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Poèmes et Poésies

Démarré par fleurose, 27 Mai 2011 à 19:49:46

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bellparole

Re Blag,

Voilà j'ai rectifié comme tu me l'as bien expliqué tout à l'heure. Encore une fois merci.
Bonne journée.... Bell
Ce qui rend les amitiés indissolubles et double leur charme est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude.

(Honoré de Balzac)

bbchaton

La mer

Des vastes mers tableau philosophique,
Tu plais au coeur de chagrins agité :
Quand de ton sein par les vents tourmenté,
Quand des écueils et des grèves antiques
Sortent des bruits, des voix mélancoliques,
L'âme attendrie en ses rêves se perd,
Et, s'égarant de penser en penser,
Comme les flots de murmure en murmure,
Elle se mêle à toute la nature :
Avec les vents, dans le fond des déserts,
Elle gémit le long des bois sauvages,
Sur l'Océan vole avec les orages,
Gronde en la foudre, et tonne dans les mers.

Mais quand le jour sur les vagues tremblantes
S'en va mourir ; quand, souriant encor,
Le vieux soleil glace de pourpre et d'or
Le vert changeant des mers étincelantes,
Dans des lointains fuyants et veloutés,
En enfonçant ma pensée et ma vue,
J'aime à créer des mondes enchantés
Baignés des eaux d'une mer inconnue.
L'ardent désir, des obstacles vainqueur,
Trouve, embellit des rives bocagères,
Des lieux de paix, des îles de bonheur,
Où, transporté par les douces chimères,
Je m'abandonne aux songes de mon coeur.


François-René de CHATEAUBRIAND   (1768-1848)

nordiq




MA TERRE !

Journée de la terre disent-ils !
Ils veulent faire de moi, une terre stérile
Ils s'acharnent sur mes racines,
Leurs engins fouillent mes entrailles
Pour en extirper le meilleur de moi,
Ne savent-ils pas qu'il n'y a rien qui vaille ?
Davantage que la vie que je leur donne
L'air qu'ils respirent,
L'eau dont ils s'abreuvent, joyau à l'état pur
Le feu pour se réchauffer et se nourrir.
Ils détournent mes rivières
Ils élèvent de nouvelles frontières,
Ils assèchent mes mers.
Regardez ce qu'ils ont fait !
Ils massacrent les peuples des forêts
Ceux qui me protégeaient de leur vanité
Ils rejettent des tonnes de déchets
Dans mes océans, mes mers, mes ruisseaux
Ils me font ingurgiter des tonnes de pesticides
Qui me donnent la nausée et me délite,
Ils abreuvent mes sols du sang
De milliers d'innocents.
Leurs bombes, leur nucléaire me secouent
Tant et tant, jusqu'au coup de sang
Mes colères se transforment en tsunami
Je vomis toute cette douleur et je les maudis
Je pleure des larmes de feu,
Mon corps n'est plus que cendres et magma.
Ils veulent, ils osent encore me fêter
Alors que partout, ils ne savent plus me respecter
Ils ne savent plus seulement se contenter
De ce que je leur ai donné.
Regardez, ils massacrent dans les océans
Ces peuples de la mer, ces géants,
Simplement par appât du gain ou fantaisie
Les premiers maillons de la chaîne
Ceux, sans lesquels, il n'y aurait aucune vie humaine
Rappelez-vous que les planctons dont je les nourris
Vous permettent de respirer, de vivre
Sans eux ! Les mers, les océans, la terre, pas de vie !
Ils assèchent mes marécages,
Ils détruisent mes iles paradisiaques
Pour en faire des retraites de milliardaires
Sur les villages de pêcheurs,
Ils ont érigé et construit le malheur.
Ils déversent leur trop plein d'ordures et de plutonium
Dans des contrées qui ne sont pas les leurs
Ils exportent, sans concertation, leurs produits de morts
Ils font de moi, la grande coupable, tout est ma faute
Moi la Terre, je suis responsable de cette couche d'ozone
Que vos gaz et votre civilisation rejette
Vous créez sans jamais penser aux conséquences
Vous avez enfoui dans mon corps,
Des milliers de tonnes de déchets
Aucune inquiétude dites-vous,
mais qu'en savez-vous ?
Et si demain ma colère était telle que je renvoie
Cette « potion » que vous m'avez obligée à avaler
Depuis des années, je vous vois discuter, tergiverser
Et au final, toujours des questions sans réponse
Vos enfants, vont-ils devoir payer vos erreurs ?
Toujours cette attente qui n'en finit pas !
Et mon cœur de terre se crispe, j'ai si mal !

Et vous voulez me fêter !
Je suis la Terre, votre Mère
Et pourtant, de vous je n'ai aucun respect !

FATIMA ZOHRA
30 mars 2014
Droits d'auteurs

  

nordiq

C'EST QUOI L'AMOUR ?

C'est quoi l'amour ?
Sont-ce ces promesses
ces pour toujours
que l'on se fait un jour de liesse.
Est-ce le jeu de l'amour et du hasard
une partie de colin Maillard
ne plus croiser nos regards.
C'est quoi l'amour ?
Est-ce une histoire qui commence bien
comme dans un conte de fées
et qui finit en pâture aux chiens.
N'est-ce qu'un feu de paille
juste pour faire ripaille
et qui meurt dans la grisaille.

C'est quoi l'amour ?
est-ce vivre jour après jour,
sont-ce ses soupirs, ces sourires
tombés dans le puits des souvenirs.
N'est-ce pas savoir pardonner
mais aussi donner, partager
et ne jamais regretter.
C'est quoi l'amour ?
est-ce le regard d'un enfant
celui d'un être confiant
qui donne sans retour.
N'est-ce pas tendre la main
à celui qui meurt de faim
Simplement être humain.

C'est quoi l'amour ?
Est-ce invoquer le divin sacré
pour nos âmes consacrées
en quête d'éternité.
Est-ce juste une idée philosophique
une question de physique
sans recette magique.
C'est quoi l'amour ?
Est-ce cette fuite en avant
cette recherche du temps
cette lutte contre les ans.
n'est-ce pas toi, moi ?
n'est-ce pas nous, vous ?
qu'importe, après tout !

FATIMA ZOHRA
(9 Novembre 2012)



  

bbchaton

La Rose

Durant cette saison belle
Du renouveau gracieux,
Lorsque tout se renouvelle
Plein d'amour delicieux,
Ny par la peinte prérie,
Ny sus la haye fleurie,
Ny dans le plus beau jardin,
Je ne voy fleur si exquise
Que plus qu'elle je ne prise
La rose au parfum divin.

Mais la blanche ne m'agrée,
Blême de morte paleur,
Ny la rouge colorée
D'une sanglante couleur :
L'une de blémeur malade
Et l'autre de senteur fade,
Ne plet au nés ny à l'oeil.
Toutes les autres surpasse
Celle qui vive compasse
De ces deux un teint vermeil.

La rose incarnate est celle
Où je pren plus de plaisir :
Mais combien qu'elle soit telle
Si la veu-je bien choisir.
Car l'une prise en une heure,
Et l'autre en l'autre est meilleure
Au chois de nostre raison.
Toute chose naist, define,
Tantôt croist et puis decline
Selon sa propre saison.

Je ne forceray la rose
Qui cache, dans le giron
D'un bouton etroit enclose,
La beauté de son fleuron.
Quelque impatient la cueille
Devant que la fleur vermeille
Montre son tresor ouvert ;
Mon desir ne me transporte
Si fort que celle j'emporte
Qui ne sent rien que le verd




    Jean-Antoine de BAÏF   (1532-1589)

bbchaton

Le soir au bord de la mer

Les bois épais, les sirtes mornes, nues,
Mêlent leurs bords dans les ombres chenues.
En scintillant dans le zénith d'azur,
On voit percer l'étoile solitaire :
A l'occident, séparé de la terre,
L'écueil blanchit sous un horizon pur,
Tandis qu'au nord, sur les mers cristallines,
Flotte la nue en vapeurs purpurines.
D'un carmin vif les monts sont dessinés ;
Du vent du soir se meurt la voix plaintive ;
Et mollement l'un à l'autre enchaînés,
Les flots calmés expirent sur la rive.
Tout est grandeur, pompe, mystère, amour :
Et la nature, aux derniers feux du jour,
Avec ses monts, ses forêts magnifiques,
Son plan sublime et son ordre éternel,
S'élève ainsi qu'un temple solennel,
Resplendissant de ses beautés antiques.
Le sanctuaire où le Dieu s'introduit
Semble voilé par une sainte nuit ;
Mais dans les airs la coupole hardie,
Des arts divins, gracieuse harmonie,
Offre un contour peint des fraîches couleurs
De l'arc-en-ciel, de l'aurore et des fleurs.


François-René de CHATEAUBRIAND   (1768-1848)

Lon_Chaney


La p'tite Bill, elle est malade.
Elle a besoin d'une promenade
Avec un qui serait son amoureux,
Une heure ou deux.
La P'tite Bill, y a le temps qui presse.
Elle a besoin d'une caresse,
Des doigts gentils, des doigts doux,
Dessus dessous.

{Refrain:}
Bill, ma Bill, t'es comme tout le monde :
Quand ça coule de tes yeux, ça tombe
Mais c'est pas des confettis,
Cette pluie.

Elle a trop lu de littérature,
La plume cœur, les égratignures,
Les p'tits revolvers en dentelles,
Les coups d'ombrelle.
Elle les a attendus, sans rire,
Les rubans bleus, les soupirs,
Que des trucs qui existent pas
Qu'au cinéma.

{Refrain}

La p'tite Billn elle fait la gueule.
Elle dit qu'elle est tout le temps toute seule
Mais tout le monde vit séparé
Du monde entier.
Elle a beau faire du jardinage
Dans son vingt-quatrième étage,
Géraniums et bégonias,
Ça lui réussit pas.

{Refrain x2}

C'est une vieille maladie poisseuse,
Un sacré manque d'amour qui creuse.
Dans nos villes dans nos campagnes,
Ça gagne.

Alain Souchon
!!

bbchaton

Le grenier

Je viens revoir l'asile où ma jeunesse
De la misère a subi les leçons.
J'avais vingt-ans, une folle maîtresse,
De francs amis et l'amour des chansons.
Bravant le monde et les sots et les sages,
Sans avenir, riche de mon printemps,
Leste et joyeux je montais six étages.
Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !

C'est un grenier, point ne veux qu'on l'ignore.
Là fut mon lit bien chétif et bien dur ;
Là fut ma table ; et je retrouve encore
Trois pieds d'un vers charbonnés sur le mur.
Apparaissez, plaisirs de mon bel âge,
Que d'un coup d'aile a fustigés le Temps.
Vingt fois pour vous j'ai mis ma montre en gage.
Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !

Lisette ici doit surtout apparaître,
Vive, jolie, avec un frais chapeau
Déjà sa main à l'étroite fenêtre
Suspend son schall en guise de rideau.
Sa robe aussi va parer ma couchette ;
Respecte, Amour, ses plis longs et flottants.
J'ai su depuis qui payait sa toilette.
Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !

À table un jour, jour de grande richesse,
De mes amis les voix brillaient en choeur,
Quand jusqu'ici monte un cri d'allégresse.
À Marengo Bonaparte est vainqueur !
Le canon gronde ; un autre chant commence ;
Nous célébrons tant de faits éclatants.
Les rois jamais n'envahiront la France.
Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !

Quittons ce toit où ma raison s'enivre.
Oh ! qu'ils sont loin ces jours si regrettés !
J'échangerais ce qu'il me reste à vivre
Contre un des mois qu'ici Dieu m'a comptés.
Pour rêver gloire, amour, plaisir, folie,
Pour dépenser sa vie en peu d'instants,
D'un long espoir pour la voir embellie,
Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !


Pierre-Jean de BÉRANGER   (1780-1857)

bellparole


À mon ami Alfred T.

Dans mes jours de malheur, Alfred, seul entre mille,
Tu m'es resté fidèle où tant d'autres m'ont fui.
Le bonheur m'a prêté plus d'un lien fragile ;
Mais c'est l'adversité qui m'a fait un ami.

C'est ainsi que les fleurs sur les coteaux fertiles
Etalent au soleil leur vulgaire trésor ;
Mais c'est au sein des nuits, sous des rochers stériles,
Que fouille le mineur qui cherche un rayon d'or.

C'est ainsi que les mers calmes et sans orages
Peuvent d'un flot d'azur bercer le voyageur ;
Mais c'est le vent du nord, c'est le vent des naufrages
Qui jette sur la rive une perle au pêcheur.

Maintenant Dieu me garde ! Où vais-je ? Eh ! que m'importe ?
Quels que soient mes destins, je dis comme Byron :
"L'Océan peut gronder, il faudra qu'il me porte."
Si mon coursier s'abat, j'y mettrai l'éperon.

Mais du moins j'aurai pu, frère, quoi qu'il m'arrive,
De mon cachet de deuil sceller notre amitié,
Et, que demain je meure ou que demain je vive,
Pendant que mon coeur bat, t'en donner la moitié.



Alfred de Musset.
Ce qui rend les amitiés indissolubles et double leur charme est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude.

(Honoré de Balzac)

bellparole


A celle qui est voilée

Tu me parles du fond d'un rêve
Comme une âme parle aux vivants.
Comme l'écume de la grève,
Ta robe flotte dans les vents.

Je suis l'algue des flots sans nombre,
Le captif du destin vainqueur ;
Je suis celui que toute l'ombre
Couvre sans éteindre son coeur.

Mon esprit ressemble à cette île,
Et mon sort à cet océan ;
Et je suis l'habitant tranquille
De la foudre et de l'ouragan.

Je suis le proscrit qui se voile,
Qui songe, et chante, loin du bruit,
Avec la chouette et l'étoile,
La sombre chanson de la nuit.

Toi, n'es-tu pas, comme moi-même,
Flambeau dans ce monde âpre et vil,
Ame, c'est-à-dire problème,
Et femme, c'est-à-dire exil ?

Sors du nuage, ombre charmante.
O fantôme, laisse-toi voir !
Sois un phare dans ma tourmente,
Sois un regard dans mon ciel noir !

Cherche-moi parmi les mouettes !
Dresse un rayon sur mon récif,
Et, dans mes profondeurs muettes,
La blancheur de l'ange pensif !

Sois l'aile qui passe et se mêle
Aux grandes vagues en courroux.
Oh, viens ! tu dois être bien belle,
Car ton chant lointain est bien doux ;

Car la nuit engendre l'aurore ;
C'est peut-être une loi des cieux
Que mon noir destin fasse éclore
Ton sourire mystérieux !

Dans ce ténébreux monde où j'erre,
Nous devons nous apercevoir,
Toi, toute faite de lumière,
Moi, tout composé de devoir !

Tu me dis de loin que tu m'aimes,
Et que, la nuit, à l'horizon,
Tu viens voir sur les grèves blêmes
Le spectre blanc de ma maison.

Là, méditant sous le grand dôme,
Près du flot sans trêve agité,
Surprise de trouver l'atome
Ressemblant à l'immensité,

Tu compares, sans me connaître,
L'onde à l'homme, l'ombre au banni,
Ma lampe étoilant ma fenêtre
A l'astre étoilant l'infini !

Parfois, comme au fond d'une tombe,
Je te sens sur mon front fatal,
Bouche de l'Inconnu d'où tombe
Le pur baiser de l'Idéal.

A ton souffle, vers Dieu poussées,
Je sens en moi, douce frayeur,
Frissonner toutes mes pensées,
Feuilles de l'arbre intérieur.

Mais tu ne veux pas qu'on te voie ;
Tu viens et tu fuis tour à tour ;
Tu ne veux pas te nommer joie,
Ayant dit : Je m'appelle amour.

Oh ! fais un pas de plus ! Viens, entre,
Si nul devoir ne le défend ;
Viens voir mon âme dans son antre,
L'esprit lion, le coeur enfant ;

Viens voir le désert où j'habite
Seul sous mon plafond effrayant ;
Sois l'ange chez le cénobite,
Sois la clarté chez le voyant.

Change en perles dans mes décombres
Toutes mes gouttes de sueur !
Viens poser sur mes oeuvres sombres
Ton doigt d'où sort une lueur !

Du bord des sinistres ravines
Du rêve et de la vision,
J'entrevois les choses divines... -
Complète l'apparition !

Viens voir le songeur qui s'enflamme
A mesure qu'il se détruit,
Et, de jour en jour, dans son âme
A plus de mort et moins de nuit !

Viens ! viens dans ma brume hagarde,
Où naît la foi, d'où l'esprit sort,
Où confusément je regarde
Les formes obscures du sort.

Tout s'éclaire aux lueurs funèbres ;
Dieu, pour le penseur attristé,
Ouvre toujours dans les ténèbres
De brusques gouffres de clarté.

Avant d'être sur cette terre,
Je sens que jadis j'ai plané ;
J'étais l'archange solitaire,
Et mon malheur, c'est d'être né.

Sur mon âme, qui fut colombe,
Viens, toi qui des cieux as le sceau.
Quelquefois une plume tombe
Sur le cadavre d'un oiseau.

Oui, mon malheur irréparable,
C'est de pendre aux deux éléments,
C'est d'avoir en moi, misérable,
De la fange et des firmaments !

Hélas ! hélas ! c'est d'être un homme ;
C'est de songer que j'étais beau,
D'ignorer comment je me nomme,
D'être un ciel et d'être un tombeau !

C'est d'être un forçat qui promène
Son vil labeur sous le ciel bleu ;
C'est de porter la hotte humaine
Où j'avais vos ailes, mon Dieu !

C'est de traîner de la matière ;
C'est d'être plein, moi, fils du jour,
De la terre du cimetière,
Même quand je m'écrie : Amour !

Victor HUGO   (1802-1885)


Ce qui rend les amitiés indissolubles et double leur charme est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude.

(Honoré de Balzac)

bellparole


L'enfant.

Quand l'enfant nous regarde, on sent Dieu nous sonder ;
Quand il pleure, j'entends le tonnerre gronder,
Car penser c'est entendre, et le visionnaire
Est souvent averti par un vague tonnerre.
Quand ce petit être, humble et pliant les genoux,
Attache doucement sa prunelle sur nous,
Je ne sais pas pourquoi je tremble ; quand cette âme,
Qui n'est pas homme encore et n'est pas encore femme,
En qui rien ne s'admire et rien ne se repent,
Sans sexe, sans passé derrière elle rampant,
Verse, à travers les cils de sa rose paupière,
Sa clarté, dans laquelle on sent de la prière,
Sur nous les combattants, les vaincus, les vainqueurs ;
Quand cet arrivant semble interroger nos coeurs,
Quand cet ignorant, plein d'un jour que rien n'efface,
A l'air de regarder notre science en face,
Et jette, dans cette ombre où passe Adam banni,
On ne sait quel rayon de rêve et d'infini,
Ses blonds cheveux lui font au front une auréole.
Comme on sent qu'il était hier l'esprit qui vole !
Comme on sent manquer l'aile à ce petit pied blanc !
Oh ! comme c'est débile et frêle et chancelant
Comme on devine, aux cris de cette bouche, un songe
De paradis qui jusqu'en enfer se prolonge
Et que le doux enfant ne veut pas voir finir !
L'homme, ayant un passé, craint pour cet avenir.
Que la vie apparaît fatale ! Comme on pense
A tant de peine avec si peu de récompense !
Oh ! comme on s'attendrit sur ce nouveau venu !
Lui cependant, qu'est-il, ô vivants ? l'inconnu.
Qu'a-t-il en lui ? l'énigme. Et que porte-t-il ? l'âme.
Il vit à peine ; il est si chétif qu'il réclame
Du brin d'herbe ondoyant aux vents un point d'appui.
Parfois, lorsqu'il se tait, on le croit presque enfui,
Car on a peur que tout ici-bas ne le blesse.
Lui, que fait-il ? Il rit. Fait d'ombre et de faiblesse
Et de tout ce qui tremble, il ne craint rien. Il est
Parmi nous le seul être encore vierge et complet ;
L'ange devient enfant lorsqu'il se rapetisse.
Si toute pureté contient toute justice,
On ne rencontre plus l'enfant sans quelque effroi ;
On sent qu'on est devant un plus juste que soi ;
C'est l'atome, le nain souriant, le pygmée ;
Et, quand il passe, honneur, gloire, éclat, renommée,
Méditent ; on se dit tout bas : Si je priais ?
On rêve ; et les plus grands sont les plus inquiets ;
Sa haute exception dans notre obscure sphère,
C'est que, n'ayant rien fait, lui seul n'a pu mal faire ;
Le monde est un mystère inondé de clarté,
L'enfant est sous l'énigme adorable abrité ;
Toutes les vérités couronnent condensées
Ce doux front qui n'a pas encore de pensées ;
On comprend que l'enfant, ange de nos douleurs,
Si petit ici-bas, doit être grand ailleurs.
Il se traîne, il trébuche ; il n'a dans l'attitude,
Dans la voix, dans le geste aucune certitude ;
Un souffle à qui la fleur résiste fait ployer
Cet être à qui fait peur le grillon du foyer ;
L'oeil hésite pendant que la lèvre bégaie ;
Dans ce naïf regard que l'ignorance égaie,
L'étonnement avec la grâce se confond,
Et l'immense lueur étoilée est au fond.

On dirait, tant l'enfance a le reflet du temple,
Que la lumière, chose étrange, nous contemple ;
Toute la profondeur du ciel est dans cet oeil.
Dans cette pureté sans trouble et sans orgueil
Se révèle on ne sait quelle auguste présence ;
Et la vertu ne craint qu'un juge : l'innocence.

Juin 1874.



Victor Hugo.
Ce qui rend les amitiés indissolubles et double leur charme est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude.

(Honoré de Balzac)

bellparole


Les deux amitiés.

Il est deux Amitiés comme il est deux Amours.
L'une ressemble à l'imprudence ;
Faite pour l'âge heureux dont elle a l'ignorance,
C'est une enfant qui rit toujours.
Bruyante, naïve, légère,
Elle éclate en transports joyeux.
Aux préjugés du monde indocile, étrangère,
Elle confond les rangs et folâtre avec eux.
L'instinct du cœur est sa science,
Et son guide est la confiance.
L'enfance ne sait point haïr ;
Elle ignore qu'on peut trahir.
Si l'ennui dans ses yeux (on l'éprouve à tout âge)
Fait rouler quelques pleurs,
L'Amitié les arrête, et couvre ce nuage
D'un nuage de fleurs.
On la voit s'élancer près de l'enfant qu'elle aime,
Caresser la douleur sans la comprendre encor,
Lui jeter des bouquets moins riants qu'elle-même,
L'obliger à la fuite et reprendre l'essor.

C'est elle, ô ma première amie !
Dont la chaîne s'étend pour nous unir toujours.
Elle embellit par toi l'aurore de ma vie,
Elle en doit embellir encor les derniers jours.
Oh ! que son empire est aimable !
Qu'il répand un charme ineffable
Sur la jeunesse et l'avenir,
Ce doux reflet du souvenir !
Ce rêve pur de notre enfance
En a prolongé l'innocence ;
L'Amour, le temps, l'absence, le malheur,
Semblent le respecter dans le fond de mon cœur.
Il traverse avec nous la saison des orages,
Comme un rayon du ciel qui nous guide et nous luit :
C'est, ma chère, un jour sans nuages
Qui prépare une douce nuit.

L'autre Amitié, plus grave, plus austère,
Se donne avec lenteur, choisit avec mystère ;
Elle observe en silence et craint de s'avancer ;
Elle écarte les fleurs, de peur de s'y blesser.
Choisissant la raison pour conseil et pour guide,
Elle voit par ses yeux et marche sur ses pas :
Son abord est craintif, son regard est timide ;
Elle attend, et ne prévient pas.



Marceline Desbordes-Valmore.
Ce qui rend les amitiés indissolubles et double leur charme est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude.

(Honoré de Balzac)

love_sissi

LA SÉPARATION

Il est fini, ce long supplice :
Je t'ai rendu tes serments et ta foi ;
Je n'ai plus rien à toi.
Quel douloureux effort ! quel entier sacrifice !
Mais, en brisant les plus aimables nœuds,
Nos cœurs toujours unis semblent toujours s'entendre ;
On ne saura jamais lequel fut le plus tendre,
Ou le plus malheureux.

À t'oublier c'est l'honneur qui m'engage,
Tu t'y soumets, je n'ai plus d'autre loi ;
Ô toi qui m'as donné l'exemple du courage,
Aimais-tu moins que moi ?
Va, je te plains autant que je t'adore ;
Je t'ai permis de trahir nos amours ;
Mais moi, pour t'adorer je serai libre encore ;
Je veux l'être toujours.

Je l'ai promis, je vivrai pour ta gloire.
Cher objet de mon souvenir,
Sois le charme de ma mémoire,
Et l'espoir de mon avenir.
Si jamais, dans ma solitude,
Ton nom, pour toujours adoré,
Vient frapper mon cœur déchiré,
Qu'il adoucisse au moins ma tendre inquiétude !
Que l'on me dise : Il est heureux.
Oui, sois heureux, ou du moins plus paisible,
Malgré l'Amour, et le sort inflexible
Qui m'enlève à tes vœux.

Adieu... mon âme se déchire !
Ce mot que, dans mes pleurs, je n'ai pu prononcer,
Adieu ! ma bouche encor n'oserait te le dire,
Et ma main vient de le tracer.

Marceline Desbordes-Valmore

love_sissi

Il n'y a pas d'amour heureux


Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
À quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux

Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux.

Louis Aragon.

love_sissi

Les caresses des yeux


Les caresses des yeux sont les plus adorables ;
Elles apportent l'âme aux limites de l'être,
Et livrent des secrets autrement ineffables,
Dans lesquels seul le fond du coeur peut apparaître.

Les baisers les plus purs sont grossiers auprès d'elles ;
Leur langage est plus fort que toutes les paroles ;
Rien n'exprime que lui les choses immortelles
Qui passent par instants dans nos êtres frivoles.

Lorsque l'âge a vieilli la bouche et le sourire
Dont le pli lentement s'est comblé de tristesses,
Elles gardent encor leur limpide tendresse ;

Faites pour consoler, enivrer et séduire,
Elles ont les douceurs, les ardeurs et les charmes !
Et quelle autre caresse a traversé des larmes ?

Auguste Angellier.