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Contes d'ici et d'ailleurs

Démarré par bunni, 18 Septembre 2012 à 00:22:36

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bunni


Le caméléon amoureux

Dans un pays loin, très loin vers l'Amazonie par-là bas, Existait un endroit où les enfants étaient rois et les parents des sorciers savants.
On dit qu'un jour une femme d'une grande beauté aux longs cheveux noirs, une sorte de fée qui s'appelait Amazone, fût noyée par des conquistadors espagnols dans le fleuve...
On donna alors son nom d'Amazone au fleuve et d'Amazonie au pays qui le traverse.
On dit que depuis qu'elle est devenue sirène et qu'elle hante les eaux du fleuve par un chant d'attirance irrésistible pour les hommes.

Ce pays regorgeait d'animaux de toutes sortes, au milieu d'eux s'en trouvait un merveilleux...
On ne laisse jamais assez de place aux animaux... c'est pourquoi je vous raconte celle aujourd'hui d'un caméléon que la nature par surprise rendit amoureux d'une fée.

Ce n'est déjà pas simple pour un humain homme d'être amoureux d'une femme, encore moins d'une fée, mais pour un caméléon les enfants, autant vous dire que c'est encore moins
simple !

Notre caméléon vivait dans une forêt amazonienne peuplée de multiples variétés de vies que même nous, être humains ne pourrions imaginer.
Des arbres plantes qui touchaient les nuages, des fleurs comme des pluies colorées d'arc-en-ciel...
Il y avait des singes graciles, des oiseaux de paradis, des mouches qui donnent le sommeil éternel, des panthères élégantes aux aguets, et la nuit, des chauves-souris grandes comme des avions, ainsi que tous les monstres des placards venus ici se faire oublier...
Enfin bref ! Bons comme mauvais, toute la création vivait ici et bien sûr, les fées !

C'est là que notre caméléon paisible, une nuit d'été où les grillons avaient des voix de ténors, alors qu'il était appliqué à se redessiner un corps sur une feuille aux multiples couleurs, il l'a vit.
Comme elle était belle se dit il...

Il resta là, toute la nuit sur sa feuille sans bouger, la regardant dormir, ignorant même son passage à d'autres couleurs, à se demander comment la séduire, car c'était évident ! Ils se marieraient un jour ou l'autre, vivraient heureux et auraient beaucoup d'enfants !
Le caméléon est confiant par nature, il ne doute de rien !

Qu'est ce qu'un caméléon ? Je dis ça pour les adultes qui franchement au lieu de compter leurs billets de banque pourraient suivre un peu l'histoire ! Parce que je sais bien que vous les enfants, vous savez ce que c'est !
Où en étions-nous ? Oui voilà !

C'est un animal comme un gros lézard très gentil, qui mange des insectes et qui peut changer de couleur comme il veut pour se protéger.
Le caméléon est un être paisible, il n'aime pas les conflits, surtout quand il aime.
Etre caméléon, c'est être en sois philosophe, avoir une intelligence intérieure, quelque chose qui dit :" chantes beau merles ! Fanfaronnes devant moi ! Moi je suis caméléon, je saurais et attendre et te surprendre..."
Les adultes ne me demandez pas ce qu'est une fée ! Vous n'aviez qu'à suivre ! Si ? Pfff...

La fée est une vie volubile ; volubile comme la fleur grimpante "volubilis" naissant n'importe où sur le bord d'un fossé, accrochée aux grilles des villes, comme sur les jardins de campagne. Gracile et fragile, en forme de trompette, se mâchant au moindre frottement de doigts et faisant d'un ciel bleu d'été, lancée en l'air, un parachute en fleur, un poème épanouis comme une framboise dans la bouche un soir de fin d'été.
La fée chante toujours" lalala..." elle est heureuse. C'est sa vie.

Etre caméléon et voir une fée gracile, c'est comme être une chaussette de garçon à sécher à côté de culottes de filles ! Pouah !

Notre caméléon se dit : " comment l'approcher ? Comment la séduire, avoir une chance de lui plaire ?
Je sais que je suis fait pour elle et elle pour moi ! Comment l'en convaincre ?"
En même temps... se disait-il, les fées connaissent-elles l'histoire passée des caméléons ?
Le passé de quelqu'un c'est difficile des fois de le comprendre les enfants...

Quelques fois on fait des choses pas bien, puis l'on grandit dans son corps ou dans sa tête, on change, on est plus l'animal que les autres ont connu avant, et pourtant souvent, les singes graciles, les mouches du sommeil éternel, les oiseaux de paradis, ne croient pas que le caméléon puisse changer.
Alors la fée elle ? Le croirait-elle ?
Que de questions, que de difficultés à dépasser, que de patience et d'observation il allait lui falloir.
Aimer une fée quand on est caméléon c'est comme être Dieu en enfer...

Toutefois, il s'averra que la fée de verre, car c'était comme cela qu'elle s'appelait, la fée de verre transparente comme l'eau limpide du torrent, à la fois fragile mais blindées comme les portes des banques, transparente comme la vitre que maman vient de nettoyer, transparente comme l'air libre des montagnes, vint chanter chaque jour au bord du ruisseau ou vaquait caméléon...

Caméléon aime se dessiner au bord des ruisseaux qui murmurent.
Il se pose sur une feuille colorée, tourne son œil mobile dans tous les sens, observe s'il n'y a pas d'ennemis autour, puis s'applique à prendre ses plus jolies couleurs et remplir sa feuille de dessin de lui-même.
C'est sa vie à lui, se dessiner, mettre des couleurs dans le paysage que l'on attend pas.
Il a même essayé le bleu du ciel une fois... Si, si ! Il y est arrivé ! Il est très doué !

Caméléon se dit alors... Je n'ai pas de jambes, ni de bras pour l'enlacer... Mais je peux peut être lui faire croire que je suis quelqu'un d'autre ? Changeons de couleurs, prenons une couleur d'oiseaux de paradis pour plaire à la transparence de la fée et racontons-lui une histoire d'oiseaux de paradis.

C'est ainsi qu'il osa lui dire bonjour, persuadé qu'il était un oiseau de paradis et à vrai dire la fée le crût.
D'ailleurs il était très convaincant avec son déguisement et aussi très intéressant. Les fées aiment les gens qui ont des choses à dire de toutes les façons ! Ça tombait bien ! Elle tomba amoureuse de l'oiseau de paradis...

Mais très vite caméléon fut ennuyé... Il n'avait toujours ni bouche pour l'embrasser ni bras pour l'enlacer... Mais il n'en savait pas encore assez sur elle, et voulait être sûr de lui plaire.

Il se dit qu'un singe malicieux, connaissait toutes les ruses de cow-boys ! Tout ce qu'il faut pour faire parler les femmes et les fées et leur faire du "bla bla" comme elles aiment.
Il se déguisa donc en singe malicieux. La fée de verre une fois de plus se confia à lui, aimant ce singe malicieux, mais se demandant en même temps ou avait bien pu passer son oiseau de paradis...
Eh oui ! rappelez-vous ! La fée elle était amoureuse un peu quand même de l'oiseau de paradis !
Cette fois si, il avait des bras pour l'enlacer une bouche pour lui faire des bisous... Mais il était velu comme un singe !!!!
Et c'est bien connu ! Les fées n'aiment pas les poils !

Flûte ! Se dit-il. Comment faire ?

Or il se passa une chose imprévue dans la forêt un jour... Une star hollywoodienne qui cherchait la solitude vint camper sur les bords de l'Amazone... Il était fatigué de la ville, fatigué des femmes, fatigué du cinéma et de la célébrité, fatigué de signer des autographes...Fatigué quoi !
Une nuit ou il avait trop bu pour oublier sa vie nulle, il se mit tout nu, cria, pleura, déchira tous ses vêtements, jeta tout son argent dans le feu de camps et les photos prévues pour les autographes ! Tout ! Il devint fou en quelque sorte le temps d'une nuit...
Les animaux présents s'en souviennent encore, ils étaient navrés de voir ça ! Mais alors.... Navrés !
Les animaux se dirent : " Quand on ne sait pas boire monsieur ! On ne boit pas !"
Oui, oui... Les animaux des fois sont un peu sévères mais c'est pour notre bien à nous les humains !
Tss !
Ce en quoi les enfants je vous encourage à ne pas boire d'alcool si vous ne voulez pas finir tout nu devant tout le monde un jour !
Enfin bref !
Au matin, une pirogue vint le chercher et la forêt retrouva son calme...

Toutefois...
Caméléon regarda du haut de sa feuille les restes du feu de camps de la veille et vit qu'une des photos prévue pour les dédicaces n'avait pas brûlée...
Ah, ah... se dit-il. Voilà ma chance !
Comme il ne savait plus qu'elle enveloppe adopter, il se posa sur la photo de la star et pris sa couleur et sa forme... Là se dit-il... c'est gagné ! Ma fée va m'aimer...

Mais ! Car il y a toujours un mais dans les histoires, la pie narquoise blanche et noire depuis le début suivait cette passionnante aventure ! Elle n'avait pas lu le journal "Voili" depuis qu'elle avait quitté la France pour ses vacances ici et s'ennuyait un peu. L'histoire du caméléon et de la fée de verre était tombée à pic !
Elle les suivait de branche en branche, notant de sa plus belle plume les mots d'amour pour s'en souvenir si un jour elle se décidait à faire un nid.

Je vous jure cette pie ! Qu'elle chi-pie !

Donc notre caméléon en couleur de star séduisit à nouveau la fée... Et la fée tomba très amoureuse...
Son cœur était un peu en mille morceaux à cause de l'oiseau de paradis et du singe malicieux dont elle ne comprenait pas qu'elle n'en eut aucune nouvelles.
Mais le caméléon star lui plaisait ça c'est sur !
Un jour il ne voulut plus lui mentir et il lui dit :
"Je ne suis pas une star, je suis juste caméléon tu sais..."
Mais la fée de verre elle, elle s'enfichait, quand on voit avec les yeux de l'amour, que l'on soit caméléon, oiseau de paradis, ou singe malicieux peu importe, le tout n'est-il pas d'être honnête avec ceux qu'on aime ?

Alors ils se marièrent effectivement, furent heureux aussi, n'eurent pas beaucoup d'enfants parce que mettre plein d'enfants sur une seule feuille d'arbre c'est pas commode mais... Il s'aimèrent tant que cela remplaça le manque.
Aujourd'hui, quelque part en Amazonie un caméléon par sa ténacité et un peu de ruse il faut dire est marié à la plus belle des fées... C'est la pie narquoise qui me l'a raconté sur ma fenêtre ce matin à son retour de vacances.

Depuis le caméléon change un peu de forme et un peu de couleur encore elle m'a dit, mais juste pour s'amuser... Alors la fée ferme les yeux il faut bien que chacun ait un petit jardin secret...
Un petit jardin qui, quand on ferme les yeux, peut être aussi long que le fleuve Amazone...




bunni


Le monstre-calebasse et le bélier divin

Une calebasse monstrueuse était posée devant une hutte en ruine à l'entrée du premier village humain, et chaque fois que quelqu'un s'approchait d'elle, elle le dévorait. Elle s'ouvrait en deux et se refermait, comme une porte qui claque, sur les malheureux imprudents venus l'examiner de trop près. Ainsi, cette calebasse engloutit, les uns après les autres, tous les habitants du village. Seule une femme nommée Kalba, qui vivait avec son fils dans la forêt, fut épargnée, ainsi qu'une sorcière si vieille qu'elle ne pouvait pas sortir de sa hutte, Or, un jour, le fils de Kalba échappe à sa mère, s'en vient rôder autour du monstre-calebasse, qui ne dormait jamais que d'un œil et voilà l'enfant dévoré. Alors Kalba s'arrache les cheveux, hurle sa douleur, la tête levée vers le ciel, puis trébuchant, s'en va chez la vieille sorcière et lui dit :
- II faut que tu m'aides à briser cette terrifiante calebasse. Je veux délivrer mon fils.
La sorcière agite son doigt crochu devant son visage et répond :
- Ma pauvre enfant, je vais te dire ce que tu dois faire. Ecoute bien : va jusqu'au soleil couchant. Là, tu trouveras un rocher. Frotte la face de ce rocher avec ce piment rouge que je te donne. Une porte s'ouvrira. Alors tu descendras dans le ventre de la terre et dans le ventre de la terre tu chemineras jusqu'à ce que tu parviennes devant le bélier divin. Tu diras au bélier divin que c'est moi qui t'envoie, et tu lui demanderas de revenir avec toi, dans notre village, au soleil des vivants.

Kalba remercie la sorcière, prend le piment magique et s'en va vers le soleil couchant. Elle voyage jusqu'au crépuscule. Parmi les hautes herbes, elle découvre, un rocher gris, haut comme un géant chaotique. Elle frotte le piment contre, la paroi. Aussitôt elle entend comme un roulement de tonnerre, et le roc lentement se fend. Kalba descendit dans le ventre de la terre. Elle marche sur un chemin de pierre tracé dans une plaine couleur de fer. Dans le ciel de pierre brille un petit soleil-caillou. Elle marche elle ne sait combien de temps, car le soleil-caillou du ventre delà terre ne se couche jamais. Elle marche jusqu'à ce que ses pieds soient lises. Alors apparaît au bout du chemin une hutte d'or. Kalba parvient devant cette hutte d'or à quatre pattes, tant elle est épuisée. Elle pousse la porte. Au milieu de la pièce ronde un grand bélier est assis sur son derrière, un bélier a la toison rouge, aux cornes couleur de feu enroulées sur ses tempes. Il regarde Kalba effondrée à ses pieds. II lui dit :

- Que viens-tu faire ici, femme du pays d'en haut ?

Elle répond :

- La vieille de mon village m'envoie te chercher. Le bélier divin hoche la tête:

- Grimpe sur mon dos, dit-il.

Ensemble ils reviennent sur la terre. Ils sortent du rocher. Voici l'herbe verte à nouveau, le ciel bleu, les arbres. Le bélier galope jusqu'au village, dépose Kalba devant la hutte de la vieille sorcière. Il entre, majestueux. La sorcière le salue et se met à chanter. Elle chante, les mains ouvertes devant sa figure ridée, elle chante les méfaits du monstre-calebasse. Le bélier divin, devant elle, renifle comme s'il flairait le son de sa voix. Le chant de la vieille allume du feu dans ses naseaux et fait rougeoyer ses cornes comme des braises. Il gratte le sol du sabot, furieusement. Maintenant, il s'en va, le bélier embrasé, par les ruelles du village, et le chant de la sorcière l'accompagne. Là-bas, devant sa hutte en ruine, la calebasse grince et se réveille, et se met à rouler à la rencontre du bélier qui fonce sur elle, tête baissée. Le choc est si terrible que l'on entend son fracas jusque dans les étoiles. Le bélier divin, comme un caillou jeté, disparait au fond du ciel mais la calebasse se brise comme un œuf mûr. Tous ceux qu'elle avait dévorés sont ainsi remis au monde. Mais écoutez la plus étrange merveille qui soit : dans le ventre de la calebasse, les hommes étaient couchés les uns sur les autres, sur quatre rangs superposés. Ceux du haut maintenant sont blancs, ceux de la deuxième couche sont jaunes, ceux de la troisième sont rouges, et les derniers, ceux sur qui reposait tout le monde, sont noirs.

Ainsi furent créées les quatre races humaines. Telle est la vérité. Ceux qui ne me croient pas ne sont que des enfants aveugles : ils ne comprennent rien aux mystères du monde.

bunni


Histoire de la grotte des serpents

Deux jeunes soeurs ramassaient du bois pour le feu du soir. Dans la forêt, elles rencontrèrent un porc-épic. L'animal avait de si beaux piquants que l'aînée les voulut pour broder sa robe de cérémonie. Toutes deux coururent donc après le porc-épic pour le capturer.

Celui-ci monta à un arbre. L'aînée le suivit, mais plus elle grimpait, plus l'arbre poussait. La cadette retourna au village chercher une hache pour abattre ce curieux arbre.

Durant ce temps, l'aînée escaladait encore... et l'arbre croissait toujours...

Soudain, la jeune fille se retrouva dans un autre monde. Aucun Indien ne connaît cette contrée puisqu'elle s'étend au-delà des nuages. Là, le porc-épic se transforma en homme, il épousa la belle Indienne et lui fit un enfant. Un jour, elle découvrit une grotte au fond de laquelle il y avait un grand trou. Elle se pencha au-dessus de cette ouverture et aperçut la Terre. L'Indienne eut le mal du pays... une idée germa dans son esprit...

Dès lors, elle demanda chaque soir à son mari de lui apporter les tendons des bisons qu'il tuait. Un matin, elle tressa une longue corde, noua une extrémité à un rocher et laissa pendre l'autre dans le trou. Après avoir placé son enfant sur ses épaules, elle se laissa glisser...

Mais le bout de la corde n'atteignit que la cime des grands arbres. La jeune femme fit une boucle avec la corde, passa sa cheville dedans et se laissa pendre.

Et l'enfant pleura, pleura...

Son père l'entendit. Il courut à la grotte et vit sa femme et son enfant suspendus dans le vide.

Furieux, il roula un gros rocher et le fit basculer dans le trou. Sa femme le reçut sur la tête et mourut sur le coup. La corde cassa et précipita mère et enfant sur la terre. Heureusement, les branches d'un séquoia amortirent la chute du jeune garçon, qui ne se fit aucun mal. Une vieille femme trouva l'enfant et l'emporta sous son wigwam. Le garçon grandit et devint rapidement un jeune Brave.

À chaque repas, il remarquait que la vieille remplissait une écuelle supplémentaire passait derrière un rideau de branchages et revenait avec son assiette vide.

Un jour qu'il était seul, il voulut en savoir davantage. Il passa sa tête à travers les branches et se trouva face à un gros serpent. Il s'écria :

- Ainsi, c'est toi qui manges les provisions de ma grand-mère adoptive !

Comme le reptile le fixait d'un air mauvais, il saisit un gourdin et le tua. Puis il alla le jeter dans l'étang...

Quand la vieille femme revint au wigwam, le jeune Brave lui conta son aventure. Elle lui répondit :

- C'est très bien ! je suis contente que tu aies supprimé ce serpent que je ne pouvais plus entretenir.

En vérité, elle était courroucée, car le reptile était son mari qu'un mauvais génie avait changé en serpent. Pressentant

que le jeune homme possédait un pouvoir surnaturel, elle décida de s'en débarrasser. Elle lui dit :

- Surtout, ne va pas te promener sur cette montagne. Il s'y passe des choses mystérieuses. C'est un endroit dangereux !

Naturellement, le Brave s'y rendit aussitôt et découvrit une grotte pleine de serpents. À sa vue les reptiles se montrèrent hostiles.

- Eh bien ! s'écria-t-il. Vous n'appréciez guère les étrangers ! Ma visite vous déplairait-elle ?

- Au contraire ! siffla le chef des reptiles. Nous allons même t'offrir à manger.
Une femelle lui apporta une rate crue.

- Je la préfère rôtie ! déclara le Brave.

Dès qu'il l'approcha des flammes, la rate explosa en mille morceaux car elle était faite du venin des serpents. Le jeune

homme s'assit sur une pierre et dit :

- Je ne suis pas aussi méchant que vous. Je vais vous le prouver en vous contant une belle histoire.

En réalité, il s'agissait d'une histoire magique. Aux premiers mots, les serpents s'endormirent...

Alors, le Brave tira son couteau de sa ceinture et coupa la tête de tous les reptiles. Pourtant, l'un d'eux en réchappa. Il courut prévenir ses frères des montagnes environnantes, afin qu'ils se méfient de ce Peau-Rouge qui possédait une si grande médecine.

La nuit suivante, pendant que le Brave dormait, un serpent plus courageux que les autres réussit à entrer dans sa bouche. Il s'insinua jusque dans son crâne, mangea sa cervelle et se logea dans la cavité pour faire sa sieste.

Au matin, le jeune homme ne se réveilla pas. Son corps se dessécha jusqu'à devenir un squelette.

Et il resta sur la montagne, exposé au vent et à la pluie ! Mais son père avait tout vu par le trou de la grotte. Il descendit sur la Terre grâce à la corde tressée par sa femme et accourut auprès de son fils.

Tout d'abord, il posa le crâne à l'envers sur le sol de façon que le trou de la moelle épinière fût placé vers le ciel. Et il attendit...

La pluie tomba et remplit le crâne.

Alors le père rapprocha le Soleil de la Terre et l'eau se mit à bouillir. Le serpent, jugeant la chaleur intenable, sortit de la tête du jeune Brave.

Aussitôt, celui-ci, ressuscité, sauta sur ses pieds. Il saisit le reptile, le cogna contre un rocher. Puis il lui dit :

- Maintenant, tu vas promettre de laisser les êtres humains en paix.
Le serpent déclara :

- Je mordrai encore quelquefois, mais pas souvent.

- C'est bien ! fit le Brave. Pourtant, je vais attacher cette clochette à ta queue. Ainsi les hommes reconnaîtront-ils tes descendants et pourront-ils mieux se méfier d'eux. Voilà pourquoi les serpents à sonnette ne mordent que rarement les êtres humains.


bunni


Le Scieur de bois de Lune

Il y a très longtemps, au pays des dragons et des elfes vivait Willy, un scieur de bois de lune.

  Willy était un beau jeune homme et, depuis très longtemps, les habitants de Lune-Bleue comptaient sur lui pour réchauffer leurs rigoureux hivers. En effet, chaque hiver, Willy allait scier du bois de lune pour ses amis les Bleus-Luniens.

Mais ce jour là... la lune ne se montra pas...

Qu'arrivait-il donc ? Les Bleus-Luniens ne pouvaient vivre sans le bois de lune car c'était le seul qui pouvait les réchauffer sans faire fondre leur petites maisons de crème-glacée ! Ils étaient tous angoissés à l'idée de ce qui allait leur arriver !

C'est alors, qu'après maintes réflexions, Bogus, le sorcier du village ordonna à Willy d'aller à la recherche de la lune en lui disant ceci :

- Willy, tu dois retrouver la lune. Tu es le seul qui la connaît bien et tu sauras sûrement où elle se cache ! Je te donne ce sachet de poudre de vent. Si un ennemi te prend par surprise, tu n'auras qu'à lui en lancer et il sera projeté plus loin que la plus lointaine étoile. Bonne chance !

Et Willy partit, laissant ses pas le guider. Après une longue marche sur le sentier de l'inconnu, Willy arriva à l'orée d'une magnifique forêt. Les arbres semblait percer les nuages et les fleurs lui donnaient l'impression de l'inviter à pénétrer dans la forêt. Willy répondit finalement à l'invitation des ravissantes fleurs et posa un pied à l'intérieur de la forêt. Aussitôt, les fleurs et les herbes se retirèrent découvrant un magnifique petit chemin de terre. Willy s'y lança et après quelque pas...

- Hé! Regarde donc où tu vas!! Tu vas m'écraser !!

Willy regarda à gauche puis, à droite mais il ne vit rien. Il crut donc que son imagination lui jouait des tours. Il allait continuer sa trotte quand :

- Hé, tu es sourd, je t'ai dit de faire attention !

Cette fois, il n'avait pas rêvé et il le savait bien !!

- Mais je ne te vois pas ,répondit Willy, qui es tu??

- Je suis là, à tes pieds ! Je suis un Hilroie et mon nom est Chibouk !

- Bonjour Chibouk ! Adieu Chibouk ! Je dois aller retrouver la lune !

- Moi, lui dit fièrement Chibouk, je sais où elle est !!

- Où ? Où ?

- À l'autre bout de la forêt, dans une grotte mais, elle est gardée par un dragon !!
- J'y vais mais... je n'ai rien pour me défendre !

- Va sous le platane, là-bas, et frappe le sol avec ton nez quatre fois. Une épée t'apparaîtra. Elle est magique et changera le dragon en une poussière que tu devras garder précieusement car un jour, elle te sera utile.

Après l'avoir grandement remercié, Willy fit ce que Chibouk lui avait dit et partit vers la grotte. Quelques mètres avant la grotte, les herbes commencèrent à se faire de plus en plus denses et de plus en plus laides. Willy arriva dans une grande forêt de ronces. Il s'y aventura, se faisant déchirer le visage et les bras par les épines puis, une ronce attrapa son pied et le fit trébucher... une autre saisit son bras... elles étaient donc vivantes !! Willy s'élança sur la ronce qui se refermait sur son bras et la mordit de toutes ses forces. Quelques gouttes de sang s'en échappèrent et les ronces se retirèrent, comme effrayées, laissant apparaître l'entrée de la grotte.

Willy y entra et cria :

- DRAGON, je suis venu reprendre la lune que tu as kidnappée.

Sur ce, le dragon s'avança d'un pas lourdaud et se jeta sur Willy. Un féroce combat s'engagea entre les deux ennemis puis, Willy sortit son épée et transperça le cœur du dragon qui se transforma en poussière verdâtre. Willy s'en empara et couru vers le fond de la grotte.

- Snif, snif, je suis seule ! Sauvez-moi!!

- Qui est là ? C'est toi lune ? demanda Willy un peu apeuré.

- Oui, sauve moi !

Willy s'avança pour y voir plus clair et découvrit une minuscule lune dans une infime cage de glace.

- Que t'est-il donc arrivé lune?

- Le dragon, pour me punir de ne pas lui avoir donné de bois de lune, m'a rapetissée. Je suis si triste et je m'ennuie de mes amies les étoiles!

Willy prit des pierres qui traînaient par terre et brisa la cage de glace mais les débris se métamorphosèrent à l'instant en un immense monstre de glace. Willy, ne sachant que faire, s'empara de la lune et courut vers l'extérieur. Soudain, il se rappela de la poudre de vent que lui avait donné Bogus. Il la sortit délicatement de sa poche et la lança sur le monstre qui fut projeté on ne sait où.

Willy reprit enfin la route qui l'avait mené jusqu'ici mais quelque chose le tracassait... la lune était si petite qu'il ne pourrait pas couper le bois de lune et les habitants de Lune-Bleue mourraient de froid ! Que faire...

Arrivé au village, Willy alla, en catimini, voir le sorcier Bogus,
pour lui faire part de son inquiétude...

- Bogus, je ne sais plus quoi faire ! Regarde la taille de la lune ! Elle est si petite que je ne pourrai pas couper de son bois, dit avec désespoir notre scieur de bois de lune.

- Courageux Willy, j'ai suivi tout ton périple dans ma boule de cristal et je sais que tu connais l'antidote qui redonnera à la lune sa taille normal. Réfléchis aux paroles de Chibouk et tu te rappelleras...

Willy fouilla et fouilla dans sa mémoire et soudain s'exclama:

- La poussière de dragon !!! 

Il sortit de la maison du sorcier, courut, sous les yeux étonnés des Bleus-Luniens jusqu'à l'escalier qui le menait autrefois à la lune, le grimpa à toute vitesse et posa la lune sur la dernière marche. Il s'empara de la poussière de dragon et la jeta sur la lune qui, aussitôt, retrouva sa taille et sa place au milieu des étoiles.

Willy descendit l'interminable escalier, acclamé de tous. Depuis ce jour, les Bleus-Luniens n'ont plus jamais froid et si parfois vous apercevez sur le visage de la lune un magnifique sourire, c'est qu'elle est maintenant le plus heureux des astres grâce au brave scieur de bois de lune!


imotius

Le coeur d'une mère, légende arabe

Ouvrez donc votre coeur que j'y dépose mon histoire.



Hassan aimait beaucoup Leïla et Leïla aimait Hassan. Mais Hassan aimait aussi beaucoup, beaucoup sa mère qui vivait avec eux. Leïla, elle, détestait la mère d'Hassan. Elle en était jalouse. Aussi harcelait-elle sans cesse son mari :

- Hassan, Hassan, si tu m'aimais vraiment, tu n'accepterais pas qu'une autre femme dicte sa loi sous notre toit !

Alors, malgré son chagrin, Hassan chassa sa mère de la maison. Mais il allait lui rendre visite chaque jour, lui amenait des dattes, du miel...

La jalousie de Leïla n'avait pas de limite, aussi harcelait-elle sans cesse son mari :

- Hassan, Hassan, si tu m'aimais vraiment, tu n'irais plus voir cette méchante femme qui médit de moi !

Alors, malgré sa peine et sa douleur, Hassan cessa ses visites à sa pauvre mère.

La jalousie de Leïla n'avait pas de limite aussi très vite, elle recommença à harceler son mari :

- Hassan, Hassan, si tu m'aimais vraiment tu tuerais cette méchante femme qui torture ma vie et tu me rapporterais son coeur !

Leïla avait pris toute la place dans la tête et le coeur d'Hassan. Alors, malgré sa peine et sa douleur, Hassan prit un couteau et se rendit chez sa mère. Et il tua la pauvre femme et lui arracha le coeur.

Il rentra chez lui en pleurant. Il tenait dans ses mains le terrible trophée qu'il ramenait à Leïla. Mais voilà, qu'aveuglé par ses larmes, il buta sur une pierre, trébucha et laissa échapper le coeur de sa mère qui roula dans la poussière.

Il se baissa pour le ramasser et c'est alors qu'il entendit une petite voix :

- Hassan, mon fils, tu ne t'es pas fait mal au moins !
Sur le chemin des délices j'ai goûté à ton nectar aux parfums ennivrants des nuits d'orient...

bunni


Rue de la Voie Lactée

Mam'zelle Lune tenait une boutique dans la rue principale du quartier de « La Voie Lactée ».

Ce n'était pas un coin bien grand dans le Monde Astral mais on lui reconnaissait volontiers du charme et de l'attrait. 

Mam'zelle Lune avait pour voisins d'autres commerçants qu'elle fréquentait chaque jour...


Maître Saturne, l'horloger dont la boutique résonnait de milliers de tic-tac assourdissants. Le pire étant bien sur à chaque heure quand toutes les pendules entonnaient leur chant en même temps (voir en décalé quand Maître Saturne ne les remontaient pas comme il fallait..). Mam'zelle Lune avait tout de même pris l'habitude de s'arrêter chaque matin lui dire bonjour et pour ajuster son heure. Pour vérifier qu'elle ne serait pas en retard dans sa course du temps, disait-elle gentiment en ponctuant sa phrase sur le rythme de l'horloge la plus bruyante. 

Elle aimait bien ensuite prendre une tasse de poussières d'étoiles au salon de thé sidéral de Madame Pluton et ainsi discuter des derniers potins de l'Univers rapportés par la factrice Comète de Halley. C'était toujours un moment agréable et drôle et, de plus, fort goûteux... 

Généralement, elle s'arrêtait ensuite à la pâtisserie de la Mère Jupiter, juste pour le plaisir d'admirer la vitrine appétissante et s'emplir des effluves des croissants d'astéroïdes et beignets de magmas ! Régime ! soupirait-elle, maudissant sa ligne instable et le fait qu'elle n'arrivait pas à stabiliser sa silhouette plus de quelques jours... 

Elle n'osait jamais rentrer dans la boutique de mode de Miss Vénus, tant elle aurait honte de sentir le regard de la Beauté s'attarder sur les courbes trop généreuses de ses chairs. Et puis rentrer alors qu'elle savait qu'elle ne pourrait essayer aucune des magnifiques étoffes éthérées était trop humiliant pour la trop ronde Mam'zelle Lune... 

Son chemin la conduisait ensuite à passer devant le cinéma du Vieux Neptune ! Elle le saluait d'un signe mais il l'appelait toujours pour qu'elle vienne discuter un peu avec lui ! Le projectionniste lui parlait alors des prochains spectacles que les constellations préparaient et en profitait pour se remémorer d'anciennes revues de sa jeunesse, ses préférées étant celles des Aurores Boréales ! Elle n'osait jamais réellement l'interrompre et s'éloignait à reculons, lentement mais sûrement, désirant ne pas froisser le vieux bonhomme un peu radoteur (mais c'était bien pratique d'être son amie quand il la faisait entrer à l'oeil pour voir les ballets des Météorites ou l'Opéra des Supers Novas...) 

Elle s'attardait ensuite dans la jardinerie de Monsieur Uranus et s'enivrait des essences aromatiques que diffusaient des plantes étranges et inconnues... Comme toujours, Le jardinier céleste lui offrait une fleur odorante et éclatante pour embellir sa journée. Il arrivait parfois qu'il lui glisse en même temps des graines de fruits ou légumes à planter mais Mam'zelle Lune n'arrivait jamais à obtenir le résultat tant espéré. Elle n'avait pas la main verte, tout redevenait poussière avec elle ! 

Elle croisait ensuite Dame Mercure qui ouvrait elle aussi son échoppe, un magasin d'instruments de musiques divers et variés : de la trompette de stalagmite au piano de manganite, en passant par le violon de glace et autres curiosités mélodieuses... Elle laissait toujours la porte ouverte ce qui emplissait la rue de bruits parfois étranges ou de symphonies harmonieuses...Cela faisait un divertissement bien agréable ! 

Mam'zelle Lune terminait son trajet en passant rapidement devant l'armurerie du Colonel Mars, qui l'effrayait un peu avec toutes ses histoires de guerre et son goût pour les batailles. Il lui adressait un salut poli et elle accélérait la marche en répondant tout de même. 

Et puis, elle se retrouvait dans son petit monde à elle...sa boutique de bric à brac, le petit foutoir de ses rêves où s'empilaient des milliers d'objets hétéroclites... Parchemins, livres, tableaux, bijoux en toc et barrettes en strass, statuettes de nus, bougies parfumées, tentures soyeuses, poupées de chiffons et autres objets de souvenirs, déchets de rêves et ustensiles de rien... 

Là, dans sa solitude retrouvée, elle prenait le temps de penser à son amour secret... le beau Soleil charmant, écrivain désargenté au cœur d'or et à l'imagination débordante... Trop préoccupé par son statut d'âme maudite et d'artiste écorché, lui ne se préoccupait d'amour que dans les intrigues qu'il créait dans ses œuvres... 

Comme tous les jours, le carillon de la boutique annonça la venue de la petite Terre, jeune enfant douée mais capricieuse, reine des bêtises de toutes sortes.

Mam'zelle Lune la laissait fouiner dans son bazar, espérant bien que la juvénile s'inspirerait de l'âme poétique de certains de ses objets.

Elle mordit dans un cookie aux trous noirs (moins calorique) et s'installa dans un fauteuil aux moelleux coussins.

Et puis, bercée par les chansons de la petite Terre qui fouillait la boutique à la recherche d'un nouveau jouet, elle rêvait... elle rêvait et somnolait, pensant à la journée du lendemain, quand celle ci commencerait, pareille à celle écoulée... 

Ah...Dure vie que celle des Planètes !


bunni


Le conte du renard bleu

Il était une fois, mais c'était il y a très longtemps, un petit renard bleu qui gambadait joyeusement. Personne alentours ne comprenait pourquoi il avait toujours l'œil si pétillant, la jambe si légère et la mine si gaie. De se voir si différent, il aurait dû passer ses journées à pleurer, à hurler, à se battre. Il aurait dû se terrer, ne sortir que les nuits sans lune. Mais non. Dans ce pays de forêts rousses, lui dont l'échine bleue se voyait à cent lieues, lui que tous fuyaient, il gambadait toujours content, souriant à tous vents, parlant aux oiseaux, aux arbres, au soleil, à la pluie et à tout ce qui est vivant.

Emue de le voir ainsi toujours content, une petite goutte d'eau à lui toute pareille, lui dit un jour à l'oreille : « Joli renard, je vais te confier un secret. L'autre nuit, une fée aux mains d'argent m'a guidée en rêve jusqu'à un rocher sous lequel une mienne cousine est enfermée. Elle pleure depuis si longtemps que c'est maintenant toute une rivière qui est emprisonnée. Je faisais le tour du rocher, et le tour et le tour encore lorsque la fée m'a expliqué toute l'histoire. La mienne cousine a été engloutie par ce rocher maudit qui a avalé une petite fille aux yeux fermés. En la voyant si jolie et si triste, ma cousine a tant pleuré qu'au cœur de son cœur une rivière magique s'est mise à couler. Celui qui les délivrera deviendra plus riche que le plus riche des rois car tout ce qu'il plongera dans l'eau des rivières se transformera en or. Joli renard, toi dont le cœur est d'or et le pelage semblable aux mains de la fée, aide-moi ! Je suis sûre que toi tu sauras ! »

Ayant peur de voir s'évaporer sa petite goutte d'eau, le renard bleu émerveillé la logea au coin de ses yeux. Puis il partit vers le rocher sur lequel il s'allongea. Avant qu'il ait eu le temps de compter jusqu'à trois, il était déjà dans la grotte. Elle était sombre, sombre, sombre, mais la petite goutte qu'il gardait précieusement aux coins des yeux se mit à scintiller tant et tant qu'il vit enfin la petite fille. Elle était tout au fond, immobile et froide comme le rocher. Alors le petit renard se lova tout contre elle, l'entoura de son mieux et la réchauffa de son poil soyeux. En s'éveillant, la petite fille ouvrit les mains. La clef qui en tomba roula jusque dans l'eau. Un éclair d'or transperça le roc. La petite fille ouvrit les yeux et la rivière s'échappa après avoir promis à l'enfant de chanter partout la liberté.

.............

La petite fille guida son ami le renard jusqu'au royaume de son père à qui le chagrin avait fait les cheveux tout bleus. Après avoir beaucoup embrassé sa petite, le roi dit au renard courageux :

- « Toi dont le pelage est au mien tout pareil, je te laisse mon trône. Je suis vieux. Dorénavant si tu le veux, c'est toi qui règneras. Tu connais le secret de l'eau qui transforme tout en or, tu seras riche. Prends ma fille pour femme, je t'aimerai comme mon fils. »

- « Merci bon roi, lui répondit le renard, ce que tu m'offres est très précieux mais mon cœur est déjà pris. Je ne peux ni ne veux trahir ma reine. »

- « Que puis-je te donner alors pour m'avoir rendu ma fille ? » s'enquit le roi très surpris.

- « Je voudrais que ma petite goutte d'eau et moi ne soyons jamais séparés » lui répondit le petit renard bleu.

Ainsi fut fait. La petite goutte d'eau devint à lui toute pareille. Ils vécurent libres et heureux, gambadèrent autour de la terre et transmirent à leurs enfants le secret de la rivière où, depuis toujours, les renards bleus et les nomades ne trempent que leur âme.


bunni


Le voyageur et le cheval fantôme

Cette histoire s'est passée il y a longtemps, quel était le nom de cet homme, personne ne le sait maintenant, et ils l'appelaient "Le Voyageur".

Il y a longtemps, le voyageur était un chef riche. Un guerrier dans sa jeunesse, il avait pris de nombreux scalp, beaucoup de chevaux, et bien d'autres trophées de valeur. Et il avait augmenté ses biens par des transactions difficiles avec des personnes moins fortunés, et par des jeux de hasard avec des hommes plus jeunes qui n'étaient pas de taille pour sa ruse.

Sa tribu ne l'aimait pas, bien qu'ils admiraient sa bravoure, car dans les moments difficiles, lorsque les autres chefs partagaient librement ce qu'ils avaient, il a conduit des marchés difficiles et généralement prospéré avec les maux d'autrui. Ses épouses, qu'il avait insulté jusqu'à ce que leurs parents les aient emmenés, et ses enfants le haïssaient, et il n'avait aucun amour pour eux.

«Il y avait seulement une chose qu'il aimait: ses chevaux. Ils étaient beaux , de beaux chevaux, car il ne retenait que le meilleur, et quand un jeune guerrier revenait d'un raid avec un cheval particulièrement bon, le voyageur ne se reposait jamais jusqu'à ce que (par des moyens honnêtes ou non), il l'avait en sa possession.
La nuit, quand retentissait la danse du tambour, et que les autres Indiens se rassemblaient autour, le voyageur partait seul à l'endroit où étaient ses chevaux, et se gaussait de ses trésors . Il les aimait. Mais il aimait seulement ceux qui étaient jeunes, et beau, sain et un cheval qui était vieux, malades ou blessés, ne recevait uniquement que des injures.

Un matin, comme il allait dans la petite vallée dans laquelle ses chevaux étaient gardés, il trouva dans le troupeau un étalon blanc laid. Il était vieux, les jambes difformes et le pelage emmêlé, maigre et l'air fatigué.


Le voyageur se mit en colère. Il prit sa corde de cuir brut, et prit le pauvre vieux cheval. Puis, avec un gourdin , il l'a battu sans pitié. Lorsque l'animal est tombé à terre, étourdi, le voyageur lui cassa les jambes avec le gourdin , et le laissa mourir. Il est retourné à sa loge, ne sentant pas le moindre remords pour sa cruauté.

Plus tard, décidant qu'il pourrait aussi bien avoir la peau du vieux cheval, il est retourné à l'endroit où il l'avait laissé. Mais, à sa grande surprise, l'étalon blanc avait disparu. Cette nuit-là, comme le voyageur dormait, il rêvat.
L'étalon blanc lui apparut, et lentement se transforma en un magnifique cheval, d'un blanc éclatant, avec une longue crinière - un cheval plus beau que tout ce que le voyageur avait jamais vu.
«Alors l'étalon lui a parlé:« Si tu m'avais bien traité », dit-il
:« Je t'aurai apporté plus de chevaux. tu a été cruel avec moi, donc je vais enlever tes chevaux! "

Quand le voyageur se réveilla, ses chevaux avaient disparu. Tout le jour, il marcha et chercha, mais lorsque la nuit venue, il s'endormit épuisé, il n'avait trouvé aucune trace d'eux. Dans ses rêves, l'étalon blanc revint, et dit: «ne souhaite tu pas retrouver tes chevaux? Ils sont au nord, prés d'un lac. tu dormira deux fois , avant de venir à eux. "

Dès qu'il se réveilla le matin, le voyageur se hâta vers le nord. Voyaga deux jours, et quand il arriva au lac, il n'y avait pas de chevaux. Cette nuit-là, l'étalon fantome vint à nouveau.
" veux tu trouver tes chevaux? dit-il. "Ils sont à l'est, dans les collines. tu dormira deux fois avant ton arrivée à cet endroit. "

Quand le soleil fut couché sur le troisième jour, le voyageurs avait fouillé les collines, mais n'avait pas trouvé de chevaux. Et ainsi de suite, nuit après nuit, l'étalon revint régulièrement vers le voyageur, lui enjoignant d'aller vers quelque endroit éloigné, mais il n'a jamais trouvé ses chevaux.
Le voyageur maigrit et eut ses pieds endoloris. Parfois, il a obtenu un cheval de quelque camp ami , tantôt il en a volé un . Mais toujours,
avant le matin, venait un fort battement de sabot, l'étalon fantôme et sa bande galopaient et le cheval du voyageur cassait son piquet, et'partait avec eux. "
La légende dit que plus jamais le voyageur ne devait avoir un cheval, jamais plus il ne revit sa propre loge. Et il erre, même à ce jour, toujours en quête de ses chevaux perdus.

La légende dit que, parfois, par une nuit d'automne, venteux quand les étoiles brillent très clairement, et au dessus des hurlements du coyote, au-dessus du vent, vous pourrez entendre courir des chevaux, et marchant sur leur traces un vieil homme.
Et, si vous êtes vraiment malchanceux, vous pourrez voir l'étalon et sa bande, et le voyageur, toujours à leur poursuite, essayant de récupérer ses beaux chevaux.

bunni


Yunus et le Puits de Douceur

Il était une fois, dans ce pays lointain, un homme qui s'appelait Yunus et qui voulait absolument se marier. Il avait plusieurs fois remarqué une jolie fille à la fenêtre de la maison voisine et se demandait si elle était en âge de prendre époux. Il alla jusque chez son voisin et lui dit : « Mon frère, auriez-vous quelque objection à me choisir pour gendre ? Vous avez, si je ne me trompe, une fille qui me conviendrait très bien. »
Le voisin répondit : « Oui, bien sûr, il me reste une fille qui pourrait se marier. Mais il y a un inconvénient ».
Et quel est-il donc ? » demanda Yunus.
« Et bien, voyez-vous, elle a tellement mauvais caractère que je détesterais l'infliger à quiconque, surtout à un ami tel que vous », dit l'autre. « La seule chose à faire pour qu'elle se marie est quasiment impossible, j'en ai peur. Personne n'irait au devant de tels ennuis pour ma petite Fatima, j'en suis certain. »
« Dites-moi de quoi il s'agit, s'il vous plaît », dit Yunus, « et si c'est en mon pouvoir, je le ferai. »
« On m'a dit », répondit le père de la jeune fille, « que trois gouttes d'eau du Puits de Douceur suffiraient à venir à bout du mauvais caractère de n'importe quelle femme. »
« Laissez-moi y aller », dit Yunus. « Où se trouve ce puits ? »
« La vieille femme qui mendie sur les marches de la mosquée le sait », répondit le voisin. « Il faut les rapporter dans une minuscule bouteille, qui contient juste trois gouttes. Mais mon cher Yunus, ne vous donnez pas tant de peine ! »
« Ne pensez pas à ça, » répondit Yunus amicalement, « Je m'en occuperai demain. » Il acheta une petite bouteille au marché et s'en alla voir la vieille femme qui était assise sur les marches de la mosquée où elle mendiait.
« Où se trouve le Puits de Douceur ? » demanda Yunus, laissant tomber une pièce dans la soucoupe de la mendiante.
« Sept jours vers l'Ouest, et sept jours en direction de l'Est, là vous trouverez la rivière. Traversez-la et vous parviendrez au pays où vit un Géant. Interrogez-le, il vous dira ce que vous voulez savoir, » dit-elle.
Yunus se mit en route et finalement parvint à la rivière. Le batelier le fit traverser et Yunus lui demanda : « Où vit le Géant ? »
« Dans cette direction », dit le batelier. « Il possède une grotte dans ces montagnes. Mais montrez-vous courtois quand vous lui parlerez, sinon il vous frappera avec sa grande massue. »
Ce fut un long, très long et fatiguant voyage et quand Yunus arriva au pied des montagnes, il s'allongea pour dormir un peu. Quand il s'éveilla, il se sentit au chaud, dans un endroit confortable et, il pensa d'abord être dans son lit, à la maison. Mais quand il ouvrit les yeux, il se rendit compte qu'il se trouvait dans la paume d'une gigantesque main.
« Hah, Hah, petit mortel, ainsi donc tu es venu me rendre visite ? » dit le Géant. « Qui es-tu, et que veux-tu ? »
« Oh très noble Géant », dit Yunus, poliment, « que la paix soit avec vous ! Je suis venu vous demander où je pouvais trouver le Puits de Douceur. Je veux seulement récupérer trois gouttes pour les rapporter à la jeune fille que je veux épouser car elle a très mauvais caractère. »
« Si tu ne m'avais pas répondu avec autant de courtoisie », dit le Géant, « je t'aurais écrasé comme une mouche ! » Cependant, comme je ne reçois pas beaucoup de visiteurs qui s'adressent à moi avec respect, je vais te dire où se trouve ce puits. »
« Il y a, à l'intérieur de ma grotte, un passage secret gardé par un dragon à trois têtes. Avance dans ce passage, et quand tu verras le dragon, dis-lui « Par la permission de Suliman, Fils de David (que la paix soit avec lui !), laissez-moi passer ! et le dragon te laissera aller jusqu'au Puits ».
Puis le Géant reposa Yunus par terre et celui-ci pénétra dans la grotte le cour battant. Alors qu'il avançait dans le passage que lui avait montré le Géant, comme annoncé, il se trouva face à un dragon à trois têtes, crachant du feu et fouettant le sol de sa longue queue verte. « Par la permission de Suliman, Fils de David (que la paix soit avec lui !), laissez-moi passer ! » dit Yunus, et le dragon le laissa continuer son chemin sans lui faire aucun mal.
Au bout d'un long moment, il y eut une grande lueur et Yunus vit une très belle fée qui remontait un seau d'eau d'un profond puits.
« Que la paix soit avec vous ! » dit-il, et la créature enchantée lui répondit d'une douce voix, « Que la paix soit avec toi, mortel, viens et je remplirai ta bouteille ». C'est ce qu'elle fit et elle lui remit la précieuse fiole. Il était si heureux qu'il embrassa la main de la fée en remerciement mais elle avait déjà disparu.
Maintenant il fallait qu'il reprenne la même route pour rentrer mais le trajet lui paraissait deux fois plus difficile qu'à l'aller. Les pierres lui meurtrissaient les pieds et ses mains étaient bleues à force de tâtonner pour trouver son chemin dans le passage obscur taillé dans les rochers.
Finalement il atteignit le dragon cracheur de feu mais dès que son regard à six yeux se fut posé sur lui il prononça la formule magique et le dragon le laissa passer.
Il retourna dans la grotte du Géant et lui montra la minuscule fiole d'eau.
« Hah-hah, petit mortel », dit le Géant, « tu as obtenu ce que tu voulais. Maintenant tu dois travailler pour moi pendant un an et un jour, et après tu pourras rentrer chez toi ».
Ainsi donc Yunus servit le Géant pendant un an et un jour : il coupa l'herbe pour ses vaches qui étaient traites quotidiennement, il prépara les dîners du Géant dans une grande marmite, il lava la vaisselle, il étendit ses immenses chemises sur les buissons pour qu'elles sèchent et il surveilla le feu sans relâche. Au bout d'un an et un jour, le Géant était tellement content de ses services qu'il lui donna un sac d'or et le laissa partir avec la meilleure volonté du monde.
Le voisin de Yunus sortit de sa maison et dit : « Oh, mon cher ami, je suis si heureux de vous voir. Pourquoi vous êtes-vous absenté si longtemps ? Avez-vous rapporté l'eau du Puits de Douceur ? Nous avions peur qu'il vous soit arrivé quelque chose ».
Yunus lui raconta tout ce qui s'était passé et lui tendit la bouteille renfermant les trois gouttes d'eau magique.
Puis il pénétra dans la maison de sa mère et revêtit ses plus beaux habits, se préparant pour la noce. Le grand Kadi arriva pour célébrer la cérémonie et ils se rendirent ensemble dans la maison du voisin.
Une fois que le contrat eut été signé, la fiancée apparut, voilée et couverte de bijoux et Yunus se sentit le plus heureux des hommes. Le père de la mariée donna le signal des festivités et tout le monde se mit à boire et à manger à cour joie.
Le soir venu, Yunus souleva le voile de sa jeune épouse et la trouva encore plus belle qu'il ne l'avait espéré. Quand elle se mit à parler, sa voix était aussi douce que le roucoulement d'une colombe.
« Ah ma chère femme, » dit Yunus, « le monde est rempli de merveilles, qu'Allah soit remercié ! Si je n'étais pas allé chercher cette eau au Puits de Douceur, je ne sais pas si j'aurais été aussi heureux d'entendre ta voix cette nuit ».
« Que veux-tu dire, cher époux ? » demanda-t-elle. « Ma voix a toujours été ainsi ».
« Mais ton père m'a dit que tu avais si mauvais caractère que seules trois gouttes d'eau du Puits de Douceur pourraient en venir à bout », dit-il.
La jeune fille partit d'un grand éclat de rire. Yunus lui demanda ce qu'il avait de si comique et il fut obligé de la secouer pour qu'elle s'arrête.
« Ce n'est pas moi qui avais mauvais caractère », dit-elle, « mais ma chère maman ! Mon père n'en pouvait plus de ses paroles perfides et de ses colères. Un vieil homme avisé lui a dit qu'elle changerait radicalement à la condition de recevoir trois gouttes d'eau magique sur la langue. Mon père décida donc que tout homme qui demanderait ma main devrait aller chercher cette eau afin de soigner ma mère et de le préserver ainsi d'une mort précoce ! »
Yunus se mit à rire aussi, soulagé finalement puisqu'il aurait désormais une belle-mère dotée d'un bon caractère. Sa nouvelle femme et lui furent si heureux ensemble qu'ils ne se disputèrent jamais durant toute leur vie.





bunni


L'anneau qui disait "Par-ici"

Il était une fois, une jeune fille très jolie et très pauvre qui allait souvent dans la montagne pour ramasser du bois. Il arriva qu'un jour, très absorbée par sa besogne, elle ne vit pas la nuit tomber. Alors elle prit peur et se perdit.

- Mon Dieu, se dit-elle, que vais-je devenir...

La nuit, humide et obscure, le chemin sans fin et difficile, la petite, minuscule et terrorisée... Elle s'élança, marcha et découvrit une lumière. Elle se dirigea vers elle et arriva à une maison. À la porte de la maison se tenait un géant.

Elle ne pouvait plus s'échapper, alors elle lui dit timidement :

- Je me suis perdue, je suis fatiguée et je ne sais où passer la nuit. Me feriez-vous la faveur de m'accueillir ?

Et le géant répondit :

- Ah ! mais oui, fillette, bien sûr que oui !

Le coquin !... Le géant était un coquin.

Il se dirigea vers la porte et dit :

- Ouvre-toi.

Ils entrèrent et le géant ordonna encore à la porte :

- Ferme-toi.

La porte se ferma. Ils se trouvèrent dans la cuisine. Un très grand feu brûlait dans la cheminée et une énorme marmite reposait sur un trépied tout aussi gigantesque. Le géant prit place près du foyer et la lumière du feu l'éclaira.

Alors la fillette le vit nettement : il était noir de peau, féroce de mine, avait de grandes dents et un seul oeil : sur le front, il n'avait qu'un seul oeil !...

La peur de la petite allait croissant, mais elle s'efforça de la dissimuler. Après l'avoir regardée avec un plaisir évident, le géant lui ordonna :

- Prépare-moi le repas dans cette marmite. Tu trouveras là un mouton...

Dorénavant, tu vivras avec moi, et si un jour tu essayais de t'échapper, au lieu de manger de la viande de mouton, je te mangerais, car tu es bien plus tendre.

La fillette lui obéit et s'activa aussitôt à la cuisine. Le géant sourit, et quand il vit qu'elle se résignait à son sort il alla dans sa chambre.

- Quand tu auras fini, lui dit-il, tu m'apporteras le repas au lit.

Il se coucha, s'endormit et se mit à ronfler avec fracas.

Le repas étant prêt, la petite en mangea sa part. Elle mit sur le feu un fer pointu qu'elle avait trouvé, puis elle fouilla toute la maison. Elle vit de nombreuses peaux de mouton accrochées contre les murs. Une porte dans la cuisine donnait sur un enclos. L'enclos était immense et la multitude de brebis élevées par le géant y paissait. La gamine retourna près du feu, y prit le fer incandescent et se rendit dans la chambre du géant sur la pointe des pieds. Il dormait comme une marmotte et ses ronflements faisaient trembler toute la pièce. La fillette brandit le fer et lui enfonça dans l'oeil.

Le cri poussé par le géant dut s'entendre à mille lieues à la ronde. Il se martelait le front, la bouche et le nez avec ses poings ; il trépignait d'un bout à l'autre de la pièce. Il se répandait en coups et en glapissements, essayant de se venger de la gamine. Il lui sembla que la meilleure façon de l'empêcher de partir était de se placer devant la porte. Ce que voyant, la fillette saisit une peau de mouton dont elle se recouvrit et se dirigea vers l'enclos. Elle atteignit la porte extérieure et l'ouvrit au moment où le géant s'y plantait, une jambe de chaque côté. Les brebis commencèrent à s'élancer entre les jambes de leur maître qui bafouillait :

- Je te trouverai... Je te trouverai...

Il les touchait toutes et disait :

- Une blanche... une noire... une blanche... une noire...

La fillette, cachée sous sa peau, se glissa entre les brebis, et le pauvre aveugle la confondit avec les autres bêtes. Il la palpa mais la laissa s'échapper, la peau lui restant entre les mains :

- Une blanche... une noire... et moi je suis dehors !

Le géant se mit dans une colère terrible. Il s'étranglait de rage, puis brusquement il sourit à la fillette. Il enleva un anneau de son doigt et le jeta à ses pieds, lui disant avec douceur :

- Puisque tu es si maligne, je te pardonne. Pour preuve de mon pardon, je t'offre mon anneau préféré.

L'anneau brillait dans l'herbe comme un ver luisant. La gamine, craignant un piège, le regardait sans oser le ramasser. Mais le géant semblait si calme et l'anneau brillait tellement que finalement la petite se baissa, le prit dans sa main et se le passa au doigt. Aussitôt, l'anneau se mit à chanter :

- Par-ici !... je suis par-ici !...

Le géant se dressa comme une furie et se précipita vers la fillette en proférant d'épouvantables malédictions.

L'anneau le guidait :

- Par-ici !... je suis par-ici !...

Et la fillette essayait en vain de la retirer tandis qu'elle s'enfuyait.

Au moment où le géant allait la rejoindre, elle arriva près d'une rivière au cours gonflé par les pluies. Elle se saisit du couteau qui lui servait à tailler les branches dans la montagne, et d'un coup sec se trancha le doigt orné de l'anneau. Elle le ramassa et le jeta dans la rivière. Plongé dans l'eau, l'anneau continuait sa chanson :

- Par-ici !... Je suis par-ici !...

Le géant, se laissant guider par la voix, entra dans le fleuve. L'eau bouillonnante l'emporta dans un tourbillon et il disparut en un instant.

La petite retourna à la maison du géant, réunit tout le troupeau et le mena jusqu'à sa propre chaumière.


bunni


La meule de la pauvre orpheline

Une pauvre petite fille avait perdu ses parents, elle était seule au monde comme un agnelet; élevée dans une famille fort méchante, son seul ami était Krants, le chien, auquel elle donnait de temps en temps quelques croûtes de pain. Du matin jusqu'au soir, la pauvre petite devait moudre le blé pour sa marâtre à l'aide d'une meule; un instant de repos suffisait pour qu'un bâton lui rappelât ses obligations. Le soir, elle avait les doigts engourdis comme des pièces de bois - mais qui s'en souciait? La moindre bouchée octroyée par charité aux orphelins leur coûte la plupart du temps bien du sang et bien des larmes... Seul le bon Dieu, là-haut, entend leurs gémissements, lui seul peut compter les larmes qui coulent sur leurs joues...

Un jour, alors que notre chétive enfant - chagrinée de ce que la fermière l'eût laissée ce matin-là à jeun - faisait une fois de plus tourner la lourde meule, un vagabond, borgne, boîteux, en haillons, se présenta devant la maison. Or ce n'était pas un vrai mendiant. C'était un célèbre sage venu de Finlande, qui avait pris cette apparence pour ne pas se faire reconnaître. Le boîteux s'assit sur le seuil de la maison, jeta un regard pénétrant sur le dur labeur de l'orpheline et prit dans sa besace un morceau de pain qu'il lui mit dans la bouche en disant:

"Le déjeuner n'est pas pour tout de suite, mange un peu de pain, reprends tes forces!".

L'orpheline se mit à mâcher la petite croûte de pain sec, qui lui parut plus douce qu'une brioche. Elle sentit ses bras prendre de plus en plus de vigueur. Le vagabond lui dit:

"Tu dois avoir les bras bien fatigués, ma pauvre enfant, à force de tourner cette lourde pierre!".

La petite jeta au vieillard un regard méfiant, comme pour s'assurer de l'objectif de sa question: était-il sérieux, se moquait-il d'elle? Mais quand elle vit que le visage du vieillard était sérieux et bienveillant, elle lui répondit:

"Qui donc s'intéresse aux bras de l'orpheline? J'ai les doigts en sang et le dos labouré de coups de bâton, quand je n'arrive pas à faire tout ce que veut la fermière!".

Le boîteux lui demanda son histoire, il voulait connaître sa vie en profondeur. Quand elle eut terminé, il prit dans son sac un vieux foulard et le lui donna en disant:

"Ce soir, quand tu iras te coucher, tu te banderas les yeux avec ceci. Puis, avec un soupir venant du fond du coeur, tu diras:

"Emmène-moi, ô mon doux petit rêve, là où je trouverai une meule qui tourne toute seule, qui n'aura plus besoin de mes maigres efforts...".

La jeune fille cacha le foulard dans son corsage et remercia le vieillard qui repartit par les chemins. Le soir, allant se coucher, elle fit ce qu'il lui avait appris: elle attacha le foulard autour de sa tête et prononça, dans un soupir baigné de larmes, la phrase qu'il lui avait apprise - même si elle ne caressait pas de grands espoirs. Elle s'endormit pourtant le coeur plus léger qu'à l'accoutumée. Et voilà qu'un rêve curieux se déroula devant ses yeux bandés: elle était en voyage sur une longue route, elle avait toutes sortes d'aventures. Enfin elle arriva sous terre, à une grande profondeur. S'agissait-il de l'enfer? Peut-être, car tout avait l'air hostile et déplaisant. Le portail était grand ouvert, mais dans la cour pas un animal ne bougeait. En avançant, elle entendit un grondement - semblable au bruit que fait une meule en train de tourner. Elle poursuivit son chemin, guidée par ce bruit, d'un pas alerte. Enfin, arrivée sous l'auvent d'une remise, elle trouva un grand coffre. C'est de là que provenait le grondement. Incapable même de le déplacer, comment allait-elle pouvoir le soulever...!? Alors elle aperçut, attaché à la mangeoire de l'étable, un cheval tout blanc qui lui donna une idée: le prendre, l'atteler au coffre avec une corde et emporter ainsi la meule miraculeuse. Aussitôt dit, aussitôt fait: à l'aide de cordes, elle attacha le coffre au cheval, puis s'assit sur le couvercle, s'empara d'un long fouet et au galop! en direction de la maison.

Le lendemain matin, en se réveillant, ce rêve si important lui revint en mémoire; elle avait l'impression d'avoir traversé de longues distances sur le couvercle du fameux coffre. Or en regardant alentour, qu'aperçut-elle à côté de son lit? Le coffre! Elle bondit de sa couche, prit un tas de graines qu'elle n'avait pas pu moudre la veille et les mit dans un trou qui se trouvait sur le couvercle du coffre. Et - oh miracle! - aussitôt les pierres se mirent à tourner! Au bout d'un petit moment, la farine était prête, et dans le sac.

La vie fut désormais facile pour l'orpheline. Les pierres miraculeuses, au fond de leur coffre, réduisaient en poussière tout ce qu'elle leur donnait: il ne lui restait plus qu'à donner au coffre sa part de graines et puis à en sortir la farine qui était retombée sur le fond. Mais il lui était formellement interdit d'ouvrir le couvercle. Le vagabond le lui avait bien dit: "si tu ouvres le couvercle, c'est la mort!".

Au bout de quelque temps, la fermière eut l'impression que l'orpheline avait trouvé de l'aide pour moudre le blé. Un méchant dessein commença à mûrir dans son esprit: chasser l'orpheline et la remplacer par le coffre, qui, lui, ne mangeait pas de soupe... Mais d'abord, elle voulait étudier de plus près ce coffre merveilleux afin de comprendre où se trouvait le mystérieux meunier. Cette envie la tenaillait, sans relâche, jour et nuit. Elle ne lui laisserait pas de repos tant qu'elle ne saurait pas le secret.

Un dimanche matin, elle ordonna à l'orpheline d'aller à l'église; elle resterait elle-même garder la maison. Jamais la pauvre enfant n'avait entendu si plaisantes paroles! Toute contente, elle passa un corsage propre, mit ses meilleurs atours et s'en alla en direction de l'église.

La fermière, sur le pas de la porte, la suivit des yeux le plus longtemps possible. Puis elle prit dans la remise un tas de graines et les jeta dans le couvercle du coffre afin que celui-ci se mit à moudre. Mais il ne donna pas signe de vie. C'est seulement quand elle eut jeté une poignée de graines dans le trou que les pierres se mirent au travail. Mais elle dût se donner beaucoup de mal pour parvenir à simplement bouger le lourd couvercle. Enfin, le coffre s'entrouvrit tant bien que mal, et la fermière se hasarda à y jeter un oeil. Mais ô malheur! une étincelle en jaillit, qui mit le feu à la fermière et la consuma comme si elle n'avait été que paille sèche. Il n'en resta pas plus qu'un amas de cendres.

Le jour où le veuf voulut reprendre femme, il se rappela que sa pupille, la petite orpheline, était devenue femme: il n'avait pas besoin d'aller chercher plus loin. Les noces furent discrètes, et lorsque les voisins, le soir, furent rentrés chez eux, le marié alla lui aussi se coucher avec sa femme. Le lendemain matin, en allant dans la remise, la jeune femme découvrit que le coffre avec la meule avait disparu pendant la nuit sans laisser de trace. On chercha bien partout, pour savoir si quelqu'un avait vu l'objet disparu. Mais personne n'avait rien entendu... Et depuis non plus, jusqu'au jour d'aujourd'hui... Le coffre miraculeux, apporté un jour sur terre par un rêve, n'avait-il pas pu s'en retourner, de manière toute aussi miraculeuse, là d'où il était venu?


bunni


Le prince de la pluie

Il y a très très longtemps, un homme et son fils vivaient dans une cabane au fin fond des forêts éthiopiennes, là où personne ne va presque jamais. Autrefois, l'homme avait été marié mais sa femme était morte en donnant le jour à leur fils. Son chagrin avait été tellement grand qu'il décida de ne plus vivre parmi les hommes. Il voulait vivre seulement avec son chagrin et son fils Devi.
Un jour, il s'enfonça profondément dans la forêt et y construisit une simple cabane pour eux deux. Devi grandit en solitaire. Son père lui apprit toutes les choses de la vie : à marcher, à parler, à chasser et à pêcher, mais hélas, Devi ne rencontrait jamais personne.
Dans ce coin perdu de la forêt, il pouvait tout au plus apercevoir quelque voyageur égaré. Fort heureusement, père et fils s'entendaient bien. Le père de Devi était un homme bon et doux qui aimait beaucoup son fils. Il en était également très fier, car Devi devenait un beau jeune homme qui assimilait à merveille tout ce que son père lui enseignait.
Lorsque Devi eut atteint l'âge de dix-huit ans, une sécheresse épouvantable s'abattit sur le royaume voisin d'Anga. La pluie n'était plus tombée suffisamment depuis plus d'un an et chacun commençait à s'inquiéter. Les fermiers se plaignaient de leurs champs asséchés et l'eau des rivières ne suffisait pas à donner à boire à tous les habitants, les animaux et les cultures du pays. La famine ne tarderait donc pas à s'abattre sur le pays tout entier.
Le roi était au désespoir. Il avait convoqué plusieurs sages afin de le conseiller.
L'un dit :
- Que tous les hommes qui possèdent un âne aillent chaque jour chercher deux sacs d'eau dans la mer afin d'irriguer les champs.
Un autre répondit :
- Non, Sire, cela ne se peut, car l'eau de mer nuit aux plantes. Elles mourront tant à cause du sel qu'à cause de la sécheresse.
Un autre encore voulait faire sortir tous les animaux du pays, afin qu'il y ait davantage d'eau potable pour les hommes et les cultures, mais le roi refusa à nouveau.
Aucune des solutions proposées n'étaient bonnes. Il fallait tout simplement que de l'eau de pluie fraîche et limpide tombe du ciel pour que le pays tout entier en ait à nouveau à suffisance.
- Sire, il n'y a qu'une seule solution, dit un conseiller âgé et sage. Cherchons un jeune homme pur et intact, un jeune homme qui n'ait jamais fait de mal et qui n'a que de bonnes intentions. Ramenons-le à Anga et il pleuvra.
Les autres conseillers approuvèrent d'un signe de tête. Puisque seule de la vraie pluie pourrait satisfaire le roi, c'était la meilleure des solutions.
Seul un jeune homme pur saurait contenter les dieux du temps. C'était une vérité vieille depuis des siècles ; restait à savoir où le trouver !
Anga grouille de jeunes gens, mais aucun d'eux n'est entièrement pur de corps et d'esprit.
- J'en connais bien un, dit un gentil conseiller en se caressant la barbe. C'était un homme qui était originaire du même village que le père de Devi et connaissait son histoire et celle de son fils. Il la raconta au roi et aux autres conseillers.
- Je crains cependant que le père n'accepte jamais que nous ramenions son fils à Anga, dit-il, découragé.
Le roi réfléchit un instant. Soudain, son visage s'éclaira.
- Je connais le moyen de faire venir ce jeune garçon à Anga, dit-il en riant. Avez-vous donc oublié que j'ai une fille ? Elle est la plus belle du pays et, en plus, elle est intelligente. Si je lui explique l'affaire, elle fera de son mieux et je ne doute pas un instant qu'elle ne parvienne à persuader ce jeune garçon de l'accompagner.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le roi parla immédiatement à sa fille qui trouva très amusante l'idée de séduire un gentil garçon avec l'accord de son père.
- Est-il très beau? demanda-t-elle avec curiosité.
- Tu le verras toi-même, répondit le roi avec impatience. Tu n'as pas à l'épouser de toute façon.
La princesse préféra ne pas répondre et commença immédiatement à préparer ses valises pour ce long voyage. Le conseiller lui expliqua où et dans quelle partie de la forêt elle devrait chercher le jeune homme.
- Essaie de n'attirer que son attention à lui, car si son père le remarque, notre ruse échouera! lui dit le conseiller, alors que la princesse était déjà à cheval. Il veut seulement vivre tranquillement avec son fils dans la forêt.
Après un long et pénible voyage, la princesse arriva enfin à l'orée de la forêt où vivaient Devi et son père. La princesse descendit de cheval, revêtit sa plus jolie robe et se faufila à travers la végétation touffue jusqu'au fin fond de la forêt. Soudain, elle entendit des voix. Elle se dissimula rapidement derrière un gros arbre. juste à temps, car le père de Devi était sur le point d'aller chercher des fruits dans la forêt. Il adressa quelques mots à son fils.
- Je serai de retour avant le coucher du soleil, lui entendit dire la princesse. D'ici là, nettoie la cabane et mets une bouilloire sur le feu.
Sur ces mots, il partit. La princesse patienta quelques minutes pour plus de sûreté et se dirigea à pas feutrés vers la cabane. De l'intérieur, on entendait le bruit du balai qui fouettait le sol. Le jeune garçon était manifestement obéissant et courageux.
- Bonjour! dit la princesse doucement.
Un garçon aux cheveux bruns et bouclés passa la tête par l'embrasure de la porte d'un air surpris et fixa sur elle ses yeux étincelants. Comme il était beau! Elle n'avait jamais vu de jeune homme aussi beau et aussi aimable. La princesse se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux. Devi aussi était troublé. Il n'avait jamais rencontré d'autres personnes et ne connaissait que son père. Quelle était cette personne bizarre sur le pas de la porte ?
Il regarda d'un air admiratif le fin visage, les longs cheveux ondulés et les magnifiques vêtements, dont dépassaient deux petits pieds.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il poliment, car son père lui avait appris les bonnes manières.
- Mon nom est Eleni et je viens d'Anga, répondit la princesse timidement. Et vous, qui êtes-vous ?
Devi se présenta à son tour. Il offrit à boire et à manger à la princesse et ils parlèrent tout l'après-midi comme de vieilles connaissances. La princesse connaissait également toute une série de jeux auxquels Devi participa volontiers. Ils riaient et se poursuivaient. Ils jouèrent à cache-cache, à "coucou! qui est là?" et tressèrent des colliers de fleurs pour garnir leurs cheveux. Le soir arriva beaucoup trop vite à leur gré.
- Je dois partir, dit la princesse effrayée, lorsque le soleil eut disparu derrière la cime des arbres.
Pensez donc ! Le père de Devi ne tarderait pas à rentrer et il n'apprécierait guère sa visite. Relevant ses jupes, elle courut chercher refuge à l'abri des arbres.
- Attends! Mon père ne va pas tarder à rentrer. Tu pourras faire sa connaissance, lui cria Devi, mais il était déjà trop tard, la princesse avait déjà disparu à l'ombre des arbres.
Devi en était tout dérouté. Il aurait bien suivi la princesse, mais ce n'était pas possible, car son père se serait fait du mauvais sang. Mais d'un autre côté, sans la princesse, il se sentait terriblement seul.
Lorsque le père de Devi entendit ce qui s'était passé, il sut immédiatement que Devi avait reçu la visite d'une femme.
- Méfie-toi, le mit-il en garde. Si ça continue, elle t'entraînera avec elle loin d'ici. Qui sait où tu te retrouveras.
Quelques jours plus tard, le père de Devi dut à nouveau aller dans la forêt constituer des réserves. Il mit de nouveau son fils en garde contre la jeune fille, mais sitôt son père hors de vue, Devi oublia son avertissement. Cela faisait plusieurs jours que la princesse guettait derrière le grand arbre et elle put enfin se montrer. Devi était fou de joie. il la serra dans ses bras et lui offrit toutes sortes de friandises. Ils se remirent à jouer ensemble. Cet après-midi-là, Eleni lui raconta aussi la terrible sécheresse qui s'était abattue sur son pays. Elle raconta également à Devi qu'il était le seul à pouvoir amener la pluie.
- Mais pour ça, il faut que tu m'accompagnes à Anga, lui dit-elle doucement. Si tu restes ici, tu ne pourras rien faire pour notre pays.
Mon père se fera du souci, si je ne suis pas là à son retour, résista mollement Devi. Je dois attendre qu'il revienne pour lui expliquer.
Mais Eleni ne voulait rien entendre. Imaginez-vous! Si son père lui interdisait de l'accompagner, elle aurait fait tout cela pour rien.
- Si tu le veux, tu pourras m'épouser, dit-elle pour l'amadouer. Je t'aime et je vois que tu m'aimes aussi. Tu deviendras riche et célèbre. Dès qu'il pleuvra à Anga, nous reviendrons chercher ton père et tu pourras t'occuper de lui autant que tu le voudras, bien mieux que tu ne pourras jamais le faire dans cette cabane. S'il te plaît, partons. Maintenant !
Le coeur de Devi fondit lorsqu'il vit les yeux suppliants de la princesse. Il rassembla ses maigres affaires et suivit la princesse.
Dès que Devi posa le pied dans le royaume d'Anga, une pluie torrentielle se mit à tomber. Tous les habitants du pays asséché sortirent de leur maison et, à genoux, ils remercièrent le ciel de leur envoyer cette eau claire. Les rivières coulèrent à flots et les plantes relevèrent la tête, toutes revigorées. Le roi était fou de joie, car le malheur était conjuré. Il voulut remercier Devi en lui offrant un grand sac rempli de pièces d'or, mais lorsqu'il vit comment sa fille et le jeune garçon se regardaient, il accorda à Devi la main de sa fille. Nulle part ailleurs, il ne trouverait meilleur gendre.
Le mariage fut célébré en grande pompe dans tout le pays. Le roi envoya chercher le père de Devi et lorsque celui-ci vit combien son fils était heureux avec la princesse, il embrassa sa nouvelle belle-fille et souhaita aux jeunes mariés tout le bonheur du monde. Devi emmena son père dans le château que le roi avait fait construire pour le jeune couple.
Depuis ce jour-là, il n'y eut plus jamais de sécheresse dans le royaume d'Anga qui devint le pays le plus fertile d'Afrique.

bunni


La Légende de Persine et Mélusine

"Si vous essayez de voir une fée
En plein jour
En pleine lumière
En plein midi...
Ça marchera pas !
Les fées
On les surprend parfois à l'aube
Entre deux lumières
Émergeant de la brume
Ou sous la lune pleine"

Elinas, roi d'Écosse, a semé ses suivants au cours d'une partie de chasse. Il est maintenant seul, sur son cheval, au beau milieu de la forêt, gouttant à une tranquillité qui lui est assez peu familière. Il finit par déboucher dans une grande clairière au milieu de laquelle se trouve une fontaine. La fée Persine, reine des fées d'Écosse, s'y baigne. Elle n'entend pas le roi s'approcher, sans doute trompée par les éclats de la chasse qui se perdent dans le lointain. Elle est d'abord surprise, puis elle reconnaît le roi qui reste interdit, bras ballants, devant une telle apparition...
Le roi, en un clin d'œil, des sommets du pouvoir, des cimes de la richesse, tout roi qu'il est, le roi Elinas d'Écosse tombe... en amour.
La fée est sortie de la fontaine et se tient devant lui, magnifique et élancée, entièrement nue... Et le cœur d'Elinas bat la chamade, galope même !
Le cœur du roi se rend à cette femme qui semble si fragile
A cette reine de l'autre monde...
- Je m'appelle Persine, lui dit la fée. Je suis reine de mon peuple et nos deux destins sont désormais intimement entremêlés. Je sais lire les signes et déchiffrer les cœurs, sans jamais me tromper... Et c'est là mon pouvoir ! Nous allons nous marier, ô roi... Mais avant tu dois me promettre, que jamais tu ne chercheras à me voir du temps de mes couches.
Ainsi parle la fée, et le roi fait le serment attendu.

Les épousailles sont bientôt célébrées et le bonheur règne sur le pays. De leur union naissent trois filles : Mélusine, Mélior et Palestine. Il sont heureux...
Un temps...

Mais le bonheur, ça ne peut que se flétrir. Comme une fleur.

Mataquas, le fils maudit, premier né du roi, d'un premier mariage. Mataquas le jaloux, le fourbe... Mataquas pue-la-haine !
- Pourquoi donc, mon noble père, mon puissant roi, pourquoi cet interdit ? Il y a là-dessous, à n'en point douter, quelque mystère qu'on cherche à vous cacher, quelque trahison sur laquelle on ne voudrait pas que vous portiez les yeux, de peur de votre juste courroux. Ne point la voir du temps de ses couches... Vous êtes en votre royaume ! C'est vous qui commandez !
Le roi est noble et fier, alors au tout début, il refuse d'écouter les paroles de son fils. Manquer à sa promesse, il n'en est pas question une seule seconde...
Mais deux secondes, déjà, c'est bien plus long...
Et les jours
Les mois
Et le venin qui coule intarissable...
Le venin
Qui coule
Intarissable
Le roi est noble et fier, alors il finit par douter. Les démons le tourmentent et lui, seul, il résiste. Mais des démons, on en a toujours à ne plus savoir qu'en faire...
Elinas, roi d'Écosse, car il est noble et fier, entre dans la chambre où Persine baigne ses trois petites.
Persine pousse un hurlement, et au dessus du bruit des larmes de ses filles, désespérée elle lance à Elinas :
- Tu m'as trahie et nos cœurs se déchirent ! Désormais, et par ta faute, je suis perdue pour toi !
Sans un adieu, ni un dernier regard, elle s'envole en fumée avec ses enfants enveloppés dans une serviette rouge. La baignoire est vide, l'eau s'est évaporée, et l'on raconte qu'Elinas effondré l'a remplie de ses larmes.

Persine s'en est allée dans l'île enchantée d'Avallon. Elle y élève ses filles pendant quinze ans. Et chaque matin, un peu avant le jour, elle conduit Mélusine, Mélior et Palestine au sommet de la montagne Fleurie d'Eléonos. De là, elles contemplent le lever du soleil sur les rivages d'Écosse que l'on devine au loin.
- Voyez, mes filles, c'est là que nous aurions dû vivre, heureuses, si votre père n'avait pas manqué à sa parole. La joie aurait été notre quotidien alors que désormais nous sommes condamnées à cette misérable condition...
L'amertume, la nostalgie hantent le cœur de Persine qui ressasse sans arrêt le récit de sa tragique épopée.
Un jour, l'aînée, Mélusine, réunit ses deux sœurs en secret pour les entretenir d'un plan :
- Pendant ce temps qui est passé, j'ai bien réfléchi... Tout est la faute d'Elinas, notre père. Nous sommes maintenant versées dans les sciences magiques... Il serait juste qu'il paie encore plus durement le tourment dans lequel il nous a plongé.
Il serait juste
Qu'il paie
Encore plus durement
Le tourment dans lequel il nous a plongé !

Les sœurs acquiescent ; le roi d'Écosse se retrouve enfermé dans la montagne de Northumberland, que l'on appelle encore Brumblerio. A tout jamais...
Enfermé !
Il serait juste
Qu'il paie
Encore plus durement
Le tourment dans lequel il nous a plongé !

Les enfants sont cruels...

- Misérable filles ! leur dit leur mère quand elle apprend la nouvelle. Qui êtes-vous pour oser juger le destin ? Qui croyez-vous être pour vous substituer à son bras vengeur ? Qui pensiez-vous ainsi châtier ? Vous n'avez plus votre place sur l'île enchantée d'Avallon et nous devons ce jour nous séparer pour ne plus nous revoir.
Elle s'adresse alors plus particulièrement à Mélusine :
- Quant à toi, qui est la plus savante, toi par qui tout est arrivé, écoute maintenant quel est ton châtiment. Tu seras désormais, chaque samedi, Serpente du nombril jusqu'aux pieds. Si jamais tu viens à te marier, ton mari ne devra jamais te voir sous cet aspect ni connaître ton lourd secret. A cette condition tu vivras et mourras comme une femme, sinon tu connaîtras la solitude et les tourments sans fin ! Mais quoiqu'il en soit tu seras la source d'une noble et courageuse descendance qui commettra de hauts faits.
Adieu, ma première fille, et ne reviens jamais...
Les trois sœurs se sont séparées ; Persine, quant à elle, est restée en Avallon, toute seule avec ses souvenirs et son chagrin.
Mélior deviendra reine des étoiles filantes et Palestine princesse des cygnes blancs. Mais ce sont là d'autres histoires...
La jeune Mélusine va par les chemins, elle arrive en terre de France et erre dans les forêts du Poitou. Au fil du temps, son cœur s'apaise et une belle nuit, elle lit dans les étoiles qu'elle est désormais capable d'aimer. Alors, comme le soleil se lève, du plus profond d'elle jaillit un rire pur et cristallin...
Et le temps passe encore et une belle nuit, elle lit dans les étoiles que désormais elle pourra elle aussi être aimée. Elle se rend alors à la fontaine de Sé, au milieu de la forêt de Colombiers. Là, elle quitte sa robe et entre dans l'eau claire pour s'y baigner au clair de la lune.

Cette même nuit, le jeune Raymondin galope dans la forêt . Droit devant lui, il ne fait rien pour éviter les branchages qui viennent lui déchirer le visage. Il a mal, la douleur le déchire car la fatalité a fait de lui un meurtrier. En effet, lors d'un terrible accident de chasse il a ôté la vie à son oncle Aimeri, le comte du Poitou.
Il galope pour oublier.
Si seulement il pouvait oublier !
Il galope sur sa monture hors d'haleine qui l'accompagne au bout de la folie...
La chevauchée maudite débouche dans une clairière où soudainement le cheval se met au pas. Raymondin pose pied à terre... et il s'approche de la fontaine, comme hypnotisé.
- Je t'attendais, lui dit la fée. Il n'y a pas de mots qui puissent te consoler, pas d'actes qui puissent revenir contre le temps passé. C'est le destin, nous devons y faire face car c'est le lot de toute créature qui pense et qui respire au monde.

Et Raymondin, en un clin d'œil, des profondeurs de la folie, des abîmes du désespoir, là où l'obscurité est si opaque que l'on s'y prend les pieds et que l'on tombe encore plus bas, et que l'on se relève pour tomber encore, et bien Raymondin est illuminé... par l'amour.
- Il faisait froid, dit-il. Mais cette étrange chaleur tout d'un coup... C'est vous ?
- Mais non, c'est toi !
- ...
- Je m'appelle Mélusine. Je vais t'accompagner et nous allons nous marier, Raymondin. Mais avant, tu dois promettre, tu dois me jurer que jamais que tu ne chercheras à me voir le samedi. A cette seule condition nous serons heureux.
Et Raymondin fait le serment attendu.

Mélusine lui conseille de retourner à la cour du nouveau comte du Poitou et de lui dire toute la vérité sur l'accident de chasse. Raymondin écoute son conseil, on lui pardonne, et il obtient même pour son mariage le fief de Lusignan.
Peut-être la fée a-t-elle tiré magiquement dans l'ombre les ficelles du destin en faveur de Raymondin... Qu'importe, les premières démonstrations au grand jour de ses pouvoirs sont spectaculaires : la nuit précédent les noces, elle bâtit une chapelle où a lieu la cérémonie et la forteresse de Lusignan dans laquelle le jeune couple s'installe.
Le bonheur est là, le pays est prospère.
Chaque nuit, Mélusine fait construire des châteaux, des abbayes et des chapelles, au petit peuple de la terre. Gnomes, lutins, farfadets, korrigans, à son service, de quelques pierres et d'un peu d'eau érigent les tours, clochers, dressent vers le ciel édifices et villes entières avant que le soleil ne reprenne sa course. Vouvant, Mervent, les forteresses de Tiffauge, Talmont et Partenay, la tour de Saint-Maixent, les tours de garde de La Rochelle et de Niort, l'église de Saint-Paul-en-Gâtine, et bien d'autres... Toutes ont eut le même architecte : Mélusine. Et si un curieux surprend la bâtisseuse au travail, elle s'arrête et laisse le chantier en l'état. C'est pour cette raison qu'il manque une fenêtre à Merrigoute ou la dernière pierre de la flèche de l'église de Parthenay.
Personne ne s'étonne ! Comme si c'était normal...
Parfois aussi on entend son rire enfantin qui soulage les peines les plus lourdes à porter.

L'amour qu'elle partage avec Raymondin est sans faille, limpide comme l'eau de la fontaine de Sé. Elle lui donne dix fils !
Dix enfants bien étranges... Bizarres comme on dit...
Antoine porte à sa joue une griffe de lion, Guion a un œil plus haut que l'autre, Geoffroy avec sa dent de plus d'un pouce, Urian avec un œil rouge et l'autre pers, Oron aux oreilles phosphorescentes semblables à celles d'un chien, Froimond gros nez, Thierry l'homme-singe, Raymond qui est transparent, Armand haut-comme-trois-pommes, et Renon le plus grand mais dont la langue traîne par terre.
La famille est riche, alors on ne pose pas trop de questions...
Mais tout de même
A bien y regarder
Quand on réfléchit un peu
Ça saute aux yeux !
C'est pas normal !
Pas normal...

Combien de Mataquas pourrissent le monde ? Combien de vipères...
Raymondin a un frère, le conte Forez.

- Écoute-moi, mon frère, c'est le soucis de ton honneur et de ton renom qui a guidé mes pas. Ton bonheur seul m'importe et tu sais bien que je sacrifierais tout ce qui m'appartient pour toi. Écoute-moi, mon frère, on jase en ville. Tes enfants, ta femme qui se cache une fois par semaine... M'est avis qu'elle pratique le coït, l'accorte bougresse, avec le démon !

Raymondin est noble et fier, alors au tout début, il refuse d'écouter les paroles de son frère. Manquer à sa promesse, trahir la confiance, il n'en est pas question une seule seconde...
Mais deux secondes...
Le venin, distillé, purifié, corrosif, coule...

On jase en ville...
Tes enfants...
Ta femme...
L'accorte bougresse...
M'est avis qu'elle pratique le coït !

Raymondin est noble et fier, alors il finit par douter. Sa confiance s'effrite. Un samedi, rongé jusqu'en son cœur crépitant, il se rend devant la porte interdite. Avec la pointe de son épée, il en perce le bois et il peut bientôt voir tout ce qui se trouve de l'autre coté.
Dans une immense cuve de marbre blanc, sa femme se baigne. Elle peigne ses longs cheveux, nue de la tête jusqu'au nombril. Dans l'eau trempe une gigantesque queue de serpent qui claque de temps à autres et projette des éclaboussures jusqu'à la voûte de la chambre.
- Trahison ! hurle Mélusine. Nous sommes, mon amour, tous deux damnés ! Toi parce que tu me perds à tout jamais et moi car je retourne au monde des esprits errants et sans abris !
Et elle disparaît par la fenêtre, comme une tornade, en poussant une longue plainte.

On prétend qu'elle n'abandonna pas ses enfants pour autant, et qu'elle revint régulièrement la nuit s'occuper d'eux, jusqu'à ce qu'ils fussent en âge de se passer d'elle. Ils grandirent, et selon la prophétie de Persine, donnèrent naissance à d'illustres lignées.
Trois mois avant la mort de Raymondin, qui s'était fait ermite à Montserrat, Mélusine apparut à chacun d'eux ; vision d'une femme tourmentée et gémissante, tournoyant seule en peine dans le ciel. De nos jours, on l'aperçoit encore lorsqu'une forteresse de la famille est vendue, ou bien encore lorsqu'un des héritiers de ses fils est proche du trépas.
Âme damnée, âme perdue, âme en peine...
Mélusine, la fée rieuse, la fée bâtisseuse.
Mélusine la fée amoureuse.

Plus je dirai et plus je mentirai.
Le récit de la fête est déjà la moitié de la fête
Un mot dit à l'oreille est parfois entendu de loin
On gagne toujours à taire ce qu'on n'est pas obligé de dire
Méfiez-vous des histoires...



bunni


Les trois oranges d'amour

Il était une fois un prince qui ne riait jamais. Mais un jour, une femme dit :

- Moi, je le ferai rire ce prince, rire et pleurer.

Et la femme revêtit des haillons cousus avec de la ficelle, répandit ses cheveux sur ses épaules et au son d'un tambourin alla danser devant le prince qui se tenait accoudé au balcon de son palais.

Elle fit tant et tant en dansant fougueusement, que soudain la ficelle qui retenait ses vêtements se rompit et elle se retrouva toute nue au milieu de la rue. La voyant, le prince se mit à rire aux éclats.

La femme n'avait pas pensé qu'elle pourrait perdre son costume. Quand elle vit que le prince riait d'elle, elle lui dit :

- Plaise à Dieu que vous ne riiez jamais plus avant de trouver les trois oranges d'amour.

Dès cet instant, le prince se sentit bien triste. Un jour, il décida :

- Je veux m'amuser et rire. J'irai chercher les trois oranges d'amour où quelles soient.

Et il partit à leur recherche, marchant de village en village. Un matin, il rencontra la femme qui lui avait jeté la malédiction, mais il ne la reconnut pas.

- Où allez-vous ? lui demanda-t-elle.

- Je cherche les trois oranges d'amour.

- Elles sont très loin d'ici ; trois chiens les gardent au fond d'une grotte. Allez vers le nord et vous la trouverez nichée au creux d'un amas de rochers.

Le prince acheta trois pains et se remit en route. À la fin, il arriva aux rochers qui abritaient la grotte. Au moment où il allait y pénétrer, un chien grognant apparut à l'entrée. Le prince lui jeta un pain et poursuivit son chemin.

À quelques pas de là, il vit, planté devant lui, un autre chien ; il lui jeta le deuxième pain et put avancer.

Plus loin encore, se tenait le troisième chien. Le prince le régala lui aussi, avec le troisième pain, et continua son exploration. Tandis que les chiens mangeaient les pains, il déboucha dans une salle où il y avait une table en or garnie de trois boîtes. Il les saisit et s'enfuit. Chacune d'elles contenait une orange d'amour.

Après avoir marché plusieurs heures, il s'assit sous un frêne et dit :

- Je vais ouvrir une boîte.

Il l'ouvrit, et l'orange se mit à parler :

- De l'eau ! de l'eau ! sinon je vais mourir. De l'eau, je me meurs !

Mais le prince n'avait pas d'eau et l'orange mourut.

Il reprit sa route et arriva à une auberge ; il y commanda à manger, une jarre de vin et une autre d'eau.

Il ouvrit la deuxième boîte, et l'orange se mit à parler :

- De l'eau ! de l'eau ! sinon je vais mourir. De l'eau, je me meurs !

Mais le prince au lieu de prendre la jarre d'eau prit celle emplie de vin, la versa dans la boîte, et l'orange mourut.

Son chemin le mena dans une montagne où coulait une rivière ; il s'y arrêta et ouvrit la troisième boîte. L'orange se mit à parler :

- De l'eau ! de l'eau ! sinon je vais mourir. De l'eau, je me meurs !

- Cette fois, dit le prince, tu ne pourras pas mourir faute d'eau.

Et il jeta la boîte dans la rivière.

Aussitôt, un nuage d'écume se forma sur l'eau et une princesse plus belle que le soleil en sortit.

Le prince l'emmena avec lui et l'épousa au premier village qu'ils rencontrèrent.

Un an après, la naissance d'un fils augmenta encore leur bonheur.

Mais un jour, le prince annonça à son épouse :

- Il nous faut retourner voir ma famille ; je n'ai donné aucune nouvelle au roi mon père depuis que j'ai quitté le palais.

Ils se mirent donc en route et à l'entrée de la ville où vivait son père, le prince dit à sa princesse :

- Reste assise au pied de cet arbre, près de la fontaine, pendant que je vais annoncer notre arrivée au roi mon père. Je reviendrai très vite te chercher.
La princesse s'assit au pied de l'arbre, son fils endormi au creux de ses bras.
C'est alors que passa la femme qui avait jeté la malédiction au prince. Elle s'approcha de la fontaine pour boire et vit dans l'eau le reflet d'un visage d'une incommensurable beauté. Elle se redressa en reculant et dit :

- Je suis très belle !

Elle se rapprocha peu à peu de la fontaine et l'eau réfléchissait toujours le même visage, plus resplendissant que jamais. Elle se recula à nouveau en répétant :

- Je suis très belle !

C'est alors que, s'approchant pour la troisième fois de la fontaine, elle vit que le visage reflété par l'eau était en fait celui de la princesse. Elle lui demanda :

- Que faites-vous ici ?

- J'attends le prince, mon mari.

- Quel bel enfant vous avez ! Donnez-le-moi un moment, je le tiendrai pendant que vous vous reposerez.

À contre-coeur, la princesse tendit son enfant à la femme. Alors celle-ci lui dit :

- Quels beaux cheveux vous avez, princesse ! Sûrement plus fins que de la soie. Mais vous êtes toute décoiffée.

En même temps qu'elle faisait semblant de lui arranger son chignon, elle lui enfonça une épingle dans la tête, et la princesse se transforma en colombe.

La femme, qui était une sorcière, prit l'apparence de la princesse, posa l'enfant sur ses genoux et s'assit au pied de l'arbre en attendant le prince. À son retour, celui-ci dit à celle qu'il croyait être son épouse :

- On dirait que ton visage a changé.

- C'est à cause du soleil qui m'a bruni la peau ; ça disparaîtra dès que je serai reposée des fatigues du voyage. Allons-y.

Ils se dirigèrent vers le palais royal. Peu de temps après le roi mourut, son fils hérita du trône et la sorcière devint donc reine.

Pendant ce temps, tous les matins, la colombe venait voler dans le verger du roi ; elle se posait sur un arbre, mangeait un fruit et disait

- Jardinier du roi !

- Madame ?

- Que font le roi et la reine mauresques ?

- Ils mangent, ils boivent et se reposent à l'ombre.

- Et l'enfant ? Que fait-il ?

- Par moments il chante, par moments il pleure.

- Pauvre amour de sa mère, qui erre seule dans la montagne !

Un jour, le jardinier répéta au roi la conversation qu'il avait tous les matins avec la colombe. Le roi lui ordonna alors d'attraper l'oiseau pour le donner à l'enfant. Dès qu'il fut en leur possession, la reine voulut tuer l'oiseau.

L'enfant passait de longs moments à jouer avec la colombe. Un jour, il remarqua qu'elle se grattait sans cesse la tête avec sa patte. Il y trouva l'épingle qui était plantée. Il l'arracha, et aussitôt la colombe se transforma en reine.

L'enfant éclata en sanglots et la reine lui dit :

- Ne pleure pas mon fils, car je suis ta mère.

Elle saisit l'enfant, le couvrit de baisers. À ce moment, le roi arriva et tomba dans les bras de la reine. Celle-ci lui raconta comment elle avait été ensorcelée par la sorcière au bord de la fontaine.

On brûla la sorcière sur la place publique, et le roi et la reine vécurent longtemps heureux.


bellparole




La petite fille aux allumettes

Il faisait effroyablement froid ; il neigeait depuis le matin ; il faisait déjà sombre ; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue : elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Lorsqu'elle était sortie de chez elle le matin, elle avait eu de vieilles pantoufles beaucoup trop grandes pour elle. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle eut à se sauver devant une file de voitures ; les voitures passées, elle chercha après ses chaussures ; un méchant gamin s'enfuyait emportant en riant l'une des pantoufles ; l'autre avait été entièrement écrasée.
Voilà la malheureuse enfant n'ayant plus rien pour abriter ses pauvres petits petons. Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes : elle en tenait à la main un paquet. Mais, ce jour, la veille du nouvel an, tout le monde était affairé ; par cet affreux temps, personne ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite qui faisait pitié. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue.
Des flocons de neige couvraient sa longue chevelure blonde. De toutes les fenêtres brillaient des lumières : de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur, celle de l'oie, qu'on rôtissait pour le festin du soir : c'était la Saint-Sylvestre. Cela, oui, cela lui faisait arrêter ses pas errants.
Enfin, après avoir une dernière fois offert en vain son paquet d'allumettes, l'enfant aperçoit une encoignure entre deux maisons, dont l'une dépassait un peu l'autre. Harassée, elle s'y assied et s'y blottit, tirant à elle ses petits pieds : mais elle grelotte et frissonne encore plus qu'avant et cependant elle n'ose rentrer chez elle. Elle n'y rapporterait pas la plus petite monnaie, et son père la battrait.
L'enfant avait ses petites menottes toutes transies.»Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour réchauffer mes doigts ?» C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c'était ! Il sembla tout à coup à la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte, décoré d'ornements en cuivre. La petite allait étendre ses pieds pour les réchauffer, lorsque la petite flamme s'éteignit brusquement : le poêle disparut, et l'enfant restait là, tenant en main un petit morceau de bois à moitié brûlé.
Elle frotta une seconde allumette : la lueur se projetait sur la muraille qui devint transparente. Derrière, la table était mise : elle était couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle brillait une superbe vaisselle de porcelaine. Au milieu, s'étalait une magnifique oie rôtie, entourée de compote de pommes : et voilà que la bête se met en mouvement et, avec un couteau et une fourchette fixés dans sa poitrine, vient se présenter devant la pauvre petite. Et puis plus rien : la flamme s'éteint.
L'enfant prend une troisième allumette, et elle se voit transportée près d'un arbre de Noël, splendide. Sur ses branches vertes, brillaient mille bougies de couleurs : de tous côtés, pendait une foule de merveilles. La petite étendit la main pour saisir la moins belle : l'allumette s'éteint. L'arbre semble monter vers le ciel et ses bougies deviennent des étoiles : il y en a une qui se détache et qui redescend vers la terre, laissant une traînée de feu.
«Voilà quelqu'un qui va mourir» se dit la petite. Sa vieille grand-mère, le seul être qui l'avait aimée et chérie, et qui était morte il n'y avait pas longtemps, lui avait dit que lorsqu'on voit une étoile qui file, d'un autre côté une âme monte vers le paradis. Elle frotta encore une allumette : une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se tenait la vieille grand-mère.
-Grand-mère, s'écria la petite, grand-mère, emmène-moi. Oh ! tu vas me quitter quand l'allumette sera éteinte : tu t'évanouiras comme le poêle si chaud, le superbe rôti d'oie, le splendide arbre de Noël. Reste, je te prie, ou emporte-moi.
Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, et puis une autre, et enfin tout le paquet, pour voir la bonne grand-mère le plus longtemps possible. La grand-mère prit la petite dans ses bras et elle la porta bien haut, en un lieu où il n'y avait plus ni de froid, ni de faim, ni de chagrin : c'était devant le trône de Dieu.
Le lendemain matin, cependant, les passants trouvèrent dans l'encoignure le corps de la petite ; ses joues étaient rouges, elle semblait sourire ; elle était morte de froid, pendant la nuit qui avait apporté à tant d'autres des joies et des plaisirs. Elle tenait dans sa petite main, toute raidie, les restes brûlés d'un paquet d'allumettes.
-Quelle sottise ! dit un sans-coeur. Comment a-t-elle pu croire que cela la réchaufferait ? D'autres versèrent des larmes sur l'enfant ; c'est qu'ils ne savaient pas toutes les belles choses qu'elle avait vues pendant la nuit du nouvel an, c'est qu'ils ignoraient que, si elle avait bien souffert, elle goûtait maintenant dans les bras de sa grand-mère la plus douce félicité.

Hans Christian Andersen
Ce qui rend les amitiés indissolubles et double leur charme est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude.

(Honoré de Balzac)