang des neiges parla longtemps sans qu'Anouk ne pense un seul instant à aller surveiller l'igloo et il termina son discours ainsi ; « Je suis un vieil oiseau et avec le temps, j'ai appris qu'un harfang courageux n'est pas un harfang qui n'a pas peur, car je peux bien te l'avouer, j'ai eu souvent peur au cours de ma longue vie. J'ai appris à être courageux en faisant les choses que je devais faire.

Lorsqu'il m'est arrivé que la peur soit très grande, j'ai demandé à quelqu'un qui m'aime de me tenir la main. Et je me suis un jour aperçu que ma peur s'était envolée comme un oiseau dans le ciel de l'arctique. J'ai confiance en toi jolie jeune fille, tu es une petite bien intelligente, tu trouveras un jour les choses que tu dois faire.

Quelque temps plus tard, l'harfang magique vit Anouk s'amuser dans la neige avec sa maman avant de se rendre à l'école. Nilak lui tenait la main, ensemble ils riaient de bon cœur. Si l'harfang avait pu, je crois qu'il aurait souri...

bunni


Princesse Clématite

Il était une fois une fleur très spéciale qui n'avait pas le moral. C'était la Princesse Clématite. Un jour de grand soleil, celle-ci expliqua à Dame Rose (une fleur voisine très gentille, mais aussi très curieuse) le pourquoi de sa tristesse :

— Je ne sais plus très bien à quoi je sers ni si je suis encore utile. Personne ne sait que j'existe, aucun bourdon, aucun papillon ne vient jusqu'à moi. Même le jardinier n'a pas un regard envers ma petite troupe de sépales.

La jeune Princesse pleurait son sort. Elle était l'unique survivante de sa famille et malgré sa petite taille, elle résistait encore et toujours aux aléas de la vie florale. Ses parents avaient établi leurs racines à côté de l'abri de jardin, derrière un imposant et magnifique rosier. À cette époque, ils devaient se cacher, car un fougueux mangeur de Clématites sévissait dans les environs. La bête en question n'était autre que la légendaire Limace Géante ! Depuis la dernière saison de pluie, ce gastéropode hors normes avait décimé toutes les fleurs bleues, clématites ou non, mais principalement celles-ci.

Ses parents avaient succombé alors qu'ils protégeaient leur unique enfant. L'assassin était passé juste à côté de la princesse, la trouvant trop chétive pour s'arrêter pour elle. Princesse Clématite cessa de grandir depuis ce terrible jour.

— Oh ! C'est terrible ce que vous me racontez là, Princesse ! Il est vrai que grâce à nos piquants, la Terrible Limace Géante ne s'intéresse pas à nous, lui dit Dame Rose en essayant de la réconforter.

Les épines de Dame Rose frissonnaient de tristesse. Et dans ses pétales, une certaine agitation commençait. Un bourdon qui butinait son pollen avait tout entendu. Ce dernier, indigné par l'histoire, s'empressa de s'envoler pour raconter le malheur de la princesse des Fleurs.

— Pardon, pardon, laissez-moi passer. J'ai un message urgent à transmettre au peuple des ailes. L'insecte au gros ventre jaune orangé poussait de son corps massif ses autres congénères à qui il avait demandé de se rassembler.

— Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, papa, maman, belle-maman, beau-papa, et cetera, j'ai une importante mission à vous confier. Pas plus tard qu'à l'heure où le soleil était entre nos deux arbres préférés, j'ai entendu une terrible histoire que je dois vous conter.

Le bourdon, chef de sa colonie, imposa le silence. Il expliqua en détails toute la mésaventure de la Princesse Clématite. Après quelques bourdonnements de stupéfaction, tous étaient d'accord pour venir en aide à la princesse. Chacun avait pour mission de raconter l'histoire à une autre famille d'insectes. C'est ainsi, qu'après bien des distances parcourues, bon nombre de papillons, d'abeilles et autres butineurs avaient vent de l'affaire en cours.

Le Chef Bourdon élabora un plan diabolique pour exterminer la Limace Géante.

— Que les membres de ma colonie continuent à travailler. Il ne faut surtout pas montrer que nous nous occupons d'autre chose, ça pourrait éveiller des soupçons. Vous les papillons, vous irez vous poser – et butiner si vous le souhaitez – sur toutes les roses de la cabane pour veiller sur la Princesse Clématite et enfin, vous les guêpes, vous assurerez notre protection à tous. Une guêpe par insecte devrait suffire. Je répète, il ne faudrait pas éveiller les soupçons du Tueur de Clématites. Enfin, quand je décrirai trois cercles au-dessus de la Fleur Solitaire, ce sera le signal pour dire que le jardinier arrivera. Seuls les papillons resteront près de la Princesse pour guider le Grand Maître du jardin. Est-ce clair ? Des questions ? Non ? Alors au travail mes amis !

Bien dissimulée par les mauvaises herbes et par un tas d'orties, la Limace Géante a tout capté du plan.

— Ainsi donc, la Princesse Clématite vit toujours, quelle délicieuse nouvelle ! dit la plus terrible des créatures rampantes en se léchant la bouche gluante.

Le monde ailé est en ébullition et chacun se met en place, prêt à tout pour sauver la dernière Clématite de cette propriété.

Quelques instants plus tard, le Chef Bourdon décrivit trois cercles au-dessus de la Fleur Solitaire. Le soleil se coucha lorsque le jardinier ouvrit la porte de la maison de briques et sortit avec son arrosoir pour donner à boire à tout végétal en terre ou en pot. La journée avait été chaude et sèche, tous attendaient avec impatience cette eau divine.

Dans le jardin, un doux bourdonnement éveilla la curiosité du Grand Maître du jardin.

— Tiens, que font ces insectes encore debout à cette heure tardive ?

Quand il s'approcha des rosiers, il stoppa net et déposa l'arrosoir. Devant lui, sur chacune des treize roses se tenaient trois papillons ! Ce ne fut pas tant le nombre d'espèces différentes de ces papillons qui l'étonna, mais bien leur comportement. Tellement surpris par ce spectacle, il ne prit pas la peine d'aller chercher son appareil photo et voulut comprendre la raison de ce soudain regroupement. Aucune aile ne bougea quand il toucha une tige du rosier. Puis, tout à coup, les roses qui entouraient la Princesse Clématite bougèrent, poussées par certains papillons qui avaient ouvert leurs ailes. Dame Rose encourageait ses sœurs à fournir un dernier effort et à ne pas crier alors que les pattes des insectes tiraient leurs pétales. Petit à petit, une minuscule fleur bleue apparue au regard du jardinier qui gardait des yeux immensément ouverts devant une telle volonté de la nature !

— Oh ! Mais que fais-tu là toute seule, Petite Fleur ? Tu es bien trop jolie pour te cacher. Même un ciel bleu dégagé de nuages n'a pas autant de lumière que toi. Ne sois pas timide, montre-toi, je ne te ferai aucun mal, bien au contraire !

Pendant ce temps-là, l'horrible créature tueuse en série rampait doucement, mais sûrement vers sa victime convoitée. Mais c'était sans compter sur une jeune coccinelle qui admirait le spectacle depuis l'envers d'une feuille de rose.

Alors que le Grand Maître du jardin rentrait en vitesse chez lui pour aller chercher tout le matériel nécessaire à la protection de sa dernière Clématite (ficelle pour attacher certaines tiges des rosiers afin que La Petite puisse avoir du soleil, tuteur pour lui permettre de garder la tête bien droite, purin d'amour pour une bonne croissance,...), la Limace Géante arriva au pied de la Princesse !

Miss la coccinelle avait des contacts dans tous les rangs d'insectes. C'est ainsi qu'elle eut l'idée de contacter Tica, une amie de longue date. Cette amie, élevée au rang de Tique Solitaire, a élu domicile sur un aimable hérisson. Lequel ne doit plus faire sa réputation d'amateur de limaces ! Et à l'instant même où la Terrible Limace commença son ascension sur la tige de la Princesse Clématite, la terre se mit à trembler et une forte odeur de mammifère affamé arriva rapidement dans toutes les narines.

— Hum, je sens un fumet puissant de limace ! Le festin va être exceptionnel, car l'odeur est forte et... exquise ! Elle est où ? Elle est où ? dit le hérisson hors d'haleine qui arriva en courant et en regardant de tous côtés.

Personne ne dut lui préciser le chemin. En moins de temps qu'il ne faille à un papillon pour s'envoler, la Limace Géante fut dévorée ! D'aussi grande taille fut-elle, la Terrible Créature n'a pu faire face devant une bouche si immensément gourmande.

Le jardinier arriva juste après, se désolant de ne pas avoir été plus rapide. Lorsqu'il aperçut la tige abîmée de la Princesse Clématite (elle avait été un peu écrasée par la patte puissante du hérisson), il se retourna, arracha une toile d'araignée proche et entoura la blessure du doux filet apaisant.

— J'espère que cela suffira. Je suis désolé pour toi l'araignée, mais c'est pour la bonne cause !

Lorsque le jardinier dévoila la Princesse Clématite à tous les habitants du jardin, un magnifique papillon aux reflets azuré, inconnu jusqu'ici, arriva et posa ses pattes délicates sur la petite fleur rayonnante de bonheur.

— Princesse Clématite ? Comme je suis heureux d'enfin vous trouver ! Laissez-moi me présenter : Prince Argus pour vous servir. Mes ailes ne doivent leur couleur qu'à votre pollen. Accepteriez-vous ma trompe ?

Princesse Clématite ne sut que dire... Si ce n'est que pour toute réponse, elle ouvrit davantage ses sépales pour offrir son cœur tendre au Prince.

bbchaton

Histoire du coffre

Que mon conte soit beau et qu'il se déroule comme un long fil !
Il y avait un roi et ce roi avait un fils tendrement aimé qui lui dit :
Roi mon père, laisse moi aller au marché et voir tes sujets.
Fais selon ton plaisir, lui répondit le roi.

Le prince s'en vint donc au marché et dit à tous les hommes :
Vous ne vendrez ni n'achèterez, vous n'achèterez ni ne vendrez que vous n'ayez compris ces devinettes.

La première :
Quel est l'être qui , le matin, marche sur quatres pattes, à midi sur deux et le soir sur trois ?

La seconde :
Quel est l'arbre qui a douze branches et dont chaque branche porte trente feuilles ?

Aucun ne sut répondre. Tous les hommes restèrent muets. Le marché se dissout.
Une semaine tourna. Le jour du marché ramena le fils du roi. Il demanda :
Avez-vous trouvé des réponses à mes devinettes ?

Une fois encore tous se turent et se dispersèrent. Qui devait acheter n'acheta pas. Et qui devait vendre ne vendit pas. Le marché se défit.

Or parmi ces hommes rassemblés se trouvait le surveillant du marché. Il était trés pauvre et avait deux filles, l'une fort belle et l'autre, la plus jeune, chétive mais pleine d'esprit.

Le soir lorsque son père rentra, cette dernière lui dit :
Mon père, voici deux marchés que tu pars et que tu nous reviens les mains vides. Pourquoi ?
Ma fille, répondit le surveillant, le fils du roi est venu et nous a déclaré : " Vous ne vendrez ni n'achèterez, vous n'achèterez ni ne vendrez que vous n'ayez compris le sens de ce que je vais dire."
Et que vous a demandé de deviner le prince ? reprit la jeune fille.

Son père lui rapporta les paroles du prince.

La jeune fille réfléchit un peu avant de répondre :
c'est facile, mon père : l'être qui , le matin, marche sur quatres pattes, à midi sur deux et le soir sur trois, c'est l'homme.

Au matin de sa vie, il rampe sur les pieds et les mains, plus grand il avance sur ses deux pieds. Devenu vieux, il s'appuie sur un bâton. Quand à l'arbre, c'est l'année :
l'année a douze mois et chaque mois porte trente jours.

Une semaine passa. En ramenant le jour de marché, elle ramena le fils du roi. Il demanda :
Et aujourdhui avez-vous deviné ?

Le surveillant parla. Il dit :
Oui, Seigneur. L'être qui le matin marche sur quatres pattes, à midi sur deux, le soir sur trois, c'est l'homme. Et quand à l'arbre, c'est l'année.
Ouvrez le marché ! ordonna le fils du roi.

Quand vint le soir, le prince s'approcha du surveillantet lui dit :
Je veux entrer dans ta maison.

Le surveillant répondit :
Bien seigneur.

Et ils partirent à pied. Le prince déclara :
Je me suis enfui du paradis de Dieu. J'ai refusé ce que voulait Dieu. Le chemin est long ; porte-moi ou je te porterai. Parle ou je parlerai.

Le surveillant garda le silence. Ils rencontrèrent une rivière : Le fils du roi dit :
Fais moi traverser la rivière ou je te la ferais traverser.

Le surveillant qui ne comprenait rien ne répondit pas.

Ils arrivèrent en vue de la maison. La plus jeune fille du surveillant (celle qui était malingre mais pleine d'intuition) leur ouvrit. Elle leur dit :
Soyez les bienvenux : ma mère est allée voir un être qu'elle n'a jamais vu. Mes frères frappent l'eau avec l'eau. Ma soeur se trouve entre un mur et un autre.

Le fils du roi entra. Il dit en voyant la plus belle fille du surveillant :
Le plat est beau mais il a une fêlure.

La nuit trouva toute la famille réunie. L'on tua un poulet et l'on fit un couscous de fête. Lorsque le repas fût prêt, le prince dit :
C'est moi qui partagerai le poulet.

Il donna la tête au père ; les ailes au jeunes filles ; les cuisses aux deux garçons ; la poitrine à la mère. Et il se réserva les pattes. Tous mangèrent et se disposèrent à veiller.

Le fils du roi se tourna alors vers la jeune fille pleine d'esprit et lui déclara :
Pour que tu m'aies dit : "Ma mère est allée voir un être qu'elle n'a jamais vu il faut qu'elle soit sage-femme". Pour que tu m'aies dit "Mes frères frappent l'eau avec l'eau" ils arrosaient des jardins. Et quant à ta soeur, "entre un mur et un autre", elle tissait la laine avec un mur derrière elle et un autre : le métier.

La jeune fille répondit :
Lorsque tu t'es mis en route, tu as déclaré à mon père : "Je me suis enfui du paradis de Dieu". C'est la pluie qui pour la terre est le paradis de Dieu : Tu craignais donc de te mouiller ? Et puis tu as dit : "J'ai refusé ce que voulait Dieu". C'est la mort que tu refusais ? Dieux vuet nous mourions, mais nous, nous ne voulons pas.
Tu as dit enfin à mon père : "Le chemin est long, porte moi ou je te porterai ; parle ou je parlerai" pour que le chemin semble plus court.
Tout comme lui tu as dit, lorsque vous vous êtes trouvé devant la rivière : "Fais moi passer la rivière ou je te la ferais passer" : tu voulais dire : "indique-moi le gué ou je chercherai" .


En entrant dans notre maison, tu as regardé ma soeur tu as dit "Le plat est beau, mais il a une fêlure". Ma soeur est belle en effet, elle est vertueuse, mais elle est fille d'un pauvre homme.
Et puis tu as partagé le poulet. A mon père tu as donné la tête : il est la tête de la maison.
A ma mère tu as donné la poitrine : elle est le coeur de la maison.
A nous les filles tu as donné les ailes : nous ne resterons pas ici .
A mes frères, tu as donné les cuisses : ils sont les soutiens, les piliers de la maison.
Et toi tu as pris les pattes parce que tu es l'invité : ce sont tes pieds qui t'on amené jusqu'ici, ce sont eux qui te remmèneront.

Dés le lendemain le prince alla trouver le roi son père et lui déclara :
Moi, je veux épouser la fille du surveillant du marché.......


bunni


La Légende Des Etoiles ...

Il était une fois

Un beau Pays de Lune, tout y était très blanc.
Les robes étaient d'argent, tissées de fils de lune.
Les maisons étaient faites avec des pierres de lune.
Les gens n'y marchaient pas, ils passaient en volant sur un rayon de lune.
On s'éclairait le soir avec des vers luisants.
Et dans le ciel sans voile seule y régnait la lune, car il n'existait pas la plus petite étoile.

Lunili était Roi.
Son palais de cristal vibrait au moindre vent en notes très légères, en chansons cristallines...

Lunala son épouse veillait près du berceau fait d'un croissant de lune leur fille nouvelle-née Lunelette chérie.

Pour bien la protéger, la parer, la vêtir, d'habiles araignées tissaient de vraies soieries.
Afin de la nourrir cinquante jeunes filles chantaient dans le vallon de la forêt des Los, des arbres enchantés aux feuilles en forme de lune.
Sur chaque mélodie, l'arbre dansait très beau, s'agitait sans arrêt, afin que bientôt tombent de sa feuille légère des gouttes argentées et doucement sucrées que les jeunes Lunniennes recueillaient aussitôt dans de larges bassins nacrés et scintillants.

Vint le jour du baptême.
La Reine fit venir chacune de ses soeurs et le Roi.
Ses amis:
Lori,Roi des Etangs, vint sur un nénuphar.
Lilo,Roi des Cascades, vint sur la nuée grise, portée par des mésanges.
Lana,Reine des Sources, vint sur un miroir d'eau, suivie de libellules.
Léta,la Souveraine des Gouttes de Rosée, vint en perle dorée sur l'aile d'un zéphyr.
On goûta quelques feuilles de ce La-Do sucré qui pousse au son des harpes.
On but de ce La-Mi, jus doré qu'on extrait de hautes tiges qui croissent lorsque chantent les flûtes.

Lunelette dormait dans son croissant de lune.
Et chacun accrocha aux cornes du berceau le voeu que chaque jour la Princesse put voir s'accomplir ses beaux rêves.
Alors, du fond du ciel donnant son bel éclat à ses plus chauds rayons, parcourant les espaces, traversant le cristal, soulevant les rideaux, le Soleil, lui aussi, voulut toucher du doigt le petit lit d'enfant et porter son souhait.
Et Lunelette ouvrit ses yeux bleus et le vit.
Et ses Mains se tendirent vers l'astre insaisissable.
Et tous avaient compris que l'enfant désirait posséder le soleil...

Depuis ce jour grandit dans le Pays de Lune une princesse triste qui rêvait de soleil...
En vain dans le Palais, le bon Roi Lunili l'entourait de jouets, de présents faits de Lune.
En vain ses moindres rêves étaient réalisés.
Seul restait le premier de ses tendres souhaits qui ne fut accompli et l'unique impossible à satisfaire, un jour au beau Pays de Lune où tout demeurait blanc des doux rayons d'argent que leur tissait la Lune.

La Reine Lunala lentement se mourait car jamais Lunelette n'avait voulu sourire.

Alors en toute hâte, on pria les héraults, chouettes silencieuses et hiboux valeureux, d'aller chercher partout les meilleurs ouvriers du royaume de Lune.
Ceux qui forgeaient le fer, ceux qui coulaient le bronze, ceux qui filaient le verre, ceux soufflant du cristal la merveilleuse bulle qu'irisait la lumière de son bel arc-en-ciel.
Ils devaient travailler sans jamais s'arrêter afin de façonner l'image du soleil pour que vive la Reine et sourie Lunelette.
Chacun se mit à l'oeuvre:
L'un se servit d'argent, de topazes, de rubis.
L'autre prit du phosphore en recouvrit du cuivre.
Le troisième inventa un feu qui rougeoyait sans s'éteindre jamais.
Le plus habile enfin fit un miroir immense afin de conserver du matin jusqu'au soir l'image du soleil.

Déjà le Roi croyait le drame terminé.
On touchait le Soleil, même il vous aveuglait.
Hélas! la nuit tomba. Plus rien ne subsista.
La Lune brillait seule de son reflet d'argent ayant chassé l'image du Soleil disparu de la vasque trompeuse.
Alors brisant de rage le miroir inutile il en jeta dans l'air les fragments innombrables qui se plantèrent au ciel comme autant de clous d'or.

Lunelette à l'instant voyant la féerie de ces mille et un feu fixés dans l'infini, se sentit libérée et sourit à la nuit.

Dans le Pays de Lune depuis la joie demeure.
La Reine vit heureuse et Lunelette aussi.
Car le soir et la nuit brillent dans le ciel noir comme autant de soleils les milliers de feux d'or des brillantes étoiles.

Les princesses Lune et Etoile ......

Et tous les enfants avaient les yeux emplis d'étoiles

bunni


La petite Marguerite

La Marguerite mit sa clé sous son paillasson et se dirigea vers le bout du champ.

Toutes les fleurs de la prairie lui crièrent à la fois:
— Marguerite, où vas-tu?

Le vieux merle qui chantait sur le pommier, se pencha en lui sifflant:
— Où vas-tu?

Et le pierrot, la mésange, la tourterelle répétèrent en choeur:

— Où vas-tu?

Au pré fleuri, à tous les arbres habités, la Marguerite répondit:

— Je veux savoir ce qu'est devenu le petit mouton qui m'a brouté deux feuilles.

Elle se mit à marcher sans plus regarder personne. Oiseaux et fleurs crièrent encore:

— Marguerite, tu es folle !

Mais elle ne les entendait pas.
Au bord du champ, Gloudouglou le ruisseau lui barra le chemin.

— Hé ! Gloudouglou, veux-tu me laisser passer?

Gloudouglou était trop occupé pour l'entendre. Il courait de toutes ses forces à travers prés pour tomber en cascade sur la roue grincheuse du vieux moulin.

La Marguerite perdit l'équilibre, tomba et fut entraînée vers la chute d'eau dont le bruit l'effrayait.

La voyant dans cette position dangereuse, le lézard du moulin cria:
— Accrochez-vous à n'importe quoi!

Et il l'aida à se tirer de là.

Pendant que la pauvrette se séchait, son nouvel ami lui proposa de la conduire chez Père Ducorbeau, un vénérable savant qui donnait des conseils merveilleux et nichait au sommet d'un peuplier.

Père Ducorbeau n'entendait que d'une oreille et fort mal. L'autre s'était bouchée à force de dormir dessus depuis tantôt cent sept ans. Mais il avait un cornet acoustique et, quand on criait bien fort, il finissait par comprendre.

— Père Ducorbeau, qu'est devenu le petit mouton qui m'a brouté deux feuilles?

Le vieux savant ne saisit pas tout de suite la question;
il répéta longtemps :

— Mouton... deux feuilles...

Puis, après une profonde méditation, il dit:

— Je pense qu'il est devenu grand!

— Ah ! répliqua la Marguerite, mais où est-il ? Je voudrais tant le voir !

— Il est dans sa chemise de laine !...

C'est tout ce que Lézard et Marguerite en purent tirer et ils descendirent de leur perchoir.

La pauvre petite, s'endormit sous un champignon et Lézard retourna à son moulin.

A son réveil, Marguerite fit sa toilette sous un rocher d'où s'échappait une source claire, ornée de cresson et de fougères. Elle but de bonnes gorgées d'eau fraîche, et se remit en route.

Elle rencontra sur sa route un drôle d'animal brun et elle demanda...

— Hé ! là ! est-ce vous, le mouton qui m'a brouté deux feuilles? Vous avez bien grandi!

— Ah ! ah ! ah ! Un mouton ! Un mouton ! Voyez-vous cette Marguerite qui prend un boeuf pour un mouton ! Même s'il est devenu grand, ton petit mouton, il est encore dix fois moins gros que moi !

— Mais, voilà, a-t-il eu le temps de devenir grand? Je crains bien que tu ne le retrouves jamais.

— Que voulez-vous dire?

— Ils sont partis pour la montagne, lui et ses frères et cette aventure est dangereuse avec tous les loups qui y rodent...

— Et pourquoi faire?

— Tu ne sais donc pas que les loups s'attaque parfois aux moutons?

— Mais il faut les prévenir. Il faut les sauver ! J'y vais ! J'y cours ! Adieu !

C'est qu'elle l'aimait, son mouton !

Quand il lui avait brouté deux feuilles, il était si petit, tout blanc, encore tremblant sur ses pattes et bêlant après sa mère. Et pour l'encourager à brouter de l'herbe, la Marguerite lui avait offert ses deux feuilles...

Marguerite se mit vaillamment en route vers la montagne. Quelle fatigue de monter par ces chemins pierreux ! Que de cailloux, d'épines, sans parler du sol brûlant qui lui rôtissait les pieds ! La pauvrette avait soif et ne reconnaissait plus rien qui lui fût familier. Elle se sentait une étrangère.

Le parfum de fleurs inconnues lui donnait mal à la tête. On la regardait, car personne, dans ce coin de montagne, n'avait vu marcher une marguerite.

— Où est mon mouton ? Par où sont-ils passés ? demandait-elle à chaque pas.

— Suivez le petit sentier, lui répondait-on.

Un bourdon voulut même l'embrasser, sous prétexte qu'elle avait de grosses bonnes joues. Comme c'était haut une montagne !

Parfois, un petit bruit annonçait une source et la Marguerite y courait étancher sa soif, s'y reposer, puis elle repartait.

Enfin, elle arriva à un herbage magnifique. L'herbe était fine comme des cheveux.

Il y avait une foule de fleurs, bleues, jaunes, rouges. Et cela sentait si bon, si fort, qu'elle se serait évanouie, sans le vent frais qui la ravigotait.

Au milieu de ce pâturage, paissant parmi ses frères, elle aperçut son cher mouton (elle le reconnut bien, car il avait une petite tache noire à l'oreille). Marguerite courut vers lui.

— Mouton, hé ! Mon cher mouton, ne me reconnais–tu pas ? Je suis la Marguerite qui t'a donné deux feuilles quand tu étais petit !

Le beau mouton était étonné et attendri.

— Je voulais te revoir. Mais, en voyageant, j'ai appris des choses terribles. On m'a dit que dans la montagne, il y avait des loups qui s'attaquaient parfois aux moutons. C'est le boeuf qui m'a prévenue!

— Sauve-toi, sauve-toi vite!

— Je ne puis le croire, dit le mouton... Me sauver ! Je périrais de chagrin sans mes frères ! Autant partager leur sort!

La nuit tombait.

— À demain, ma courageuse petite fleur, je dois rejoindre un peu plus loin mon troupeau...

La Marguerite s'étendit sur l'herbe douce. Elle aperçut le pré du ciel épanoui d'étoiles. Elle n'avait jamais vu de fleurs si brillantes et s'endormit en les regardant.

Le jour revint. La Marguerite tapota sa jupe de feuilles, déplia sa collerette, et se présenta à ses voisines de l'herbage.

Elle entendait tinter des clochettes ding, dong, dang, et le troupeau s'éparpillait sur les pentes.

Mouton, bien éveillé, cherchait son amie.
Enfin il la retrouva...

— Marguerite, j'ai une bonne nouvelle à t'apprendre, lui dit-il.

— Tu vas te sauver ?...

— Mais non...regarde la belle cloche que le berger m'a mise au cou ce matin. Il m'a dit que grand-père Bélier était trop vieux maintenant pour conduire le troupeau et il m'a choisi pour le remplacer.

— Sais-tu que le bélier est le plus beau mouton du troupeau et qu'il doit avertir les autres à la venue du danger. Cette cloche me permetra d'avertir le berger.

— Quelle joie ! Moi aussi, je vais te dire quelque chose: je m'installe ici pour toujours et j'élèverai sur la montagne une nombreuse famille.

Et, quand arriva l'automne, on vit sur le pré des touffes et des touffes de marguerites qui serraient contre leur coeur des poignées de petites graines.

Le froid commença. Bientôt les moutons s'en retournèrent dans la plaine...

La neige vint recouvrir toutes les fleurs, toutes les plantes. Les petites graines s'enfoncèrent bien profond dans la terre afin de préparer pour l'année prochaine un beau tapis pour la venue des moutons.

bunni


Petit flocon

La nuit est tombée sur la montagne. La lune brille, dans un ciel de velours noir, entourée de ses amies les étoiles. Elles veillent toutes ensemble sur le sommeil des sapins, des chamois, des marmottes...et des hommes, petits et grands, endormis bien au chaud dans le chalet caché sous la neige.
Tout est calme... Plus un bruit ne résonne...
Plus un bruit ? Mais alors quel est ce son léger, étouffé qui semble tomber du ciel ?

C'est un petit flocon de neige, accroché là-haut à son nuage, qui pleure.
Toute la journée, il a regardé ses amis voler, tournoyer dans le ciel, puis se laisser tomber doucement, portés par un souffle d'air, sur le sol. Il les a entendus rire, crier leur joie.
Il les a vus courir après le vent, puis jouer avec les enfants de la montagne. Il les a regardés encore se laisser attraper, embrasser par les petites bouches vermillon, caresser par les menottes emmitouflées. Qu'il aurait aimé les rejoindre !!! Surtout en fin d'après-midi, lorsque les enfants ont rassemblé tous les flocons pour confectionner le magnifique bonhomme de neige, coiffé d'un bonnet bleu et nanti d'un si long nez orange, qui garde maintenant le jardin.

Mais lui est resté seul, sur son nuage. A présent, il est triste. Il pleure... Soudain, la nuit devient plus lumineuse. C'est la lune qui s'approche, s'approche, et demande d'une voix douce...
« Mais qu'as-tu donc, petit flocon, pour être si triste ?
- Oh, Dame la Lune, je pleure parce que je suis seul. Mes amis sont tous partis, là-bas, dans la montagne.
- Pourquoi ne les as-tu pas accompagnés ?
- Je n'ai pas osé !
- As-tu peur de quitter ton nuage?
- Non, non.
- As-tu peur alors de ne pas savoir voler ?
- Non, non, ce n'est pas ça !
- Mais alors, je ne comprends pas. Explique-moi ! »

Dame la Lune le regarde si gentiment, avec tant de douceur que le petit flocon de neige se décide à tout lui expliquer : voilà, il est un peu plus gros, un peu plus épais que tous ses camarades. Tout rond, il ne ressemble à aucun flocon de neige. Tous ses camarades étaient fins, ciselés comme de la dentelle. Et beaucoup s'étaient moqués de sa forme bizarre, jamais vue au pays des neiges. Il avait donc pris l'habitude de bien demeurer caché tout au fond du nuage duveteux.
Mais les flocons ont grandi et aujourd'hui était venu le jour du grand envol. Tous avaient quitté avec joie le nuage, heureux de connaître l'ivresse des airs. Tous, sauf lui, qui n'avait pas voulu montrer à nouveau sa forme inhabituelle, lui qui n'avait pas voulu subir encore les moqueries de ses camarades. Alors, il était resté là, solidement accroché au rebord de son nuage.
«Mais, lui dit la Lune, tous les flocons de neige sont différents. Comme mes amies les étoiles : quand on les regarde de loin, on trouve qu'elles se ressemblent. Mais dès qu'on s'approche, on remarque à quel point chacune est différente, unique. Il en est de même pour tous tes camarades.
Et toi aussi petit flocon, tu es unique. C'est ta différence qui fait de toi quelqu'un de précieux.
Alors, ne crains pas de te montrer ! Sois fier de ce que tu es : un flocon extraordinaire ! »

A ces mots, le petit flocon a séché ses larmes. Il s'est redressé. Il a regardé son nuage, puis la montagne enneigée... Il a respiré profondément... Et après un dernier sourire à la Lune, il s'est élancé... a tourbillonné dans les airs, goûté la joie de se sentir libre et léger...avant de venir se poser...là, juste sur le bout du nez du bonhomme de neige.

Sous le regard attendri de la lune, dans le froid de la nuit étoilée, petit flocon brille, brille de mille feux, tel un diamant car il sait désormais qu'il est précieux parce qu' ...

UNIQUE.

bunni


Le mystère de l'île aux épices

Dans une petite île des Caraïbes, appelée l'Île aux Épices, vivait autrefois, tout là-haut dans les montagnes, une vieille dame. Petite Mama mesurait environ quatre pieds et était la plus petite dame de l'île. Ses yeux étaient noirs et profonds. Elle parlait d'une voix sèche comme les branches mortes et lorsqu'elle riait, son rire éclatait comme le tonnerre.
     Même si Petite Mama n'était pas grande, elle était très forte et le travail ne lui faisait pas peur. Elle possédait beaucoup de terres ; celles-ci s'étendaient jusque dans la montagne et étaient plantées de tous les fruits tropicaux imaginables. Il y avait des sapotes, des mangues, des bananes, des caramboles, des pommes grenades, des goyaves, des oranges, des corossols, des prunes et plusieurs autres. Lorsque les fruits étaient mûrs, Petite Mama parcourait ses terres, les cueillait et les chargeait dans sa carriole tirée par un âne. Elle entourait ensuite sa tête d'un foulard aux couleurs merveilleuses, mettait son chapeau de paille à larges bords et descendait de la montagne pour vendre ses fruits.
     Personne ne se rendait là-haut pour acheter les fruits de Petite Mama. Les gens avaient tous peur d'elle car elle vivait seule. Ils croyaient qu'elle pratiquait la sorcellerie ou le vaudou. Mais cela ne dérangeait pas Petite Mama. Elle descendait à la ville, arrêtait son chariot sur le côté de la route et les gens venaient de partout dans l'île pour acheter ses fruits car ils étaient les plus sucrés et les plus juteux qu'on pouvait goûter. Même si Petite Mama possédait plusieurs arbres fruitiers, ses préférés étaient les muscadiers qui donnent les noix de muscade et le macis.
     Un peu plus haut dans la montagne, juste au-dessus des muscadiers, se trouvait au beau milieu d'un volcan, un lac sans fond. Des gens étaient souvent venus de loin avec leur équipement sophistiqué pour tenter de trouver le fond de ce lac, mais, malgré tous leurs efforts, ils n'y étaient jamais parvenus. Petite Mama disait que sur ce lac vivait une jeune fille noire. Elle l'appelait « La Princesse Muscade » car elle n'apparaissait que lorsque les noix de muscade étaient prêtes à être cueillies et que leur parfum sucré embaumait l'air.
     « Elle est la plus jolie princesse que vous ayez jamais vue », racontait Petite Mama. « Elle a de grands yeux et un sourire magnifique. Elle est toujours habillée de bleu clair, ses cheveux sont nattés en centaines de petites tresses et au bout de chacune pend une goutte de rosée qui ressemble à un diamant. Je crois — poursuivait Petite Mama —, qu'elle est d'une beauté qu'on ne peut décrire avec des mots. Celle-ci émane de son âme et de son cœur. Lorsque la Princesse apparaît, elle est assise au milieu du lac sur un radeau fait de tiges de bambou attachées les unes aux autres et elle se laisse glisser sur l'eau en fredonnant une douce mélodie. Parfois son chant est triste, quelques fois il est joyeux. Mais en l'espace d'un éclair, elle disparaît aussi rapidement qu'elle est venue. »
     Petite Mama était la seule à avoir vu la petite princesse du lac. C'est pourquoi les gens de la ville bavardaient sur son compte et croyaient qu'elle était un peu bizarre.
     Dans cette ville, vivait un garçon appelé Aglo. Ses parents ne possédaient pas beaucoup de choses, mais le peu qu'ils avaient leur permettait d'être heureux car la maison d'Aglo était pleine d'amour et les choses matérielles avaient bien peu d'importance pour lui. Sa meilleure amie était une jeune fille joufflue appelée Pétale. Elle habitait tout près de chez Aglo, à quelques maisons de la sienne. Aglo et Pétale adoraient lire. Ils étaient chanceux car le papa de Pétale qui était le bibliothécaire de la ville ramenait souvent à la maison plein de merveilleux livres. Ils s'asseyaient alors sur les marches ou sous un manguier et se faisaient la lecture, s'évadant dans les pages magiques des livres.
     Aglo n'avait pas peur de Petite Mama car pour lui elle était un être humain comme les autres. Chaque fois qu'il la rencontrait vendant ses fruits il lui criait : « Avez-vous besoin d'aide aujourd'hui, Petite Mama ? » Et elle lui répondait : « Non merci, mon gars, non merci. » Ou Aglo lui demandait : « Avez-vous quelque chose pour moi aujourd'hui, Petite Mama ? » Et elle lui donnait un fruit. Certains jours, elle le surprenait en lui lançant un livre. Aglo bondissait alors de joie et descendait la rue aussi vite qu'un oiseau-mouche jusqu'à la maison de Pétale. Tous les deux s'asseyaient ensuite dans l'escalier pour lire le nouveau livre.
     Un beau jour, Aglo décida de se rendre dans la montagne pour voir Petite Mama. C'était la première fois qu'il montait là-haut.
     « Petite Mama », cria-t-il.
     « Que veux-tu ? » répondit-elle de sa voix sèche.
     « Dis-moi, Petite Mama, la Princesse Muscade existe-t-elle vraiment ? »
     « Pourquoi veux-tu savoir cela ? »
     « Parce que j'aimerais la voir. Les noix de muscade sont presque mûres et elle apparaîtra bientôt. »
     « Est-ce que tu crois que moi je peux vraiment la voir ? » demanda Petite Mama.
     « Oh oui ! Petite Mama, je le crois. »
     « Alors écoute-moi bien. Tu dois, comme moi, te lever très tôt, à quatre heures du matin, avant que le premier coq ne chante, tandis que l'air est pur et frais et qu'on peut sentir l'odeur de la muscade et celle de la rosée sur les fleurs. Crois-tu que tu peux te lever aussi tôt ? »
     « Cela ne me pose aucun problème, Petite Mama, vraiment aucun problème », répondit Aglo tremblant d'excitation.
     « Ensuite, lorsque tu entendras le premier chant du coq, lui dit-elle, tu commenceras à gravir la montagne. Tu marcheras au-delà des arbres fruitiers et des muscadiers jusqu'à ce que tu atteignes la rive du lac. Assieds-toi sur la grosse pierre près de la vieille barque rouge et attends. »
     « Viendra-t-elle ? » demanda Aglo.
     « Seul Dieu le sait, mon enfant. »
     Sur ces mots, Aglo redescendit la montagne aussi vite que l'éclair jusqu'à la maison de Pétale.
     « Pétale, Pétale » cria-t-il.
     « Qu'est-ce qui se passe, Aglo ? » répondit Pétale qui se tenait à la fenêtre.
     « Demain c'est samedi. Il n'y a pas d'école. Je vais monter dans la montagne jusqu'au lac pour tenter d'apercevoir la Princesse Muscade. »
     « Cela semble amusant. À quelle heure ? »
     « À quatre heures et demie du matin. Est-ce que tu viens avec moi ? »
     « Compte sur moi. À demain. »

  « Cocorico, cocorico ».
     Le lendemain, à cinq heures moins le quart et au premier chant du coq, ils avaient déjà gravi la moitié de la montagne. Il faisait encore nuit et l'air tropical était pur et frais. On pouvait entendre le bruit sourd de la rivière coulant dans la montagne. « Wouah ! Wouah ! » Un chien aboyait au loin et plusieurs autres lui répondaient en chœur. Aglo et Pétale continuaient de grimper. Ils traversèrent les champs d'arbres fruitiers où ils s'arrêtèrent pour cueillir quelques mangues. Un peu plus haut, ils passèrent près des muscadiers et finalement, atteignirent la rive du lac.
     Il était cinq heures trente lorsqu'ils virent la grosse pierre près de la vieille barque rouge. L'odeur de la muscade était très forte et embaumait l'air frais du matin. Le chant familier des oiseaux emplissait leurs oreilles d'une douce musique. Ils s'assirent et attendirent en mangeant leurs mangues, mais rien n'apparut sur le lac, rien d'inhabituel.      Soudain, les oiseaux cessèrent leur chant et tout devint immobile.
     « Regarde, regarde, dit Aglo doucement, la voilà. »
     « Mais où, où ? » murmura Pétale.
     « Là » répondit Aglo à voix basse.
     Mais peu importe dans quelle direction regardait Pétale, elle ne pouvait voir la princesse.
     « Elle nous regarde, Pétale ! Elle nous regarde ! »
     « De quoi a-t-elle l'air, Aglo ? Je ne la vois pas. »
     « C'est une très belle dame. Vraiment très belle. Elle porte une longue robe bleue et elle nous sourit. »
     « Est-ce qu'elle a des diamants dans ses cheveux ? »
     « Oui, et une aura tout autour d'elle. »
     « Que fait-elle ? »
     « Elle nous sourit. Oh ! Elle est partie. Pétale, elle est partie. »
     « Comme j'aurais aimé la voir ! » dit Pétale, déçue.
     « Peut-être la prochaine fois, Pétale. Rentrons à la maison. »
     Ils descendirent de la montagne à toute allure. En passant près de la maison de Petite Mama, ils lui annoncèrent la bonne nouvelle. Petite Mama les regarda et sourit. Ils continuèrent leur route criant à tous qu'ils avaient vu la Princesse Muscade.
     « Mais qui donc fait tout ce bruit dans la cour ? » demanda une voisine.
     « C'est Aglo et Pétale. Ils disent avoir vu la Princesse Muscade » répondit une autre voisine.
     « Vous voyez ce qui arrive lorsqu'on parle à des gens comme Petite Mama » dit un pêcheur.
     Aglo entra à toute vitesse chez lui pour annoncer la bonne nouvelle.
     « As-tu déjeuné ? » lui demanda son père.
     « Non, papa » répondit Aglo.
     « Alors, voilà pourquoi tu as vu la Princesse Muscade. Ton ventre est creux et tu as besoin de manger. »
     Personne ne voulut croire Aglo, sauf Pétale et Petite Mama. Mais la nouvelle sur la princesse aux diamants se répandit vite et même si les gens ne croyaient pas Aglo, la moitié des habitants de la ville grimpèrent la montagne jusqu'au lac. Ils étaient avides ; ils croyaient que si Aglo disait vrai et que la princesse existait vraiment, ils pourraient prendre quelques diamants de ses cheveux et être riches pour le reste de leurs jours. Les deux premiers matins la princesse n'apparut pas. Mais le troisième matin, Aglo et Pétale retournèrent au lac et s'assirent à leur endroit préféré sur la grosse pierre près de la barque rouge. Et une fois de plus, tous les oiseaux cessèrent de chanter et tout devint calme.
     « La voilà » dit Aglo.
     « Où ? où ? » se mirent à crier les gens.
     Mais personne ne put la voir. Même Pétale. Tout ce qu'ils aperçurent c'est le radeau de bambou. Mais cela suffit à Pétale, car dans son cœur elle savait qu'Aglo pouvait voir la princesse.
     « Je vois un radeau » dit une dame portant un parapluie.
     « Les diamants sont peut-être sur le radeau », reprit un pêcheur.
     Alors, dans un grand plouf, ils sautèrent tous à l'eau et commencèrent à nager vers le radeau. La Princesse Muscade demeurait immobile. Elle fredonnait une chanson. Mais son chant était triste car elle savait que ces gens ne se préoccupaient que de richesses et de rien d'autre. Elle fit alors signe à Aglo et Pétale de s'approcher.
     « Elle veut qu'on la rejoigne... mais... mais je ne sais pas nager. »
     « Servons-nous de cette vieille barque » dit Pétale.
     « Bonne idée » répondit Aglo.
     Ils poussèrent alors la barque jusqu'à l'eau, y montèrent et ramèrent vers la princesse.      Mais c'était une vieille barque et à mi-chemin l'eau commença à s'infiltrer et la barque à couler.
     « Je ne sais pas nager. Je ne sais pas nager » cria Aglo pris de panique.
     « Ne t'inquiète pas, répondit Pétale, moi je le sais. Lorsque nous serons dans l'eau accroche-toi à mon épaule et tout ira bien. »
     Aglo agrippa doucement l'épaule de Pétale. Elle se mit alors à nager et tous les deux atteignirent le radeau, trempés et sans force.
     « Est-elle là ? » demanda Pétale hors de souffle.
     « Oui, elle est là. Et elle nous sourit » répondit Aglo.
     À chaque fois que quelqu'un de la ville s'approchait du radeau, celui-ci dérivait hors de sa portée jusqu'à ce que, épuisés, les gens regagnent la rive et s'assoient pour regarder Pétale et Aglo flotter sur le lac. Le visage d'Aglo resplendissait de joie. Tout à coup, la princesse remua ses cheveux et tous les diamants de rosée se répandirent sur le lac. C'était comme si le ciel s'ouvrait pour laisser s'échapper des millions d'étoiles. Un des diamants se posa au milieu du front de Pétale, elle leva les yeux et, à son tour, vit la Princesse Muscade.
     « Je peux la voir, Aglo. Je peux la voir ! »
     « Tu n'es pas égoïste, dit la Princesse. Tu n'as pas pensé qu'à toi mais plutôt à l'amour que tu portes à ton ami et tu l'as sauvé. Répands cet amour dans le monde. Va maintenant, poursuis tes rêves et si tu crois en toi, tout est possible. »
     Et elle disparut.

bunni

#519

Petit conte au coin du feu :Frau Holle

Comme vous le savez, il y a très longtemps, les contes étaient racontés par les grand-mères à leurs petits enfants. On les nommait alors des contes de grand-mère, et chacune avait sa version qu'elle transmettait aux générations suivantes. Et puis, quelques messieurs ont décidé un jour de mettre tous ces contes par écrit. Ils sont donc allés trouver les grands-mères pour leur demander de raconter les histoires, et en publièrent quelques livres.
­Ce fut quelque chose de bien, car désormais, ces contes, qui n'étaient jusque là conservés que dans les mémoires, se trouvaient mis sur papier, et on était assuré de les voir survivre au passage du temps. Mais ce fut également quelque chose de moins bien, car désormais, une seule version s'imposait par dessus toutes les autres: celle de l'auteur du livre. Ce n'était pas forcément la pire, mais ce n'était pas forcément la meilleure non plus: c'était une version parmi les autres.
­C'est ainsi qu'en France, parce que notre collecteur de contes à nous s'appelait Charles Perrault, nos contes de grand-mère sont devenus les contes de Perrault. En Allemagne, ce sont les Frères Grimm qui ont collecté tous les contes, et ils sont devenus les contes de Grimm. Et comme Charles Perrault et les frères Grimm ne connaissaient pas les mêmes grands-mères, ils n'ont pas noté dans leurs livres exactement les mêmes histoires.
­Le conte que je vais vous dire à présent vient du livre des Frères Grimm. Mais comme je ne suis ni l'un des frères Grimm, ni la grand-mère qui leur a raconté cette histoire, je ne vous raconterai pas cette histoire à la manière des frères Grimm, mais je vous raconterai la version que ma grand-mère aurait pu me raconter. Si vous avez vous-même à la raconter à quelqu'un d'autre, ne la reprennez pas telle que moi je vous la raconte, mais comme votre grand-mère aurait pu vous la raconter, car c'est ainsi que vivent les contes.
­Voici l'histoire de Frau Holle, "Frau" étant le mot allemand pour "Madame".



­Il était une fois une petite fille très gentille, et très belle. Elle vivait chez sa belle-mère, avec sa demi-soeur qui était, elle, très méchante, pas belle du tout, et surtout très paresseuse. Et comme la belle-mère était jalouse que sa fille à elle soit moins belle que l'autre, c'était la petite fille très gentille et très belle qui devait tout faire à la maison. C'est elle qui faisait la vaisselle. C'est elle qui faisait le ménage. C'est elle qui faisait la couture.
­C'était il y a très longtemps, et les machines pour faire la couture n'étaient pas aussi bien faites qu'aujourd'hui. En fait, elles étaient très dangereuses, avec plein d'aiguilles partout, et un jour, en faisant la couture, la petite fille très gentille et très belle s'est piqué le doigt avec une des aiguilles, et s'est mise à saigner, à beaucoup saigner.
­Elle est donc sortie en courant de la maison, pour aller jusqu'à la fontaine, et a trempé son doigt dans l'eau fraiche pour qu'il arrête de saigner. Et là, la petite fille très gentille et très belle est tombée en avant, et à été aspirée dans l'eau de la fontaine. Elle s'est retrouvée au centre d'une grande prairie toute verte, avec au dessus de sa tête un très beau ciel tout bleu et un grand soleil qui brillait.
­La petite fille très gentille et très belle a commencé à marcher dans la prairie. Et elle est arrivée jusque devant un grand pommier, qui était tout plein de pommes. Il était tellement plein de pommes que toutes ses branches pliaient vers le sol, et que le pauvre pommier ressemblait à un saule pleureur.
­Alors quand il a vu la petite fille très gentille et très belle arriver, le pommier lui a crié « S'il te plait! Secoue-moi! Secoue-moi, pour que mes pommes tombent et que ce soit moins lourd à porter!» Et la petite fille, qui était très gentille et très belle, prit le tronc du pommier à deux mains, et le secoua, secoua, jusqu'à ce que toutes les pommes tombent. Le pommier était très content, et toutes ses branches sont remontées vers le ciel. Il a remercié la petite fille, et celle-ci a continué son chemin.
­La petite fille très gentille et très belle est arrivée ensuite devant un grand four de boulanger, vous savez, avec une très grande ouverture et plein de pains qui cuisent à l'intérieur, et aussi une grande pelle de boulanger posée sur le côté. Et quand ils ont vu la petite fille très gentille et très belle arriver, tous les pains qui étaient dans le four lui ont crié « S'il te plait! Sors-nous de là! Sors-nous de là, car nous allons être trop cuits!»
­Et la petite fille, car elle était très gentille et très belle, prit la grande pelle de boulanger et la plongea dans le four, pour sortir tous les pains avant qu'ils ne soient trop cuits. Et tous les pains l'ont beaucoup remercié, et la petite fille très gentille et très belle a continué son chemin dans la prairie.
­Elle est arrivée ensuite jusque devant une très grande et très belle maison, et devant la porte de la maison, il y avait une très vieille femme qui la regardait, assise dans son fauteuil. Et quand elle a vu la petite fille très gentille et très belle approcher, la vieille dame lui a dit « Bonjour, petite fille. Je suis Frau Holle, et je voudrais te demander un service. Vois-tu, je suis très vieille, et j'ai du mal à me déplacer, aussi je voudrais que tu m'aides à nettoyer ma maison.» Et la petite fille, comme elle était très gentille et très belle, accepta d'aider Frau Holle à nettoyer sa maison.
­Elle est entrée dans la grande et belle maison et a commencé à tout nettoyer, et pendant qu'elle nettoyait, c'était l'hiver chez nous. Et à chaque fois que la petite fille secouait un drap du lit ou une des belles robes de Frau Holle, à chaque fois que de la poussière en tombait, c'est de la neige qui tombait chez nous.
­Quand la petite fille eut finit de tout nettoyer, elle est revenue voir Frau Holle, et lui a dit « Ça y est, j'ai tout nettoyé dans ta maison.
– C'est bien, ma petite. Maintenant écoute-moi: tu vas retourner d'où tu viens. Tu vas retourner au centre de la prairie, là où tu es arrivée, et là, tu recevra ta récompense et tu rentreras chez toi.» Et la petite fille très gentille et très belle fit ce que Frau Holle lui avait demandé. Quand elle arriva au centre de la prairie, un beau nuage tout doré s'est formé au dessus de sa tête, et une pluie d'or s'est mise à tomber, et la petite fille a été entrainée avec la pluie d'or, et s'est retrouvée dans la fontaine, à côté de chez elle.
­Elle a alors remarqué que la pluie avait laissé des traces dorées sur elle, et quand elle s'est secouée, tout l'or est tombé, et elle a pu le récupérer. Elle a couru jusqu'à chez elle, en emportant tout l'or, et a tout raconté à sa belle-mère et à sa demi-soeur.
­Mais la demi-soeur, qui, vous vous souvenez, était très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout, la demi-soeur s'est dit « Je vais faire pareil. Je vais aller voir Frau Holle, et je vais ramener encore plus d'or, comme ça, on sera encore plus riche.»
­Et la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout a prit une aiguille et s'est volontairement piqué le doigt, puis elle a couru jusqu'à la fontaine pour tremper son doigt dans l'eau. Et elle aussi, elle est tombée en avant, et a été aspirée pour se retrouver dans la grande prairie toute verte, avec le beau ciel tout bleu et le grand soleil.
­Elle a commencé à marcher, et elle est arrivée devant le grand pommier, qui était de nouveau tout couvert de pommes. Et quand il a vu la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout, le pommier lui a crié « S'il te plait! Secoue-moi! Secoue-moi, pour que mes pommes tombent et que ce soit moins lourd à porter!» Mais la petite fille lui a répondu « Pas question! Et si je prennais une pomme sur la tête ? Je ne veux pas me faire mal!» Et elle a continué son chemin, sans se préoccuper du pauvre pommier.
­Elle est arrivée devant le grand four de boulanger, avec la grande pelle de boulanger posée à côté. Et quand elle est passée près du grand four de boulanger, tous les pains à l'intérieur lui ont crié « S'il te plait! Sors-nous de là! Sors-nous de là, car nous allons être trop cuits!». Mais la petite fille très méchante, très parresseuse et pas jolie du tout a répondu « Pas question! Vous savez comme c'est sale, un four de boulanger? Je ne veux pas me salir!» Et elle a continué son chemin en laissant les pains brûler dans le four.
­Et puis, la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout est arrivée devant la grande maison de Frau Holle, et s'est approché de la vieille dame qui était assise dans son fauteuil devant la porte. Et la vieille dame lui a dit « Bonjour, petite fille. Je suis Frau Holle, et je voudrais te demander un service. Vois-tu, je suis très vieille, et j'ai du mal à me déplacer, aussi je voudrais que tu m'aides à nettoyer ma maison.»
­Et là, la petite fille, qui était très paresseuse et n'avait pas du tout l'intention d'aide Frau Holle, a quand même répondu qu'elle allait le faire, car elle savait que c'était Frau Holle qui avait donné la récompense à l'autre petite fille, celle qui était très gentille et très belle, et qu'il fallait donc faire semblant de faire le travail. Mais comme Frau Holle était très vieille et ne pouvait plus se déplacer, quand elle est entrée dans la maison, la petite fille très méchante et pas jolie du tout n'a rien nettoyé. Elle pensait « De toute façon, ça ne lui sert à rien: elle reste tout le temps devant sa porte et n'y rentre jamais, dans sa maison. Je ne vois pas pourquoi je me fatiguerait à la lui nettoyer.» Et comme elle n'a secoué aucun drap, ni aucun vêtement, cet hiver-là, chez nous, il n'a pas neigé du tout.
­Et puis, au bout d'un certain temps, le temps qui lui aurait fallu pour nettoyer la maison si elle avait respecté sa parole, la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout est retournée trouver Frau Holle et lui a dit « Ça y est, j'ai tout nettoyé dans ta maison. Et maintenant, je voudrais avoir ma récompense et pouvoir rentrer chez moi.»
­Mais Frau Holle n'avait pas besoin de se lever et d'aller voir dans la maison pour savoir que la petite fille n'y avait rien fait du tout. Elle le savait très bien, comme elle savait aussi que la petite fille n'avait pas voulu secouer le pommier, ni sortir les pains du four. Alors elle lui a répondu « Tu vas retourner d'où tu viens. Tu vas retourner au centre de la prairie. Là, tu vas pouvoir retourner chez toi, et recevoir la récompense que tu as mérité.»
­Et la petite fille est retournée au centre de la prairie, et quand elle y est arrivée, un gros nuage s'est formé au dessus de sa tête, mais cette fois, c'était un nuage tout noir, comme quand il y a de l'orage. Et la pluie qui est tombée sur la petite fille était toute collante et très désagréable. Et quand elle s'est retrouvée dans la fontaine, la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout s'est aperçue qu'elle était toute salle et a voulu se laver, mais la saleté collait à sa peau, et elle n'a jamais pu la nettoyer.
­Et c'était bien fait pour elle.





bunni


Les secrets du Сhâteau de Fleurs

Il était une fois un pays, dont la gloire s'étendait à travers le monde entier. Là, tout était extraordinaire: les palais frappaient l'imagination d'un luxe (les habitants les appelaient «château»), les bois surprenaient par l'abondance d'oiseaux et de bêtes. Mais la chose la plus remarquable de ce pays c'était un jardin magique, où poussaient des fleurs et des arbres extraordinaires entièrement couverts de fruits dorés. Chaque nuit la récolte devenait complètement mûre et le matin les habitants pouvaient de nouveau goûter les fruits savoureux. Mais le principal secret du jardin magique consistait en ce que chacun après avoir mordu dans un morceau du fruit devenait beaucoup plus heureux, que ce qu'il avait été avant.
      On appelait ce pays «Rosstchastliviya» (c'est-à-dire «rendant heureux») et ses habitants — «stchastlivorossy» («les Slaves heureux»). L'apparence des habitants du pays était aussi remarquable — les femmes étaient réputées pour leur beauté et l'élégance. Chez eux il était à la mode de piquer dans les cheveux des pétales dorés du jardin, grâce à quoi la lumière de leurs yeux possédait un attrait extraordinaire. Les hommes portaient des manteaux de velours, qui sur leurs larges épaules avaient l'air des manteaux royaux. Ils ne devaient pas porter l'arme. Leur dignité et le courage étaient la meilleure preuve de la force. Leur langue était tellement chantante, que pendant qu'ils tenaient des conversations il semblait comme si la musique magique sonnait. Dans ce pays tout respirait l'harmonie et le bonheur.
      Mais le temps passait et les habitants n'ont pas eux-mêmes remarqué que quelque chose dans le monde merveilleux s'était mis à changer. Par désoeuvrement quelqu'un avait dit quelque chose de blessant, quelqu'un avait envié quelqu'un... Comment cela s'est passé — personne ne l'a remarqué, l'envie et la méchanceté avaient envahi le pays. Les femmes ont commencé à mal vieillir, les pétales dans leurs cheveux ont pâli
et se sont effeuillés, les épaules des hommes se tassaient. Les vices des gens que personne n'avait auparavant remarqués ont commencé à se manifester.
Et même dans le jardin il y a eu un malheur — le vieux jardinier Flergan a été atteint d'une maladie mortelle. Le jardin magique s'est très vite couvert de mousse et de lichens, les sentiers se sont couverts de prunellier. Les fleurs et les fruits magiques se couvraient sous les yeux de mousse et tombaient des branches, n'ayant pas eu le temps de mûrir. Les habitants étaient épouvantés par les changements arrivés: leur beau monde s'évanouissait. Le silence et la terreur se sont faits à Rosstchastliviya.
      Personne ne savait comment aider le jardinier aimé, comment rendre leur beau monde. Chaque soir les gens ont commencé à se réunir dans le jardin près de l'arbre autrefois luxuriant. Le malheur commun a rapproché les habitants, les a réunis ensemble. Par qui est venue l'idée d'apporter de l'eau du ruisseau et d'arroser l'arbre — maintenant on ne le rappellerait déjà pas, mais alors... Alors il y a eu un miracle — sous les yeux des habitants stupéfiés: un petit bouton a émergé sur l'arbre presque sec! Le travail a battu son plein: tous portaient les seaux d'eau et arrosaient le jardin magique. Le rire s'est fait entendre et en un clin d'oeil tout a commencé à changer — sur les arbres les bourgeons se gonflaient, les feuilles et les fleurs s'épanouissaient.
      Une fleur était tout à fait particulière. Les pétales roses couvraient en frémissant les étamines dorées, sur lesquelles il y avaient les gouttes de rosée reflétant les rayons de la lumière. Soudain les pétales se sont mis à trembler et la rosée, comme les larmes, a coulé de la fleur. Là, où dégouttait la rosée, germait l'herbe d'émeraude. Les gens ont cueilli un peu de rosée, et tous ensemble sont partis chez le vieux jardinier Flergan. Quelques gouttes ont suffi pour que le jardinier se soit rétabli. Quand il est sorti au jardin les oiseaux chantaient, le vent léger caressait l'herbe juteuse et fraîche. Flergan s'est tourné, son visage brillait de la lumière du bonheur. «Depuis longtemps j'attendais ce moment, — a-t-il dit, — vous-mêmes êtes la source de la vie. Ce n'est que vous-mêmes qui êtes un récipient magique d'une harmonie exceptionnelle, qui rend tous plus heureux!»
     Alors les habitants du pays magique ont compris que le principal — l'harmonie de la vie, l'amour de l'un envers l'autre — est encore vivant! La musique magique a retenti, tous les habitants de Rosstchastliviya disaient à qui mieux - mieux des mots agréables l'un à l'autre. Flergan a ouvert des caves dans le jardin et a organisé un festin de roi. Tous les «stchastlivorossy» l'aidaient, le rire sonnait partout.
      Et j'étais là, goûtait les mets magiques, que le vieux magicien offrait. C'est ce que je vous souhaite!

bunni


Conte de Lune

Il était une fois une panthère voyageuse, myrtillée et sans logis. Une nuit qu'elle avançait, droit devant elle sans jamais se retourner, à la recherche de sa terre, de sa planète panthère passion, elle vit devant elle une montagne à contre-lune. La montagne respirait lourdement, saccadée et sonore. Vibrante. La terre en tremblait. Mais la montagne était un lion, un petit lion endormi dans la brousse. Il fermait les yeux pour faire semblant de ne pas voir la forme inquiétante qui avançait. Très fort. Tellement fort qu'il l'imaginait plus sauvage et plus dangereuse qu'elle ne l'était. Une lionne peut-être. Une chasseresse qui l'empêcherait d'être libre. Seul un parfum de myrtille et de voyage lui faisait deviner qu'elle pouvait peut-être être douce. Pendant ce temps la panthère se demandait comment escalader cette montagne. Elle n'a pas pensé la contourner. Elle n'avait jamais vu une montagne aussi puissante. Elle la sentait vibrer sous ses pattes. Un petit singe passa par là. Il regarda tour à tour la panthère figée devant cette grande masse ocre, et le lion faisant semblant de dormir. Le petit singe rigola. Mais pourquoi restes-tu là arrêtée devant un lion, il a peur de toi, tu ne crains rien... Ce n'est pas un lion, dit la panthère, c'est ma montagne. Je t'assure que c'est un lion, répondit le petit singe et qu'un lion ne peut pas être ta montagne. La panthère ne bougeait pas. Le lion qui avait tout entendu, ouvrit un œil . Il vit tour à tour la panthère et le singe et se dit qu'il était d'accord avec le singe et qu'il ne pouvait pas être une montagne. La panthère ne ressemblait à aucune lionne. Elle était plus noire, plus lisse, elle semblait plus forte et plus guerrière. La panthère s'approcha de la montagne - le lion - et se frotta doucement contre lui. Une bouffée de douceur envahit le lion. N'aie pas peur de moi, dit la panthère. Je cherche ma terre panthère passion pour voyager plus loin, ma terre ocre de soleil, un petit prince voyageur, je cherche un sourire dans le silence et les chants de la plaine, je cherche une petite montagne triste d'avancer seule. J'ai l'air puissante et dure pour cacher ma douceur, féroce contre ma tendresse, et noire contre ma pureté. Deviens ma montagne, mon petit bout de terre, et nous voyagerons ensemble. Le petit singe avait écouté tout cela et il ne pouvait pas croire que la panthère continue à prendre le petit lion pour une montagne. Le petit lion regarda à nouveau la panthère mais cette fois-ci au lieu de la regarder du dehors il plongea dans ses yeux et il y vit tous les voyages qu'elle avait faits, tout l'amour qu'elle pouvait donner, sa tendresse - tout ce qu'il n'avait pas vu d'abord. Petite Panthère, répondit le lion, tu ne me fais plus peur. Je devine maintenant qui tu es. Tu cherches une montagne. Je ne suis qu'un lion. Mais je veux bien t'accompagner pendant ton voyage et te protéger si tu as besoin de moi. Regarde mes griffes qu'on ne voit pas quand je dors, je pourrai mordre si on te fait du mal, et te tenir chaud quand tu auras froid. La panthère le regarda longtemps sans rien dire. Finalement elle s'avança vers le lion et lui dit à l'oreille: Tu seras toujours ma petite montagne.

bunni

#522

Le secret des roussettes

C'était il y a longtemps, très longtemps, à cette époque où les animaux pouvaient vivre en toute liberté, sans crainte de l'homme.
La mer appartenait aux poissons de toutes sortes, la terre était le royaume des mammifères et autres insectes, quant au ciel, les oiseaux aux milles couleurs venaient l'égayer de leur vol incessant.
Les oiseaux, justement, étudions-les de plus près. Du perroquet à la perruche, les uns rivalisent avec les autres pour mettre en valeur leur plumage d'une beauté exceptionnelle. Mais qu'est-ce donc que ce drôle d'oiseau noir qui vole parmi les perruches?... Mais oui, c'est bien une roussette! Et que fait ce mammifère parmi ces beaux oiseaux? c'est bien simple: une solide amitié unit les deux espèces.
Toute la journée, perruche et roussette jouent ensemble. De caractère gai, la perruche invente mille facéties pour faire rire son amie. Celle-ci, un peu naïve, aime toujours la compagnie de la perruche. On ne s'ennuie jamais! Volant d'un arbre à un autre, de concours de vitesse au partage d'une mangue, les deux amies s'entendent à merveille.
Plus grande, la roussettes, par sa présence protège la perruche des prédateurs éventuels. Maligne, cette dernière apprend des tours de son invention à son amie. Parfois, elle profite gentiment de la naïveté de la roussette.

C'est ainsi qu'un jour, les deux animaux se retrouvent sur une branche. Lassées de leurs jeux précédents, elles cherchent ensemble ce qu'elles pourraient faire pour changer un peu.
- Tu veux une mangue? propose la roussette.
Perruche, tête baissée honteuse de son mauvais tour -Non, merci, j'ai assez mangé pour aujourd'hui. Tu ne connais pas un autre jeu? répond la perruche, qui commence à s'ennuyer.
- Ben... Non!
Tout à coup, la perruche exécute un drôle de tour, comme si elle tombait de l'arbre.
- Eh! Qu'est-ce qui t'arrive? s'affole son amie.
Revenue sur le haut de la branche après avoir fait un tour complet, l'oiseau rit de l'étonnement de la chauve-souris.
- Et toi? Tu saurais faire ça? Regarde bien...
Ouvrant des yeux ébahis, la roussette voit l'oiseau faire le tour entier de la branche, suspendue par les pattes. Inquiète au départ, elle éclate de rire en voyant son amie revenir à une position plus normale.
- Ça a l'air drôle! Crois-tu que je pourrai le faire? demanda-t-elle avec envie.
- Bien sûr! Je vais t'expliquer....
La perruche commence alors à détailler le mouvement pour son amie, afin de pouvoir jouer ensemble. Et la roussette de s'élancer, non sans appréhension. Plouf! Elle se rattrape de justesse, encore étourdie par le tour qu'elle vient de faire.
- Super comme jeu! On recommence?
- D'accord! On y va ensemble. Un, deux, trois, ... partez!
Et les deux amies de faire un tour autour de leur branche! Le souffle coupé par le rire et l'exaltation de leur nouveau jeu, elles tournent et tournent encore.
Puis, au milieu d'un tour, la perruche s'arrête et reste accrochée, la tête en bas. Revenue en haut de la branche, la chauve-souris s'étonne de ne pas voir son amie. Puis, elle l'aperçoit:
Roussette, la tête à l'envers- Eh reviens, qu'est-ce que tu fais?
La perruche rit en voyant le désarroi de sa compagne de jeu. Elle revient à côté d'elle après avoir fait un tour complet de la branche.
- Je t'ai bien eu, hein? Puis, malicieusement car elle sait que la roussette aura peur de le faire, elle ajoute: Vas-y toi! Tu fais comme avant mais moins vite, pour rester la tête en bas! Tu verras, c'est facile!
La roussette hésite: son équilibre est déjà précaire et elle à peur de tomber ou d'être ridicule. Mais un peu fière, elle décide de ne pas reculer devant l'obstacle. Elle s'élance et... reste en bas, comme son amie l'avait fait 2 minutes auparavant. Fière de cet exploit, toujours la tête en bas, elle interpelle l'oiseau:
- T'as vu, j'ai réussi! Et maintenant qu'est-ce que je fais?
- Ben, tu reviens!
Mais malgré tous ses efforts, la chauve-souris ne parvient pas à se redresser, ce qui déclenche les rires de la perruche.
Après plusieurs tentatives, et toujours sous les moqueries de sa camarade qui commence à la vexer, la chauve-souris finit par se laisser tomber et voler... loin de la perruche qui s'est moqué d'elle.

Depuis, les roussettes et leurs congénères s'accrochent aux branches la tête en bas et ne se tiennent plus debout, comme avant. Rancunières, elles ne côtoient plus les perruches et vivent même la nuit pour éviter de rencontrer ces oiseaux de malheur qui les ont condamner à dormir la tête en bas.
Vous connaissez maintenant le secret des roussettes et comme nous l'a recommandé notre conteur, ne le répétez surtout pas! Vous risqueriez de les vexer!

bunni


Quand Silence rencontra Petite Phrase

Silence s'écoutait, s'étirait dans l'ombre de l'horloge. Il se mesurait, se comparait à la taille du ciel et des nuages, réfléchissait. Était-il aussi profond qu'on le dit ? Silence pensa aux imbéciles qui le croyaient muet, lui qui inlassablement se parlait sans dire mot. Un frisson de peur soudain le fit frémir, un petit bruit frappait à sa porte. Non pas un petit bruit : un sorte de bruit vagabond ou de bruit qui court, plus exactement : une petite phrase.

Silence s'inquiéta : était-ce un bruit perdu, une phrase solitaire, ou un horrible traqueur de silence, un de ces massacreurs de quiétude qui peuplent les villes ? Avait-on découvert son refuge ?

Laissant peu de place à l'indésirable, Silence se fit tout petit. Il ne voulait rien écouter.

Petite Phrase criait : "ouvre-moi ta porte, je suis fatiguée, épuisée, laisse-moi partager ta solitude". En matière de silence, elle s'y connaissait Petite Phrase, elle savait que Silence n'aimait pas partager sa solitude. Pourtant elle insista : "ouvre-moi ta porte".

Prudent, Silence avait fermé ses oreilles, sa porte, et verrouillé son cœur à double tour. Mais Petite Phrase grattait aux oreilles, griffait les murs du château de Silence, se lamentait, pleurait au pied du donjon : "laisse-moi entrer, laisse-moi me réfugier", suppliait-elle ;

"la grande armée de Vacarme me pourchasse ; je ne suis que le murmure d'un poème, je ne te blesserai pas".

Petite Phrase pleurait : "si tu n'ouvres pas ta porte, je serai pareille à une larme que la rivière avale, comme elle, je me dissoudrai, me noierai dans l'océan et la foule des chahuts".

Apeurée, elle interpellait de plus belle : "Silence, connais-tu le désarroi des petites phrases inécoutées, des idées perdues, l'angoisse des mots égarés ? S'il te plait Silence, protège-moi, je ne suis que les mots d'un poème, la cohue et le bruit me tueront".

Rien ne faisait, Silence ne bronchait pas :

"Tu ne sais rien de la horde qui me poursuit", continuait Petite Phrase, "les Toni truands et leurs motos, le vibraphone et ses marteaux, les violons et leurs archets, une famille d'épinettes, de flûtes traversières, et même Pan, sont à ma poursuite". Elle rajouta : "la Grande Rumeur et ses mille langues, la foudre et les bruits qui courent, aussi sont à mes trousses".

Insupportable litanie ! Silence l'avait écouté de sa plus petite oreille, pourtant il fut ému au point que les verrous de son cœur se brisèrent et qu'il ouvrit sa porte.

C'est ainsi que se fit leur curieuse rencontre.

Silence et Petite Phrase cohabitèrent comme le tic et le tac d'une horloge.

Petite Phrase murmurait de brèves paroles puis laissait place à Silence le temps d'un soupir. Sitôt après, elle égrenait un autre chapelet de mots et cela rythmait leur vie.

Silence parfois se demandait s'il avait été raisonnable d'écouter son cœur : était-il naturel que Silence sauve Petite Phrase ? Immanquablement, cette pensée lui faisait déverser de longs soupirs.

En fait Silence et Petite Phrase s'apprivoisaient et ils s'étaient tant habitués l'un à l'autre qu'ils se marièrent et eurent un enfant qu'en raison de sa petite voix, ils nommèrent : Sourdine.

Évidement, Sourdine, comme son nom l'indique, ne parlait qu'en sourdine. Petite Phrase lui avait légué sa voix à poèmes, et Silence, sa voix intérieure, celle que certains appellent la voix du cœur.

L'harmonie régna jusqu'à ce que Sourdine explore le monde, car aussitôt les princesses, les faunes et les lutins vinrent l'écouter. Ses mots et ses silences croisés étaient si beaux que tous se croyaient à la fête. On eut dit des sortilèges de bonheur.

Son succès fut tel qu'il en devint dévastateur. Princesses, faunes, lutins, venaient de partout et tous répétaient en cœur ses paroles, tous voulaient les mettre en chanson, en musique, en symphonies. Les princesses, les faunes, les lutins ne savaient pas qu'il n'est pas besoin de dire fort les choses pour qu'elles soient belles et grandes. Aucun d'entre eux ne savait que les mots doux parlent mieux au cœur que le grand vacarme.

Cependant, la voix de Sourdine reprise par tous, devint une rumeur grandissante, tant et si bien que le Grand Chahut, la Cohue, le Tohu-Bohu assiégèrent bientôt la forteresse de Silence et Petite Phrase. Les Toni truands et leurs motos, le vibraphone et ses marteaux, les violons et leurs archets, une horde d'épinettes, de flûtes traversières, et même Pan, furent de la fête. La Grande Rumeur et ses mille langues, la foudre et les bruits qui courent, les avaient aussi rejoints. L'orgue de Barbarie parlait si haut, si fort, que Silence se bouchait les oreilles. Terrorisé il devenait si petit que Petite Phrase fut contrainte de le blottir dans ses mots pour le protéger. Sourdine, désolée, s'efforçait de ne pas pleurer.

Quand la nuit terrible s'acheva, que le Grand Vacarme, le Grand Chahut, la Cohue, le Tohu-Bohu, les Toni truands et leurs motos, le vibraphone et ses marteaux, les violons et leurs archets, une horde d'épinettes, de flûtes traversières, Pan, la Grande Rumeur et ses mille langues, la foudre et les bruits qui courent, l'orgue de Barbarie, furent assoupis, Petite Phrase se fâcha, dit une bordée de gros mots, bien trop gras pour entrer dans son vocabulaire habituel, puis elle ouvrit son plus beau poème et partit sur la pointe des pieds. Silence et Sourdine s'enfuirent avec elle. Sans donner d'adresse à qui que ce soit, ils partirent très, très loin de là au pays des ours sauvages et du froid éternel.

Depuis, Sourdine sait que Silence est un gardien de vérités essentielles que seule Petite Phrase approche pour en faire des poèmes.

Très loin d'eux, le Grand Vacarme, le Grand Chahut, la Cohue, le Tohu-Bohu, les Toni truands et leurs motos, le vibraphone et ses marteaux, les violons et leurs archets, une horde d'épinettes, de flûtes traversières, Pan, la Grande Rumeur et ses mille langues, la foudre et les bruits qui courent, l'orgue de Barbarie, qui avaient agité la terrible nuit, parlent encore du temps où Sourdine leur avait divulgué la magie des mots, distribué le sucre des silences et la musique du verbe. Tous sont nostalgiques et attendent son retour.

Huit siècles ont passés. Sourdine a grandi, elle sait maintenant qu'il faut lire au fond des yeux  pour rencontrer les silences et les mots millénaires.

bunni


Le Soleil et le Tournesol

Notre ami le soleil,

qui rend joyeux tous les enfants,

qui fait pousser par sa lumière

tous les fruits, les fleurs et les légumes,

celui qui réchauffe le coeur,

notre ami le soleil s'ennuyait.

Il est si haut ,  et si seul  !

Un jour dans un petit jardin,

une semence qui dormait depuis trop longtemps,

s'éveilla.

Quel joli endroit que celui-ci , se dit-elle

Autour d'elle, des fleurs faisaient la causette,

Madame la rose se trouvait la plus belle,

le timide myosotis se cachait sous son manteau,

la fière tulipe ajustait les plis de sa corolle.

Toutes brillaient sous le soleil de mai.

Et la semence se mit à grandir, grandir......

Les autres se moquaient de cette longue tige.

Oh! qu'il est laid, disait la rose.

Oh ! qu'il est maigre, répondait la tulipe.

Il nous fait de l'ombre, renchérissait le myosotis.

Mais le soleil la consolait,

ne les écoutes pas, disait -il.

Et le jardinier la soignait, la chouchoutait même.

Les autres fleurs en étaient vertes de jalousie,

Quoi ! il nous préfére cet échalas qui ne fleurit pas !!!!

Par un beau jour de juillet,

enfin la plante, un tournesol,

ouvrit son coeur auréolé de jaune,

comme un soleil, cousin de celui du ciel.

Alors, à l'aube de chaque jour,

le tournesol et le soleil s'éveillaient,

et toute la journée, ils jouaient

à des jeux tenus secrets.

Et notre ami le soleil  riait,

et ne s'ennuyait plus.