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Contes d'ici et d'ailleurs

Démarré par bunni, 18 Septembre 2012 à 00:22:36

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bbchaton

Les 2 voleurs et l'âne


On raconte que deux larrons volèrent un âne et l'un d'eux alla le vendre. Il rencontra un homme portant un plateau plein de poissons. L'homme lui demanda :
-« Vends-tu cet âne ? »
-« Oui, répondit le larron. »
-« Tiens ce plateau de poissons, lui dit l'homme, afin que j'enfourche cet âne pour l'essayer. S'il me plaît, je te l'achète à un prix qui te fera plaisir. »
Le larron tint le plateau, l'homme enfourcha l'âne et se mit à le faire courir et à l'essayer par des allées et venues, puis petit à petit, s'éloigna du larron et prit quelque ruelle, puis passa de l'une à l'autre jusqu'à ce qu'il disparût.
Le larron, désemparé, comprit que c'était une ruse pour lui dérober l'âne. Il revint alors avec le plateau de poissons. Son compagnon lui demanda :
-« Qu'as-tu fait de l'âne ? L'as-tu vendu ? »
-« Oui, répondit-il. »
-« A quel prix ? questionna son ami. »
-« Au prix d'achat, et ce plateau en est le bénéfice. »
L'autre lui déclara alors :
-« Que de chasseurs, voulant chasser, se trouvent pris ou reviennent bredouilles. »

bunni


Le petit garçon et les ballons

Un petit noir regarde un marchand de ballons dans la rue .Ses yeux brillent .Il y a des ballons de toutes les couleurs ,rouges, bleus , blancs , noirs , jaunes ...

Le vieux monsieur qui vend les ballons voit le garçon qui hésite , puis prend son courage à deux mains et s'approche de lui .

-"Dis ,Monsieur , est-ce que les ballons noirs volent aussi haut que les autres ?"

Le vieux Monsieur a presque la larme à l'œil .Il prend le garçon dans les bras , l'installe sur un muret et lui dit :"Regarde"

Il lâche tous ses ballons qui s'envolent en grappe et montent , montent , montent dans le ciel jusqu'à disparaître tous tellement ils sont hauts .

-"Tu as vu ?"
-"Oui"

-"Est -ce que les ballons noirs sont montés aussi haut que les autres ?"

-"Oui , Monsieur"

-"Tu vois , mon garçon ,les ballons ,c'est comme les hommes .L'important ce n'est pas leur couleur , ce n'est pas l'extérieur .Non , l'important , c'est ce qu'il y a en eux .C'est ce qu'il y a en toi qui fera toute la différence dans ta vie .

bunni


Le marchand de rêves

Paltoquin range soigneusement sa cueillette de champignons magiques entre deux couches de mousse et de terre pour les conserver le plus longtemps possible.

Ces champignons ont de très grands pouvoirs dont ceux de rendre invisible ou bien de se déplacer d'un point à un autre en une fraction de seconde.

-est ce que tu connais le marchand de rêves Paltoquin ? demande Poltron tout en se tressant des bottillons avec des brins d'herbe sèche.

-oui bien sur, pourquoi me demandes tu ça ? lui répond le lutin.

-simple curiosité... il paraît qu'il vit près d'ici .... est ce vrai ? l'interroge encore celui ci.

-je te déconseille d'aller le voir, lui répond fermement Paltoquin qui connait assez Poltron pour deviner que ses questions ne sont pas de la simple curiosité.

-que vas tu penser ? tu n'imagines tout de même pas que j'irais le voir sans t'en parler avant ? s'indigne le malicieux personnage en jetant un bref coup d'œil à son ami.

-justement oui ! je l'imagine très bien figure toi ! ça ne serait pas la première fois que tu me fausserais compagnie malgré mes mises en garde... insiste Paltoquin, je ne veux pas qu'il t'arrive malheur et ce marchand de rêves est un manipulateur.

-je te remercie de tant de compassion à mon égard cela me touche beaucoup mais je suis assez grand pour me défendre tout seul tu sais ! lui répond Poltron .

-je n'en doute pas une seule seconde mais crois en mon expérience c'est quelqu'un qu'il vaut mieux éviter, lui dit encore Paltoquin

sur ces paroles Paltoquin se lève et lui dit :

-je dois aller mettre la collecte de champignons magiques dans un lieu sûr ils sont précieux. Cela te donnera le temps de terminer le tressage de tes bottillons ajoute t- il en s'éloignant.

-c'est entendu, lui assure Poltron en continuant son ouvrage, alors à tout à l'heure !

Resté seul Poltron siffle joyeusement quand tout à coup une petite voix le fait sursauter:

-si tu le veux je peux te présenter le marchand de rêves....

Poltron se retourne pour distinguer entre deux pétales de fleurs un petit être grimaçant portant un haut chapeau pointu sur une chevelure verte qui lui tombe sur les pieds.

-qui es- tu ? lui demande Poltron.

-ton meilleur ami si tu le désires ! lui lance l'inconnu qui se dresse devant Poltron, je m'appelle Gargouillot et toi c'est Poltron si je ne me trompe ! j'ai entendu votre conversation tout à l'heure avec Paltoquin qui n'est pas un véritable ami tu peux me croire !

-tu te trompes ! Paltoquin est mon meilleur ami, l'interrompt Poltron.

-ah bon ? lui répond l'autre avec ironie alors dis moi pourquoi il tente toujours de t'empêcher de faire ce que tu as envie ?

-pour me protéger ! ajoute Poltron légèrement agacé.

Gargouillot qui sent bien que son intervention indispose le lutin se radoucit soudainement:

-oui je te comprend et c'est normal que tu ne vois pas ce qui est flagrant.... laissons cela veux tu.... après tout si tu préfères rester là et écouter les conseils et les mises en garde de quelqu'un qui est jaloux de toi et qui te cache des choses....

-de quoi parles tu ? lui demande Poltron que la curiosité emporte.

-enfin mon ami ne me dis pas que tu crois que Paltoquin va te faire profiter de ses champignons magiques ! s'esclaffe Gargouillot devant Poltron stupéfait, pourquoi crois tu qu'il soit parti seul ? mon ami ... mon pauvre ami ! lui dit encore l'autre qui lui caresse le dos, ah ..... je sais bien que c'est difficile à croire seulement que veux tu.... il te roule ! comme il l'a fait avec moi il y a très longtemps et pourtant..... ajoute t-il encore en soupirant '' il se disait mon ami et je lui faisais totalement confiance comme toi en ce moment.''

-tu connais Paltoquin ? s'étonne Poltron, il ne m'a jamais parlé de toi !

-et pour cause ! soupire encore bruyamment Gargouillot, nous étions comme les deux doigts de la main ! inséparables ! jusqu'au jour où il est parti avec notre cueillette de champignons magiques et m'a abandonné à mon triste sort ! dit-il encore en larmoyant, j'ai dû lutter seul contre une armée de gargantuas qui ont failli me dévorer tout cru et de lilliputiens qui voulaient me dépouiller de tous mes modestes biens ! si je m'en suis sorti indemne c'est grâce au marchand de rêves qui passait par là par hasard et qui m'a tiré de ce mauvais pas, lui c'est vraiment un ami quelqu'un qui aime les aventures, la découverte et surtout ! il ne m'empêche jamais de faire tout ce que je veux ! bien au contraire ! il m'y encourage avec beaucoup de vigueur ! ajoute Gargouillot en souriant, il ne tient qu'à toi de le connaître...

-mais Paltoquin doit revenir d'un instant à l'autre et je ne pense pas qu'il ait très envie de le rencontrer, lui annonce Poltron de plus en plus intéressé par la proposition de Gargouillot et bien curieux de voir à quoi ressemble ce marchand de rêves.

-si il revient ! lance l'autre avec conviction, il m'a abandonné alors pourquoi ne le ferait-il pas avec toi ? je l'ai entendu te dire qu'il allait cacher les champignons magiques mais il ne t'a pas dit où ..... quel manque de confiance en toi ! ne crois-tu pas ?

-peut être.... répond Poltron, mais dis moi que va m'apporter ce marchand de rêves ?

Alors Gargouillot prend une posture théâtrale et en levant les bras au ciel lui annonce:

-mais tout ! le marchand de rêve te donnera tout ce dont tu as toujours rêvé ! il n'a aucune limite et il a d'immenses pouvoirs, il suffit de demander ! c'est aussi simple que cela !

-ah bon ? comme ça ? c'est tout, sans rien en échange ? interroge Poltron sceptique.

-disons qu'il demande une toute petite compensation... oh rien du tout ou si peu.... que ça ne vaut même pas la peine d'en parler ! assure l'autre d'un geste évasif de la main.

-parlons en tout de même un peu, lui dit fermement Poltron, après tout pourquoi éluder la question puisque c'est si anodin, j'aimerais savoir, insiste t- il encore.

-et bien puisque tu le demandes... la plume de l'ange des prairies enchantées que détient ton ami Paltoquin et sa collecte de champignons magiques suffiront à son bonheur, tu vois qu'il demande bien peu ....

-je vois ça ! lui répond Poltron, mais puisque ton ami a autant de pouvoirs que ça pourquoi ne s'en sert-il pas pour se procurer tout ça lui même ? interroge le lutin.

-c'est juste une condition pour te mettre à l'épreuve c'est tout '' oh ! bien sûr il pourrait se servir de ses pouvoirs ! mais il ne veut pas les gaspiller pour si peu de choses ! disons que c'est un acte d'amitié qu'il attend de ta part avant de te donner lui aussi tout ce que tu lui demanderas et je dis bien tout ! sans restriction aucune ! imagine ce que sera ta vie.... tu pourras avoir tout ce dont tu as toujours rêvé et sans avoir quelqu'un qui te met toujours des bâtons dans les roues comme ce ... Paltoquin ! ajoute encore Gargouillot avec mépris.

-c'est tentant je dois bien l'avouer... lui accorde Poltron et bien c'est entendu ! alors mène moi voir ce marchand de rêve tout de suite ...

-oui mais je pense qu'il apprécierait beaucoup que tu lui apportes la plume enchantée et les champignons... juste une petite formalité bien sûr.

-tu as raison mon ami ! lui dit jovialement Poltron, attendons Paltoquin ! je lui vole la plume et je lui ordonne de nous mener aux champignons magiques ensuite nous pourrons rejoindre le marchand de rêves.

-voilà un bon raisonnement ! lui dit Gargouillot, je savais que nous étions faits pour nous entendre !

Soudain Poltron et Gargouillot sont interrompus par les rires de Paltoquin qui surgit au bout du chemin des pierres qui dansent. Il a bien du mal d'ailleurs à garder l'équilibre tant les pierres bougent dans tous les sens, ce qui l'amuse beaucoup, et c'est en riant qu'il arrive à proximité de Poltron et de Gargouillot qui a eu juste le temps de se cacher derrière un buisson.

-voilà une bonne chose de faite ! annonce t-il , les champignons sont en sécurité !

C'est alors que Poltron s'avance vers Paltoquin avec détermination et lui dit:

-je veux que tu me donnes ta plume et tout de suite ! et ensuite je veux que tu me dises où tu as caché les champignons magiques ! crois tu que je n'ai pas compris que tu voulais les garder pour toi ? lui lance méchamment le lutin.

-mais.... proteste Paltoquin qui ne comprend pas l'attitude de son ami

Poltron ne lui laisse pas le temps de terminer sa phrase et ajoute :

-il n'y a pas de ''mais'' j'ai compris où tu voulais en venir et je ne suis pas le seul ! ajoute

t-il encore en se tournant vers le talus derrière lequel Gargouillot s'est caché quelques instants plus tôt ''tu peux sortir mon ami" ! lui lance Poltron tandis qu'il ajoute encore ''allez donne moi la plume Paltoquin qu'on en finisse une bonne fois pour toute" !

Alors Paltoquin résigné tend à Poltron la plume magique que l'ange des prairies enchantées lui a offert tandis que Gargouillot sort de sa cachette :

-c'est très bien mon ami ! il ne nous reste plus qu'à trouver les champignons magiques et à nous les grandes aventures !

Mais en dépit de toute attente Poltron dirige la plume enchantée vers gargouillot qui s'étonne :

-mais que se passe t-il ? tu as perdu la tête ? c'est contre Paltoquin qu'il faut s'en servir, exige qu'il te mène aux champignons magiques ! lui ordonne le méchant bonhomme.

-je n'ai pas besoin de Paltoquin pour aller jusqu'aux champignons magiques ''mon ami'' s'exclame Poltron, je dois dire que je me suis assez bien amusé avec toi mais arrêtons la plaisanterie veux-tu et avoues.... tu es le marchand de rêves n'est ce pas ?

Paltoquin intervient à son tour :

-oui c'est lui ! bien qu'il ait changé d'apparence, ce qu'il fait constamment mais la plume magique me dit que c'est lui sans aucun doute mais comment l'as-tu deviné ? demande Paltoquin à son ami.

-juste une pincée de bon sens suffit pour mettre à jour un menteur, voleur et qui plus est un traitre. Comment faire confiance à quelqu'un qui demande de trahir un ami pour lui prouver sa loyauté ! puis en s'adressant à Gargouillot il ajoute : '' je n'ai pas besoin de marchand de rêves car tous mes rêves d'aventures se réalisent avec Paltoquin, de plus un véritable ami n'est pas celui qui vous donne toujours raison mais au contraire celui qui ose vous dire que vous avez tort même si vous n'avez pas envie de l'entendre, là est la véritable amitié.

-pourtant, ajoute Gargouillot avec ironie, ton ami ne t'a pas dit où il allait cacher les champignons magiques ! insiste encore l'autre qui ne s'avoue pas vaincu.

-Paltoquin n'a pas besoin de me dire où se trouvent les champignons, il a fait beaucoup plus que ça mais cela ne te regarde pas. Maintenant disparais de ma vue avant que je ne me serve de cette plume pour te faire disparaître à tout jamais et que je ne te croise plus jamais sur mon chemin ! lui lance encore Poltron, sinon je n'hésiterais pas une seule seconde à te transformer en crapaud gluand et nauséabond !

C'est alors que gargouillot détale à toute vitesse sans demander son reste pour disparaître dans la forêt.

Paltoquin stupéfait s'approche de son ami :

-tu as pris des risques je trouve, Gargouillot aurait pu user de son grand pouvoir magique pour te détruire ! s'inquiète après coup Paltoquin.

-non il n'y avait aucun risque, gargouillot n'a absolument aucun pouvoir c'est pourquoi il se fait passer pour un marchand de rêves pour pouvoir s'accaparer du pouvoir des autres par tous les moyens c'est là son plus grand rêve, la lutte aurait été inégale, la stupidité n'a d'égale que l'indifférence.

-tu deviens quelqu'un de très sage mon ami et je suis fier de toi ! lui dit Paltoquin puis il ajoute encore ''au fait as tu terminé de tresser tes bottillons magiques ? ''

-oui ! lui répond Poltron avec enthousiasme, regarde je les ai mis à mes pieds ! je dois avouer que tu as eu une sacrée bonne idée de cueillir des herbes sèches dans le cercle magique des fées, les herbes sont liées aux champignons et les bottillons m'y mèneront sans même que je ne sache où tu les as caché !

bunni


Un petit Nuage...

... Je me souviens d'une histoire et viens vous la conter...


Un nuage naquit par un jour de tempête. Mais il n'eut pas le temps de grandir, un vent puissant le poussant vers l'Afrique, là où s'étend le sable doré du désert du Sahara. Il perdit peu à peu de l'altitude et réussit à planer sur une brise douce.


Au cours de sa promenade, il rencontra une jeune dune récemment formée par le vent qui venait de souffler. Comme elle lui souriait, il s'arrêta un instant.

 
«-Bonjour dit-il. Comment est la Vie en bas ?

 
-J'ai la compagnie des autres dunes, du soleil, du vent et de quelques caravanes qui passent par ici répondit-elle.

Et, comment est la Vie en haut ?


-Il y a aussi le vent et le soleil, mais l'avantage est que je peux me promener dans le ciel et connaître beaucoup de choses.


-Pour moi, la Vie est courte dit la dune. Quand le vent revient, je disparais et j'ai l'impression de ne servir à rien, ce qui me rend triste.

 
-Je ressens la même chose que toi : le vent, de nouveau, me poussera vers le Sud et je me transformerai en pluie, mais c'est mon destin »...

 
La dune hésita un peu, puis déclara :

 
«-Sais-tu qu'ici, dans ce désert, nous donnons à la pluie le joli nom de « Paradis » ?

 
-Je ne savais que je pouvais devenir si important ! dit fièrement le nuage

 
-J'ai entendu une légende racontée par une très vieille dune. Elle dit qu'après la pluie, nous sommes couvertes d'herbes et de fleurs. Mais, je ne saurai jamais ce que c'est : dans le désert , il pleut si rarement ! ».

 
A son tour, le nuage hésita puis dit en souriant :


«-Si je veux, je peux te couvrir de pluie. Je viens d'arriver, voulais courir le monde, mais Je t'Aime et désire rester toujours près de Toi.

 
-Quand je t'ai vu pour la première fois, tout blanc dans le ciel, moi aussi je suis tombée amoureuse. Mais ... tu vas en mourir et je ne le veux pas !

 
-L'Amour ne meurt jamais, sache-le, il se transforme, et je veux te montrer le Paradis ».

 
Il commença à caresser la dune de petites gouttes aussi fines que du brouillard, et ils demeurèrent ensemble longtemps, jusqu'au moment où apparut un arc-en-ciel.

 
Le lendemain, la petite dune était couverte de fleurs...

 
D'autres nuages survinrent et, se croyant arrivés au terme de leur voyage, déversèrent leur précieuse cargaison.

 
Bien des années plus tard, la dune était devenue oasis et les voyageurs se rafraîchissaient sous ses arbres.

 
Tout cela parce qu'un jour,

un Nuage Amoureux n'avait pas craint de donner sa Vie par Amour ...

bellparole






Le juge de Cluj ...



Ce n'est pas pour rien que le peuple aimait le roi Mathias: les Hongrois auraient eu du mal à trouver quelqu'un comme lui. Dès que Mathias apprit qu'ici ou là les seigneurs ou les percepteurs oppressaient fortement les paysans, il ne put rester tranquille dans son château de Buda. Il se déguisa et alla voir ce qui se passait réellement dans son royaume.

Un jour, on lui annonça, entre autres choses, que le juge de Cluj accablait ses pauvres habitants. Il n'en fallait pas plus au roi Mathias. Il voulait voir le juge avec ses propres yeux! Malheur au juge si les nombreuses plaintes portées contre lui étaient vraies! D'ailleurs, le roi avait envie depuis longtemps d'aller à Cluj. Mais bien sûr qu'il avait envie d'y aller puisqu'il était né dans cette ville!

Bref, en un mot comme en mille, le roi Mathias se déguisa en paysan et alla à Cluj. Il s'assit devant la boutique de boucher qui était en face de la maison du juge. Il le fit juste au  bon moment! Un grand nombre de gens étaient en train de rentrer des bûches dans la cour du juge et beaucoup d'autres les fendaient pour en faire des morceaux. A côté d'eux, des haïdouks les bousculaient:

«Apportez les bûches, fendez-les, espèces de fainéants!»

Tout à coup, un haïdouk aperçut le roi Mathias.

«Dis donc, et toi, l'apostropha le haïdouk, pourquoi ne fais-tu rien de tes dix doigts? Lève-toi! Toi, le rustre au long nez, ne traîne donc pas!»

Et pour insister, avec son bâton, il donna un coup sur le dos de cet affreux paysan au long nez. Mathias se leva, se frotta le dos, mais il ne bougea pas.

«Vas-y!!
- D'accord, d'accord, mais combien me payez-vous?
- Voilà ce que je te paie, cria le haïdouk, et  il asséna un coup encore plus fort que tout à l'heure sur le dos de Mathias. Allez, vas-y, marche devant moi!»

Mathias n'avait pas d'autre choix que de marcher devant le haïdouk.

«Rentre dans la cour du juge! Fends les bûches, toi aussi, espèce de plouc au long nez!» dit le haïdouk.

Le juge était accoudé à la galerie de sa maison. Mathias l'interpella:

«C'est vous qui êtes le juge?
- Bien sûr que c'est moi. Mais qu'est-ce que ça peut te faire?
- Cela ne me regarde pas, c'est vrai, mais je voudrais savoir combien vous me payez pour fendre le  bois?
- Voyons, espèce de gros rustre, l'injuria le juge, je vais te payer tout de suite, tu vas voir! Donne-lui des coups de bâton!» ordonna-t-il au haïdouk.

Le juge n'avait pas besoin d'insister, le haïdouk donna, pour la troisième fois, une bonne correction à Mathias.

Mathias ne dit plus rien, il fendit les bûches et les plaça dans un coin de la cour du juge. Mais alors quand personne ne le voyait, il marqua son nom avec de la craie rouge sur trois morceaux de bois. Le soir, il s'en alla sans rien dire. Le lendemain, sans se faire annoncer,  il revint à Cluj. Il ne s'était plus déguisé, mais il était en tenue royale. Il ne s'installa pas devant la boutique de boucher, mais il monta directement dans son palais. Il convoqua le juge et tous les conseillers. Il adressa ses premiers mots au juge:

«Quelles sont les nouvelles dans la ville, Monsieur le Juge?
-Rien de particulier, Majesté! Nous vivons en paix grâce à Vous. Pour vous témoigner notre reconnaissance, nous demandons le matin et le soir que vous soyez béni.
- Ah oui, d'accord! Et les paysans? Ne sont-ils pas accablés par leurs supérieurs?
- Personne n'accable les paysans, Majesté. Cela se passe très bien pour eux.
- D'accord, Monsieur le Juge. Je voudrais quand même faire un tour dans la ville pour tout dans les moindres détails. Messieurs, vous êtes priés de me suivre!»

Le roi Mathias partit accompagné du juge et des conseillers. Ils marchèrent d'une rue à l'autre, quand tout à coup, Mathias s'arrêta devant la cour du juge.

«Tiens, vous avez un grand tas de bois, Monsieur le Juge!
- Dieu est venu à mon aide, répondit le juge humblement.
- A part Dieu, personne ne vous a apporté de l'aide? Mais alors, qui a apporté jusqu'ici ce tas de bois?
- Les braves gens de la ville.
- Et combien les avez-vous payés?
- Ils l'ont fait gratuitement, par gentillesse, dit le juge.
- Mais, il me semble que j'ai entendu un autre son de cloche... Hé! Mes hommes, démontez ce tas de bois là-bas! dit le roi à ses serviteurs!»

Ils s'activèrent et démontèrent rapidement le tas de bois. Mathias attendait que les trois morceaux de bois qu'il avait marqués soient retrouvés. Quand ils apparurent, il dit au juge:

«Regardez-les, Monsieur le Juge! Est-ce que vous savez lire?
- Je sais, Majesté! balbutia le juge. Il commença à être mal à l'aise.
- Lisez ce qui est marqué sur ces trois bûches!
- Mathias... Mathias... Mathias..., bredouilla le juge.
- Bien, si c'est écrit Mathias, c'est donc moi qui l'ai marqué. C'est moi qui étais le paysan au long nez que vous avez fait frapper trois fois parce qu'il ne voulait pas apporter les bûches sans être payé.
- Ah, Majesté! Ayez pitié de moi!»

Sur ce, le juge et le haïdouk se jetèrent aux pieds du roi Mathias. Mathias dit au haïdouk:

«Lève-toi! Tu n'es qu'un serviteur, tu as fait ce que le juge t'avait demandé. Par contre, Monsieur le Juge, je vais t'infliger une punition exemplaire. Tu mériterais que je t'envoie à la potence, mais tu auras des coups de bâton, toi, l'oppresseur des pauvres!»

Les gens qui entendaient les paroles du roi, crièrent avec enthousiasme:

«Vive le roi Mathias! Vive la justice!»

... Mais avec la mort de Mathias, la justice fut également morte... les gens disent même aujourd'hui: «Mathias est mort, la justice est perdue...






Ce qui rend les amitiés indissolubles et double leur charme est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude.

(Honoré de Balzac)

bunni


L'arc - en - ciel des émotions


Il était une fois une jeune fille qui n'osait jamais dire ses émotions.

A personne, et surtout, surtout pas à ceux qu'elle aimait !

Bien sûr, il n'est pas toujours facile de dire ses émotions car des fois cela déborde. Il y a alors des pleurs, des sanglots ou des rires, des fous rires, des sueurs, du chaud et du froid, bref, plein de choses qui se bousculent dans le corps. Il y a aussi les réactions de l'entourage.. qu'elle imaginait:

-Qu'est ce qu'ils vont penser de moi, qu'est ce qu'ils vont dire ?

Et puis un jour, pour oser parler de ses émotions, il faut déjà les connaître. Vous les connaissez, vous, vos émotions ?

Essayez déjà de m'en dire trois pour voir...

Bon, la question n'est pas là, puisque je raconte l'histoire de la jeune fille qui ne savait pas dire ses émotions. Un jour qu'elle rêvait éveillée dans son lit, en regardant le ciel, à imaginer les bonheurs qu'elle pourrait avoir dans sa vie, elle vit au-dessus d'elle un magnifique arc-en-ciel. Mais ce qu'il y avait d'étonnant dans cet arc-en-ciel, c'est qu'il possédait une huitième couleur, la couleur noire. C'est très rare un arc-en-ciel avec huit couleurs.

Et soudain, elle comprit. Elle comprit tout, elle sut comme cela le nom des émotions qu'elle avait en elle. Grâce aux couleurs de l'arc en ciel. Elle devina que chaque couleur représentait une ou plusieurs émotions. Chaque couleur devenait un mouvement de son coeur, une direction de ses énergies, un élan des sentiments, une vibration du ventre, ou du dos, un scintillement des yeux....

Le rouge par exemple, le rouge était la couleur de la passion, du baiser.

L'orange celle de l'abandon, de l'offrande, du don de soi.

Le jaune celle de la lumière, du jaillissement, du plaisir. Oui, se laisser emporter, confiante, faible comme un sourire de printemps.

Et le vert ? Le vert c'était la couleur du ventre, du mouvement de la vie en elle. De tout ce qu'elle sentait vrai, véritable en elle !

Le bleu, couleur de la tendresse, des caresses sans fin, de la douceur et aussi de l'espoir.

Le violet, lui, était une couleur plus inquiétante, fermée, sourde. Il y a de la violance dans le violet, de la menace. C'est important de savoir aussi reconnaître cela en soi. Violence que l'on porte, violence que l'on provoque parfois.. violence qui arrive par des chemins imprévisibles.

Le noir. Ah ! Cette couleur noire, là, présente dans l'arc-en-ciel.Couleur de la peur, du diable, du diablotin qu'il y avait parfois en elle.

Et puis la couleur blanche, couleur du désir. Du désir infini, multiple, qui renaissait en elle, parfois timide,

d'autres fois plus direct, plus osant !

Cette couleur-là est précieuse, indispensable, sans elle les autres couleurs n'existeraient pas. Le blanc est une couleur lumière, qui capte toutes les autres et leur donne plus d'existence.

A partir de ce jour-là, la jeune fille, ah! j'oublié de vous dire son nom : Yanou, sut parler de ses émotions, car il lui suffisait d'en rechercher la couleur. Elle regardait le ciel, imginait un arc-en-ciel et cherchait la couleur de l'émotion qui l'habitait.

Bien des années plus tard, elle fut très étonnée d'entendre sa fille lui dire : -Tu sais, Maman, je suis un arc-en-ciel d'émotions, je les ai toutes quand je danse. J'adore danser. La danse, c'est le chant des émotions...

Des fois j'éclate quand toutes mes couleurs, je veux dire mes émotions, se mettent à vivre ensemble.. oh ! là là . Je vais éclater un jour. !

Je ne sais pas si la fille de Yanou éclatera comme elle le craint, ce que je sais, c'est que sa mère avait fait une grande découverte en associant ses émotions aux couleurs de l'arc-en-ciel.



Jacques Salomé

bunni


Le printemps de Filomène

Lorsqu'elle est sortie de sa coquille, entre deux bouchées de vermisseaux, Filomène l'hirondelle s'est entendu enseigner le destin qui serait le sien.

Chaque automne, juste avant la chute des premières feuilles, elle se rassemblerait avec ses compagnes sur les fils électriques, dans toutes les villes et les villages, comme celui-ci, où elle venait de naître.

Chaque printemps, avant même qu'apparaissent les fleurs roses sur le cerisier de la pelouse de la rue des Barres, avant que l'herbe verte ne se couvre de flocons de soie rosée, elle reviendrait. Elle retrouverait l'arbre qui l'avait accueillie, elle épouserait un jeune hirondeau, se mettrait en quête de brindilles pour construire un nid, y déposerait ses œufs, les couverait, donnerait naissance à des oisillons, leur porterait à son tour des vermisseaux au moindre pépiement et repartirait avec eux dès l'automne venue, vers les pays chauds.

Il en était ainsi depuis que le monde était monde et depuis qu'il y avait des hirondelles. On ne choisissait pas son destin, on l'accomplissait. Ainsi les choses étaient elles réalistes et en tant que telles devaient lui convenir.

Parce qu'elle sentait, dans l'oisillonne Filomène, une volatile éprise de liberté, voire , elle n'osait pas y penser, dépourvue d'instinct grégaire propre à l'espèce, Pétronille, la maman de Filomène et de toute une nuée d'hirondelles depuis quelques printemps insistait, alternait menaces et séductions, appels à l'idéal et au sens de l'honneur.

- Gémir, crier, pleurer est également lâche, a dit un poète nommé Vigny,
fais énergiquement ta longue et lourde tâche
dans la voie que le sort a voulu te donner,
puis après, comme moi,
souffre et meurs sans parler !

Filomène ne trouvait pas ce discours très gai depuis son nid dans le cerisier rose aux fleurs de coton. Elle mangeait ses vermisseaux, écoutait d'une oreille distraite et regardait envieuse les pétales roses chuter, planer, et glisser dans le vent.

Filomène, hirondelle tu es, hirondelle tu demeureras. Mais tu peux être fière, nous les hirondelles apportons à l'Europe et à Paris le printemps. Lorsque nous arrivons d'Afrique, il est là. Et le printemps est la saison des amours. Sans lui, rien n'existerait plus. Il en est ainsi depuis que le monde est monde. Une hirondelle ne se pose pas de questions philosophiques.

Filomène n'était pas sujette aux interrogations métaphysiques. Depuis son nid au milieu des fleurs roses, elle observait tout, suivait la danse d'une feuille ou la marche cadencée d'un insecte et ça lui plaisait. Elle était comme ça, Filomène. Elle trouvait que c'était une responsabilité trop importante pour sa petite personne qui ne savait pas encore voler d'amener le printemps.

Vint le jour ou Filomène voleta, puis enfin vola. D'une branche à l'autre du cerisier en fleurs. D'une rive à l'autre de la Seine, Devant les tours de Notre Dame et au mépris du danger des faucons crécerelles qui y nichaient. Filomène devint amoureuse de Paris. Elle connut les moindres recoins près de la Seine et du jardin de Notre Dame, le robinier énorme du square Saint Julien le Pauvre, les fenêtres à rideaux de dentelle de l'Hôtel Esméralda, le Saule immense de l'Ile de la cité. Elle était solitaire, Filomène, elle trouvait toujours à se nourrir. Paris était généreux aux hirondelles. Partout il y avait des courettes, les chats étaient nourris et elle se trouvait à l'abri. Elle en repéra une verte et moussue où trônait un magnolia à fleurs roses. Il y avait peu d'occupants dans l'immeuble au bord de la Seine. Dans la courette voisine, il y avait un merle, Athanase. Il ne la chassa pas.

Filomène réfléchit enfin. Elle s'était établie sur une île. Elle pourrait vivre les arrivées et les retours, le vent du large et les bouteilles à la mer. Qu'avait elle besoin de parcourir avec toute un banc d'oiseaux des milliers de kilomètres au dessus des mers ? Elle décida de rester.

Elle ne se rendit pas sur le fil électrique.

Les hirondelles y étaient si nombreuses qu'aucune ne remarqua son absence.

Depuis ce temps, été comme hiver, Filomène vit dans la courette au bord de la Seine. Une fois ou deux, elle a eu des petits. Ils sont repartis.

Lorsqu'un des habitants la croise un jour de mauvais temps il grommelle, irrité, que décidément « une hirondelle ne fait pas le printemps ».

Il n'y a qu'Athanase le merle au bec jaune qui ne soit pas d'accord. Il est amoureux de Filomène, aussi, qu'il pleuve ou qu'il vente ou que le soleil soit au zénith, l'hirondelle fait son printemps.

Comme quoi, le printemps, c'est un destin personnel.

bunni


L'homme qui soufflait des nuages

Une fois, l'hiver fut plus froid que tous les hivers auparavant.

Gorgée des pluies diluviennes des mois d'automne, la Seine coulait lourde, tantôt marron, tantôt verte. Sur le Pont Saint Louis, Saliverneau observait une nuée de goélands argentés qui rasait les vagues du fleuve de boue. Le visage dirigé vers le fleuve, il soufflait et son souffle, dans le froid se changeait en un nuage de buée. Saliverneau recommençait, encore et encore. Et ça durait. Longtemps. Les petites boules de buée s'envolaient et s'évanouissaient dans l'air sec. Intrigués et affamés, les oiseaux de mer s'approchaient de l'homme qui fabriquait les nuages.

Soudain, depuis l'une des deux tours carrées de Notre Dame, une des mouettes piqua vers lui et se posa sur le parapet

Saliverneau, si tu jettes à mes frères goélands le sandwich qui se trouve dans ta besace , ton prochain nuage se transformera en or.

Saliverneau ouvrit sa besace, en sortit le sandwich et le jeta par morceaux aux goélands. Le banc d'oiseaux volait autour de lui en criant comme au retour des bateaux, à la criée. Quand tout le pain fut jeté, Saliverneau souffla dans ses mains et recueillit un nuage de pépites d'or. Heureux, il rentra chez lui, ouvrit le frigo, but un reste de soupe et rangea son trésor dans un coffre de cuir.

Le lendemain Saliverneau revint. A nouveau il souffla et fabriqua des nuages de gouttelettes d'eau. Au moment de sortir le sandwich de la besace, il lui vint à l'idée qu'il n'avait pas fait de courses et qu'il aurait faim. Il rompit le sandwich et ne jeta que la moitié aux mouettes qui tournoyaient au dessus de sa tête. Il remit sa besace sur son dos et souffla dans ses mains. Un nuage de pépite d'or apparut. Heureux, Saliverneau le rangea dans son sac et rentra chez lui manger l'autre moitié du pain. Parvenu à sa chambre sous les toits, il ouvrit la besace. Elle contenait la moitié du sandwich et un tas de miettes de pain. Saliverneau s'en fut à son coffre : catastrophe il n'était plus empli que de poussière.

Le surlendemain il retourna sur le pont et jeta son sandwich. Les nuages de buée demeurèrent nuages.

Depuis ce jour , chaque hiver où il fait très froid, un homme , sur le pont Saint Louis jette du pain aux goélands marins et fait des nuages de buée. Les enfants le regardent et font aussi des nuages. Si vous voyez de loin une envolée de volutes de buée autour d'un homme qui fabrique des nuages, approchez vous de lui , vous le reconnaîtrez : c'est Saliverneau.

bunni


Le bonheur


Il était une fois un homme. Cet homme n'était ni riche ni pauvre, ni grand ni petit, ni gros ni maigre, ni intelligent ni sot ! Et cet homme n'était ni heureux ni malheureux, au point où vous lui  auriez demandé : « Monsieur, êtes-vous heureux ou malheureux? » qu'il vous aurait dit :

Hmmm... bonne question !

Alors, à force de se faire demander : « Êtes-vous heureux ou malheureux? », il entreprit de chercher le bonheur : « Il a cherchééééééé. Et comme il n'a pas trouvé, il a quitté sa case et il a marché. Il a marché un jour, il a marché deux  jours, il a marché trois jours, il a marché vingt jours !... et moi, je vous fais marcher dans l'histoire !

Toujours est-il, messieurs, dames, société, qu'au bout de vingt  jours, l'homme qui n'était ni riche, ni pauvre, ni grand ni petit, ni gros ni maigre, ni intelligent ni sot, ni heureux ni malheureux, est tombé d'épuisement et s'est affaissé dans le creux d'un arbre.  Et il a fait un rêve où il a vu Grambwa en personne. Grambwa était maigre comme un fil. Et il était GRAAANND, plus grand que les arbres ! Si vrai que, lorsque vous vous perdez dans les bois, c'est maître Granbwa qui vous aide à retrouver votre chemin.

Grambwa s'était fait pousser une LOONNGUE barbe, qui faisait trois fois le tour de sa taille. Dès lors, il fredonna à l'homme :

Tu viens dans les bois

Pour cherchez le bonheur

Mais en arrivant

Voilà tu t'es perdu

Moi, Grambwa, je pourrais t'aider.

En te réveillant, tu verras

Au pied de cet arbre, un rocher,

Lequel rocher tu devras déplacer.

Sous ce rocher, tu trouveras

Un moulin,

Lequel moulin il faudra ramasser.

À ce moulin, tu demanderas,

Tout ce tu voudras et tu l'obtiendras.

Mais n'oublie pas la formule:

« À la formule, les bras croisés :

Moulin, donne-moi ceci, donne-moi cela. »

Mais faut-il bien fermer la formule en disant :

« Akikongo héha héha akikongo ! »


Alors, après avoir tant dormi, l'homme se réveilla.

Et il s'écria en se réveillant :

-Mon Dieu ! Ai-je rêvé?

Confus, il se pinça et vérifia au pied de l'arbre. Il y avait là un rocher, lequel rocher il déplaça et, en dessous du rocher, il y avait un moulin, lequel moulin il ramassa.

  À ce moment, il dit :

-Oh ! Mais ça doit être ça, le bonheur ! Youpi ! J'ai trouvé le bonheur !

Puis, il retrouva son calme.

- Un moulin ! Mais non ! Un moulin ça ne peut pas être ça le bonheur ! Ah, je vais tout de même vérifier la formule.

Alors, il s'écria :

- À la formule, les bras croisés !

Et comme il était perdu, au point où il en avait perdu le nord, eh bien son réflexe premier

A été de dire au moulin :

  -Moulin, rends-moi à ma case.

Aussitôt dit ! Aussitôt fait !

Arrivé devant sa case. Il se pinça, n'en croyant pas ses yeux.

- Je suis arrivé chez-moi ! S'exclama-il. Woy  wololoy  ! Woy  woy  wololoy  !  C'est  ça, le bonheur : perdre quelque chose pour ensuite le retrouver !

Il arrêta brusquement :

-Mais non ! Ça ne peut pas être ça, le bonheur ! J'étais chez-moi, je suis parti le chercher, me voilà encore chez-moi...

Puis il ajouta :

-Hummm ! Maintenant que j'ai un moulin magique, je vais lui demander des pièces d'or. « À la fortune, les bras croisés.  Moulin, donne-moi des pièces d'or. »

Aussitôt dit ! Aussitôt fait !

Messieurs, dames, société, ça coulait ! Il y avait de l'or... Il y avait de l'or !

Puis surgit de son esprit des envies soudaines qu'il n'eut qu'à demander au moulin en utilisant la formule magique.

Ainsi demanda-t-il une grande villa, puis un château, une douce moitié pour partager ses biens, des champs de maïs, de canne à sucre à perte de vue, des hommes forts pour y travailler et bien plus encore. Chaque demande exaucée en amenait une autre.

Heureux, vous pensez? En tout cas, il cherchait toujours.

Mais avec la richesse sont venus le pouvoir, l'avarice, l'égocentrisme et la tête du nouveau riche s'est mise à enfler. Au point où il ne payait pas ses ouvriers qui travaillaient beaucoup trop. C'est alors qu'ils se mirent à comploter contre lui.

-Pourquoi cet homme nous maltraite-t-il tant?  Allons voir d'où il tire sa fortune!

Le géant des travailleurs alla sur la pointe des pieds épier le nouveau riche.

L'homme était justement en train de se fabriquer d'autres pièces d'or.

Voyant cela, le gérant dit :

-Ah ! C'est le moulin. C'est là d'où vient toute cette fortune.

Il partit annoncer la nouvelle aux autres, C'est seulement après le départ de son gérant que

l'homme dit :

- Akikongo héha héha akikongo !

Le lendemain les travailleurs réussirent à prendre le moulin et s'embarquèrent sur un bateau pour la haute mer. Bientôt une violente tempête menaça l'embarcation entière. Toutes les vies furent épargnées, de même que quelques vivres, mais ils manquèrent de sel.

Alors le gérant dit :

Pas de problème. Capitaine. Je vais vous arranger ça en deux temps, trois mouvements !

Il prit donc le moulin, l'installa et demanda du sel.

Il eut du sel.

Il y eut du sel de la cale à la cave, de la cave à la cale.

Et le gérant disait :

-Mais arrête-toi moulin. Ça suffit Arrête.

Mais le moulin ne connaissait pas ce langage-là. Il continuait à moudre du sel, du sel, du sel, du sel !

Il y eut tant de sel que le bateau coula. Depuis ce temps, le moulin continue à moudre du sel dans le fond de la mer et c'est depuis ce temps que l'eau de mer est salée.

Si jamais un jour vous trouvez le moulin, n'oubliez pas la formule : « À la fortune, les bras croisés. Une fois la demande exaucée, n'oubliez pas la deuxième formule : Akikongo héha héha akikongo  ! »


Que ceux qui ont de l'esprit comprennent...

Que ceux qui ont du  génie saisissent...

Et que les autres cherchent LEUR définition de bonheur...

bunni


Fillette et le langage de la forêt

Il était une fois, à la lisière des bois, une petite cabane de bois. Fillette l'habitait, et s'occupait tout à côté d'un petit potager. Tout l'été, Fillette se régalait des légumes de son jardin. Mais lorsque le froid arrivait, les récoltes se raréfiaient...

Ainsi, un jour d'automne où elle n'avait plus rien à manger, elle alla visiter son potager pour voir ce qu'il y restait. Malheureusement, on n'y voyait plus rien, plus rien qu'un chou-rave... Mais elle avait tant pris soin de lui pendant les dernières semaines, qu'il était vraiment beau, et gros, et paraissait croquant et juteux à souhait ! Alors Fillette décida de le vendre au marché. Elle mit le chou-rave dans son panier, et se dirigea d'un pas décidé vers la ville la plus proche. Elle n'avait pas avancé plus de dix minutes lorsqu'elle rencontra, sur le bord du chemin, une petite vieille toute ridée, assise sur une grosse pierre, et qui se lamentait...

« Que vous arrive-t-il, bonne vieille, demanda Fillette ?
Oh, ma petite, répondit la petite vieille toute ridée, si tu savais comme je suis fatiguée, comme j'ai froid, comme j'ai faim ! Je crois que je vais me laisser mourir au bord du chemin... »

Fillette ne pouvait pas faire grand-chose pour la petite vieille, qui paraissait si pauvrette et fragile... Alors elle détacha son bon châle de laine, qu'elle posa sur les épaules de la petite vieille, afin qu'elle ait moins froid. Et puis, elle regarda son chou-rave, dans son panier, et pensa une dernière fois à tout ce qu'elle aurait pu acheter en le vendant au marché... Et avec un dernier soupir, elle le prit et le déposa dans les mains de la petite vieille.

« Voici, ma bonne vieille, au moins vous pourrez manger ce chou-rave ce soir, il vous ragaillardira, et fera s'envoler toutes vos mauvaises pensées ! Allez vite le déguster !
-Chère petite, quelle générosité ! Pour te remercier de ce si doux cadeau, je voudrais moi aussi te donner quelque chose...
-Quelque chose ? Mais vous ne possédez rien, bonne vieille, répondit Fillette étonnée !
-Oh, je n'ai peut-être l'air de rien, mais je peux tout de même te faire un grand cadeau : à partir d'aujourd'hui, tu entendras le langage de la forêt. A partir d'aujourd'hui, tu comprendras le langage des arbres... »

Et avant que Fillette ait eu le temps d'ouvrir la bouche, la bonne vieille s'était évaporée ! Peut-être était-ce un esprit de la forêt ? Mais ce n'était pas cela qui allait remplir son panier ! Alors Fillette reprit le chemin de sa petite cabane de bois, son panier vide, ne sachant trop ce qu'elle allait bien pouvoir manger...

Mais à peine s'était-elle avancée de quelques pas, qu'elle entendit comme un murmure... « Mmmmmmmh »... Elle s'arrêta, posa son panier à terre et tendit l'oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »... C'était plutôt un grommellement, en fait ! Fillette s'approcha de l'arbre d'où semblait s'échapper le bruit, colla son oreille au tronc, et entendit :

« Une pierre à mes pieds
Qui m'empêche de respirer...
Une pierre à mes pieds
Qui m'empêche de respirer... »

Fillette n'en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise humeur : une grosse pierre venait écraser sa plus belle racine ! Alors Fillette rassembla toutes ses forces pour pousser cet énorme caillou un peu plus loin...

Elle entendit l'arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s'agitaient doucement, pour faire tomber des pommes rouges dans son panier.

«Mon panier n'est plus vide à présent », s'écria Fillette tout excitée ! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur moins lourd. A peine avait-elle fait une dizaine de pas qu'elle entendit de nouveau comme un murmure... « Mmmmmmmh »... Elle s'arrêta, posa son panier à terre et tendit l'oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »... C'était plutôt un grommellement, en fait ! Fillette s'approcha de l'arbre d'où semblait s'échapper le bruit, colla son oreille au tronc, et entendit :

« Mon tronc troué
Laisse ma sève s'écouler...
Mon tronc troué
Laisse ma sève s'écouler... »

Fillette n'en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise humeur : un trou sur son tronc laissait couler la sève de l'arbre ! Alors Fillette ramassa un peu de boue, la mélangea à quelques herbes séchées, et l'appliqua sur le trou, pour le boucher et empêcher la sève de couler...

Elle entendit l'arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s'agitaient doucement, pour faire tomber des poires jaunes dans son panier.

«Mon panier est à moitié rempli maintenant », s'écria Fillette tout excitée ! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur presque léger. A peine s'était-elle avancée sur le chemin qu'elle entendit de nouveau comme un murmure... « Mmmmmmmh »... Elle s'arrêta, posa son panier à terre et tendit l'oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »... C'était plutôt un grommellement, en fait ! Fillette s'approcha de l'arbre d'où semblait s'échapper le bruit, colla son oreille au tronc, et entendit :

« La lumière cachée
Je ne peux respirer...
La lumière cachée
Je ne peux respirer... »

Fillette n'en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise humeur : un enchevêtrement de branches mortes et de feuillages secs s'était accumulé au-dessus de lui, et la lumière ne pouvait plus venir jusqu'à lui ! Alors Fillette s'appliqua à faire, un peu plus loin, un tas avec tous les branchages et les feuilles morts... Et le soleil put à nouveau inonder l'arbre de sa lumière !

Elle entendit l'arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s'agitaient doucement, pour faire tomber des prunes bleues dans son panier.

«Mon panier est presque plein à présent », s'écria Fillette tout excitée ! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur moins lourd. A peine avait-elle tourné au coin du chemin qu'elle entendit de nouveau comme un murmure... « Mmmmmmmh »... Elle s'arrêta, posa son panier à terre et tendit l'oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »... C'était plutôt un grommellement, en fait ! Fillette s'approcha de l'arbre d'où semblait s'échapper le bruit, colla son oreille au tronc, et entendit :

« L'eau s'est arrêtée,
Ma gorge est desséchée...
L'eau s'est arrêtée,
Ma gorge est desséchée... »

Fillette n'en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise humeur : le petit ruisseau qui venait baigner ses racines avait été détourné par un éboulis de cailloux ! Alors Fillette s'appliqua à déplacer un à un tous les cailloux qui empêchaient l'eau de couler en direction de l'arbre... Et bientôt, le petit ruisseau chantait de nouveau gaiement, en baignant les racines de l'arbre assoiffé.

Elle entendit l'arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s'agitaient doucement, pour faire tomber des noix brunes dans son panier.

«Mon panier est débordant maintenant, s'écria Fillette tout excitée ! Décidément, que la nature est généreuse quand on sait l'écouter ! Que la nature est généreuse quand on prend le temps de s'en occuper... »

Et Fillette reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur léger et joyeux, persuadée qu'à présent, elle ne manquerait jamais de rien, simplement parce qu'elle s'appliquerait à écouter les murmures de la forêt...

En espérant que cela vous ait plu !

bunni


La Princesse qui apprend à sourire

Il était une fois une petite princesse qui vivait avec son père, le roi, dans un beau royaume près de la mer. La petite princesse aurait été très jolie si elle n'avait pas tout le temps eu mauvais caractère et l'air maussade. Son visage était presque toujours renfrogné et elle trouvait à redire à propos de tout.

Le matin, lorsque sa nourrice lui apportait son petit déjeuner sur un plateau doré, elle éclatait de rage quelles que fussent les bonnes choses qui étaient sur le plateau. "Remporte-le", criait-elle en tapant du pied et en repoussant le plateau. "Je ne veux pas de flocons d'avoine. Pourquoi ne m'as-tu pas apporté du froment bouilli ? Et regarde ce toast. Il n'est pas assez grillé. Je n'aime pas le plat dans lequel a été mis mon oeuf. Remporte tout et apporte-moi ce que je veux".

Toute la journée, elle disait de méchantes choses à son entourage et se plaignait de tout. Même lorsque le roi lui offrait un cadeau, elle grognait au lieu de le remercier et demandait pourquoi il ne lui avait pas apporté davantage.

Dans le même royaume vivaient quelques petits Esprits de la Nature qui aimaient beaucoup le roi. Ils voyaient combien la mauvaise attitude de la princesse le rendait triste, car il aimait sa petite fille et désirait qu'elle soit heureuse. Aussi décidèrent-ils que chaque fois que la princesse serait maussade ou désobligeante ou bien aurait une mauvaise pensée, ils sèmeraient une graine sur le versant de la colline, non loin de leur camp.

Les graines devinrent rapidement de grands arbres et la colline fut bientôt recouverte d'une forêt dense.

Un jour, la princesse se mit très en colère à propos de quelque chose et décida de sortir se promener toute seule. Elle marcha, marcha, et sans s'en rendre compte, elle se perdit au milieu de la forêt profonde de la colline. La nuit survint et la petite princesse se mit à pleurer car elle ne pouvait trouver son chemin pour sortir de la forêt. Comme elle désira, à cet instant, sa maison et toutes les choses dont elle se plaignait si souvent avant ! Elle eut faim mais ne put rien trouver à manger dans les bois, sauf quelques baies amères sur un des buissons. Finalement, étant très épuisée, elle se recroquevilla sur le sol dur et s'endormit.

Le lendemain matin, très tôt, elle fut réveillée par quelqu'un qui l'appelait par son nom. Se redressant brusquement, elle regarda autour d'elle et aperçut les gnomes. "Princesse", dit leur chef, "Nous sommes venus vous dire comment vous pouvez sortir de la forêt". La princesse battit des mains "Oh oui !", s'écria-t-elle, "Je vous prie de me dire comment je peux retrouver le chemin de ma maison car je ne me sens pas bien, ici, dans la forêt et désire retourner à la maison le plus tôt possible".

"Le temps qu'il vous faudra pour la quitter dépendra de la façon dont vous suivrez nos instructions", dit le gnome, "car il n'y a qu'un chemin pour en sortir".

"Oh, je ferai n'importe quoi" répondit la princesse.

"Bien", dit le gnome, "alors d'abord, voici où vous vous trouvez. Chaque arbre de cette forêt est un mot fâcheux que vous avez prononcé ou un acte désobligeant que vous avez commis. Ces épais fourrés sont les récriminations que vous avez faites. A présent, vous devez premièrement cesser de vous plaindre et apprécier chaque chose. Vous devez apprendre à sourire, à voir le bien en toute chose et vous sentir heureuse. Tâcher de rendre les gens heureux et leur faire des gentillesses. Toutes les fois que vous agirez ainsi, les arbres disparaîtront l'un après l'autre et ainsi vous pourrez retourner dans le royaume où se trouve votre maison".

Ce fut très difficile pour la princesse d'agir comme les Esprits de la Nature l'avaient conseillé, mais elle détestait tant la forêt qu'elle décida d'essayer. Elle cessa de se plaindre au sujet de la forêt et se mit à l'apprécier. Commençant par louer le buisson sur lequel poussaient les baies amères, elle s'étonna de voir sous ses yeux qu'à ses paroles d'éloge, les baies qui avaient été si amères devenaient grosses et de goût succulent.

Surprise et heureuse du résultat de sa première expérience, elle commença à sourire.

Elle se souvint des instructions suivant lesquelles elle devait faire quelque chose de gentil pour les autres et elle décida que puisque les nains avaient été gentils de lui dire comment trouver le chemin du retour, elle allait faire quelque chose pour eux.

Après mûre réflexion, elle décida de leur construire de jolies petites maisons où ils pourraient habiter.

Rassemblant des roches et des bouts de bois et utilisant du limon en guise de mortier, elle construisit les plus attrayantes maisons rocheuses qu'il se puisse imaginer et en tapissa l'intérieur de douces feuilles. A l'extérieur, elle fit des jardins de rocaille et y planta toutes sortes de fleurs sauvages.

La princesse était si contente de son travail de construction qu'elle n'avait pas remarqué que de nombreux jours s'étaient écoulés depuis qu'elle était arrivée dans la forêt.

Enfin, les maisons furent achevées et elles étaient si charmantes qu'elle était impatiente que les gnomes viennent et voient leurs maisons neuves.

Le lendemain matin, elle fut réveillée par les rayons lumineux que le Soleil dardait sur ses yeux et, s'asseyant rapidement, elle regarda autour d'elle. A sa grande surprise, l'épaisse forêt avait disparu et les Esprits de la Nature se tenaient devant elle en souriant, paraissant très heureux.

"Ohé, Princesse", crièrent-ils tout en saluant, "vous avez dissous la forêt. Regardez, vous pouvez voir le palais sur la colline avoisinante. Partez, car le roi vous attend".

La princesse sauta joyeusement debout et, après avoir remercié les gnomes de lui avoir enseigné combien il est plus drôle de sourire que d'être renfrogné, elle courut gaiement vers sa maison, résolue à ne plus jamais être maussade ou désagréable.

bunni


Les trois arbres et la lune

Il était une fois, trois jeunes arbres qui poussaient au cœur de la forêt des arbres qui parlent.

Le premier s'appelait Boubakeur. C'était un saule dont les branches tombantes étaient recouvertes de feuilles ravissantes. Boubakeur était l'un des plus beaux arbres de la forêt. Pourtant, il était très triste et passait son temps à pleurer en rêvant qu'un jour il serait heureux. Boubakeur était un saule pleureur inconsolable.

Le second, Amédé, était un chêne dont les branches musclées faisaient toute sa fierté. Amédé était très fort. Pourtant, il était également très triste. Lui qui ne pouvait pas bouger du sol aurait tant aimé  parcourir le monde. Amédé était un chêne enchainé à ses propres racines.

Le troisième se nommait Dirapa. C'était un figuier très sage avec un cœur gros comme un essaim d'abeilles. Il passait son temps à partager ses figues avec Boubakeur et Amédé. Dirapa était très généreux. Pourtant, lui aussi était très triste. En effet, Dirapa était le seul arbre de la forêt des arbres qui parlent à ne pouvoir parler. Dirapa n'avait pas de bouche.

Par une belle nuit scintillante, la lune réveilla le saule pleureur en déposant de la poussière d'étoiles sur ses paupières fermées.

-Bonjour Boubakeur. C'est moi Madame la Lune. Tu peux me demander ce que tu veux.

-Bonjour Madame la Lune. Je voudrais arrêter de pleurer et être heureux, répondit le saule la larme à l'œil.

-Très bien. Je ferai de toi le plus heureux des arbres. Mais à une condition et une seule ; que tu me donnes tes magnifiques feuilles.

Boubakeur refusa de sacrifier sa beauté et la lune, déçue, disparut derrière un nuage blanc qui devint gris comme le plomb.

La nuit suivante, la lune réveilla le chêne.

-Bonjour Amédé. C'est moi Madame la Lune. Tu peux me demander ce que tu veux.

-Bonjour Madame la Lune. Je voudrais parcourir le monde, répondit Amédé s'imaginant déjà grimper sur les montagnes.

-Très bien. Je transformerai tes racines en jambes. Mais à une condition et une seule ; que tu me donnes ta force.

Amédé refusa et la lune, déçue, disparut derrière un nuage gris qui devint aussi noir que du charbon.

Très en colère, la lune convoqua immédiatement le vent et les nuages et leur dit :

-Ces arbres refusent de vivre leur rêve car ils n'ont toujours pas appris que pour recevoir, il faut savoir donner ! Je veux que vous donniez une leçon à ces arbres égoïstes !

Aussitôt, la tempête se déchaîna.

Une pluie battante se mit à tomber sur Boubakeur et noya ses feuilles et ses branches. Quant au vent, il se déchaîna sur Amédé. Il le déracina et le coucha à terre.  Dirapa ne fut pas touché par la tempête mais le désespoir de ses amis le toucha profondément. Il aurait tant voulu les aider, les consoler et leur dire à quel point il les aimait.

Quelque temps passa et, une nuit, la lune remarqua le jeune figuier.

-Bonjour Dirapa. C'est moi la Madame Lune. Tu peux me demander ce que tu veux.

En guise de réponse Dirapa tourna son regard vers ses deux amis mais la lune n'y prêta pas attention.

-Ne veux-tu donc rien ? ajouta-t-elle.

Dirapa secoua vigoureusement ses branches de gauche à droite et quelques figues tombèrent. Etonnée, la lune en ramassa une et la mangea.

-Merci beaucoup généreux figuier. Tes fruits sont délicieux.

Dirapa tourna alors, une fois encore, ses yeux tristes vers ses deux amis sous le regard compatissant de la lune.

-Tu es un arbre sage et bon. Grâce à toi je viens de comprendre qu'au-delà de donner pour recevoir on peut également donner sans rien attendre en retour.

La lune s'empressa auprès de Boubakeur qui pataugeait dans une mare de larmes. Elle y versa de la poussière d'étoiles. Si tôt fait, la mare se tarit et Boubakeur retrouva branches et feuilles.

-Veux-tu toujours trouver le bonheur Boubakeur ?

-Oui, s'il vous plaît Madame la Lune.

-Je ne sais pas si tu seras le plus heureux des arbres mais tu seras un arbre heureux.

La lune saupoudra de poussière d'étoiles le feuillage du saule pleureur. Boubakeur secoua alors énergiquement ses branches pour faire tomber ses feuilles et les donner à la lune.

-Non, non, arrête ! Je ne te demande rien en échange, lui lança-t-elle.

La lune rejoignit ensuite Amédé qui gisait au sol les racines à l'air et le recouvrit de poussière d'étoiles. Si tôt fait, le chêne sentit sa force parcourir sa sève et se releva.

-Veux-tu toujours parcourir le monde Amédé ?

-Non merci Madame la Lune. J'ai réalisé que je tiens beaucoup trop à mes racines et à mes amis. Pour rien au monde je ne voudrais les quitter.

-Tu ne veux donc rien ?

-Si. Je souhaiterais que vous donniez la parole à notre ami Dirapa.

La lune lança alors de la poussière d'étoiles sur l'écorce du figuier. Si tôt fait, l'écorce se craquela dans le sens de la largeur et une bouche se dessina et s'ouvrit.

C'est ainsi que Dirapa prononça son premier mot. Ce mot était « merci ». Un merci venant du fond du cœur qu'il adressa à ses amis pour leur amitié et la lune pour sa bonté.

Une brise se mit alors à souffler sur la forêt des arbres qui parlent. A chaque feuille frôlée, une note de musique tombait sur le sol. Une fanfare de notes se mit alors à défiler à la queue leu leu, une clé de sol en tête. Tous les arbres se donnèrent les branches et, en chœur avec les nuages et la Lune, chantèrent :

«Si tu veux donner

N'attends rien en retour

Si tu veux donner

Donne et puis c'est tout... »

(Sur l'air de 1 km à pied...).

FIN

bunni


Flocon de neige

Il était une fois , un vieux volcan qui vivait sur une île au milieu de l'océan .Ce volcan sans nom adorait chanter , toutefois ;il faut avouer qu'il n'était pas très doué .Personne , en effet ,ne pouvait supporter les notes qu'il déclamait .C'est pour cette raison que jamais aucun arbre ,que jamais aucun oiseau et que jamais aucun animal n'avaient voulu emménager sur cette île qui ressemblait à un énorme rocher .
Pendant de longues années , le volcan resta seul ,passant son temps à chanter et à se lamenter .Un jour , alors qu'il était enroué ,il vit apparaître au milieu du ciel azur ,bien loin à l'horizon ,un minuscule point blanc qui attira son attention .

-Qu'est-ce que cela peut bien être ? S'interrogea le volcan.
-Ça ne peut pas être un nuage .Il est bien trop petit ,et bien trop blanc !s'exclama - t-il

Fixant le ciel intensément , le volcan fini enfin par voir qu'il s'agissait d'un oiseau .
C'était bien la première fois qu'il voyait pareil animal .Oh oui ,des oiseaux , il en avait vu passer ,mais jamais une telle beauté l'avait encore survolé .
Cet oiseau à l'allure magnifique était d'un blanc pur .Cependant , le volcan constata qu'une fine ligne noire se dessinait sur chacune de ses ailes ,si bien crayonnée ,qu'on aurait juré qu'on la lui avait tatoué .Mais ce qui frappa le plus le vieux volcan ,ce fut sans nul doute la mystérieuse queue de cet oiseau .Jamais auparavant ,il n'avait vu une queue aussi remarquable .En effet ,cette dernière était très fine et extrêmement allongée ,et composée  de deux grandes plumes singulières d'un blanc immaculé .

L'oiseau s'était finalement posé sur l'île rocailleuse pour récupérer .Il se désaltéra longuement d'un peu d'eau de pluie que contenait un creux de rocher .
Le volcan ,toujours fasciné ,l'observait silencieusement de peur d'effrayer son visiteur inattendu .Et ce n'est que lorsque l'oiseau commença à se toiletter qu'il décida de parler .

-Bonjour maître oiseau !Osa dire le volcan d'une voix timide et hésitante .

L'oiseau , surprit ,leva brusquement la tête ,cherchant un moment qui lui avait parler .Il se retourna et vit le vieux volcan qui le regardait .

-Oh ,pardon !Je suis tellement navré !Je vous avait pris pour un piton ,s'excusa l'oiseau .
-Moi , un piton !S'amusa le volcan .Non .Non ,je suis bien un volcan !
Confirma -t il d'un ton beaucoup moins hésitant .Mais vous , qu'êtes vous ?Ajouta -t-il ,curieux .
L'oiseau sembla surpris par la question , mais répondit poliment qu'il était un paille -en-queue .
-Un paille -en-queue !Répéta bêtement le volcan .
-Oui ,confirma calmement l'oiseau .Mais cela n'est pas mon nom ,ajouta -t-il posément .
-Vraiment ?S'intrigua le volcan .Et comment vous appelez -vous ?
-Je m'appel Flocon de neige , répondit l'oiseau .
-Flocon de neige ,répéta le volcan .Quel drôle de nom !
-C'est qu'on dit souvent que je suis pareil à la neige ,expliqua  le paille -en-queue .
-De la neige ?Demanda le volcan intrigué .Je n'ai jamais entendu parler de tel chose ici .
-Je suppose que vous n'avez pas beaucoup voyagé .
-Oh !Je suis bien trop gros et bien trop volumineux pour pouvoir me déplacer ,rougit le volcan honteux de son ignorance .
-Hum ...Comment vous l'expliquer ,hésita l'oiseau .La neige ,c'est comme de minuscules pétales de rose blanche qui descendraient du ciel pour embrasser le sol de leurs lèvres gelés .

Le volcan avait du mal à se représenter la neige .Après tout ,dans son océan ,il n'avait jamais vu cela avant .Et il lui était bien difficile de se l'imaginer .Et c'est à haute voix qu'il finit par suggérer qu'il aurait bien aimé voir à quoi elle ressemblait .

-Et vous , comment vous appelez -vous ?demanda l'oiseau au bout d'un moment .
-Je n'ai pas vraiment de nom .Tout le monde m'appel "Volcan" .répondit machinalement ce dernier toujours plongé dans ses pensées .
-Excusez-moi de vous le demander ,mais , je suis à la recherche d'un endroit agréable où je pourrais habiter .Sauriez -vous me renseigner ?
-Pourquoi ne resteriez -vous pas ici ? Proposa naïvement le volcan ,qui au fond était bien content d'avoir un peu de compagnie .
-Sur cette île rocheuse ,sans fleur ni arbre !S'exclama l'oiseau par une telle proposition .

Le volcan attristé face à une telle spontanéité ,se tut .Au fond , l'oiseau avait bien raison ,qui aurait aimé vivre sur cette île ,mise à part un vieux volcan bruyant ?Le volcan était de nouveau plongé dans ses pensées avant de toussoter .
-Etes -vous enroué ?Interrogea l'oiseau .
-Oui ,répondit le volcan . Je pense que j'ai du prendre froid à cause de la pluie ,ajouta-t-il d'un air fatigué .C'est assez ennuyeux ,car je ne peux plus chanter .
-Vous aimez chanter ?
-Oh ,oui ! J'adore cela , c'est mon passe temps préféré .Aimeriez -vous que je vous chante un couplet ?Proposa le volcan ravi d'avoir quelqu'un pour l'écouter .

l'oiseau accepta avec plaisir .Mais à peine le volcan avait -il prononcé la première note de sa chanson ,que le sol s'était mit à trembler ,les rochers à s'effondrer et le tonnerre à gronder .Le paille -en-queue effrayé par cette étrange activité s'éleva dans le ciel .Il regretta un moment d'avoir écouté le volcan chanter .
Voyant son visiteur affolé ,le volcan cessa sa chanson .Un moment plus tard , l'oiseau avait repris place sur le rocher .

-Nom d'une charrette ,quelle était cette chose infâme !S'exclama l'oiseau encore décontenancé .

Le volcan , attristé se mit à pleurer .Des larmes chaudes rougeâtres coulaient à présent de ses yeux .

-Je suis vraiment désolé ,renifla le volcan .Mais vous savez , à chaque fois que je me mets à chanter , tous mes visiteurs disparaissent et ne reviennent jamais .Pourquoi donc êtes -vous resté ?
-Hé bien ...Vous savez ,répondit le paille -en-queue un peu gêné ,je suis plutôt bien élevé ,alors , je ne pouvais m'en aller sans prendre congé .

Le volcan sécha ses larmes .Jamais auparavant quelqu'un n'avait fait preuve de tant d'attention à son égard .
Et c'est en voyant le soleil se coucher ,qu'il proposa à l'oiseau de l'héberger au moins pour la soirée .
Flocon de neige , qui était bien fatigué ,accepta volontiers .Et les deux nouveaux amis passèrent la nuit à discuter de leur vie de solitude pour l'un et de voyage pour l'autre .
Le lendemain ,alors que paille -en-queue dégustait  son petit déjeuner .Il fit part de son étonnement au volcan .

-Tu sais , je te trouve bien gentil pour un volcan .Je suis sûr que cette île serait  très appréciée ,si tu arrêtais de chanter .
-Arrêter de chanter ?S'étonna le volcan .Je n'y avait jamais songé .
-Je dois bien connaître un ou deux arbres qui seraient ravis de vivre ici ,ou encore quelques oiseaux qui seraient heureux de pouvoir y faire un nid ,assura l'oiseau .Mais ,seulement si tu promet de ne plus jamais chanter .

Le volcan était bien sceptique devant une telle affirmation .Il réfléchit un moment :certes ,il aurait bien aimé ne plus être seul sur cette grande île rocheuse :mais en même temps ,il adorait chanter .Pourtant , ces dernières semaines ,sa gorge lui avait fait atrocement souffrir .Il était souvent enroué et il lui était de plus en plus difficile de chanter .Alors , ce n'est pas sans quelques larmes déferlants sur les flans de ses joues qu'il prit sa décision et promit de ne plus jamais chanter ,si l'oiseau arrivait à peupler l'île .
Et c'est sur cette promesse que l'oiseau déploya ses ailes disparaissant bientôt à l'horizon .Plusieurs semaines passèrent ;le volcan tint promesse .Cela faisait plusieurs mois qu'il n'avait pas chanté .Jour après jour ,il attendit le retour de son ami ,scrutant le ciel à la recherche d'un minuscule point blanc .Un jour alors qu'il fixait le ciel ,une vision étrange lui fit regarder à ses pieds .Il n'avait même pas remarqué que de la végétation avait poussée .
Plus tard , on ne sait plus trop quand ,et on ne sait pas trop comment ,plusieurs animaux s'étaient installés.
le volcan était heureux de voir enfin  son île habitée ,bien qu'au fond de lui ,il ne pouvait s'empêcher d'espérer le retour de son ami paille -en-queue .
Et puis un jour ,alors qu'il était occupé à regarder le ciel azuré ,une voix l'interpella .

-Hé bien mon ami ,te voilà bien plongé dans tes pensées ?Constata Flocon de neige .

En apercevant son ami ,le volcan ne put cacher son émotion :il avait tant attendu ,et finalement son ami avait tenu parole !Il était si ému qu'il ne pouvait plus prononcer un seul son .C'est alors que sans attendre le moindre mot ,sans attendre le moindre geste du volcan ,l'oiseau s'envola ,couvrant le volcan d'un mince manteau de neige .

-Un volcan qui ne chante pas , ce n'est plus vraiment un vrai volcan ,dit-il après un certain moment .Alors à partir de maintenant , je t'appellerai Piton des neiges .Et pour te distinguer des autres monts ,je t'offre ce manteau tout blanc .

C'est ainsi que ce volcan sans nom fut baptisé Piton .
On raconte aujourd'hui encore ,que lorsque le Piton des neiges sort son manteau blanc ,c'est assurément parce qu'il reçoit un Flocon de neige tout blanc .

bunni


Le Lézard et le maïs

Il était une fois un homme très avare. On l'appelait " l'Avaricieux ". Il possédait dans son jardin toutes sortes de plantes, mais surtout le maïs. Il le faisait garder nuit et jour par des myriades de frelons et autres serpents venimeux. Personne d'autre ne possédait le maïs. Parfois, après s'être fait supplier, flatter, il donnait un peu. Un tout petit peu. Mais il était malin ! Les grains de maïs qu'il donnait étaient déjà grillés, les jeunes pousses pelées ou privées de leurs racines. Si bien que rien de ce qu'on réussissait à obtenir de l'Avaricieux ne poussait une fois planté ou semé dans les jardins.
En ce temps-là, Shabon le Lézard avait une petite bouche, des doigts et des orteils semblables aux nôtres. Il décida un jour d'aller voler du maïs à l'Avaricieux.
-Ce n'est pas dans son jardin qu'il faut aller lui voler le maïs, c'est trop bien gardé... J'irai au cœur même de son domaine, dans sa maison.
Et voilà Shabon arrivant chez l'Avaricieux. Sa femme triait justement le maïs. Tout doux tout miel, le Lézard s'annonça et proposa de l'aider.
La femme de l'Avaricieux se montra d'abord méfiante... Mais elle n'était pas très vaillante à la tâche.
-Ma foi, finit-elle par dire, si tu m'aides réellement, pourquoi pas ? Mais attention ! Ne t'avise pas de me voler un seul grain !
-Moi ? Voler ? répondit Shabon, je suis juste venu pour bavarder et te donner un coup de main.
Et il commença à trier le maïs, sous l'œil soupçonneux de son hôtesse.

Mais ce qui devait arriver arriva : la femme de l'Avaricieux eut soudain une envie pressante, très pressante... Elle compta, un par un, les grains du tas déjà égrené, puis ceux qui restaient sur l'épi de Shabon, tous...
-Et ne t'avise pas, sacripant, de m'en voler un seul ! dit-elle avant de sortir faire ses besoins.
Dès qu'il fut seul, Shabon le Lézard attrapa un grain de maïs et le fourra dans sa bouche, tout au fond, caché derrière la dernière dent... et il se remit consciencieusement à l'ouvrage.
La femme de l'Avaricieux revint. Elle compta un à un les grains de maïs, ceux du tas égrené, puis ceux qui restaient à trier. Il en manquait un ! La colère montait. Elle compta et recompta. Plus de doute possible ! Elle laissa éclater sa fureur :
-Il manque un grain de maïs, tu nous l'as volé !
Elle saisit Shabon et lui fit ouvrir les doigts et les orteils. Rien. De rage, elle lui ouvrit la bouche si fort qu'elle la déchira quasiment jusqu'aux oreilles. Mais le grain de maïs était bien caché, tout au fond, derrière la dernière dent. La femme de l'Avaricieux ne le vit pas.
Et quand l'Avaricieux revint de son jardin, ce fut le même spectacle. Il chercha encore et encore. Il lui ouvrit les mains et pour mieux regarder entre les doigts les lui écarta si brutalement qu'il les déchira jusqu'aux poignets. Il fit de même avec les orteils qu'il lui écarta jusqu'aux talons.
Mais le grain de maïs restait introuvable.
-Peut-être qu'il a roulé sous quelque chose, suggéra le pauvre Shabon, le maïs toujours caché derrière la dent.
Sans attendre, l'Avaricieux et sa femme se mirent à quatre pattes pour chercher. C'est alors que Shabon bondit hors de la maison et déguerpit sans demander son reste. Une fois hors d'atteinte, le Lézard planta le grain de maïs au milieu de son jardin. Il le soigna comme si c'était son fils, et le grain germa...
Et depuis cet exploit courageux de Shabon le Lézard, nous avons le maïs... Et pour que nul n'oublie son exploit courageux, les Lézards ont toujours la bouche fendue jusqu'aux oreilles et des doigts immenses et frêles déchirés jusqu'aux poignets et aux talons.

bunni


L'eau de la terre

Une grenouille vivait au bord d'un trou rempli d'eau, près d'un ruisseau. C'était une petite grenouille verte, discrète, ordinaire. Elle avait envie de devenir extraordinaire et réfléchissait au moyen de se faire remarquer. À force d'y penser, elle eut une idée. Elle se mit à boire l'eau de son trou, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte ! Et elle commença à grossir. Ensuite elle se mit à boire l'eau du ruisseau, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte ! Et elle grossissait de plus en plus. En suivant le lit du ruisseau, elle arriva à la rivière, et elle se mit à boire l'eau de la rivière, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte ! Et comme la rivière se jetait dans le fleuve, elle alla près du fleuve, et elle se mit à boire l'eau du fleuve, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte !
Et la grenouille gonflait, gonflait !
.
Comme le fleuve se jetait dans la mer, la grenouille alla jusqu'au bord de la mer, et elle se mit à boire l'eau de la mer, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte qui était la dernière goutte d'eau de toute la terre. Son ventre, ses pattes, sa tête étaient gorgés d'eau, et même ses yeux, qui devinrent tout globuleux. La petite grenouille était maintenant extraordinaire, gigantesque ; sa tête touchait le ciel !
Les plantes avaient soif, les animaux avaient soif, et les hommes aussi avaient terriblement soif. Alors tous se réunirent pour chercher un moyen de récupérer l'eau de la terre.

«Il faut qu'elle ouvre sa large bouche afin que l'eau rejaillisse sur la terre.
– Si on la fait rire, dit quelqu'un, elle ouvrira la bouche, et l'eau débordera.
– Bonne idée » dirent les autres.
Ils préparèrent alors une grande fête, et les animaux les plus drôles vinrent du monde entier. Les hommes firent les clowns, racontèrent des histoires drôles. En les regardant, les animaux oublièrent qu'ils avaient soif, les enfants aussi. Mais la grenouille ne riait pas, ne souriait même pas. Elle restait impassible, immobile. Les singes firent des acrobaties, des grimaces, dansèrent, firent les pitres. Mais la grenouille ne bougeait pas, ne riait pas, ne faisait même pas l'esquisse d'un sourire.
Tous étaient épuisés, assoiffés, quand arriva une petite créature insignifiante, un petit ver de terre, qui s'approcha de la grenouille. Il se mit à se tortiller, à onduler. La grenouille le regarda étonnée. Le petit ver se démena autant qu'il put. Il fit une minuscule grimace, et... la grenouille éclata de rire, un rire énorme qui fit trembler tout son corps ! Elle ne pouvait plus s'arrêter de rire, et les eaux débordèrent de sa bouche grande ouverte. L'eau se répandit sur toute la terre, et la grenouille rapetissa, rapetissa.

La vie put recommencer, et la grenouille reprit sa taille de grenouille ordinaire. Elle garda juste ses gros yeux globuleux, en souvenir de cette aventure.